Argument

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Bartholomé de las Casas. Anonyyme. 16° siècle.

Grand Robert de la langue française : raisonnement destiné à prouver, ou à réfuter une proposition. Preuve à l’appui, ou à l’encontre d’une proposition.

Vocabulaire technique et critique de la philosophie. A. Lalande : raisonnement destiné à prouver ou à réfuter une proposition donnée. (Aux yeux de son auteur tout argument est preuve)

Dictionnaire de la philosophie Pochothèque : Tout raisonnement au moyen duquel on essaie de rendre plausible une thèse, et de la faire accepter comme vraie.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : C’est une idée qui tend à en justifier une autre sans suffire portant à l’imposer. L’argument n’est pas une preuve, mais ce qui en tient lieu quand les preuves font défaut.

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. (1765) : (En Rhétorique) Cicéron le définit : une raison probable qu’on propose pour se faire croire. Les logiciens le définissent plus scientifiquement : un milieu qui par sa connexion avec les deux extrêmes, établit la liaison que ces deux extrêmes ont entr’eux. On distingue des arguments par rapport à la source, d’où ils sont tirés, en argumens de la raison, & argumens tirés de l’autorité. Et par rapport à leur forme les Rhéteurs aussi bien que les logiciens, les divisent en syllogismes, entinèmes, inductions ou sorites, & dilemmes. …

De « arguere » (prouver, chercher à prouver) et aussi de « argutari » (bavarder)

Mot qui nous donne aussi « les arguties » : raisonnement subtiles……qui masquent parfois la faiblesse d’un raisonnement.

Synonymes : Affirmation. Éxposé. Raisonnement. Démonstration. Raisonnement.  

Contraires : Objection. Réfutation. Réplique.

Par analogie : A contrario. Anti phrase. Antithèse. Argumenter. Argument d’autorité. Argument fallacieux Argument ontologique. Argument publicitaire. Arguments spécieux. Argutie. Assertion. Avocat. Baratin. Catastase. Casuiste. Conséquence. Controverse. Convaincre. Déduction. Discuter. Disputation. Embrouille. Exhorter. Fait. Foi du charbonnier. Induction.  Intrigue. Inectives. Jésuite. Logique. Manipulation. Pari de Pascal. Persuader. Plaidoirie. Preuve. Preuve ontologique. Querelleur. Ratiocination. Raisonner. Reservatio mentalis. Rhétorique. Sophisme.  Sorite. Syllogisme. Synthèse. Thèse.

L’argument dit circulaire : « Les serpents venimeux sont utiles, sans eux on ne pourrait pas fabriquer le sérum contre leur venin ».

On retrouve un exemple d’argument circulaire dans le Candide de Voltaire : « Si Christophe Colomb n’avait pas attrapé cette maladie, la vérole, et même infesté toute l’Europe, nous n’aurions jamais connu le chocolat ».

Les girafes ont un long coup pour attraper les feuilles en haut des arbres. Les arbres de la savane africaine sont très hauts  pour que les girafes n’aient pas à se baisser pour attraper les feuilles.

L’argument quantitatif, utilisé en publicité pour les marques par exemple, «  Tout le monde fait comme cela » ou,   par des journalistes qui nous vendent l’opinion (leur opinion): « L’opinion généralement admise veut que… »

L’argument « Ad populum». « Dieu doit exister puisque la majorité des hommes y croient depuis des millénaires »

L’argument de la foi : «  C’est vrai puisque c’est écrit dans le livre sacré »

Argument baculinum : Argument qui prétend prouver l’existence du monde extérieur en frappant le sol avec un bâton. Ou aussi : Donner des coups de bâton en guise d’argument, employer la force pour convaincre. Sganarelle dans le mariage forcé emploie avec le pyrrhoniste Marphirius, l’argument baculinum.

Argument d’autorité :Argument qui se réfère à une parole d’expert, d’une personnalité dans un domaine, philosophique, scientifique. Descartes a dit que, Aristote a dit que… qui va soutenir une opinion contraire à Descartes, à Aristote ? En d’autres termes c’est « la parole d’évangile », ou une raison édictante, ex tripode disait Schopenhauer (soit du haut du trépied de la Pythie)

Ipsédixitisme. Dès lors que le maître l’a dit (Ipse dixit) alors ce n’est pas discutable.

Le paradoxe : nous avons vu le paradoxe du menteur qui émet une proposition qui contient un raisonnement et son contraire : « Je suis Crétois » dit Epiménide  et «  Tous les Crétois sont des menteurs ». Alors dit-il la vérité ou ment-il ? Nous connaissons aussi le paradoxe de l’œuf et de la poule.

Mais en semant ainsi le doute permanent dans des esprits faibles, on désoriente l’ont rendent le « cerveau disponible », ouvert à toute possibilité.

La prolepse, qui consiste à répondre soi-même aux objections qu’on pourrait faire aux propos, aux idées qu’on a développé, tâchant ainsi de désamorcer toute critique.

Argument dit du Sorite : « Deux grains de blé, ne font pas un tas de blé, ni trois, ni quatre… », voilà un objet de disputation assez futile que l’on rencontrait chez les Eristiques, ou « disputeurs ». On pourrait dire à l’inverse : si j’ôte un grain de blé sur un tas, puis un autre et ainsi de suite, à quel moment ne pourrait-on plus utiliser le mot « tas de blé ».

Paradoxe du gruyère : Plus il y a de fromage, plus il y a de trous ; or plus il y a de trous, moins il y a de fromage ; donc plus il y a de fromage, moins il y a de fromage.

 « Exposer un argument ne signifie pas se montrer sourd à tous les autres »  (Robert Louis Stevenson. Une apologie des oisifs. 1887)

« Des sentiments très puissants peuvent cependant bloquer la pensée. Quand je me sens fortement agressé, je n’ai souvent aucun argument à opposer à mon adversaire, et ce n’est qu’après que ces arguments me viennent à l’esprit : une fois que je me suis calmé et qu’ils ne me sont plus d’aucune utilité »  (Qui suis-je ? Et si je suis, combien ? Richard David Precht)

«  Pour discuter il faut a priori accepter de se rendre aux raisons de l’autre, sinon aucune argumentation sérieuse n’est possible. C’est pourquoi, par exemple, je n’accepte pas de discuter avec des croyants. Lorsque des chrétiens me sollicitent pour participer à des conférences, je leur demande : «  Envisager-vous d’abandonner votre foi religieuse à partir de ce que je vais vous dire ? «  Ils n’y sont évidemment pas disposés. Alors, ce n’est pas la peine que je parle pour rien » (Marcel Conche. Epicure en Corrèze)

« La casuistique chez les Jésuites  comprend la « reservatio mentalis » qui consiste, lors de la rédaction de traités publics, à utiliser des expressions permettant, à  l’occasion, si on le désire, une interprétation à son profit… »  (Kant. Vers la paix perpétuelle. 1795)

Pendant sa campagne Donald Trump, pour justifier son appui au port d’arme utilise cet argument : «  Si les personnes si violemment abattues à Paris, (1) avaient possédé des pistolets, elles auraient  au moins eu une chance de résister »  (1. Attentat Charlie Hebdo) (Jean-Eric Branaa. Qui veut la peau du parti républicain. L’incroyable Donald Trump. Les Editions de Passy)

Quand on en vient aux invectives c’est qu’on n’a plus d’argument, ou pire, exemple comme dans une  pièce de Shakespeare  relatant la guerre des roses,  un personnage, Plantagenêt dit à Somerset :

  • Maintenant, Somerset, quel est votre argument ?
  • Dans le fourreau de mon épée, qui colorerait aisément votre rose blanche, en un rouge sanglant.  (Shakespeare. Henri VIII. Acte II. Scène IV)

L’arme fatale dans une « disputation » face a un incroyant, est parfois, l’argument ontologique (dit aussi preuve ontologique) Il est évoqué pour la première fois par un philosophe romain, Boèce ; il sera repris par saint Anselme, puis par penseurs religieux, où philosophe acquis à la religion, comme Descartes, et Leibniz…. , ou, voire, apologiste comme Pascal.

(Je résume) : Dieu est ce qu’il y a de plus grand, ce plus grand ne peut être que Dieu, et, si l’idée de Dieu est dans l’intellect,  de fait elle est dans le réel. Ce qui sera traduit par des philosophes croyants : si j’ai l’idée de Dieu, cette idée n’a pas venir seule dans mon esprit, c’est donc, la preuve que Dieu existe. Descartes ajoutera, si j’ai l’idée de la perfection, comme je ne suis pas parfait, mais que cette perfection existe, alors cette perfection ne peut être que Dieu.

Sauf à avoir la « foi du charbonnier » on y peut voir un sophisme par adjonction, qui se résumerait ainsi :

1ère prémisse : je ne peux imaginer un chose qui n’existerait pas, qui ne serait pas ; 

2ème prémisse ; donc si j’ai l’idée de Dieu,

Conclusion : C’est que Dieu existe  (Luis)

« Quand on délibère, on s’oblige à préférer l’autorité de l’argument, à l’argument d’autorité.. » (Pierre-henri Tavoillot. La morale de cette histoire)

*

«  Les philosophes religieux, non contents de la tradition de nos aïeux et de la doctrine de vos prêtres ( à laquelle j’acquiesce volontiers), laissent libre cours à une curiosité hâtive en essayant de voir dans quelle mesure ils peuvent établir la religion sur les principes de la raison ; par là, ils éveillent, au lieu de les satisfaire, les doutes qui naissent naturellement d’une enquête diligente et pénétrante. Ils peignent sous les plus magnifiques couleurs, l’ordre, et la beauté, et le sage arrangement de l’univers ; ils demandent alors, si un déploiement glorieux d’intelligence peur procéder d’un concours fortuit d’atomes, ou si le hasard peut produire ce que le plus grand génie ne peut jamais assez admirer. Je n’examinerai pas la justesse de cet argument. J’accorderai qu’il est aussi solide  que mes adversaires et accusateurs peuvent le désirer.

Il suffit que je puisse prouver, à partir ce raisonnement même, que la question est entièrement spéculative et que, lorsque, dans mes enquêtes philosophiques, je nie la providence et l’état du futur, jde ne mine pas les bases de la société, mais que j’avance des principes que mes adversaires eux-mêmes, d’après leur propre doctrine, reconnaître comme solides et satisfaisants… » (David Hume. Enquête sur ‘entendement humain. 1748)

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