Avoir

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L’avare. Gravure d’après un dessin de de Horace Castelli. Vers 1850.

Grand Robert de la langue française : Etre en possession de, posséder. Bénéficier de.

(Personne) Présenter en tant que caractère, que qualité,  ex. avoir du cœur…

 Porter sur soi, tenir (à un moment donné,que l’objet soit ou non une possession) Ex : Avoir des lunettes, …

Expression impersonnelle servabt à présenter une chose comme existant. Ex : Avoir de l’argent

Trésor de la Langue Française : (Emploi trans.) Être en relation (concrète ou abstraite, permanente ou occasionnel) avec quelqu’un, quelque chose.

(Objet) Être en possession de …

(Loc) Avoir de quoi. Posséder suffisamment d’argent pour parvenir au but recherché, avoir de quoi payer, de quoi vivre.

Synonyme : Acquérir. Bénéficier de, Biens. Détenir. Disposer de. Fortune. Obtenir. Posséder.

Contraires : Manquer de. Laisser. Perdre.

Par analogie : Avarice. Avoirs financiers. Bien. Considérer. Désir. Plaisir. Possession. Propriété. Richesse. Thésauriser.

Expression: Se faire avoir.

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Candide à Macambo : « Si nous restons ici dans ce pays de l’Eldorado, nous y serons riches, mais nous serons comme les autres, ni plus moins. Alors que si nous retournons chargés des cailloux de l’Eldorado, (Rubis, émeraudes, jades…) Nous y seront plus riches que tous les rois ensemble »  (Voltaire. Candide)

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« Je possède, je ne suis pas possédé » (Aristippe)

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« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : ceci est à moi, et  trouva assez de gens simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misère et d’horreurs n’eût point épargné au genre humain celui qui, arrachant les pieux et comblant le fossé, eût crié à ses semblables : gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à vous, que la terre n’est à personne»  (Discours sur l’origine et les fondements de l’Inégalité parmi les hommes. J. J. Rousseau

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. « …l’insensée, avide d’avoir, ne possède finalement aucun bien, et vieillard prolongé  arrive à la mort aussi démuni qu’un nourrisson » (Epicure)

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« L’avoir, à lui seul, ne constitue pas tout à fait une raison de vivre – il y a quelque chose de décevant. Ici, il ne s’agit même pas de condamner la vanité des biens terrestres en faisant l’éloge  de la félicité éternelle – nul besoin  de souscrire à la condamnation chrétienne de la richesse matérielle  pour remarquer que l’avoir est par nature insatisfaisant. Comme l’a très bien écrit Sartre dans « L’être et le néant »  la propriété a un grand défaut : c’est un idéal, autrement une sorte d’illusion, elle ne s’éprouve pas concrètement. Mettons que je m’achète une belle montre. Je suis heureux de la porter à mon poignet le premier jour. Mais au bout d’une semaine, je l’ai oubliée, elle ne rayonne pas en moi, elle ne m’affecte pas. Elle reste comme extérieure à moi, indifférente, morte. Dans la possession d’un objet, il y a une promesse qui sera tôt ou tard déçue : celle d’être intérieurement enrichi par une substance extérieur. Ainsi, écrit Sartre, «  le désir d’un objet particulier n’est pas simple désir de cet objet,  c’est le désir de s’unir  à l’objet par un rapport interne de manière à constituer avec l’union  « possédant- possédé »Le désir d’avoir est au fond réductible au désir d’être par rapport à un certain objet  dans un relation d’être »  (Alexandre Lacroix. Philosophe magazine N° 93)

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Être et avoir.

  Loin des vieux livres de grammaire,

Écoutez comment un beau soir,

Ma mère m’enseigna les mystères

Du verbe être et du verbe avoir.

Parmi mes meilleurs auxiliaires,

Il est deux verbes originaux.

Avoir et Être étaient deux frères

Que j’ai connus dès le berceau.

Bien qu’opposés de caractère,

On pouvait les croire jumeaux,

Tant leur histoire est singulière.

Mais ces deux frères étaient rivaux.

Ce qu’Avoir aurait voulu être

Être voulait toujours l’avoir.

À ne vouloir ni dieu ni maître,

Le verbe Être s’est fait avoir.

Son frère Avoir était en banque

Et faisait un grand numéro,

Alors qu’Être, toujours en manque.

Souffrait beaucoup dans son ego.

Pendant qu’Être apprenait à lire

Et faisait ses humanités,

De son côté sans rien lui dire

Avoir apprenait à compter.

Et il amassait des fortunes

En avoirs, en liquidités,

Pendant qu’Être, un peu dans la lune

S’était laissé déposséder.

Avoir était ostentatoire

Lorsqu’il se montrait généreux,

Être en revanche, et c’est notoire,

Est bien souvent présomptueux.

Avoir voyage en classe Affaires.

Il met tous ses titres à l’abri.

Alors qu’Être est plus débonnaire,

Il ne gardera rien pour lui.

Sa richesse est tout intérieure,

Ce sont les choses de l’esprit.

Le verbe Être est tout en pudeur,

Et sa noblesse est à ce prix.

Un jour à force de chimères

Pour parvenir à un accord,

Entre verbes ça peut se faire,

Ils conjuguèrent leurs efforts.

Et pour ne pas perdre la face

Au milieu des mots rassemblés,

Ils se sont répartis les tâches

Pour enfin se réconcilier.

Le verbe Avoir a besoin d’Être

Parce qu’être, c’est exister.

Le verbe Être a besoin d’avoirs

Pour enrichir ses bons côtés.

Et de palabres interminables

En arguties alambiquées,

Nos deux frères inséparables

Ont pu être, et avoir été.

(Yves Duteil)

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