Autrui

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Le Petit Larousse illustré : Toute personne autre que soi, l’ensemble des hommes en dehors de soi-même.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : C’est l’autre en personne : non un autre moi-même (un alter ego) mais un moi autre (un moi qui n’est pas moi). N’importe qui donc, en tant qu’il est quelqu’un.

Encyclopédie de la philosophie. Pochothèque : Du latin, « alterihuic », littéralement : à cet autre ici présent…Pourtant autrui ne désigne pas les autres, c’est-à-dire « la masse »  indifférenciée des autres hommes, sans plus de précision.

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF : ….que sais-je d’autrui ? Comment le connaître ? Affirmer l’existence d’un autre, d’autre que moi au regard de la connaissance que je puis en avoir présuppose un moi posé comme certain de lui-même car s’étant identifié comme tel…..

Dictionnaire historique de la langue française. (Alain Rey) : … Le mot a en français  dès l’origine mais «  l’altrui » signifie aussi (de1262 jusqu’au début du 17ème s.) « Le bien du prochain ».

Synonyme : Alter ego. L’autre. Prochain. Semblable.

Contraire : Je. Moi. Moi-même.

Par analogie : Altruisme. Autre. Procréation pour autrui (GPA). Solipsisme.

Un autre, les autres, l’ensemble des hommes par opposition au moi du locuteur et en exclusion de ce moi.

Pour Lacan, l’Autre est notre complétude.

Proverbe : « Ne fais pas à autrui, ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse »     

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« Vis pour autrui si tu veux vivre pour toi »   (Lettre 48.3. Sénèque)

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« Nos unimos a otro, pero es para partirnos (1) ; ese más íntimo abrazo no es sino  un más íntimo desgarramiento. En su fondo el deleite amoroso sexual, el espasmo genésico, es una sensación de resurrección, de rescucitar en otro, porque sólo en otros podemos rescucitar par perpetuarnos »  (Del tragico sentimiento de la vida. Unamuno. P, 171)

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(Nous nous unissons à autrui, mais c’est pour nous reproduire; cette étreinte, la plus intime entre toutes n’est rien sinon qu’un déchirement intime. Finalement ce plaisir amoureux sexuel, ce spasme génésique est une sensation de résurrection, de ressusciter en l’autre, car seulement  dans les autres nous pouvons ressusciter pour nous perpétuer)

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« Certes, autour de soi, on prônait le dévouement, mais on lui assignait pour limites le cercle familial; hors de là, autrui n’était pas un prochain » (Simone  de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée)

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« Nous avons inventé autrui

comme autrui nous a inventé

Nous avions besoin l’un de l’autre.

Paul Eluard.

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« Il faut aussi aviser à ne pas se noyer en voulant secourir les autres ». Baltazar Gracian y Morales.

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« Il faut se voir soi-même comme un autre…., j’aurais pu être cet autre.. »

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« Vous ne supportez pas votre compagnie, et vous ne vous aimez pas assez ; vous cherchez alors à séduire le prochain par votre amour et à vous dorer de son erreur »
« Je vous enseigne l’ami au cœur débordant. Mais il faut savoir être éponge quand on veut être aimé par des cœurs débordants » 
(Nietzsche. AP Zarathoustra)

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 « Dans le bonheur d’autrui je cherche mon bonheur » Corneille. Le Cid 1.2).

« Certes, autour de soi, on prônait le dévouement, mais on lui assignait pour limites le cercle familial; hors de là, autrui n’était pas un prochain » (Simone de Beauvoir. Mémoire d’une jeune fille rangée)

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 « Autrui », nous dit Gilles Deleuze, «  n’est ni un sujet qui me perçoit, ni un objet dans le champ de ma perception, mais une structure du champ perceptif sans laquelle le monde objectif, fondé sur la multiplicité des points de vue possibles, ne pourrait pas s’organiser.»

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Eloge de l’autre

Andrée Chédid

A force de m’écrire

Je me découvre un peu

Je recherche l’Autre

J’aperçois au loin

La femme que j’ai été

Je discerne ses gestes

Je glisse sur ses défauts

Je pénètre à l’intérieur

D’une conscience évanouie

J’explore son regard

Comme ses nuits

Je dépiste et dénude un ciel

Sans réponse et sans voix

Je parcours d’autres domaines

J’invente mon langage

Et m’évade en Poésie

Retombée sur ma Terre

J’y répète à voix basse

Inventions et souvenirs

A force de m’écrire

Je me découvre un peu

Et je retrouve l’Autre

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Introduction au débat « Jusqu’où aider l’autre ? » Café-littéraire : No et moi, de Delphine de Vigan.

 L’auteure, voyant un nombre croissant de jeunes femmes vivant dans la rue, voulait évoquer ce sujet. Sujet qui concerne chacun de nous, présentant l’échec de ces personnes « cassées », également comme échec de notre société. Ce sera ce roman avec pour base  ces deux personnages d’adolescentes, Lou, No, attachantes l’une comme l’autre. Le personnage de Lou, avec sa spontanéité, sa fraîcheur,  va lui servir d’interface, éviter le « je »  pour évoquer ce sujet, et y mettre du sentiment  sans tomber dans le pathos, dans le mélo. Au-delà de cette fiction le thème nous pose une question essentielle : face à notre désir de venir en aide, entre altruisme et simple compassion, comment agir ? Quelle prise de risque ? Quel engagement raisonnable ? Jusqu’où aider l’autre ? Comment  trouver la bonne distance ? (Luis)

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Se mettre à la place d’autrui. Paul Ricoeur saisit justement l’éthique dans ce rapport ambigu : le sujet n’est pas d’abord une substance mais avant tout un choix moral. Se penser « soi-même » en tant qu’autre signifie que l’autre est constitutif de ma propre identité. Si l’universalité de cette morale ne peut être fondée par le sujet, elle le sera dans le souci de la pluralité : se mettre à la place d’autrui, voilà la nouvelle source de la norme sociale. Ainsi, dans cette optique, Ricœur dépasse l’opposition entre une éthique individuelle axée sur la pratique concrète (ce qui me semble bon) et une morale fondée sur des principes rigides (du type : tu ne dois pas…). C’est dans la sagesse pratique que Ricœur dépasse ces conflits, dans le « bien-vivre » qui s’étend à la société et à son exigence d’égalité.

Aujourd’hui âgé de 90 ans, Ricœur ne cesse d’étonner par sa foisonnante fécondité intellectuelle qu’il a dernièrement manifestée avec son ouvrage La Mémoire, l’histoire, l’oubli (2000). Sa carrière fut riche et variée : enseignant successivement en France, à Louvain, Montréal, Yale et Chicago, il a gardé cet esprit d’ouverture qui fait de lui un philosophe complexe et original : Soi-même comme un autre, considéré par Ricœur lui-même comme un ouvrage récapitulatif de son oeuvre fait preuve d’un grand souci de cohérence et de complétude. Sa morale est novatrice car à la fois riche des traditions qui la précèdent et en même temps inédite.  (Article. Sciences humaines/ Soi-même comme un autre)

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« Notre foi en autrui trahit ce que nous voudrions pouvoir croire de nous-mêmes. Le désir que nous avons d’un ami nous trahit » (Ainsi parlait Zarathoustra. Nietzsche)

Nietzsche semble nous dire là que nous mettons un espoir d’être de qualité chez l’ami qui compenserait ce que nous ne saurions être réellement, c a d être face à quelqu’un de bien.

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«  Autrui c’est quelqu’un dont on se sent responsable, et dont on pense qu’il l’est lui-même, qu’il la été ou qu’il peut le devenir ? Éduquer c’est faire émerger un autrui ; lourde tâche ; le respecter, c’est tout faire pour le préserver, grande mission. Donc, à tous les étages de l’existence : ne pas lui nuire, ne pas être indifférent, et, si possible, faire son bien »  (Pierre-Henri Tavoillot. La morale de cette histoire. Michel Laffont. 2020)

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« … cela ne veut pas dire qu’un homme rationnel considère les vies humaines comme interchangeables avec la sienne. Il reconnaît que sa propre vie est « la source », non seulement de toutes les valeurs, mais de sa capacité d’évaluer. Ainsi, la valeur qu’il accorde à autrui n’est qu’une conséquence, une extension, un prolongement de la valeur première qu’est lui-même.
Le respect et la bonne volonté que les hommes qui possèdent l’estime de soi ressentent envers les autres êtes humains, est profondément égoïste ; on peut traduire ce sentiment comme suit : « Les autres hommes ont une valeur parce qu’ils sont de la même espèce que moi ». En vénérant les entités vivantes, ils vénèrent leur propre vie. Voilà le fondement psychologique de toute sympathieet de solidarité envers l’espèce » (Ayn Rand. La vertu d’égoïsme)

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