Certitude

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Grand Robert de la langue française : Caractère de ce qui est certain, indubitable.

Vocabulaire technique et critique de la philosophie Lalande : (Psych.) Etat de l’esprit à l’égard d’un jugement qu’il tient pour vrai sans aucun, mélange de doute.

Cet état peut concerner soit un jugement tenu pour évident par lui-même, soit un jugement démontré, ou jugé tel. La certitude est appelée dans le premier cas immédiate, ou intuitive

Trésor de la Langue Française : Qui a le caractère convaincant, évident, d’une proposition démontrée.

Sentiment, état d’esprit de la personne qui reconnaît quelque chose comme hors de doute, qui croit profondément, sans réserve.

Encyclopédie de la philosophie, Pochothèque : Etat de conviction subjective considérée en général comme l’effet d’une évidence.

Synonyme : Assurance. Crédo. Croyance. Evidence. Foi. Opinion. Sincérité. Sûreté.

Contraires : Acatalepsie. Chimère. Doute. Epoché. Eventualité. For intérieur. Hypothèse. Indiscutable. Illusion. Incertitude. Incrédule. Indubitabilité. Interrogation. Jugement. Postulat. Preuve. Probabilité. Questionnement. Soupçon. Sceptique (Scepticisme. Pyrrhonisme). Suspicion.

Par analogie : Adhésion. Admettre. Affirmation. Apodictique. Apparences. A priori. Autorité. Axiome. Clarté. Certain. Complotsieme. Confiance. Confirmation. Connaître. Conviction. Crédulité. Déterminisme. Dogmatisme. Evidence. Exactitude. Faux. infaillibilité. Interrogation. Irrécusable. Manifeste. Notoire. Objectivité. Patent. Putatif . Quasi-certitude. Révélation. Sans conteste. Sans doute. Sauter aux yeux. Têtes plates. Vérité. Vérité admise. Vrai. Vraisemblance. Zététique.

Expressions: a n’en pas douter. Cela va de soi. Cela ne fait aucun doute. Cela va sans dire. Ôtez-moi d’un doute. Parole d’Evangile. Selon les apparences.

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« Ce qui tue ce n’est pas le doute, c’est les certitudes»  Nietzsche

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Cette certitude temporaire et éphémère que l’on nomme, la confiance.

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«  Thomas d’Aquin établit une distinction entre la certitude des vérités de la foi…,  et la certitude des vérités de la raison fondée sur l’évidence »  (Cité dans : Encyclopédie de la philosophie, Pochothèque  Somme théologique II-IIae, quest. 2, art 1)

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«  Mais je ne me dissimule pas que l’enthousiasme a toujours engendré la certitude, et l’étude des crises sociales, le ne montre que trop clairement l’immortalité de l’illusion.. )  (Malebranche. La philosophie sociale du XVIII ème siècle)

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Certains individus affichent une telle certitude qu’ils ont seuls, la véritable connaissance, qu’ils en sont insupportables, voire, répugnants d’orgueil et de prétention. C’est le cas de l’ex Ministre de l’enseignement, celui qui voulait « dégraisser le mammouth », Claude Allègre.    

   Lors d’une émission, ce dernier affirmait que le réchauffement de la planète n’était pas dû à l’activité humaine. Et péremptoire, il déclarait : « Je sais de quoi je parle, j’ai écris un livre » puis peu après dans cette même émission, il ajoutait avec la même arrogance : « …j’ai eu des débats scientifiques sur ce sujet, je n’en ai perdu aucun »

 Et nous avons d’autres certitudes, celles des complotistes de tous bords, puis nos « têtes plates » qui nous assure contre vents et marée que « la terre est plate » (Sourate al-Hidjr : « Et quant à la terre, Nous l’avons étalée et y avons placé des montagnes… »).

   Alors, si c’est écrit dans un livre, c’est incontestables pour des intégristes qui n’obéissent qu’à une idéologie, une lecture , comme bien des « cerveaux buvards »  (Luis)

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« Par certitude nous devons entendre la manière dont la conscience vit et éprouve, sans aucun motif ni aucun raison d’en douter, le savoir qui se constitue et se déploie en elle » (Charles Appuhn)

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 « Eviter de construire une certitude objective sur un raisonnement basé sur des certitudes subjectives ».  (Descartes)

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« Désormais le philosophe n’énoncera plus le savoir. En revanche le philosophe a toujours en charge de traquer les illusions. La leçon est simple, rien n’est juste, rien n’est faux, tout réside dans l’interrogation, l’inquiétude, le vacillement de la conscience confrontée au monde » (Jean Toussaint Desanti. 1914)

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« Que le soleil se lève demain est une hypothèse » (Ludwig Wittgenstein)

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« Dans le monde antique, c’est l’analyse des aspects objectifs  du concept qui prévaut : pour Platon, pour Aristote, la certitude s’identifie à la stabilité, puisqu’il ne connaisse certaine que des choses stables, alors que le mouvant  donne lieu à une connaissance probable. (Platon Philèbe, 59b ; Timée 29b-c).

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 Aristote, en particulier, en donne une formulation logique, affirmant que c’est seulement dans le raisonnement apodictique*, dont la négation est impensable ou contradictoire, qu’existe la garantie d’une persuasion objectivement fondée. En cela Aristote s’opposait à la thèse des sophistes selon laquelle toute certitude était produite par des modalités formelles du discours, elle serait liée à l’habilité rhétorique de celui qui l’énonce » (*Apodictique : Qui a le caractère convaincant, évident d’une proposition démontrée.)

…..Thomas d’Aquin établi une distinction entre la certitude des vérités de la foi, dans lesquelles prédomine l’élément subjectif, c’est-à-dire la volonté d’accepter l’autorité du Dieu et de la Révélation : et la certitude sur les vérités de la raison fondées sur l’évidence »  (Article – Discours, Encyclopédie de la philosophie. Pochothèque)

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« Je ne me persuade pas aysement qu’Epicurus, Platon et Pythagoras nous ayant donné pour argent contant leurs Atomes….Ils estoient trop sage pour establir leurs articles de foy de choses si incertaines et si debatables. Mais en cette obscurité du monde, chacun de ces grands personnages s’est travailler d’apporter une telle quelle image de lumière…  (Montaigne.Essais. Livre 2 ; § XII)

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«  On me fait haïr les choses vray-semblables quand on me les plante pour infaillibles… » (Montaigne. Essai. Livre III. § XI)

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Jankélévitch disait vouloir s’en prendre à « l’éclat des certitudes inoxydables »

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« L’erreur particulière fait premièrement l’erreur publique. Ainsi va tout ce bâtiment, s’étoffant et formant de main en main ; de manière que le plus éloigné témoin est mieux instruit  que le plus voisin, … »  (Montaigne. Essais. Livre III. § XI)

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« Rien n’est plus dangereux que la certitude d’avoir raison ». (François Jacob. L’enjeu des possibles)

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Leibniz inventera le concept de « certitude morale » : comme pour Thomas d’Aquin celle de la foi. Puis viendra le concept de (certitude scientifique), fait observable par expérimentions renouvelées.  (Luis)

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Introduction au débat : « Du doute et des certitudes» : D’emblée le débat se scinde en deux grandes tendances. L’une qui positive le terme « certitude » lequel permet de « faire avancer » et donne « espoir et courage », l’autre qui met en exergue ses aspects négatifs. « blocage, obstacle, rejet de l’écoute de l’autre ». Le terme doute produit les mêmes effets. Pour certains le doute permet de « se poser des questions, de rechercher autre chose, de faire naître le rêve, de donner du sens à la vie » et pour d’autres « c’est un obstacle à l’action de décision ».

Je voudrai essayer de soutenir que les certitudes ne sont pas contraires, ou seules contraires, à la connaissance.

Tout au long de l’Histoire humaine,  combien  de certitudes bousculées. Cependant avec ces certitudes fausses, les sociétés ont avancé. Avancé pour pouvoir découvrir, pour pouvoir évoluer. Nous avons même dépassé les certitudes de nos philosophes de système.

«  Quelque soient nos doutes philosophiques, nous sommes bien obligés d’agir dans la vie comme si nous ne doutions pas »    (Anatole France. La vie littéraire)

 De fait quelle société aurions nous si l’homme avait baissé les bras sur tout ce qu’il ne savait pas avec certitude.

Je pense que le véritable contraire de la connaissance est l’incuriosité, laquelle se repose sur « le  doux oreiller des certitudes ».

   En fait aimerions-nous vivre dans un monde où toute chose aurait une explication précise, ce serait alors la mort de notre imaginaire; et sans la part d’imaginaire, nous n’aurions que la certitude d’aller vers notre finitude, ce qui rendrait notre vie insipide. « La leçon est simple, rien n’est juste, rien n’est faux, tout réside dans l ‘interrogation, le vacillement de la conscience confrontée à ce monde » (Jean Toussaint DesantiLa non-certitude est l’espoir de tous les possibles   (Luis)

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Dans une pièce de théâtre grec qui moquait des philosophes de l’époque, les Sceptiques, un personnage disait : « Je troquerais bien tous mes doutes pour un petit bout de certitude ».

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 « Lorsque nous prétendons posséder une certitude, ce que nous estimons capables d’en administrer la preuve. Il nous faut donc si nous voulons être sincères envers nous-mêmes, commencer par nous démontrer ce que nous affirmons » (Essai sur les fondements de nos connaissances. A. Cournot. 1851)

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Le sophiste qui nous a laissé une célèbre thèse autour du  doute quant à la certitude, est Carnéade (186 av. notre ère). Thèse de carnéade.

  • Il y a des représentations fausses
  • Ces représentations ne permettent pas une connaissance certaine.
  • Si des représentations n’ont entre elles aucune différence, on ne peut distinguer leur degré de certitude.
  • Il n’y a pas de représentation vraie, distincte d’une représentation fausse.

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« …. La certitude « incertaine » (c’est-à-dire en dehors des sciences exactes) peut tuer. Le doute est ouvert à l’autre puisque celui qui ne sait pas cherche des éléments pour mieux comprendre et mieux savoir. Il existe une morale du doute. Le doute est vertueux (L’ultime liberté. Axel Kahn. Plon 2008)

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« Pour moi la certitude est une capitulation. La qualité principale de l’homme, c’est d’être imprévisible. Il faut aller à l’encontre de toute modélisation. Les normes ne conduisent qu’aux déformations de l’humain » (Armand Gatti)

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« Quant à leur fameuse opinion qu’il y a des antipodes, c’est-à-dire des hommes dont les pieds sont opposés aux nôtres, et qui habitent cette partie de la terre où le soleil se lève quand il se couche pour nous, il n’y a aucune raison d’y croire [….] Mais quand on montrerait que la terre est ronde, il ne s’ensuivrait pas que la partie qui nous est opposée ne fût point couverte d’eau[…] quelle nécessité qu’elle fut habitée, puisque d’un côté l’écriture ne peut mentir… » (Saint Augustin. La cité de Dieu)

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« Les convictions et les doutes sont les deux faces d’une même monnaie»   (Neguib Mahfouz)

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Doctrine et dogme sont les ports pour ceux qui ont besoin de certitude (Luis)

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 L’esprit humain,  a le plus souvent,  horreur du vide, et c’est Rousseau qui le résume bien :

« Le doute sur les choses qu’il nous importe de connaître,  est un état trop violent pour l’esprit humain : il n’y résiste pas longtemps, il décide malgré lui, de manière ou d’une autre, et il aime mieux se tromper,  que ne rien croire » (Jean-Jacques Rousseau. Profession de foi du curé savoyard)

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« Je ne suis point de ces hommes qui expriment des certitudes. Mais je sais que c’est par la connaissance et les raisonnements que les hommes ouvriront les yeux » (Diderot)  

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« Il faut savoir douter de nos certitudes » nous dit Montaigne : « La vérité et le mensonge ont leurs visages conformes, le port, le goût et les allures pareilles: nous les regardons de même œil. …. car, et c’est là une position philosophique ». Montaigne  est intimement persuadé que « le sujet singulier est incapable de dépasser la singularité de ses impressions et de ses imaginations, pour atteindre une connaissance valant universellement… ». « A tout discours » nous dit-il «  s’oppose un discours de force égale ». D’où, son fameux « Que sais-je ? »  (Edith Deléage-Perstunski. Professeure de philosophie)

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