Amour

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Eros
Cupidon et Psyché, les enfants. (Détail) William-Adolpho Bouguereau.
1880. Collection privée.

Grand Robert de la langue française : Avoir un sentiment d’adoration, d’attachement pour un être (physique ou moral) Affection (souvent considérée comme naturelle) entre les membres d’une même famille.

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF.: L’amour (Eros) est la plus puissante, et la plus caractéristique des émotions humaines par sa capacité à donner, de façon souvent assez soudaine, un sens à la vie, à infléchir, orienter et parfois façonner les perceptions, les pensées et même les actes…On décrit souvent l’amour comme la plus irrationnelle des émotions.

Trésor de la Langue Française : Attirance, affective ou physique qui, en raison d’une certaine affinité un être éprouve pour un autre être, auquel il est uni ou qu’il cherche à s’unir par un lien généralement étroit.

Larousse en ligne : L’amour est source d’émotions multiples, quelles que soient  les nuances dont il se teinte. Ce qui explique sans doute qu’il soit si souvent  symbolisé par un cœur, organe dont le rythme s’emballe au gré des émois.

Dictionnaire universel de Furetière (1690) :Passion de l’âme qui nous fait aimer quelque personne, ou quelque chose. L’amour divin est le seul qui nous doit enflammer…

Se dit principalement de cette violente passion que la nature inspire aux jeunes gens de divers sexe pour se joindre, afin de perpétuer l’espèce. On dit qu’un jeune homme fait l’amour à une fille, quand il la recherche en mariage. On le dit aussi odieusement, quand il tache de la subordonner. Il s’est marié par amour, c’est-à-dire, désavantageusement, & par l’emportement d’une aveugle passion. On dit que la femme fait l’amour, quand  elle se laisse aller à quelque galanterie illicite….

Dictionnaire historique de la langue française. Le Robert ; (Alain Rey) : ….. Si les mots latins amaré et amor sont issus du balbutiement m de maman, le vocabulaire des sentiments assimilables à « l’amour » dans plusieurs langues indo européennes se révèle ) partir de « lub- hyali » dont la racine est présente dans les langues germaniques ( pour les idiomes allemands liebe, l’anglais love) et slave le (le russe ljoubit), et aussi le latin lubet, puis libet, « il plait », « il fait plaisir » qui oriente la notion à la fois vers le plaisir et le désir…..

Synonymes : Adoration. Affection. Attachement. Culte. Cupidon. Idolâtrie. Inclination.  Eros.

Contraires : Animosité. Antipathie. Détester. Exécration. Haïr. Aversion. Indifférence. Rancune. Raffoler. Ressentiment.

Par analogie : Adorer. Altruisme. Amant, amante. Amour courtois. Amour filial. Amour fraternel. Amour libre. Amour platonique. Amour sacré de la patrie. Amourette. Amoureux/ se. Amour conjugal, filial, parental. Aphrodite (Vénus). Aventure. Conquête. Béguin. Déclaration d’amour. Emotion. Epouse. Éros. Faire l’amour. Fidélité. Flamme. Flirt. Intimité. Liaison. Libido. Maitresse. Moitié. Mythes. Partenaire. Passion. Plaisir d’Aphrodite. Prince charmant. Pulsion. Relation. Romantisme. Roucouler. S’amouracher. S’enticher. Sentiment. S’éprendre. Sexualité. Site de rencontre. Soupirer. Storgé. Tendance. Transport.

Expressions : Accorder ses faveurs. Aimer à la folie. Cote d’amour. Coup de foudre. Faire la cour. Faire l’amour. Fiare les yeux doux. Conter fleurette. Feux de l’amour. Filer le parfait amour. Heureux au jeu, malheureux en amour. L’amour est aveugle. le plaisir d’Aphrodite. Enamorarse, o, to fall in love/ Tomber amoureux.

Le mot amour va traduire trois termes grecs différents : L’Eros qui est l’amour conçu comme désir ardent d’être unie à une personne déterminée La philia, désigne une relation empreinte de réciprocité et d’estime mutuelle, aussi traduit comme sentiment d’amitié. L’agapé, qu’on pourrait traduire (pour faire court) par altruisme.

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Dans les symboles de l’amour nous trouvons ces petits angelots qu’on nomme « Amours »

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Amour, amour, quand tu nous tiens

On peut bien dire, « adieu prudence » !

La Fontaine.

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 « Le sentiment amoureux peut être considéré comme une ruse de la nature destinée à nous inciter à nous reproduire. » (Schopenhauer)

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«  Ceux qui se sont aimés pendant toute leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre, ne sont peut-être pas si fous qu’on pense […..]Peut-être n’ont-elles (leurs cendres) perdu tout sentiment, toute mémoire  de leur premier état ? Peut-être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissaient à leur manière au fond de l’urne froide qui les renferme [.….] S’il y avait dans nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réserver de composer un être commun, si je devais dans la suite des siècle, refaire un tout avec vous, si les molécules de votre amant dissous, venaient à s’agiter, à se mouvoir, et à chercher les vôtres éparses dans la nature ?

Laissez-moi cette chimère, elle m’est douce ; elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous »  (Diderot. Lettre à Sophie Volland)

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« Who ever liv’d, that lov’d at first sight » « Qui n’a jamais aimé, qui n’a aimé au premier regard » (Shakespeare)

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« ….des neuroscientifiques ont pu montrer  comment les cerveaux de deux personnes liées par une conversation adoptent des configurations neuronales très semblables et  entrent en résonnance Ils ont constaté que le simple fait d’écouter attentivement les paroles de quelqu’un d’autre et de lui parler déclenche l’activation des mêmes aires cérébrales d’une façon remarquablement synchrone »  (Plaidoyer pour l’altruisme. Matthieu Ricard. 2013)

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« Julien- A quoi bon dire qu’on s’aime Chloé- Oh ça ! ce sont juste des petits cadeaux pour se réchauffer le cœur. – Pour que tu te souviennes, si tu est triste, fatigué, ou perdu, ma main ne sera jamais très loin de la tienne »  (Réplique, Théâtre. Plus vraie que nature »)

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Pour Husserl l’amour crée de la transcendance dans l’immanence, c’est pour lui une dimension sacrée. Comme une foi indestructible, l’amour vous transcende et peu amener à vous engager dans des actions audacieuses.  (Luis)

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« Ce n’est pas la valeur de l’objet aimé qui justifie l’amour, c’est l’amour qui donne à l’objet aimé sa valeur. Le désir est premier, l’amour est premier » (André Comte-Sponville. L’Amour la solitude)

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« Amour dont la mythologie a inondé le monde, comme si le symbole de l’Amour, au lieu d’être l’enlacement d’une belle jeune fille et d’un beau jeune homme, était l’aspect dodu d’un cochon de lait avec des ailes » (Philosophie mondaine. Xavier Aubryet. 1876)

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« Il y a d’abord l’échange des regards, puis la certitude que ces deux être acquièrent, au travers de ces regards, du fait que leurs propres réactions sont perçues et éprouvées par l’autre. Le désir ressenti  se nourrit de la perception du désir de l’autre… » (Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF)

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« On aime quelqu’un pour ce qu’il n’est pas, on le quitte pour ce qu’il est » (Gainsbourg)

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Cléopâtre  – « Si c’est de l’amour, dis-moi combien il est grand ? Antoine : – L’amour qui se mesure est un pauvre amour ». (Antoine et Cléopâtre. Shakespeare. Acte premier, scène première)

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 « Aimer, c’est avoir besoin » (Helvétius)

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« Ceux qui ne savent pas faire l’amour, font la guerre »  (Réplique dans le film, Syngué sabour. Atiq Rahimi.Folio)

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«  …il semble que la nature entière n’ait d’autre but que de jeter les êtres dans les bras l’un de l’autre et de leur faire goûter, entre deux néants infinis, l’ivresse éphémère du baiser » (Anatole France. La vie littéraire, 1ère série. Article: Georges Sand et l’idéalisme dans l’art. Cercle du bibliophile. 1970)

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Science et amour et métempsychose: «  Ce en quoi je crois, c’est que nous sommes liés depuis toujours, et je sais pourquoi : au moment du Big Bang tous les atomes de l’univers se sont télescopés pour former un point qui a produit l’explosion géante. Je pense que  mes atomes et tes atomes se sont retrouvés ensemble à plusieurs reprises ces dernières treize milliards sept cents millions d’années. Aussi mes atomes connaissent parfaitement les tiens, mes atomes aiment les tiens depuis l’éternité »  (Réplique du film : I.Origins. Film 2014) Cette notion d’atome est déjà exposée par Diderot

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« Les êtres qui ont un ego trop gros ne tombent pas amoureux parce qu’ils ne supportent pas de ne pas choisir. Ils s‘éprennent d’une personne qu’il ont sélectionnée ; ce n’est pas de l‘amour »  Amélie Nothomb. Soif. 2019)

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«  Ainsi nous apparaît-il qu’aimer est, dans son essence, le projet de se faire aimer. D’où cette contradiction et ce nouveau conflit : chacun des amants est entièrement captif de l’autre en tant qu’il veut se faire aimer de lui à l’exclusion de tout autre, sans se rendre compte qu’aimer c’est vouloir être aimé…… Chacun veut que l’autre l’aime » (J.P. Sartre. L’être et le néant. P, 415.P, 416 Gallimard 1943)

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« L’amour est une histoire, il faut un corps pour la raconter »  (Amélie Nothomb. Soif. 2019)

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Toi et moi

Et puis comme au fond de soi-même

On s’aime beaucoup,

Si quelqu’un vous aime, on aime

Par conformité du goût.

On se rend grâce, on s’invite

A partager ses moindre maux.

On prend l’habitude, vite,

D’échanger de petits mots.

Quand on a longtemps dit les mêmes,

On les redit sans y penser.

Et alors, mon Dieu, l’on aime,

Parce qu’on a commencé.

(Paul Géraldy)

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« Un serment prononcé dans l’alcôve nuptial peut s’envoler avec le vent de la passion. Deux mains qui se sont rencontrées sur un berceau ne peuvent plus se trahir. Cette fusion des cœurs et des corps que rêve l’Amour, l’enfant le réalise. Qu’est-il ? L’harmonie vivante de deux êtres » (Philosophie mondaine. Xavier Aubryet. Editeur E. Dentu. P, 32.Librairie de la société des gens de lettres. 1876)

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Dans le film « Adaptation » on voit un papillon pollénisant et fécondant une orchidée et l’actrice Meryl Streep commentant cette image dit : « ni la fleur ni l’insecte ne sauront jamais pourquoi ils font l’amour ».  (Réplique dans le film: Adaptation de Spike Jonze)

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 «  Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour »  (La Rochefoucault. Maxime 136). On peut penser que celui qui écrit cette formule, sur un ton aussi catégorique, n’a jamais connu ce sentiment d’amour dans toute sa force, ce sentiment qui vous dépasse, vous submerge malgré vous. La Rochefoucault est passé à côté, tant pis pour lui ! On peut penser qu’il y a des personnes qui sont tellement barricadés dans leur ego que les flèches de l’amour ricochent sur la carapace.  (Luis)

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« Nos unimos a otro, pero es para partirnos (1) ; ese más íntimo abrazo no es sino  un más íntimo desgarramiento. En su fondo el deleite amoroso sexual, el espasmo genésico, es una sensación de resurrección, de rescucitar en otro, porque sólo en otros podemos rescucitar par perpetuarnos »                                             Traduction : (Nous nous unissons à autrui, mais c’est pour nous reproduire; cette étreinte, la plus intime entre toutes n’est rien sinon qu’un déchirement intime. Finalement ce plaisir amoureux sexuel, ce spasme génésique est une sensation de résurrection, de ressusciter en l’autre, car seulement  dans les autres nous pouvons ressusciter pour nous perpétuer). (Del tragico sentimiento de la vida. Miguel de Unamuno)  

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« Freud l’a dit, l’amour c’est l’alibi bidon pour couvrir nos pulsions sexuelles. Alors ! c’est de là que vient l’expression «  la libido »  (Extrait de « La philosophie racontée à ma chouette » Yves Cusset)

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Lettre de Lucie Duplessis à son futur mari Camille Desmoulins « Je n’ose m’avouer à moi-même ce que je sens pour toi ;

je ne m’occupe qu’à te déguiser.

Tu souffres, dis-tu ? Oh ! je souffre davantage ;

ton image est sans cesse présente à ma pensée ;

elle ne me quitte jamais,

je te cherche des défauts,

je les trouve et je les aime… »

(Cité dans: Vieilles maisons, vieux papiers. Page 21/22. Tome 1. G. Lenotre. Perrin, 1947)

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«  Les histoires d’amour ont un ennemi, le temps » (Réplique. Film Western : « Les professionnels »)

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« La mujer se rinde al amante porque le siente sufrir con el deseo. Julieta a Romeo, Francesca a Paulo, le dice : ven pobrecito, y no sufras tanto por me causa » (La femme se rend à l’amant parce qu’elle le sent souffrir de ce désir. Juliette à Roméo. Francesca à Paulo : -viens pauvre petit, et ne souffre pas tant à cause de moi » (Del tragico sentimiento de la vida. Miguel de Unamuno)

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« Pour aimer, il n’est pas besoin d’attendre longtemps, de réfléchir, de faire un choix, il suffit que, dès les premier et l’unique coup d’œil, il se rencontre une certaine conformité, une certaine contenance naturelle, ou ce que, dans la vie courante nous avons coutume de nommer une sympathie de sang, qu’excite surtout en nous une influence spéciale des astres » (Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation. Tome III)

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« L’amour nous esclave à autrui » (Montaigne)

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‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même », nous l’Évangile selon St Mathieu, c’était là manquer de clairvoyance, il eut mieux valu  « Tu t’aimeras comme tu aimes ton prochain »

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Roméo et Juliette

Ô mon unique amour, né de ma seule haine !

Inconnu vu trop tôt, ou reconnut trop tard !

Dois-je naître à l’amour par ce si grand prodige,

Qu’il faille que je m’offre à mon ennemi.

………

Car Roméo aime à nouveau, il est aimé.

Ces deux regards se sont ensorcelés l’un l’autre.

Mais lui croit ennemie la dame qu’il implore ;

Elle, à un âpre fer vole l’appât de l’amour.

………

Mais l’amour les soutient, le temps est leur complice,

Ils modèrent leurs maux d’immodérées délices.

Willam. . Shakespeare.

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«  Oh ! Est-ce possible ! je suis amoureux ! Moi qui ai été le fouet de l’amour, le bourreau des soupirs passionnés…..moi le pédant impérieux qui réprimandais avec plus d’arrogance qu’aucun mortel cet enfant à bandeau, ce pleurnicheur, ce myope, ce pervers, ce jeune vieillard, ce géant nain, « Don Cupidon » ! régent des rimes amoureuses…, souverain sacré des soupirs, des gémissements..,  prince redoutable des jupons, roi des braguettes..Ô mon pauvre cœur, je porte ses couleurs comme le cerceau d’un saltimbanque ! Quoi ! Moi amoureux ! Je fais ma cour ! je cherche une épouse ! Une femme qui pareille à une horloge allemande serait toujours en réparation, toujours dérangée, n’irai jamais bien, quelque soin qu’on en prenne ! je me parjure, et ce qui est le pire de tout, parmi_ trois femmes j’aime la pire de toutes ! une frivole et blanche créature aux sourcils de velours, ayant à la place d’yeux deux boules noires.. , et je soupire pour elle ! je prie pour elle ! C’est un énorme tourment que m’impose Cupidon pour avoir reconnu la puissance redoutable de sa petite puissance. Soit. J’aimerai, j’écrirai, je soupirerai, je prierai, je ferai ma cour et je pousserai des gémissements. Il y a des hommes pour aimer une Madame et d’autres pour aimer un Jeanneton ». (Peines d’amour perdues. Acte III, scène 1. Shakespeare)

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Chant 1

« Dis-moi où naît l’amour,

Dans les yeux, ou, dans la tête ?

Comment s’engendre t-il, comment se nourrit-il ?

Réponse II

Il est engendré dans les yeux,

Il se nourrit de regards… »

« Extrait du « Marchand de Venise. Acte III, Scène II)

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«  L’amour, n’en parlez pas à qui l’ignore » (La Traviata)

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L’Amour et la folie. (Livre XII, fable XIV))

La folie et l’amour jouaient un jour ensemble,

……..

Une dispute survint :

La folie donna un coup si furieux,

que l’amour en perdit la clarté des cieux

………

Le dommage devait être réparé.

Quand on eu bien considéré,

L’intérêt du public, celui de la patrie,

Le résultat enfin de la suprême cour :

Fut de condamner la folie

A servir de guide à l’amour.

La Fontaine.

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«  L’amour ne regarde pas avec les yeux, mais avec l’imagination ; c’est pourquoi on représente Cupidon avec des ailes et un bandeau. L’imagination de l’amour et sans jugement et sans goût ; des ailes et pas d’yeux, voilà le symbole de son étourderie. On dit qu’il est un enfant parce qu’il se trompe souvent dans son choix » (Shakespeare. Le songe d’une nuit d’été. Acte I, scène II)

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Les deux coqs (Amour et querelle) (Livre VII, fable XII)

Deux coqs vivaient en paix : une poule survint,

Et voilà la guerre allumée.

Amour tu perdis Troie, et c’est de toi que vint

Cette querelle envenimée.

« Aimer c’est jouir du bonheur de l’autre »

(La Fontaine)

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Le chœur, Tragédie d’Euripide, Hippolyte.

(Œuvre, Phèdre chez Racine)

« Éros, Éros, tu verses goutte à goutte

le désir dans les yeux, les délices dans l’âme

sur qui va fondre ton attaque.

Ne vient jamais vers moi

avec la faute pour compagne.

Garde toujours juste mesure.

Car ni le feu, ni les étoiles

n’ont un trait si brûlant que celui d’Aphrodite

quand il est décoché

par Éros fils de Zeus…

…………………..

….Éros le tyran des hommes

porte-clefs de l’alcôve amoureuse

où règne Aphrodite

Éros le ravageur qui n’apporte aux mortels

que des calamités

où qu’il veuille paraître »

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« Amor definido deja de serlo » nous le proverbe espagnol. (Amour défini, cesse d’être de l’amour)  Ceci est imagé dans la légende de Lohengrin, dont Wagner fit un opéra. Elsa veut connaître à tout prix le nom du prince de ses rêves qui s’est fait être vivant pour elle, à condition qu’elle ne lui demande jamais d’où il vient, ni qui il est. Victime d’un sort la curiosité lui fait poser la question, elle perd son amour. Nous retrouvons ce thème dans diverses œuvres, dont Psyché et l’Amour.  (Luis)

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 « C’est peut-être cela aimer…Croire pour les autres, les entraîner ; souffler sur leurs pas, déblayer le chemin, les prendre par la main, parfois même malgré eux.

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Aimer même mal, même trop.

Aimer, il le faut

Se tromper en aimant  et encore aimer, être vivant !

Se relever de chaque amour comme s’il était le premier,

tout en sachant que c’est peut-être le dernier.

Ne jamais renoncer… 

(Pierrette Dupoyet. Théâtre. Don Quijotte, de midi à minuit)

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 « …de l’accouplement, qu’il est le frottement d’un boyau, et l’éjaculation un certain spasme d’un peu de morve ».  (Marc Aurèle. Pensées pour moi-même. § 13)

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Erôs, joueur irrésistible, Erôs,

Qui ne respecte rien, ni l’opulence,

Ni la candeur des jeunes filles, dont les joues

S’empourprent de ton feu dans leur sommeil,

Toi qui hantes les flots, les champs et les tanières,

Aucun immortel ne t’évite,

Aucun des hommes périssables,

et qui t’abrite en son cœur,

c’en est fait de sa raison !

L’esprit du juste même,

Pour le perdre tu le séduis à l’injustice

 (Antigone. Sophocle. Garnier/Flammarion, 1964)

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Ô printemps ! Quand on songe à toutes ses missives

Qui des amants rêveurs vont aux belles pensives.

……………

Aux messages damour, d’ivresse et de délire

Qu’on reçoit en avril, et qu’en mai l’on déchire.

…………………..

Les petits morceaux blancs, chassés en tourbillon,

de tous les billets doux, devenus papillons.

(Victor Hugo)

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« Que no faltaba otra cosa sino buscar una dama de quien enamorarse ; porque un caballera andante sin amores es un arbol sin hojas y sin fruto, y cuerpo sin alma »

« Il ne manquait plus autre chose que de chercher une dame de qui s’amouracher ; parce qu’un chevalier errant sans amours est un arbre sans feuille et sans fruit, un corps sans âme » (Cervantès. Don Quijotte)

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« …….
Le monde entier était devant eux, pour y choisir

Le lieu de leur repos, est la Providence était leur guide.

Main en main, à pas incertains et lents,

Ils prirent à travers l’Eden leur chemin solitaire »

             Paradis perdu. (Traduction du poème de ) Milton. Livre XII. V. 646- 650)

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« La connaissance du visage d’un homme est pour la femme qui l’aime, celle de la pleine mer pour un marin » (Balzac)

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« On ne remerciera jamais assez l’Eglise d’avoir fait de l’amour un péché ». (Alphonse  Daudet)

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« Le seul poème d’amour, c’est « je t’aime », tout le reste ce n’est que du remplissage » (Jacques Brel)

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« Comment vivre sans une enfance, sans l’amour de ses parents, comment se guérir de cette incommensurable blessure de l’Être ?»

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Quand ceux qui croient à lamour sont ceux qui y croient le moins, cela nous donnent des œuvres , romans ou films, film comme par exemple Mademoiselle d’Argilière, qui ne croit pas à la constance de l’amour d’un homme, jusqu’au jour où après une cour assidue elle s’amourache. Elle connaît alors le grand amour. Mais lorsque plus tard l’élu de son cœur lui dit aimer ailleurs, elle initiera une vengeance terrible. Elle a tant cru à l’amour qu’elle fera payer cher celui qui l’a désillusionnée.

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« Aimer. On peut aller au ciel et en revenir en bonne santé » (Réplique, film. L’homme bicentenaire)

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.L’amour est en effet ce qu’on a peine à dire ;

C’est une passion, que la nature inspire.

Un appétit secret, dans le cœur répandu,

Qui meut la volonté de chaque individu

A se perpétuer et rendre son espèce.

……………

L’amour ne vous déplaise, est un je ne sais quoi

Qui vous prend, je ne sais où, ni pourquoi,

Qui va je sais où, qui faut naître en notre âme,

Je ne sais quelle ardeur que l’on sent pour la femme.

Et ce je ne sais quoi, qui paraît si charmant,

Sort enfin de nos cœurs, et je sais comment.

L’amour n’est pas je crois facile à pratiquer,

Puisqu’on a tant de peine à pouvoir l’expliquer.

Mon esprit est borné, je ne peux point apprendre,

Les choses qui me font tant de peine à comprendre.

……………

En exerçant l’amour, vous le comprendrez mieux !

Les Ménechmes.

Pièce de Joseph Alfred Regnard,

Jouée en 1705

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Pour un regard d’elle, je donnerai la terre !

Pour un sourire d’elle, je donnerai le ciel !

                     Mais pour un baiser, que donnerais-je pour un baiser ?

(Antonio Machado)

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« Une jeune fille ou un garçon convaincus d’amours clandestines sont sévèrement punis et tout mariage leur est dorénavant interdit… » (Thomas More. L’Utopie)

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« Tant qu’il y a un peu de raison dans l’amour, il y a un peu de raison dans la folie » (Nietzsche) 

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Sonnets pour Hélène.

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,

assise auprès du feu, devisant et filant;

direz, chantant mes vers, et vous émerveillant,

Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.

Je serai sous la terre, un fantôme sans os,

et là, parmi les ombres, je prendrai mon repos.

Vous serez au foyer une vieille accroupie,

regrettant mon amour et votre fier destin.

Vivez si m’en croyez, n’attendez à demain,

cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

(Pierre de Ronsard)

      Aménagement du dernier paragraphe !

S’il est encore temps mignonnes et mignons

Quand sur vos fronts brillent encore fleurons

En votre vigoureuse et joyeuse santé

Passez, passez- vous vos envies

Même et surtout si c’est le démon de midi !

Cueillez si vous pouvez  les roses de la vie !

Une autre variante de Geneviève Doriat

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« L’amour c’est la main droite, la haine c’est la main gauche [….] c’est l’image de la vie » dit le faux prêcheur, Robert Mitchum dans le film  « La nuit du chasseur ». 1955.

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« C’est un des traits des Lumières, que de déplacer du plan spirituel au plan matériel, le commandement chrétien de l’amour du prochain »  (Le roseau pensant. Thierry Wanegffelen)

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« Quand j’aime, je suis l’otage de l’autre. Je fais l’expérience d’une aliénation heureuse. Et, l’hétérosexualité, c’est, pour l’homme, la rencontre d’une manière de sentir et de jouir très différente de la sienne. La vie érotique est la découverte de la dissymétrie. Nous sommes semblables, sauf dans l’amour ».  (Extrait d’un article d’entretien. Philosophie magazine n° 73. 0ctobre 2013)

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« La destinée, avec sa patience mystérieuse et fatale, rapprochait lentement ces deux êtres tout chargés des orageuses électricités de la passion, ces deux âmes qui portaient l’amour comme deux nuages portent la foudre, et qui devaient s’aborder et se mêler dans un regard, comme les nuages dans un éclair. On a tant abusé du regard dans les romans d’amour, qu’on a fini par le déconsidérer. C’est à peine si l’on ose dire maintenant que deux êtres se sont aimés parce qu’ils se sont regardés. C’est pourtant comme cela que l’on s’aime. Le reste, n’est que le reste, et ne vient qu’après. Rien n’est plus réel que ses grandes secousses que se donnent deux âmes en échangeant cette prodigieuse étincelle. Le jour où leurs yeux se rencontrèrent et se dirent enfin ces premières choses obscures et ineffables que le regard balbutie, ils ne comprirent, ni l’un, ni l’autre, cet émoi, cette sensation inconnue qui s’emparait d’eux ». (Victor Hugo.  Les Misérables. (Cosette et Marius)

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Amour (Sacrifice) Admète avait obtenu d’Apollon que le jour où il allait mourir, qu’il puisse rester sur cette terre, continuer à vivre à condition de trouver un mortel qui prenne sa place. Alors qu’il est encore jeune, le jour de ses noces soudain il sent la mort venir. Il demande à ses vieux parents si l’un d’eux veut bien prendre sa place, mais bien que très âgés, ils veulent vivre encore, chez ses plus proches amis et serviteurs nul ne se propose, même ceux qui sont condamnés, mourants, ne veulent abréger leurs jours. Lorsqu’il va rejoindre sa jeune épouse Alceste dans la chambre nuptiale, celle-ci a pris du poisson et a donné sa vie pour son époux.  Héraclès qui était invité à cette noce, ira la rechercher aux enfers. Alceste. Tragédie d’Euripide) 

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« Les poètes n’ont pas eu raison de nous dépeindre l’amour comme un aveugle. Il faut lui ôter son bandeau  et lui rendre désormais la puissance des ses yeux »   (Pascal. Ecrits sur la grâce)

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Les mots du  silence.

Un, puis deux petits sifflements dans le silence !

Elle. Lui ; ont reçu sans s‘en rendre bien compte,

En plein cœur la flèche d’Eros.

Leurs regards se rencontrent, sans pouvoir dire mot.

Ils découvrent tout ce qu’ils voudraient se dire.

Et seuls les yeux vont dire, avouer crier dans le silence

les ineffables sentiments qui envahissent, et les déborde.

Ils ne parlent pas et pourtant, que ne se disent-ils pas ?

Jamais ils ne se diront plus qu’en cet instant

Dans cet instant,  où le silence,

fit un écrin à cet amour naissant.

« Un soir t’en souviens t-il nous voguions en silence… »

(Luis)

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La pérennité de l’amour reste un sujet de débat, l’amour le grand amour, ne peut-il être que fugace, n’avoir cette intensité que dans une période, qu’il ne peut résister à l’usure du quotidien. Dans le film : «  Sur la route de Madison »  Francesca (Meryl Streep) laisse partir l’homme dont elle est follement amoureuse. Elle pense que la vie quotidienne tuera ce bel amour, qu’il ne résistera pas à la vie qui coule. Elle a peur comme le dit Nougaro dans une chanson « Que le vilain mari tue le prince charmant » (Une petite fille en pleurs). Son amour dans son souvenir garde toute sa force, jamais il ne deviendra quelque chose de banal. Les rêves non réalisés peuvent être les plus beaux. (Luis)

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« Amour est un étrange maître

Heureux qui peut ne le connaître,

Que par récit, lui, ni par  les coups,

Quand on en parle devant vous »

Le Lion amoureux

Jean de La Fontaine

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« Dans un roman publié en 2016, The course of love, l’écrivain et philosophe suisse Alain de Botton propose ce constat déroutant : notre vision de l’amour est très largement dictée par les représentations que nous en donne l’art, et notamment la littérature et le cinéma. De Madame Bovary à Quatre mariages et un enterrement, de la poésie de Keats à Lost of translation…»  (La chute de l’empire humain. Mémoires d’un robot. Charles-Edouard Bouée)

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«  Commençons par distinguer le moral et le physique dans le sentiment de l’amour. Le physique est ce désir général qui porte un sexe à s’unir à l’autre ; le moral est ce qui détermine ce désir et le fixe sur un seul objet exclusivement, ou qui du moins lui donne pour cet objet préféré un plus grand degré d’énergie. Il est facile de voir que le moral de l’amour est un sentiment factice ; né de l’usage de la société, et célébré par les femmes avec beaucoup d’habilité et de soin pour établir leur empire, et rendre dominant le sexe qui devrait obéir »  (Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes. Jean-jacques Rousseau)

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« Il y a tant de sortes d’amour que l’on ne sait à qui s’adresser pour le définir. On nomme hardiment amour un caprice  de quelques jours, une liaison sans attachement, un sentiment sans estime, des simagrées de sigisbée, une froide habitude, un fantasme romanesque, un goût suivi d’un prompt dégoût : on donne ce nom à mille chimères ».
(Voltaire. Questions sur l’Encyclopédie)

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Encyclopédie universelle de Diderot et d’Alembert Article : Amour : Il entre ordinairement beaucoup de sympathie dans l’amour, c’est-à-dire une inclination dont les sens forment le nœud ; mais quoiqu’ils en forment le nœud, ils n’en sont pas toujours l’intérêt principal : il n’est pas impossible qu’il y ait un amour exempt grossièreté. Les mêmes passions sont bien différentes dans les hommes. Le même objet peut leur plaire par des endroits opposés. Je suppose que plusieurs hommes s’attachent à la même femme : les uns l’aime pour son esprit, les autres pour sa vertu, les autres pour ses défauts ; & Il se peut faire encore que tous l’aime pour des choses qu’elle n’a pas , comme quand on aime une femme légère que l’on croit solide ; N’importe, on s’attache à l’idée qu’on se plaît à s’en figurer ; ce n’est même que cette idée que l’on aime, ce n’est pas la femme légère. Ainsi l’objet des passions n’est pas ce qui les dégrade ou ce qui les anoblit, mais la manière dont on envisage cet objet. Or, j’ai dit qu’il étoit possible que l’on cherchât dans l’amour quelque chose de plus pur que l’intérêt des sens. Voici ce qui me fait le croire. Je vois tous les jours dans le monde qu’un homme environné de femmes, auxquelles il n’a jamais parlé, comme à la Messe, au sermon, ne se décide pas toujours pour celle qui est la plus jolie, & qui même lui paroît telle ; quelle est la raison de cela ? C’est que chaque beauté exprime un caractere tout particulier, & celui qui entre le plus dans le nôtre, nous le préférons. C’est donc le caractere qui nous détermine ; ce n’est pas l’ame que nous cherchons : on ne peut me nier cela ; Donc tout ce qui s’offre à nos sens ne nous plaît que comme une image de ce qui se cache à leur vûe ; donc nous n’aimons les qualités sensibles, que comme les organes de notre plaisir, & avec subordination aux qualités insensibles dont elles sont l’expression : donc il est au moins vrai que l’ame est ce qui nous touche le plus. Or ce n’est pas aux sens que l’âme est agréable, mais à l’esprit ; ainsi l’intérêt de l’esprit devient l’intérêt principal, & si celui des sens lui étoit opposé, nous le lui sacrifierions. On a donc qu’à nous persuader qu’il est vraiment opposé, qu’il est une tache pour l’ame ; voilà l’amour pur. Cet amour est cependant véritable, & on ne peut le confondre-avec l’amitié, car dans l’amitié, c’est l’esprit qui est l’organe du sentiment : ici ce sont les sens. Et comme les idées qui viennent par les sens, sont infiniment plus puissantes que les vûes de la réflexion, ce qu’elles inspirent est passion. . L’amitié ne va pas si loin ; c’est pourtant ce que je ne voudrois pas décider ; cela n’appartient qu’à ceux qui ont blanchi sur ces importantes questions. Il n’y a pas d’amour sans estime, la raison en est claire. L’amour étant une complaisance dans l’objet aimé, & les hommes ne pouvant se défendre de trouver un prix aux choses qui leur plaisent, leur cœur en grossit le mérite … (Art. Christian Ludwig Gottliebe)

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«  Notre histoire a commencé par quelques mots d’amour, c’est fou ce qu’on s’aimait » (C’est ma vie. Adamo)

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Débat « L’amour, quel amour ? ( 09 12 2015)                                  Introduction : Après l’horreur du 13 novembre, l’amour dont je parlerai en premier, est l’amour de mon prochain, cet amour du genre humain que l’on nomme aussi  philanthropie,  c’est l’amour qui nous manque le plus. Ce fut,  une fois de plus dans l’histoire, l’amour d’un dieu qui se substitue à l’amour des hommes, et qui se transforme en haine de l’autre. Je préfère et je retiens cette belle définition d’Edgar Morin « L’amour est notre seule vraie religion ». Après ce nécessaire rappel, et tout à la fois hommage aux victime, nous allons, car il reste toujours l’amour de la vie, évoquer tous ces aspects de l’amour: ce que nous aimons – qui nous aimons –  comment nous aimons. Au cœur du sujet, et c’est bien du cœur dont il s’agit, l’amour Eros est incontournable, le dictionnaire d’éthique et de philosophie  morale, des Presse Universitaires de France, donne une définition intéressante : « L’amour (Eros) est la plus puissante, et la plus caractéristique des émotions humaines par sa capacité à donner, de façon souvent assez soudaine, un sens à la vie, à infléchir, orienter et parfois façonner les perceptions, les pensées et même les actes… On décrit souvent l’amour comme la plus irrationnelle des émotions. » Et c’est parce qu’il est source des plus grandes, des plus puissantes, et des plus belles émotions qu’il est symbolisé par le cœur, ce cœur qui s’emballe, qu’on ne contrôle plus quand on tombe en amour (pour le dire comme nos amis anglais). Et c’est bien parce que c’est une émotion, émotion qui (pour le dire comme Spinoza) toujours précède les sentiments, qu’il échappe à notre contrôle, qu’il échappe à la raison comme à la morale, qu’il est du domaine de la psychologie des sentiments, c’est pour tout cela qu’il n’en finira pas de nous passionner. Pour le philosophe Husserl l’amour crée de la transcendance dans l’immanence, c’est pour lui une dimension sacrée ; « Sans ce penchant pour une personne / l’Être aimé. / Sans les ailes que ça vous donne, / d’être aimé. / ….On reste au ras des pâquerettes ».  (Alain Souchon) L’aspect irrationnel de ce « grand ressort de l’existence », cette exaltation  nous fait parfois sortir de nous, peut nous mettre « hors sol », et alors nous expérimentons des moments sublimés, irremplaçables. Et que cet amour ne soit pas éternel, qu’importe, il aura été vrai, il aura été pur à l’instant où il fut ainsi ressenti.  Que de romans, sur le thème de l’amour, que d’épopées, de poésies, que de chansons, que de films, de tragédies, ont colonisé notre conscience : d’Héloïse et Abélard à Phèdre, et même jusqu’à Pretty woman, se construit en nous cet édifice précieux, virtuel,  du sentiment d’amour. Le débat philosophique fait appel à la raison, et là nous traitons d’un sujet de déraison, alors l’amour serait-il les vacances de la raison, « Quand vous êtes amoureux » écrit l’auteure Katherine Pancol, dans « Les yeux jaunes des crocodiles, « vous avez 90% du cerveau qui ne fonctionne plus » Je n’aborde là qu’un aspect de l’amour,  l’amour passion,  l’inclination sexuelle, l’amour romantique, alors qu’il est bien sûr d’autres formes d’amour. Par exemple, le dictionnaire Lalande donne aussi comme définition : «  Nom commun à toutes les tendances attractives.., tel l’amour des parents, des enfants, et toutes inclinations individuelles… », J’ajouterai que si on passe du substantif « amour » au verbe aimer, la polysémie du verbe ouvre des champs divers. Et enfin, pour ne pas déflorer le sujet, je vous laisse le soin également d’évoquer, et, cet aspect de l’amour, et toutes les formes d’amour. Et maintenant, –  parlez-nous d’amour ! (Luis)

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(Philo débat) Alors l’amour nous grandit, nous rend plus forts, pouvons-nous entendre, mais l’amour aussi peut nous rendre faibles. Une longue tradition de philosophes, au nom de la sagesse nous met en garde contre ce sentiment qu’est l’amour, car alors qu’il nous rend faible, il nous met en dépendance. Pour Montaigne l’amour : «… nous esclave à autrui ». Le sage se déprend de l’amour ? Reprenant la théorie du stoïcien Sénèque, Pascal nous dit  dans « Les Pensées »: « C’est malhonnêtetéd’accepter l’amour de l’autre, car je sais que je suis mortel, et que, acceptant cet amour, je suis responsable du chagrin qu’il pourra avoir après ma mort »,

Cela va pratiquement jusqu’au déni de l’amour avec le tristounet Schopenhauer, lequel nous dit, dans « Le monde comme volonté et comme représentation » (je cite) : « Le sentiment amoureux peut être considéré comme une ruse de la nature destinée à nous inciter à nous reproduire »,  ce sentiment d’amour est pour lui : «  Le soupir de l’espèce ». Est-il besoin de rappeler que ce même Schopenhauer qui n’avait pas, non plus l’amour du genre humain, a fait de son chien, son héritier.

On peut penser qu’il y a des personnes qui sont tellement barricadées dans leur ego que les flèches de l’amour ricochent sur la carapace.

   Ce sont les poètes, les écrivains, les artistes, eux seuls qui ont su nous en parler, l’évoquer avec toute la puissance des sentiments. Il semble qu’il faille renoncer pour nos philosophes de vouloir définir l’amour avec la raison. Je dirais, d’abord vivre, d’abord aimer, ensuite philosopher. Allez ! Messieurs les philosophes, sur ce sujet, passez votre chemin !  Et je reviens sur cet aspect du débat quant aux possibles explications de nos sentiments, dont l’amour par la science. La science se rattache par bien des aspects au matérialisme philosophique, lequel nous dit « le comment », alors que je classerais l’amour dans le domaine de l’idéalisme qui cherche à dire « le pourquoi ». Espérons que jamais aucun des ces derniers ne répondra aux deux questions.  (Luis)

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« L’amour ne regarde qu’une saison de l’existence. Limité dans le temps, il demeure un sentiment dangereux et ambivalent, et c’est la raison des précautions dont on s’entoure. Au moment de la rencontre amoureuse, le risque est maximal : cet instant fixe le destin, si l’amour se fourvoie, l’égarement est irrémédiable » (Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. Puf. Article de Monique Canto-Sperber)

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« La misanthropie est la conséquence d’un amour de l’homme…»   Nietzsche. Le gai savoir)  

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 Certains d’entre-vous connaissent sûrement « la carte du tendre », un représentation géographique où il y avait les lieux symbolisants l’amour, tel : la sexualité, l’extase, le fol amour, le béguin, etc. Et récemment, un professeur de philo, Francis Wolff dans un cours à l’École normale supérieure, va conceptualiser cette carte du tendre sous la forme d’un simple triangle, dont les trois angles sont : la passion – le désir – l’amitié. Dans ce triangle que certains d’entre-vous ont sous les yeux, y sont positionnés arbitrairement les divers éléments, et sentiments liés à cette notion d’amour. L’amour est la fusion instable de ces trois bornes, et là chacun de vous, pourra repositionner ces éléments en fonction de son sentiment à ce sujet. Ceci nous dit que quelque part dans ce triangle se trouve l’amour, sont point central.

Et au début du cours, le professeur dit : « Je vais vous définir l’amour. Vous ne me croyez pas ? Vous avez raison ! Il n’ y a pas de concept d’amour, pas de règles, pas d’éthique » Il n’y a pas de prototype de l’amour, pas de références correspondant aux conditions nécessaires et suffisantes d’un concept. Quand l’amour amitié est dualiste. Je conçois l’autre pour un esprit et un corps. Quand l’amour passion est moniste, nos identités sont absorbées en un seul.Quand l’amour est si fort qu’il forme un couple fusionnel, « le « nous » tue le moi, en aimant passionnément on s’absente de soi » et il conclut : « La philo tente de conceptualiser l’amour. L’amour ne peut être conceptualisé, toutes les histoires sont possibles, et là, la philo n’a plus rien à dire »  (Francis Wolff)

Amitié Désir
Modélisation à partir du cours de Francis Wolf à l’ENS rue d’Ulm le 30 mai 2016; Thème :  » Peut-on définir l’amour? »

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Il était laid, les traits austères,

la main plus rude que le gant.

Mais l’amour a bien des mystères,

et la nonne aima le brigand.

On y

On voit des biches qui remplacent

leurs beaux cerfs par des sangliers.

(Victor Hugo. La légende de la none)

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 « Carmen est maigre, un trait de bistre

cerne son œil, gitana.

Ses cheveux sont d’un noir sinistre,

sa peau le diable la tanna.

………

Les femmes disent qu’elle est laide,

mais tous les hommes en sont fous,

Et l’archevêque de Tolède

lui chante la messe à genoux »

(Théophile Gauthier. Carmen)

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Il n’y a pas d’amour heureux
Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force 
Ni sa faiblesse, ni son coeur. Et quand il croit 
Ouvrir ses bras, son ombre est celle d’une croix 
Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie 
Sa vie est un étrange et douloureux divorce

Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie, elle ressemble à ces soldats sans armes 
Qu’on avait habillés pour un autre destin 
A quoi peut leur servir de se lever matin 
Eux qui ‘on retrouve au soir désoeuvrés incertains 
Dites ces mots  » Ma vie  » et retenez vos larmes

Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure 
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé 
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés 
Et qui, pour tes grands yeux, tout aussitôt moururent

Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard 
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson 
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson 
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson 
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare

Il n’y a pas d’amour heureux

Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur 
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri 
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri 
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie 
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs

Il n’y a pas d’amour heureux 
Mais c’est notre amour à tous deux
.

Louis Aragon.

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L’amour et la mortI
Regardez-les passer, ces couples éphémères !
Dans les bras l’un de l’autre enlacés un moment,
Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières,
Font le même serment :

Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent
Avec étonnement entendent prononcer,
Et qu’osent répéter des lèvres qui pâlissent
Et qui vont se glacer.

Vous qui vivez si peu, pourquoi cette promesse
Qu’un élan d’espérance arrache à votre coeur,
Vain défi qu’au néant vous jetez, dans l’ivresse
D’un instant de bonheur ?

Amants, autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : « Aime et meurs ici-bas ! « 
La mort est implacable et le ciel insensible ;
Vous n’échapperez pas.

Eh bien ! Puisqu’il le faut, sans trouble et sans murmure,
Forts de ce même amour dont vous vous enivrez
Et perdus dans le sein de l’immense Nature,
Aimez donc, et mourez !

II
Non, non, tout n’est pas dit, vers la beauté fragile
Quand un charme invincible emporte le désir,
Sous le feu d’un baiser quand notre pauvre argile
A frémi de plaisir.


Dans le ravissement d’une éternelle étreinte
Ils passent entraînés, ces couples amoureux,
Et ne s’arrêtent pas pour jeter avec crainte
Un regard autour d’eux.

Ils demeurent sereins quand tout s’écroule et tombe ;
Leur espoir est leur joie et leur appui divin ;
Ils ne trébuchent point lorsque contre une tombe
Leur pied heurte en chemin.

Toi-même, quand tes bois abritent leur délire,
Quand tu couvres de fleurs et d’ombre leurs sentiers,
Nature, toi leur mère, aurais-tu ce sourire
S’ils mouraient tout entiers ?

Sous le voile léger de la beauté mortelle
Trouver l’âme qu’on cherche et qui pour nous éclôt,
Le temps de l’entrevoir, de s’écrier :  » C’est Elle ! « 
Et la perdre aussitôt,

Et la perdre à jamais ! Cette seule pensée
Change en spectre à nos yeux l’image de l’amour.
Quoi ! Ces voeux infinis, cette ardeur insensée
Pour un être d’un jour !


Et toi, serais-tu donc à ce point sans entrailles,
Grand Dieu qui dois d’en haut tout entendre et tout voir,
Que tant d’adieux navrants et tant de funérailles
Ne puissent t’émouvoir,

Qu’à cette tombe obscure où tu nous fais descendre
Tu dises :  » Garde-les, leurs cris sont superflus.
Amèrement en vain l’on pleure sur leur cendre ;
Tu ne les rendras plus ! « 

Mais non ! Dieu qu’on dit bon, tu permets qu’on espère ;
Unir pour séparer, ce n’est point ton dessein.
Tout ce qui s’est aimé, fût-ce un jour, sur la terre,
Va s’aimer dans ton sein.

III
Eternité de l’homme, illusion ! Chimère !
Mensonge de l’amour et de l’orgueil humain !
Il n’a point eu d’hier, ce fantôme éphémère,
Il lui faut un demain !

Pour cet éclair de vie et pour cette étincelle
Qui brûle une minute en vos coeurs étonnés,
Vous oubliez soudain la fange maternelle
Et vos destins bornés.

Vous échapperiez donc, ô rêveurs téméraires
Seuls au Pouvoir fatal qui détruit en créant ?
Quittez un tel espoir ; tous les limons sont frères
En face du néant.

……
Vous croyez que l’amour dont l’âpre feu vous presse
A réservé pour vous sa flamme et ses rayons ;
La fleur que vous brisez soupire avec ivresse :
« Nous aussi nous aimons ! »

….

 Elle n’a qu’un désir, la marâtre immortelle,
C’est d’enfanter toujours, sans fin, sans trêve, encor.
Mère avide, elle a pris l’éternité pour elle,
Et vous laisse la mort.

Toute sa prévoyance est pour ce qui va naître ;
Le reste est confondu dans un suprême oubli.
Vous, vous avez aimé, vous pouvez disparaître :
Son voeu s’est accompli.

Quand un souffle d’amour traverse vos poitrines,
Sur des flots de bonheur vous tenant suspendus,
Aux pieds de la Beauté lorsque des mains divines
Vous jettent éperdus ;

Quand, pressant sur ce coeur qui va bientôt s’éteindre
Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas,
Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre
L’Infini dans vos bras ;

Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure
Déchaînés dans vos flancs comme d’ardents essaims,
Ces transports, c’est déjà l’Humanité future
Qui s’agite en vos seins.

Elle se dissoudra, cette argile légère
Qu’ont émue un instant la joie et la douleur ;
Les vents vont disperser cette noble poussière
Qui fut jadis un coeur.

Mais d’autres coeurs naîtront qui renoueront la trame
De vos espoirs brisés, de vos amours éteints,
Perpétuant vos pleurs, vos rêves, votre flamme,
Dans les âges lointains.

Tous les êtres, formant une chaîne éternelle,
Se passent, en courant, le flambeau de l’amour.
Chacun rapidement prend la torche immortelle
Et la rend à son tour.

Aveuglés par l’éclat de sa lumière errante,
Vous jurez, dans la nuit où le sort vous plongea,
De la tenir toujours : à votre main mourante
Elle échappe déjà.

Du moins vous aurez vu luire un éclair sublime ;
Il aura sillonné votre vie un moment ;
En tombant vous pourrez emporter dans l’abîme
Votre éblouissement.
…….. ;

(Louise Ackermann. 1813. 1890)

*

Amour, divin rôdeur

Amour divin rôdeur, glissantentre les âmes,

Sans te voir de mes yeux, je reconnais tes flammes,

inquiets des lueurs qui brûlent dans les airs,

Tousles regards errants sont pleins de tes éclaires…

C’estlui! sauve qui peut! Voici venir les larmes

ce n’est pas tout d’aimer, l’amour porte des armes,

C’est le roi, c’est le maître, et, pour le désarmer

Il faut plaire à l’Amour, ce n’est pas tout d’aimer

(Marceline-Desbordes Valmore 1786.1850)

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Qu’en avez-vous fait ?

Vous aviez mon cœur,

Bonheur pour bonheur !

Moi, j’avais le vôtre : un cœur pour un cœur,

Le vôtre s’est rendu ;

Je n’en ai plus d’autre

Le vôtre est rendu

Le mien est perdu.

La feuille et la fleur

Et le fruit lui-même,

La feuille et la fleur,

L’encens, la couleur :

Qu’en avez-vous fait,

Mon maître suprême ?

Qu’en avez-vous fait,

De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant,

Que rien ne défend :

Vous me laissez là,

Dans ma vie amère ;

Vous me laissez là,

Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu’un jour,

L’homme est seul au monde ?

Savez-vous qu’un jour,

Il revoit l’amour ?

Vous appellerez,

Sans qu’on vous réponde,

Vous appellerez,

Et vous songerez !…

Vous viendrez rêvant,

Sonner à ma porte ;

Ami comme avant,

Vous viendrez rêvant.

Et l’on vous dira :

« Personne… elle est morte. »

On vous le dira :

Mais, qui vous plaindra !

Marceline-Desbordes Valmore (1786-18509)

.*

Tu dépasses les herbes

de quelques hauteurs de soleil.

Je te sens à peine bien que je sois sur toi

Comme sur la pointe la plus aiguë d’une montagne.

Tu es entière contre chacune de mes mains,

tu es entière sous mes paupières,

tu es entière de mes pieds à ma tête,

tu es seule entre le monde et moi.

     (Lucien Becker)

*

D’aimer à ne plus aimer

Il y a une grand chemin

Et tout le monde le parcours

Sans savoir ni comment ni quand.

(Manuel Machado)

*

En ta personne

Ce que j’aime

C’est : te tenir dans mes bras

Me voir dans tes yeux

Et de manger de baisers

(Manuel Machado)

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Complainte amoureuse.

Oui dès l’instant que je vous vis.

Beauté féroce, vous me plûtes.

De l’amour qu’en vos yeux je pris,

Sur le champ vous vous aperçûtes.

Ah ! Fallait-il que vous me plussiez,

Qu’ingénument je vous le dise,

Qu’avec orgueil vous vous tussiez !

Fallait-il que je vous aimasse

Que vous me désespérassiez,

Et qu’enfin je m’opiniâtrasse,

Et je vous idolâtrasse,

Pour que vous m’assassinassiez !

(Alphonse Allais)

*

« Il me semble que de toute éternité, la raison fut faite pour être foulée aux pieds par l’amour. Il me semble qu’on aime mal quand on connaît quelque devoir »  (Diderot. Lettre à Sophie) Diderot dans sa relation avec Sophie Volland, relation plus épistolaire que physique, donne le sentiment de créer une sorte d’idéal de l’amour, amour pur car non consommé, proche de l’amour courtois, qui semble parfois inspiré de l’amour D’Héloïse et Abélard, thème également exploité en ce temps part Rousseau, thème qui est ce désir de sublimer « l’amour de l’amour », non sans faire penser à l’ambiguïté de l’amour, d’une dame, chez Proust 

*

   Les mythes, eux, font sentir la nature de l’amour et notamment le mythe grec ancien que Platon qui rapporte dans « Le Banquet »: l’amour est fils de Pénia, la déesse de la pauvreté, il est toujours en manque, il est désir. Et aussi il est fils de Poros, le dieu de l’ingéniosité, il sait multiplier les expédients pour obtenir satisfaction. Il sait séduire. D’autre part l’être originel était androgyne, à la fois homme et femme. Divisé, il cherche l’amour car il veut retrouver sa moitié perdue. Les mythes racontent l’irrationnel. L’irrationalité de ce sentiment semble expliquer que jusqu’au 20ème siècle, en occident, les philosophes n’ont pas considéré que c’était là un objet de conceptualisation. Ils y ont fait référence certes, mais par ellipses ou en marge de leurs systèmes de pensée. A partir du 19 ème  siècle  psychologues, sociologues, éthologues étudient longuement les différentes figures de l’amour, leurs causes et leur finalité et les philosophes du 20 ème siècle s’appuient sur ces recherches scientifiques pour s’interroger sur l’essence de l’amour Selon les langues plusieurs termes désignent l’amour. Dans la langue française il n’y qu’un seul mot avec le verbe aimer. En anglais deux mots « like » et « love », en grec quatre mots : éros, le désir sexuel ou la pulsion de vie – philia, l’amour-amitié, –  Agapé, l’amour charitable –  storgé, l’amour affection familiale. Mais quelle que soit la langue, « ce sont d’abord les mots qui font l’amour » selon la formule d’André Breton.  Dans toutes les langues il y a cette déclaration universelle «  Je t’aime », trois mots qui ouvrent un autre monde possible. Les linguistes, et notamment Claude Hagège,  dans « Le dictionnaire amoureux des langues » rapprochent le « Je t’aime » des énoncés performatifs (je te promets, je t’ordonne) qui visent moins à dire qu’à faire quelque chose. « Quand dire c’est faire » c’est le titre du livre du philosophe anglais Austin, lequel montre que certains énoncés désignent les actes qu’ils énoncent. L’amour exige d’être nommé pour exister et, éventuellement croître. « Je t’aime, c’est une formule consacrée, presque un rituel, mais qui présentifie ce qu’il y a de plus intime chez l’individu». C’est une demande en même temps qu’une avance : et toi est ce que tu m’aimes aussi ? C’est une promesse en même temps qu’un constat. Je t’aime implique je t’aimerai toujours. C’est un don de soi en même temps qu’un aveu : je te livre ma personne en même temps que mon sentiment «  C’est ainsi que l’analyse Martin Legros , philosophe belge, rédacteur en chef de  Philosophie Magazine » en avril 2011. « .Cette déclaration je t’aime est en même temps une exigence celle que l’autre auquel je le dis m’aime en retour comme une personne digne d’être aimée.  Gilles Deleuze, philosophe français, l’écrit ainsi « dire je t’aime au lieu de dire je te  désire , c’est se proposer une tâche infinie ».   Ainsi l’amour ne se réduit pas au désir sexuel. Les neurobiologistes comme Lucy Vincent, ont identifié  les mécanismes moléculaires hormonaux qui déterminent la recherche d’un ou d’une partenaire ; ils ont été mis en place par l’évolution parce qu’ils  sont utiles pour la reproduction de l’espèce. Ce comportement biologique ne dure que deux à trois ans, ce qui explique la tendance rapide au désamour. mais il peut  être réitéré, ce qui explique qu’il n’y a pas de partenaire unique. Mais ce que j’en retiens c’est qu’il   ne faut pas  confondre désir sexuel et amour …   Peut-on apprendre à aimer ? Et peut on y éduquer ? Nous sommes entrés dans l’ère de ce que le sociologue allemand Ulrich Beck appelle « la religion séculière de l’amour ». Parce que nous sommes contemporains de « la mort de Dieu » selon l’expression de Nietzsche, parce que les religions ne structurent plus nos sociétés démocratiques occidentales. Dans ce monde « désenchanté » nous ne cessons d’en appeler à l’amour face aux guerres. « Faites l’amour, pas la guerre » criaient les hippies des années 1960 qui refusaient la guerre américaine au Vietnam. Au  delà de l’ambiguïté de l’expression « faire » l’amour qui réduit l’amour à une relation objective de corps à corps et supprime la dimension subjective, cette injonction est d’actualité. Aimez vous les uns les autres s’écrient les âmes chrétiennes effrayées par le développement des guerres dans le monde humain. Et encore le pape François aux dernières Journées chrétiennes de la jeunesse de cet été, pour résister aux meurtres de masse du terrorisme asymétrique répétait le fondement des 10 commandements de la Bible « aime ton prochain comme toi-même ». Les trois religions du livre (et peut être toutes les religions) enseignent l’amour du prochain. Or il y a un fossé entre l’idéal religieux et la réalité historique et sociale. Pourquoi ? Ne peut-on pas enseigner l’amour ? Le sociologue britannique Antony Giddens, dans un ouvrage « La transformation de l’intimité ,sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes» souligne que nous sommes aujourd’hui tiraillés entre des aspirations contraires . D’un côté les individus des sociétés occidentales et démocratiques sont à la recherche d’un lien fort et idéalisé qui dérive de la conception romantique de l’amour (c’est-à-dire où l’union n’est ni arrangée ,ni imposée par la tradition mais par le consentement des intéressés qui prennent le risque  de l’union libre avec un individu différent de soi. Ce qui coïncide historiquement avec la libéralisation des mœurs et l’apparition d’une « sexualité plastique » c’est-à-dire affranchie des exigences de la reproduction ; ce avec la maîtrise de la contraception). De l’autre ils sont attirés par l’industrie de la relation amoureuse par Internet qui permet de contacter un nombre infini de personnes très différentes avec le risque de l’errance infinie et la dispersion dans un réseau trop large. Pour limiter ce risque des assurances sont prises quant aux goûts et aux centres d’intérêt des demandeurs. Mais alors disparaît la dimension romantique de la rencontre. D’autre part comment concilier le besoin de s’épanouir dans une relation amoureuse et le désir de plaisir égoïste autocentré qui est devenu la norme dans nos sociétés libérales. Les psychologues insistent sur le caractère pathologique d’une union qui est fusionnelle. L’individu se construit comme autonome dans l’union et s’aliène dans la fusion. Les féministes et Simone de Beauvoir revendiquent de résister au désir de fusion avec l’argument selon lequel les femmes doivent acquérir et cultiver leur autonomie, non pas pour se poser en rivales des hommes mais pour faire vivre le couple comme duo, dans le refus du « un » et le maintien de deux libertés face à face. Ce qui ne signifie pas un duel permanent C‘est en ce sens qu’elle a revendiqué l’union libre plutôt que le mariage. Et il est vrai que les textes qui  fondent le mariage, religieux, comme le mariage  civil, font du mariage une union fusionnelle (ne faire qu’une seule chair) pour la reproduction de l’espèce (élever des enfants). Et l’amour mystique? Que nous enseigne cette expérience sur notre propre vécu ? J’ai lu un ouvrage très documenté et très nuancé Le pur amour de Platon à Lacan (Seuil 2002) de Jacques Lebrun historien du Christianisme directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études et membre de l’école freudienne de psychanalyse .C’est Fénelon, au 17 ème  siècle qui élabora le système de pensée de cette expérience amoureuse. Il fut, pour cela, condamné par l’Eglise, par le Pape Innocent XII. Parce que cette forme d’amour de Dieu s’oppose au dogme chrétien. C’est un amour inconditionnel dont l’ultime critère est le refus de toute récompense  ici-bas (le plaisir) et au-delà (le Salut). Ce qui était condamné c’est non pas un texte qui rend compte et décrit une expérience spirituelle qui s’affirme comme désintéressée par rapport à la crainte d’un châtiment et à l’espoir d’une récompense, c’est   que l’on puisse se désintéresser de notre salut. L’amour mystique c’est un amour détaché de toute perspective de récompense et de tout intérêt pour soi. Ainsi le critère de la validité et même de la légitimité de l’amour c’est la perfection d’un détachement poussé jusqu’à la perte du sujet. Un don de soi qui est jouissance de la vie qu’on peut donner.   C’est une manifestation d’amour qui se retrouve chez ceux qui agissent par devoir, indépendamment de toute récompense, et que l’on appelle des saints ou des Justes. C’est une expérience qui débute par une révélation (le coup de foudre) (la blessure d’amour). « Ils sont nombreux, ceux qui ont vécu et pâti la pureté de l’amour, les mystiques, les poètes, ceux qui se sont volontairement perdus, et qui, de cette heureuse perte, n’ont cessé de chanter la nostalgie ou l’espoir renouvelé » Le philosophe chrétien Jean Luc Marion dans son ouvrage « Le phénomène érotique » en tire deux implications : d’une part, la déclaration d’amour « je t’aime » nous laisse comprendre ce que le sentiment amoureux a d’exceptionnel : « personne ne peut être certain d’aimer pour toute sa vie, mais dire je t’aime ne se conçoit que comme un CDI, un contrat à durée illimitée et jamais comme un CDD, un contrat à durée limitée. La déclaration d’amour engage toujours d’une certaine manière à définir l’éternité ».Ce que j’éprouve comme vrai. D’autre part, écrit-il « je t’aime »  accomplit une parole liturgique qui se retrouve dans la prière et l’invocation » c’est un appel à l’amour. Dire je t’aime est un appel qui espère une réponse du type « moi aussi je t’aime ». Ainsi se révèle le caractère d’antériorité de l’amour sur moi-même. « C’est pourquoi la question de la création du monde par Dieu ne relève ni de la causalité ni du déterminisme physique mais d’une question érotique …Dieu nous a aimé le premier….Et si l’on comprend ceci, on acquiert soi- même une plus forte capacité à aimer autrui … Cela reste le meilleur moyen d’apprendre à aimer à son tour ». Je suis étrangère à cette culture mais je pense comprendre que tel est le sens du commandement biblique et évangélique « aime ton prochain comme toi-même » Il s’agit de croire (c’est-à-dire de vouloir croire) que l’amour de l’humanité est à l’origine et au fondement et donc la finalité de tout ce qui existe sur terre . Peut-on ainsi éduquer à l’amour ? Et comment comprendre le coup de foudre ?  Souvenons nous de l’émoi de Phèdre (de Racine : quand elle vit pour la première fois son gendre Hyppolite « Je le vis, je rougis, je palis à sa vue, un trouble s’éleva dans mon âme éperdue. Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler. Je sentis tout mon corps et transir et brûler ».  Le coup de foudre serait de tous les temps et de tous les lieux. Les sociologues (qui veulent tout expliquer !)montrent qu’il y a une reconstruction dans ce récit: le mythe de l’amour passion invite chacun à reconstruire une histoire sous la forme d’un moment inoubliable en omettant souvent les préalables, les tâtonnements qui auraient pu faire basculer l’histoire  dans un autre sens. Hélène Fisher, anthropologue, souligne qu’il y a plusieurs paramètres: nous « tombons amoureux de quelqu’un du même milieu social, religieux, culturel que nous, qui a les mêmes valeurs et intérêts que les nôtres. Nous gravitons autour de gens qui se ressemblent et c’est parmi ces gens que nous « tombons «  amoureux » Enfin Luc Ferry, philosophe français, considère dans « La révolution de l’amour », que l’amour est le sacré contemporain : « les seuls êtres pour lesquels nous serions prêts à mourir, à risquer notre vie pour ceux que l’on aime « l’humanisme d’aujourd’hui est un humanisme de la fraternité et de la sympathie. Ma conviction est qu’il est désormais la seule vision du monde portée par le souffle d’une utopie positive. Car l’idéal qu’elle vise à réaliser n’est plus celui des nationalismes ni de l’idée révolutionnaire. C ‘est pourquoi les philosophes contemporains du 20ème siècle réfléchissent davantage sur l’amour » Est-ce cela aussi que veulent aujourd’hui ceux qui réalisent des expériences de villages communautaires, ou qui s’engagent dans des actions du prendre soin des blessés de la société marchande (SDF, réfugiés, malades de la civilisation polluante) ? Je souhaite dire encore quelques mots de deux philosophes médiatisés Michel Onfray et Alain Badiou- avec lesquels je ne suis absolument pas d’accord sur leurs positions politiques, mais qui sur la question quel amour ? viennent d’écrire des réflexions que je sens vraies pour moi  Dans son « Manifeste hédoniste »  Michel  Onfray  dénonce (après Nietzsche) l’importance du sentiment de culpabilité dont nous avons hérité dans notre culture judéo chrétienne, et recommande de « refuser le mode de penser occidental idéaliste depuis Platon, marqué par le monothéisme névrotique de Paul l’apôtre de Jésus …. Non pas aimez vous les uns les autres mais aime toi toi-même car nul plaisir n’est un mal et seuls sont à proscrire ceux qui apportent plus de trouble que de jouissance (comme l’écrivait Epicure) ». Alain Badiou, dans son « Eloge de l’amour » considère que l’amour est aujourd’hui doublement menacé, par la conception libertaire qui refuse l’engagement au profit du confort de jouissances limitées et qui est finalement sceptique : qui invite à se méfier de l’amour ; et menacé par la conception libérale de l’amour qui multiplie les lieux et les sites de rencontre comme Meetic, chacun proposant un contrat d’assurances sans risques, alors que l’amour advient au hasard d’une rencontre, même si ce hasard est surdéterminé par plusieurs facteurs, il est vécu comme tel, (y compris sur Internet). D’autre part il est exigence d’éternité ( je t’aime implique je t’aimerai toujours) et il implique fidélité ; je cite «  je t’aime implique fidélité non pas je ne coucherai pas avec un ou une autre mais je m’engage à vivre avec toi » .         Là c’est bien un homme qui écrit cela ! Simone de Beauvoir s’est ainsi en gagée avec Sartre dans un amour appelé « nécessaire » mais qui n’excluaient pas des amours « contingentes» pour l’un comme pour l’autre. Mais à la fin de sa vie elle écrit « J’ai été flouée » Je reviens à Badiou qui fait l’éloge de l’amour en affirmant son adhésion à l’hypothèse communiste je cite « ce qui est contenu dans le mot communisme (les formes à venir de l’émancipation) n’a pas de rapport immédiat avec l’amour . Cependant ce mot porte aussi pour l’amour de nouvelles conditions de possibilité. Car l’amour, c’est une relation à l’autre qui n’est pas une relation de possession ni de propriété. C’est un élan vers l’autre avec sa différence pour viser l’unité. Que les Deux deviennent Un sans perdre leur singularité ». Quand j’étais adjointe au maire j’étais heureuse de faire les mariages civils, de sacraliser la relation d’amour qui veut se déclarer (quelles que soient les raisons). Je disais toujours aux mariés « considérez  vous comme des dieux parmi les hommes », selon la formule d’Epicure dans la lettre à son ami Ménécée. parce que : quelles que soient les circonstances, vous introduisez , dans ce monde divisé, en proie aux guerres et parmi les hommes en conflit , une lumière , celle de la volonté (et non pas du seul désir) d’union. Enfin il y a d’autres questions pour demain avec la révolution transhumaniste dans la ligne de pensée du mariage pour tous faudra t-il légitimer le mariage avec Terminator ou C-3PO ? (Edith Deléage Perstunski, professeure de philosophie)

*

Pépète.

j’étais encore un enfant quand on s est rencontré
j ai mis mon adolescence a comprendre combien jt’aimais
le jour où jt ai roulé ma première galoche
tu m as tapé dans l oeil avant kj’t’ai dans la poche

depuis ma vie srésume a course poursuite
chaque fois quje tente de t’éfleurer dis moi pourquoi tu prends la fuite
avec toi, ca va , ca vient
sans toi jsuis un vaurien,
en avoir pour son toit j aimerai tant
d ailleurs le temps c est du toi
du chagrin j en ai gros sur la patate
jcroque de toi sauf quand tu craque
j ai les bourses qui srétractent
ta courbe croissante m enchante
mais ta chute de reins me donne des vertiges et des crampes

t es la personne la plus ouverte, tu connais pas dfrontière, tu parles toutes les langues et sait briser les barrières
snob
la pauvreté te fait horreur
je t offrirai tous les parfums, toi qui n as pas d’odeur

tu nfais pas lbonheur
procure du plaisir
et plus jte désire et plus tu mfais courrir
jte tire mon chapeau et tu m en fais baver des ronds dpièce

je t aime autant kjte déteste

t’es fraiche et bien roulée pépète
tout lmonde te court après
j arrive toujours le dernier
tu mfais tourner la tête
arrête de jouer à cache cache ou jfinirai par te coffrer


arrete, jsuis franc j en veux pas qu’à ton écu poupée
quand apprendras-tu à te poser ?

ne me quitte pas
ya paraît-il des placements fertiles donnant plus de blé qu’un meilleur avril,
je frai un domaine ou tu seras reine, ou tu seras loi
et même, si ce domaine existe déjà
imprévisible
soudain visible,
d autres t on pris pour cible
revient dans mes bras
pour toi je serai crédible

au bal je t ai invité a ma table
mais tu m as snobbé pour aller danser avec un notable

pendant kjme faisais biaiser
d autres avait déjà appris a savoir laiser

au début j’étais ronger par la jalousie
et puis j ai bien vite compris ktu nfrai jamais le bonheur d autrui
toutes ces femmes font rêver mais dans lfond ya rien
meme pas le papriki, ktu fond dans leur main

a peine ils tombent , tu lorgne déjà sur les voisins
tu les rends possessifs, jaloux, radins et mesquins

t es partie a la conquête du monde entier
et lmonde entier a succombé a tes charmes de papiers
aujourd’hui le monde entier est a tes pieds mais t es plus kjamais

malheureuse comme les blés

t étais fraiche et bien roulée pepete,
maintenant t es fade et fardée
tu donnes le bras a des riches pépète mais t es plus kjamais
malheureuse comme les blés

(Chanson Groupe Java)

*

La caresse perdue

Elle s’échappe de mes doigts, cette caresse sans raison,

Elle me file des doigts. Et le vent, en passant

Emporte cette caresse, sans objet, sans destin.

Cette caresse perdue, qui la recevra ?

Je peux aimer cette nuit d’une tendresse infinie.

Je peux aimer le premier qui vient, qui s’approche.

Personne ne vient, mes sentiers fleuris, sont déserts.

La caresse perdue rôde, s’approche…

Si cette nuit, un baiser se pose sur tes yeux, voyageur,

Si les branches bruissent d’un léger soupir,

Si une main enserre tes doigts,

Qui te prend, te laisse, et s’en va…

Si tu ne vois pas cette main, ni cette bouche qui t’embrasse ;

Si c’est dans l’air que se tisse, cette illusion du baiser,

Oh ! voyageur, toi qui a tout le ciel dans les yeux,

Dans ce vent éphémère et fugace, me reconnaîtra-tu ?

(Alfonsina Storni. 1892.1938. Argentina)

*

Phèdre

(Acte 1Scène 3)

« Mon mal vient de plus  loin. A peine au fils au fils d’Égéé

Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,

 mon repos mon bonheur semblait être affermi;

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps et transir, et brûler ;

Je reconnu Vénus et ses feux redoutables ;

D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !

Par des vœux assidus je crus les détourner :

Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;

de victimes moi-même à toute heure entouré ;

 je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :

d’un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :

Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,

Même au pied des hôtels que je faisais fumer,

J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.

Je l’évitais partout. Ô comble de misère !

Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

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