Changer, changement

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Grand Robert de la langue française : Du latin « cambiar » : changer, troquer. 
Abandonner quelque chose et remplacer par autre chose.

Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Lalande : Changement.
(A) Acte par lequel un sujet permanent se modifie, ou est modifié dans quelqu’un ou dans quelques uns de ses caractères.
(B)  Transformation d’une chose en une autre, ou substitution d’une chose à une autre.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Dire que « tout passe et que rien ne demeure » comme fait Héraclite c’est dire que tout change (panta rhei, tout s’écroule) et par constater l’impermanence de tout…….
Donc, il faut durer pour changer. Mais la réciproque est vraie aussi ; il faut changer pour durer. Dans un monde où tout change, l’immobilité est impossible et mortifère…. Un individu ne peut rester lui-même qu’à condition d’évoluer, fut-ce à contrecoeur ou le moins possible. Vivre c’est grandir ou vieillir –deux façons de changer…

Synonyme : Bouleverser. Chambarder. Chambouler. Evoluer. Métamorphoser. Modifierr. Remplacer. Révolutionner. Transposer. Troquer.

Contraires : Constance. Durer. Immobilité. Persistance. S’entêter.

Par analogie : Altérer. Améliorer. Changeant. Conversion. Corriger. Corrompre. Déguiser. Dénaturer. Evoluer. Falsifier. Girouette. Habitude. Inovation. Modifier. Muer. Mutation. Nuancer. Oser. Quitter. Revirement. Pervertir. Positiver. Remanier. Renoncer. Retractation. Rupture. Se transformer. Transubtantation. Travestir. Versatilité. Vieillir. Virer.

Expressions : Avoir la « Winner atitude ». Devenir méconnaissable. Tourner sa veste. Tourner bride. Un clou chsse l’autre. Virer de bord.

Changer le nom ne change pas la chose

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« Je cherchais partout à savoir qui avait le pouvoir de changer le monde, jusqu’au jour où je me suis aperçu que c’était peut-être moi ».   (Beigbeder. 99 F. Grasset)

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« … Ah ! On danse encore tous les soirs sur la place du village, pendant qu’il y a le monde à changer ! Ah ! On veut être belles, on veut vivre quand même ! Est-ce que je vis moi ? Beaux français, beaux messieurs, je vous ferai passer ce goût de vivre. Je vous ferai propres moi ! »  (Pauvre Bitos ou le dîner de têtes. Jean Anouilh)

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 Ce qui ne change pas est le plus est semblable à la mort  »   (Freud)

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« Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres » (Georges Bernanos) Alors si nous voulons changer ce monde, c’est à nous qu’il appartient de la changer.

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«  Ah !que j’ai de dépit que la loi n’autorise

A changer de mari comme on fait de chemise »

(Molière. Femme de Sganarelle)

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Michel Sardou : « S’enfuir et après » / Revivre à peu près /Les mêmes choses qu’on fui / S’en aller ailleurs / Passer l’équateur / et se croire à l’abri. Le monde est sans bout / Le centre est partout/  Notre ombre nous suit / S’enfuir et toujours, les chagrins d’amour / durent toute une vie /Partir en courant : Echapper au temps / Découvrir un ciel / Aller sans valise / sans idée précise / seul’ment se faire la belle / s’enfuir et alors / c’est l’aéroport / l’achat d’un billet / Aussi loin que l’in va  / on part avec soi / on ne s’oublie jamais / se mettre à l’écart / Ne plus rien savoir / du monde où l’on est / laisser en arrière : Les idées amères, / les projets… » (Chanson de Michel sardou. Allons danser)

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« Vous me dites que si on ne transforme pas d’abord l‘homme, on ne peut transformer la société. Nous avons derrière nous deux mille ans de progrès historique qui prouvent le contraire. Les grecs étaient tous racistes et tous esclavagistes ; c’était leur culture. Mais je n’ai pas le sentiment d’être meilleur qu’Aristote ou Socrate simplement parce que je ne suis ni esclavagiste ni raciste. Il y a donc un progrès des cultures et des sociétés, et non pas des individus en tant que tels. Je suis aussi égoïste et aussi lâche que n’importe quel homme de l’ancien temps….Aujourd’hui quelqu’un qui n’est ni esclavagiste ni raciste est simplement quelqu’un de son temps.

Si on avait attendu que les humains soient justes pour que les plus pauvres puissent se soigner, les plus pauvres seraient morts sans soins. On n’a pas attendus que les hommes soient justes, on a créé la Sécurité sociale, on a créé les impôts, on a créé un État de droit,

Je ne crois pas aux progrès de l’humanité, mais je crois aux progrès de la société » (André Comte-Sponville)

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« Le monde n’est qu’un branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse… »  (Montaigne. Essais. Livre 3. § II)

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« Mieux vaut changer ses désirs que de vouloir changer l’ordre du monde » (Descartes)

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Descartes nous dit là que là, où qu’il vain de vouloir changer l’ordre du monde et qu’il faut revoir nos désirs à la baisse, à la hauteur de la seule réalité ; où il nous faut comprendre qu’on ne peut changer l’ordre du monde, si l’on ne change pas déjà soi-même ; entendre par là changer les hommes pour changer le monde, expression qui sera souvent reprise.

Les faits, nos comportements parfois démentent nos propos. « Entre el dicho y el hecho hay un trecho » « Entre le dire et le faire il y a une lieue ». Si donc nous ne vivons pas, nous n’agissons pas selon les principes que nous énonçons, nous sommes alors dans l’imposture.  (Luis)

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« Pour changer un l’esprit, il faudrait changer l’organisation intérieure

Pour changer un caractère, il faudrait changer le tempérament dont il dépend » J.J. Rousseau. Julie, ou la nouvelle Héloïse)

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 « Il lui était arrive lors d’emportements violents, d’avoir l’envie de tout quitter, la vie familiale et ses contraintes, la vie professionnelle et ses pressions [….]On se rêvait le temps de cette furie d’un ailleurs qui aurait le goût de la liberté. Puis la tempête se calmait, et l’on restait gentiment assis dans sa vie ».  (Daniel Foenkinos. Vers la beauté. Gallimard 2018)

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Introduction au débat : Fait-il s’accepter ou se changer ?
Le thème comporte en fait deux questions : 1° S’accepter, 2° changer
A la première, « s’accepter »  je dis oui. A la seconde, « se changer » je dis oui.
Si je ne m’accepte pas,  et si je ne veux pas changer, il me reste comme options que : la corde, le poison, ou les pistolet.
Mais  il y a du positif dans la question.
Imaginez qu’il nous ait proposé : Faut-il ne pas s’accepter, et ne pas chercher à changer,
Ça devenait plus coton.
Dans nombre d’ouvrages de psychologies en kiosque, ou de sites, de blogs  sur Internet ; s’accepter, c’est d’abord et déjà la valorisation de soi, l’amour de soi ; c’est assez vendeur.
Il y a des expressions très mode : il faut positiver, avoir la « winner attitude » booster son ego, ça peut être utile, Pourquoi pas ! .
Maintenant ne pas s’accepter, c’est avoir perdu l’estime de soi, et là il se peut qu’on ait besoin d’aide ; pas forcément de l’aide d’un thérapeute, (pour qui vous deviendrez un filon), mais de l’aide de ceux que l’on fréquente, amis, proches, l’acceptation des autres est indispensable à cette acceptation de moi. Et j’ajoutera que celui qui ne sait plus où il en est, ne sait plus où il va.
Donc s’accepter c’est se connaître, sinon on ne peut passer à la seconde proposition ; on ne peut changer quelque chose qu’on ne cerne pas
On  en revient avec ce thème,  au conseil, au précepte de la pythie, « connais-toi toi-même ».
Car, si je suis l’imbécile heureux, content de lui-même, la deuxième partie de la question me passe au-dessus de la tête.
Même si je le voulais je ne serais jamais un grand blond aux yeux bleus. Autrement dit, il y a suivant la formule de philosophe stoïcien Épictète, ce qui dépend de moi, ce qui ne dépend pas de moi, et ne pas céder à ces désirs qui nous rendent malheureux. Donc, pour appliquer cette très utile recommandation:  Il est tout à fait inutile que je ne dépense pas mon énergie pour des choses qui ne dépendent pas de moi, mais , en revanche, je me dois utiliser toute cette énergie non dépensée, pour tenter d’agir sur les choses qui, elles, dépendent de moi.

    Alors, pour changer, entendons-nous, il faut déjà son auto analyse, et dirait le philosophe,  se connaître, ce qui n’est pas chose si facile ; toujours la besace de la Fontaine, avec devant les défauts des autres, et derrière les nôtres. C’est tout à fait l’image que nous donne l’exercice de psychologie  nommé, « la fenêtre de Johary » : un rectangle qui me représente, le rayon de lumière du projecteur au-dessus, éclaire en faisceau ce qui est le regard des autres, un rayon de lumière d’un autre projecteur sur le côté, éclaire en faisceau ce qui est le regard de moi sur moi. Des deux côtés il y a des angles morts ; je sais, je vois de moi ce que les autres ne voient, les autres voient de moi des choses que je en vois pas. Que vais-je prendre en compte pour changer ?

    Alors, « il faut changer pour être soi » Cette phrase nous dit que parfois, nous pouvons nous retrouver dans une situation ou d’événements en évènements nous nous retrouvons à ne plus être en phase avec cette vie dans laquelle nous avons été entraînés.
Nous avons depuis pas mal de temps perdu le contrôle de la situation. Nous ne savons plus très bien où nous sommes, et en fait, pas là où aurions souhaité aller. Le moi, se sent un être différent, comme un non soi qu’il voit agir. Il me faut suivant l’expression du philosophe : devenir ce que je suis (« devient ce que tu es »)
Quand on ne sait plus où on est, qu’on ne sait plus où l’on va, on sent, on pressent que l’on se retrouve sur des rails qui nous emmènent là où nous n’avions pas l’envie d’aller. On a perdu le commandement, on ne choisit plus sa vie, on devient le personnage de cette vie qui s’écrit sans nous.  
Alors, il faut aller à la rupture, avec les risques de déchirement, affronter la souffrance, pour soi et parfois pour d’autres, afin d’être soi.
Quand on est parti sur la mauvaise route, il parfois possible, de faire sa mue, tel le serpent, changer de peau pour renaître à soi-même.
Changer pour être soi ne doit pas forcément être pris comme une réaction égoïste. Combien de dépression, de suicide de personne qui se sont perdues elles-mêmes, qui ont perdu l’estime d’elle-même. Alors il faut oser être soi, s’accepter, quitte à changer bien des choses.           
Ne pas s’accepter rempli les salons et les comptes en banques des psychiatres. Ne pas s’accepter est le fond de commerce de tout un tas de revues de psychologie, où il faut « positiver », avoir la « winner attitude », l’amour de soi, booster son ego, c’est vendeur »  (Luis)

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« Indépendamment de chaque changement  parmi tous ceux s’étant succédés dans l’Histoire, s’est toujours produit un mélange de bon et de mauvais, accompagné d’une préservation de quelque chose de vital remontant au passé. Personne ne peut nourrir l’espoir de comprendre intelligemment le présent, ou préparer le futur, sans connaître le passé. Les signaux de l’Histoire existent pour être lus »  (Georgia Harkness. Les sources de la morale occidentale. Payot 1957)

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«  Le quotidien nous ennuie. Nous connaissons la source de nos insatisfactions. Nous voulons changer – de lieu, d’amour, de travail et même de manière de voir le monde…Et pourtant, l’inertie a le dessus ; pourquoi ? C’est que nous rencontrons trois obstacles  majeurs au changement : l’habitude, la peur, et la difficulté de savoir ce qu’on veut vraiment

Nous avons d’ailleurs mille raisons de ne pas changer, tout désireux que nous soyons de la faire. Nous ne savons pas par quoi commencer, nous avons peur que ce soit pire après, nous craignons de devenir quelqu’un d’autre, nous sommes intimement persuadé, qu’au fond «  on ne change pas », nous pensons qu’il est déjà trop tard… «  (Article Philosophie magazine. Pourquoi est-il su difficile de changer. N° 115 Décembre 2017)

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« Moi qui n’ai connu toute ma vie que le ciel du nord, j’aimerais débarbouiller ce gris en virant de bord »   (Emmenez-moi au pays du soleil. Charles Aznavour)

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Dans le prolongement du thème proposé par philosophie magazine «  Pourquoi est-il si difficile de changer ? » Il y a la peur de l’inconnu, la peur de ne pas être à la hauteur d’une incertaine ambition de changer, mais surtout, et sûrement inconsciemment la peur de changer ses habitudes, « Ce sont des routines et des inerties  qui le plaque au sol » écrit   Peter Sloterdjik dans l’ouvrage « Tu dois changer ta vie » et plus les années passent et ces deux peurs s’installent; Il faut briser les chaînes qu’on s’est parfois mis soi-même, «  Toute la seconde moitié de la vie humaine n’est faite d’ordinaire que des habitudes contractées pendant la première » fait-il dire à l’un des personnages. Mais c’est la cause, selon son intensité qui va, non seulement initier le désir de changer, mais ne plus laisser d’autre voie, que le changement.  (Luis)

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   Nous attendons tous des changements qu’ils soient, sinon soudains, brusques, qu’ils nous apparaissent ; alors que bien des changements ne se font que dans le temps que ne savons mesurer. C’est, ce sont, des éléments, des personnes qui oeuvrent souvent anonymement pour que ce changement advienne dans un temps à venir ; de  ceux qui jours après jours sèment les graines du savoir. Ce qu’illustre si bien ces parole de la chanson de Jean-Jacques Goldman: «  Il changeait la vie »  (Luis)

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« C’était un professeur, un simple professeur
Qui pensait que savoir était un grand  trésor,
Que tous les moins que rien n’avaient pour s’en sortir,
Que l’école et le droit de chacun de s’instruire
Il y mettait du temps, du talent et du cœur
Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures.
Et loin des beaux discours, des grandes théories
 sa tâche chaque jour, on pouvait dire :
Il changeait la vie »

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 Nous connaissons des gens qui sont hostiles à tout changement, de ceux qui vont toujours en vacances au même endroit des années durant. Face à une vie où tant de choses sont précaires, il leur faut cette sécurité dont il ont besoin, la permanence des choses, la permanence des êtres qu’ils fréquent les rassurent.
Et nous connaissons tous des gens qui veulent toujours le changement. De ceux, (j’en connais) qui changent assez régulièrement les meubles de leur séjour, de leur salon.
De ceux qui n’iront jamais deux fois de suite en vacances au même endroit.
Et il a ceux qui devant une vie monotone, ont un besoin essentiel du changement:

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«  Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles,
Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil » 

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Enfin il a « ceux qui cherchent l’endroit d’où ils n’auront plus l’envie de revenir ? cada uno busca sus mares del sur » (chacun de nous cherche ses mers du sud )  dit dans un roman , Los mares del sur, l’écrivain Montalbán.  (Luis)

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«  As-tu prétendu que les hommes seraient comme les arbres, plantés avec leurs racines ? qu’ils ne changeraient jamais de lieu ? – Mais je quitte mes amis…» (Epictète. Nouveau manuel. L.3. I)

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«  J’examine les hommes, ce qu’ils disent, ce qu’ils font, non pour les blâmer, ou pour m’en moquer, mais je m’en fais l’application a moy-même en disant : commets-je les mêmes pêchez ?
Quand cefferai-je ? Quand me corrigerai-je ? » (Epictète. Nouveau manuel. Livre quatrième)

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