Bon sens

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Le Grand Robert de la Langue Française : Capacité de bien juger, sans parti pris, sans passion, en présence de problèmes, de questions qui ne peuvent être résolus par un raisonnement rigoureux, scientifique.

Synonyme : Sens commun.

Contraires : Egarement. Ineptie.

Par analogie : Bon sens commun. Connaissance intuitive. Discernement. Don. Esprit. Être sain d’esprit. Évidence.  Habileté. Instinct. Jugement. Jujeote. Justesse. Lucidité. Raison. Ralisme. Sagesse. Sagesse populaire. Système D. Un sens pratique

Expressions: Ça tombe sous le sens. Le bon sens sens populaire. Marqué au sceau du bon sens.

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Le bon sens diffère du sens commun  (dit aussi gros bon sens)  en cela que le premier est l’aptitude d’un individu à réagir, agir de façon opportune, efficace, de façon adaptée, alors que le sens commun, est la réaction commune au groupe, à une culture….

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On dit communément que le plus juste partage que la nature nous ait fait de ses grâces, c’est celui du sens ; car il n’est aucun qui ne se contente de ce qu’elle lui a distribué » (Montaigne. Essais, Liv. II, § 17) 

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« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée; car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent : mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien ». (Descartes. Discours de la méthode) 

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« La puissance  de bien juger, de distinguer le vrai du faux, qui est proprement ce qu’on appelle le bons sens, où la raison est naturellement égale en tous les hommes » (Descartes. Discours de la méthode. 1637)

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(Texte introductif à un débat : Le bon sens n’est-il que réalisme ?)            

« Le bon sens est la chose la mieux partagée », dit Descartes dans le discours de la méthode, et il poursuit :   « C’est la puissance  de bien juger, de distinguer le vrai du faux, qui est proprement ce qu’on appelle le bons sens, où la raison est naturellement égale en tous les hommes ». Mais le bon sens n’a pas alors la même signification qu’aujourd’hui. Dans l’univers de Descartes il évoque plus,  la raison. Depuis nous lui avons donné une autre signification. On a souvent fait un attelage de bon sens et réalisme. Le réalisme nous dit que nous manquerions de bon sens en croyant ce que l’on souhaite, et non pas ce que l’on a sous les yeux. Le bon sens serait la seule vraie connaissance, une connaissance intuitive, qui échappe à l’analyse.

Communément, le bon sens est souvent associer à l’esprit paysan, aux gens de la terre, avec une connotation parfois péjorative, ce bon sens devient le gros bon sens paysan. Ainsi Balzac dans « La peau de chagrin » écrivait : « …. soumettant son intelligence au grossier bon sens d’un vieux paysan à peine civilisé… »

Une anecdote raconte que : Le philosophe Leibniz voyageait avec un autre philosophe dans une région un peu montagneuse. Le cocher arrêta la voiture, il y avait un  glissement de terrain, la route n’était pas large. Le cocher regardait, allait et venait, observait, réfléchissait. Les deux philosophes se mirent à calculer le poids de la calèche, la force de deux chevaux, la pente, et dirent au cocher : « après avoir fait une étude, nous pensons que nous pouvons passer ». « Je ne veux pas passer, on va y rester », répond le cocher. Les deux philosophes se mirent en discussion, puis déclarèrent au cocher. « Là où le cocher ne passe pas le philosophe ne passe pas ! ». Malgré toute leur science ils s’en remettaient au bon sens du cocher. Cela veut dire qu’il faut laisser à chacun le bénéfice de ses expériences, simple réflexe de bon sens.

Le bon sens est peut-être plus du côté des matérialistes qui voient le monde tel qu’il est, que du côté des idéalistes. Comme tout concept le bon sens n’échappe pas aux dogmes : pour les croyants la raison première c’est le créateur, ça tombe sous le sens, et pour l’athée c’est un non-sens. En fait, sommes-nous  bien sûr que le bon sens soit à ce point partagé par tous ? Que le bon sens soit la seule et bonne voie du discernement ? De la raison ? Du jugement sûr ?  On peut parfois en douter ! On va l’évoquer. Pensez-vous que nous devons-nous nous fier au bon sens, et de là, ne nous fier qu’à nos perceptions, à ce qui est réaliste, qui ne se fie pas à l’imagination, à la fiction, ni aux désirs qui se prendraient pour des réalités. Cette idée du bon sens dispose d’un arsenal d’expressions pour la valider, je ne doute pas de votre bon sens et vous allez nous en parler.

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      Le bon sens est dans le propos, c’est dans le, concevoir quelque chose avec l’idée de le rendre le plus intelligible possible aux autres. Que vaut une idée qui n’est pas partagée, partageable,  encore faut-il qu’elle soit comprise. C’est parce que parfois des philosophes académiques ou amateurs nous brouillent les oreilles avec des propos obscurs que la philosophie rebute plus d’un, ou qu’elle semble être réservée à une élite. On gagne toujours à être simple dans ses propos, faisons appel le plus possible au bon sens commun. Ce que je vais dire va-t-il être compris de tous. Y a-t-il suffisamment de bon sens ? Vais-je faire comprendre l’essentiel de mon propos, réussir à marier bon sens et réalisme. Le bon sens est alors avoir conscience qu’on ne parle pas qu’à son chapeau.                                                                Même si Descartes nous dit que « le bon est la mieux partagée », lorsque j’écoute chaque jour ceux qui s’expriment, j’ai un doute ! Bien souvent j’entends un début d’expression par le « moi, personnellement » … Le premier ennemi c’est ce sacré « moi », qui essaie toujours d’ « être sur la photo », ce moi avec ses semelles de plomb qui nous enferme, cette glue, ce cordon ombilical du moi qui tire toujours vers le « je ». Alors parler en bons sens serait aussi de déplacer son regard, voir ce qu’est le bon sens de l’autre. Ça tombe sous le sens., non?                                                                                                            

     Le bon sens c’est des expressions comme,  par exemple :   C’est marqué du sceau du bon sens, ou au coin de la sagesse, c’est la sagesse populaire, c’est le  bon sens populaire ! Ou ça n’a pas de bon sens ! C’est plein de bon sens ! Un peu de bon sens ! C’est le bon sens paysan. Ça tombe sous le sens ! Et le bon n’existe que s’il a été mis à l’épreuve, d’où l’expression : faire preuve de bon sens.

   Le bon sens a un tel poids a un tel poids que les espagnols utilisent l’expression, d’une idée qui « tombe sous son propre poids » (caer por su proprio peso). Le bons sens ne peut être remis en cause puisque c’est le sens commun, c’est-à-dire partagé par tous, donc un jugement à sens unique, en quelque sorte le GPS des idées, qui ferait que tout le monde prend la même route. Prendre une option qui sort du bon sens commun est toujours prendre un risque, c’est, nous dit  le chanteur, « la route maladroite » ou c’est vouloir nous enfermer dans un monde qui n’est que ce qu’il est, quand on voudrait comme nous le dit Ralph Emerson « attacher sa charrue aux étoiles » (Luis)

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  « Tout doit tendre vers le bon sens, mais pour y parvenir le chemin est glissant et pénible à tenir ; pour peu qu’on s’en écarte aussitôt on se noie ». (Boileau).

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Le bon sens peut être dans le propos : être très  attaché au bon sens, c’est être attaché au sens de la simplicité, du langage vrai qui permet de tout exprimer en langage simple, un langage qui s’adresse à tous et pas à des initiés dans  un langage codé, c’est rendre réel son propos. Oublier cela est un manque de courtoisie, voire un comportement pédant, prétentieux. « A quoi tout ce galimatias peut il servir, sinon à égarer notre bon sens à jeter le désordre dans nos pensées, à troubler notre cerveau…à fêler nos imaginations, à corrompre notre goût à nous remplir la tête de confusions…» (Victor Hugo. Shakespeare, II, 1)

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     Le bon sens  s’accompagne d’une batterie d’adages, de proverbes, dictons, mais si chacun a toujours son contraire reconnu tout aussi juste. Ces proverbes peuvent servir d’armature aux idées les plus ineptes. Le bon sens s’accorde bien des jugements conformistes, le monde doit être conforme à ce qu’il est réellement. Il est de connaissance intuitive, qui exclut la critique, il  est le résultat de milliers d’expériences, ce  qui doit exclure toute variante hasardeuse. Comment une majorité pourrait –elle se tromper ? Le bon sens est souvent à sens unique, sinon il n’aurait pas de sens. Le bon sens nous disait que tous les cygnes sont blancs, puis on a trouvé en Australie quelques cygnes noirs, mais au nom du réalisme on continue à dire que les cygnes sont blancs.  Le bon sens avec se réfère aux habitudes, aux préjugés, aux certitudes, il a les pieds sur terre, avec parfois des semelles de plomb.

Le bon sens n’est pas trop favorable aux changements,  aux utopies, car elles font surtout appel  à l’imagination des hommes, et les mettent en danger dès lors qu’ils s’écartent de la réalité. Ceux qui naviguent le mieux dans ce dédale sont les pragmatiques, pour eux, pas ou peu d’ambigüité, le réel est ce qui est, ce qui se fait, pas dans les connaissances théoriques ou spéculatives. (Luis)

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 Le bon sens renverrait aux sens de la première perception, alors que nous savons que nos sens nous trompent, nous induisent en erreur. Des philosophes très rationnels ont nié que l’on pouvait avoir quelque connaissance intuitive qui soit, qu’on pourrait appeler « bon sens », qu’il n’y a des vérités universelles. « …toutes nos idées proviennent d’expériences, Il est absurde d’affirmer que l’esprit possède une idée avant que celle-ci ne soit effectivement présente à l’esprit…, les hommes considèrent que les croyances qu’ils ont reçu avec leur éducation primaire sont innées ou naturelles, car ils les ont assimilées, sans aucunement conscience de la façon dont elles ont progressivement pénétré dans leur âme »  (John Locke. Essai sur l’entendement humain)

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  Les Anglais parlent de « the good common sense » qu’on peut traduire en français par « le bon gros sens commun », voilà une expression qui nous parle, avec une petite connotation péjorative, c’est-à-dire qui évoque des gens qui ne peuvent réfléchir par eux-mêmes et qui prennent les idées toutes faites, « comme d’autres prennent l’autobus » disait  (Ortega Y Gasset) (Luis)

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« Celui qui pense d’une façon abstraite, toujours unilatérale, ce n’est pas le philosophe, mais l’homme du sens commun. Penser pour le philosophe c’est saisir les choses dans la plénitude unitaire de leur essence… Le sens commun en revanche ne voit toute chose que selon un seul et unique point de vue, celui où il se trouve placé, par hasard…cette prétendue « vérité proche du vécu » qui appartient à l’homme de bon sens est donc tout à fait problématique… » (Hegel. Dans un article intitulé, « Qui pense abstraitement ? »)

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« Bien des gens  farcis de connaissances n’ont aucune bonne raison »  (Les penseurs grecs avant Socrate. Fragment 64. Garnier Flammarion. 1964)

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Bon sens, comme choix du plus grand nombre, comme choix réaliste, autre exemple : un reportage en caméra cachée : Vingt personnes, qui sont des acteurs, rentrent dans un ascenseur, puis un cobaye. Les vingt premières se tournent vers le fond de l’ascenseur, l’homme cobaye est le seul tourné vers la porte ; il se dit que la majorité ne peut pas se tromper à ce point, que le bon sens est de leur côté, et la caméra nous montre les pieds de l’homme qui doucement commencent à tourner …. (Luis)

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Le bon sens nous enferme et nous protège néanmoins. Le bon sens peut parfois nous ramener à la réalité, nous éviter de nous égarer dans des chimères, il peut mettre à jour les impostures : que ce soit du langage, de l’art, du politique ; il nous met en garde sur ce qui « apparaît ». Son rapport avec le réalisme reste ambigu ; le bon sens d’un savant grec disait que la Terre était un disque plat. Copernic, Darwin, Einstein, tous ont bousculé ces « réalités » d’un temps ; une réalité en chasse une autre, et le réalisme alors échappe au bon sens ! On a parfois situé le bon sens dans le cadre d’une perception intuitive, quelque chose dont on aurait connaissance à priori, et qui s’impose avant toute analyse. Ce sont ces inventions, tous ces « fils à couper le beurre » qui tombent sous le bon sens. L’adaptabilité des individus à une situation donnée dénote du bon sens, biais de connaissance pratique. Pas de bon sens sans réalisme et inversement. (Luis)

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