Choix, Choisir.

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L’âne de Buridan (Détail) Arts graphiques,
Musée Carnavalet. Histoire de Paris

Grand Robert de la langue française : Prendre de préférence, faire le choix de… Se décider entre deux ou plusieurs solutions en adoptant l’une d’elles. Ensem

ble des choses parmi lesquelles on peut choisir.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : (Choix) C’est un acte de la volonté, qui porte sur tel objet, plutôt que sur tel autre. Ce choix est-il libre ? Oui en tant qu’il dépend de nous. … Tout choix suppose un sujet qui choisit…

Dictionnaire français : « Littré » : Choisir/ Élire : D’après l’étymologie, Choisir, c’est fixer le regard sur, remarquer, et de là, préférer. Élire, c’est, tirer hors. Un général choisit son terrain, mais il ne l’élit pas. Un auteur choisit ses mots, mais il ne les élit pas. Au contraire, on choisit un homme, on ne l’élit pas.

Dictionnaire Larousse : Faire des comparaisons entre plusieurs choses, exercer son jugement, user de son goût, etc…pour prendre, adopter quelque chose de préférence à quelque chose d’autre. Choisir un livre, un métier…

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :  » Choisir, faire choix, opter, préférer: termes relatifs , ou seulement au jugement que j’aime de différents objets dont elle a compraré les objets entre elles, ou a ce jugement, & une action qui suit ou doit suivre ce jugement, qui la détermine à être telle ou ou telle. Choisir est relatif aux choses; faire choix aux prsonnes. … choisir est copratif à la sélection des qualités; préférer, à laction qui la suit . J’ai choisi entre beaucoup d’étoffes, mais après avoir bien examiné, j’ai donné ma préference à celle que vous me voyez. … Lorsque l’abbé Girard nois a dit qu’on ne choisissoit pas ce qu’on préferoit, & qu’on ne préferroit pas toujours ce qu’on choisissoit , il nous a paru qu’il n’opposait pas ces deux termes par leur véritable différence . On préfere toujours celui qu’on a choisi, on prendroit toujours celui qu’on a préferé, mais on n’a as toujours, ni celui qu’on a choisi, ni celui qu’on a préferé. .. M. Labbé Girard prétend que l’amour préfere & choisir en ce sens, nous paroit fausse; le seul amant qui n’ait pas choisi; et celui qui n’ayant pas deux objets à comparer, n’a pu donner sa préference. Opter, c’est être dans la nécessité, ou d’accepter ou de refuser l’une de deux choses: lorsqu’il ny a pas contrainte d’acceptation ou de refus, il peut encore y avoir un cas d’option, mais c’est le seul, celui où l’on aperçoit entre ces deux objets aucune raison de préference… Le mot choix se prend en bien cmme en mal, & et l’on trouve plus souvent à reprocher au mauvais choix, ou’à faire l’éloge du bon » (R)

Sélectionner quelqu’un pour remplir telle ou telle fonction : choisir son député, un avocat…

Se déterminer pour telle ou telle attitude : pour se défendre, il avait choisi de se taire.

Sélectionner quelque chose, quelqu’un avec soin : choisir ses mots, ses amis…

Synonyme : Adopter. Décider. Décision. Départager. Désigner. Déterminer. Distinguer. Élire. Embrasser. Nommer. Opter. Préférer. Pendre parti. Sélectionner. Se déterminer. Se prononcer. S’engager. Trancher.

Contraires : Abstention. Ajourner. Attendre. Balancer.Douter. Epochè. Être indécis. Hésiter. Indécision. Refuser. Se réserver. Temporiser. Tergiverser.

Par analogie : Accepter. Aimer mieux. Âne de Buridan. Biais de confirmation. Chouchou. Comparer. Contingences. Circonstances. Déliber. Désir. Destin. Dévolu. Différence. Drame cornelien. Elire. hasard. Hésitation. Honorer. Indécis. Jury. Mandater. Nominer. Nommer. Option. Pari de Pascal. Prédilection. Premier choix. Plébisciter. Préférence. Promouvoir.  Pyrrhonisme.  Se prononcer. Scepticicisme. Trier. Volition. Volonté.

Expressions: Arrêter son choix. Avoir l’embaras du choix. Faire son choix. Entre les deux mon coeur balance. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. jeter son dévolu. On ne choisi pas sa famille. Pêt ben qu’oui, p’têt ben qu’non. Trié sur le volet. Un morceau de choix.

« Mais nous ne choisissons pas. Notre destin choisit. Et la sagesse est de nous montrer dignes de son choix, quel qu’il soit »  (R. Rolland. Le voyage intérieur) Cette expression est dans le droit fil de la philosophie stoïcienne, dans laquelle : «  Rien », nous dit Sénèque « ne peut fléchir les arrêts du destin…et ce serait se contredire que de plus vouloir ce qu’il a voulu ». Pour les stoïciens, ce qui arrive, est, nécessaire. 

 » C’est ma vie, c’est ma vie, je n’y peux rien, c’est elle qui m’a choisi  » Chante Adamo. Ce qui dit une fois de plus que si nous faisons le décompte des choix que nous avons fait pour ce chemin de vie, bien peu parfois on dépendu de nous. Situation imagé aussi dans un roman:  » C’est comme ça que Christophe avait compris: cette vie n’avait pas été la sienne. Elle (cette vie), n’avait fait que l’emprunter comme un pont, comme une paire de chaussures, ne lui laissant à quarante ans qu’un chapelet de souvenirs flous. Au fond, il n’était bon qu’à donner sa force pour un destin qui ne le regardait pas. A travers lui, le monde s’était perpétué sans lui demander son avis. Quand on regardait ça à distance, c’était à se flinguer » (Nicolas Mathieu. Connemara. Actes sud 2022)

« On ne décide jamais de la façon dont on vit : on reproduit des modes de vie – dont on a hérité à travers ses proches, que l’on a adopté à travers l’éducation…Le processus d’individuation est essentiellement un processus d’adoption » (Réenchanter le monde. Bernard  Stiegler.Flammarion. 2006)

« Moi qui n’ai connu toute ma vie que le ciel du nord, j’aimerais débarbouiller ce gris en virant de bord »  (Charles Aznavour. Emmenez-moi au pays du soleil)

«  …la délibération volontaire est toujours truquée…En fait, motifs et mobiles n’ont que le poids de mon projet, c’est-à-dire la libre production de mon projet, c’est-à-dire la libre production  de la fin et de l’acte … Quand je délibère les jeux sont fait …Quand la volonté intervient, la décision est prise et elle n’a d’autre valeur  que celle d’une annonciatrice »  (Jean-Paul Sartre. L’être et le néant)

« Vis de telle sorte que tu veux souhaiter de revivre cette vie » (Nietzsche)

« Ne donnez pas aux gens le choix, mais la possibilité de choisir. Peu d’entre nous tolèrent le vertige de la pure liberté »   (Yannick Granneck. La Déesse des petites victoires)

« …, choisir, c’était renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste, et la quantité nombreuse de ce reste demeurait préférable à n’importe quelle unité. De là me vint d’ailleurs un peu de cette aversion pour n’importe quelle possession sur la terre, la peur de n’aussitôt plus, posséder que cela ».  (Les nourritures terrestres. André Gide)

 « T’imagines pas tout ce qui peut influencer nos actes, nos pensées et nos sentiments sans qu’on en ait conscience : on croit faire des choix, mais on ne les fait pas. On est manipulés par des petits événements oubliés.. »  (Réplique dans : Plus vraie que nature, Théâtre)

« Des livres m’avaient montré chaque liberté provisoire et qu’elle n’est que jamais choisir son esclavage, ou du moins sa dévotion, comme la graine des chardons vole et rôde, cherchant le sol fécond où fixer ses racines, – et qu’elle ne fleurit qu’immobile » (Les nourritures terrestres. André Gide)

Quand nous avons à faire des choix ; nous sommes devant divers chemins qui s’offrent à nous, mais parmi ces chemins il en est d’improbables, car mon histoire a déjà une présélection.

Si tout à coup j’achète des baskets rouges au lieu de mes habituelles chaussures Richelieu, si je change tout mon style vestimentaire, c’est que mon histoire est en train de prendre un chemin différent.   (Luis)

«  Pour des parents croyants, qu’ils soient juifs, chrétiens, musulmans, bouddhistes ou autres, la réponse est parfois automatique : « Ma fille sera chrétienne comme moi. Mon fils sera musulman comme on l’a toujours été….Mais de nombreux parents comprennent que l’autonomie de leur enfant est en jeu. Ils cherchent alors à leur transmettre un héritage sans pour autant les formater ni les prédéterminer. Comment faire ? Où est la limite entre transmettre et conditionner. La même interrogation se pose du côté des familles athées » (Abdennour Bidar. Quelles valeurs partager et comment les transmettre aujourd’hui ? § 16 Être autonome..)

« Por que la existencia es un camino, y que caminar implica eleción continua »

« Parce que la vie est un chemin, et que faire le chemin implique des choix continus » (Arturo Perez Reverte. La Reina del sur)

Introduction au débat : « Choisissons-nous notre vie ? »

    Cette question qui semble si banale est pourtant essentielle en philosophie, elle nous concerne tous. Elle n’est pas qu’un regard dans le rétroviseur, elle concerne demain. Nous retrouvons ce thème dans le roman, le théâtre, la poésie et aussi dans la chanson. Sans tomber dans les angoisses existentielles, nous pouvons parfois nous poser ces questions : Qu’est-ce qui m’a réellement construit ? « Ai-je choisis le bon sentier ? / J’en suis encore à me le demander », chantait Michel Polnareff (dans sa chanson  Sous quelle étoile suis-je né ?).  Quels furent mes choix personnels, choix qui ont fait à ce jour mon parcours de vie ? Quelle est la part des contingences ? Autrement dit, quand ai-je pu exercer ma volonté, mon « vouloir être moi », quand faisons-nous seuls notre « chemin de vie » ? A quel moment se font les choix cruciaux ? Et jusqu’à quel âge pouvons-nous infléchir le cours de notre vie ? Entre ce que je voulais être et ce que je suis, avais-je les atouts,  ne suis-je pas qu’un compromis ?

    Nous allons rencontrer dans ce débat l’existentialisme : « L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait…Chaque personne est un choix absolu de soi » (Jean-Paul Sartre), ou rencontrer fatalisme et contingence, ou non choix comme nous le dit la chanson : « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. On choisit pas non plus les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger, pour apprendre à marcher ». (Maxime le Forestier : Être né quelque part).

Par ailleurs, doit-on penser que ceux qui n’assument pas leurs choix de vie sont ceux qui ont échoué?

Doit-on penser que ceux qui assument, voire même qui revendiquent leurs choix, seraient ceux qui ont réussi?

Doit-on penser que nous n’agissons qu’à la marge sur le cours de notre vie, comme l’exprime une autre  chanson : « C’est ma vie, c’est ma vie, je n’y peux rien, c’est elle qui m’a choisi » (Adamo : C’est ma vie). Alors ne serions-nous que des nomades de la vie ?

Et enfin, ce qui détermine nos choix de vie, est-ce : La raison ? L’intérêt ? L’affection? L’amour ? Ou est-ce le hasard seul qui seul agit ? Pour l’écrivain José Luis Borgès, « c’est la porte qui choisi », autrement dit, les circonstances (ces portes) s’ouvriraient à nous plus que nous les ouvririons.

Est-on plus libre de choisir quand on est seul ou fait-on des meilleurs choix à deux, à plusieurs ? Et si nous avions toutes les  possibilités de choix, seriez-vous là ? La multiplicité infinie des choix ne pose-t-elle pas d’autres problèmes ?   (Luis)

Et si j’étais né en 1917 à Leidenstadt
Sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j’avais été allemand ?
………………
On saura jamais ce qu’on a vraiment dans nos ventres
Caché derrière nos apparences
L’âme d’un brave ou d’un complice ou d’un bourreau?
Ou le pire ou plus beau?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d’un troupeau
S’il fallait plus que des mots?


REFRAIN
Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D’avoir à choisir un camp

« Le Caudillo était en train de prendre son petit déjeuner, du chocolat et des toasts, avec un tas de papiers officiels sur sa table et deux chaises à côté de lui, une à sa droite, et une à sa gauche. Il examinait ces feuilles, puis les posaient sur l’une des chaises, tantôt à droite, tantôt à gauche tout en continuant de faire des mouillettes dans son chocolat. Il me laissa attendre un bon moment, car il voulait d’abord finir son tas. En partant, je m’approchai de l’un de ses secrétaires. : « Dites-moi, donc, que diables peuvent bien être ces papiers que le général est en train de classer » ? » Et lui de me répondre : EH, bien, voyez-vous, ce sont les sentences de mort ». Donc, quand il posait une feuille sur la chaise de droite, cela signifiait que la peine capitale serait appliquée, alors que celles de gauche demanderaient un complément d’examen.  (Témoignage de Sainz Rodriguez, Ministre de l’éducation de Franco)

« Que les vagues me portent, et les vagues m’emportent

Et que jamais elles ne m’obligent de choisir le chemin »

Antonio Machado

« Voilà comment la raison fournit d’apparence à divers effects. C’est un pot à deux ances, qu’on peut saisir à gauche ou à dextre »  (Montaigne. Essais. 1. Livre 3. §12)

« J’ai pris la route droite, la route défendue, la route maladroite, dans ce monde tordu. En allant tout droit, tout droit, je me suis retrouvé derrière moi »   (Qui suis-je ? Guy Beart)

Choisissons-nous notre vie ?

Lorsqu’on vit sur des rails, choisi-t-on l’aiguillage ?

Et le train-train des jours, et le fil du destin

Des choix que l’on croit faire, au ressort clandestin

Des élucubrations d’une Pythie sauvage

Et si j’ai déchiffré son cruel babillage

Et que j’ai fuit en vain le duel intestin

De mon rêve enfantin et du vieux cabotin

Chaque jour avalé m’a mis en esclavage

Et le jour où l’on tranche à deux mains d’un seul coup

Tous les nœuds emmêlés, noués comme un licou

Est-ce vraiment notre choix ou le destin qui ruse ?

Ainsi feront toujours les petites marionnettes

Si le pantin c’est moi, qui pleure et qui s’amuse

Je ne sais toujours pas qui manie les manettes

Florence Desvergnes

 « Finalement, pour prendre une décision, il faut toujours être en nombre impair et jamais plus de deux »   (Bruno Jarrosson)

« Il faut vivre la vie qu’on a imaginé » (Thoreau) « Il faut aller voir dans la direction de ses rêves…, prends tes désirs pour la réalité, fais de telle sorte que tes rêves puissent être déterminants, ne renonce pas à tes rêves…, si vous avez bâti des châteaux en l’air, votre travail ne sera pas forcement perdu, c’est bien là qu’ils doivent être, maintenant il n’y a plus qu’à placer les fondations dessous…. ».

Thoreau nous dit là que nos choix de vie doivent comporter une part d’idéal, d’utopie même, c’est objectif à partir duquel on va mettre en œuvre les moyens pour y parvenir. C’est nous dit-il dépasser le réel pour créer son projet de vie.  (Luis)

Todo pasa y todo queda

Pero el nuestro es pasar,

Pasar haciendo caminos,

Caminos sobre el mar.

Tout passe et tout reste

Mais le nôtre (notre destin) est de passer

Passer en faisant des chemins

Des chemins sur la mer

Caminate no hay camino.

Se hace el camino al andar,

Al andar se hace el camino.

Caminante son tus huellas

El camino y nada más.

Voyageur il n’y a pas de chemin

Le chemin se fait en marchant

En marchant se fait le chemin

Ce sont les traces de tes pas

Le chemin, et rien de plus

Y a volver la vista atrás,

Se ve la senda que nunca más

Se ha de volver a pisar.

Caminante no hay camino,

Sino estelas en el mar.

Et, tournant le regard en arrière

On voit le sentier que plus jamais

Sur lequel nous aurons à marcher

Voyageur il n’y a pas de chemin,

Sinon un sillage dans la mer.

Antonio Machado

La philosophie doit nous apprendre à être bien conscient de nos choix de vie. Celui qui sait,  qui s’est instruit de la responsabilité des choix de vie, va prendre encore plus conscience de sa pleine responsabilité ;«  Fais la balance des comptes, dis-je, et passe en revue tous les jours de ta vie : tu verras qu’il t’en resté pour toi qu’un très petit nombre, le déchet…  ainsi quand un homme a des cheveux blancs et des rides, n’en conclut pas qu’il ait longtemps vécu ; il n’a pas longtemps vécu, il a longtemps été. Quoi donc ! Penses-tu qu’il a beaucoup navigué celui qu’une violente tempête a surpris à la sortie du port, a poussé ça et là, et, dans les tourbillons de vents contraires a fait tourner en cercle dans un même périmètre ? Il n’a beaucoup navigué mais a été longtemps ballotté » (Sénèque. La brièveté de la vie. § VII.1)

« Je crois qu’il est bon de pouvoir Henriette, de choisir un mari » (Molière. Les femmes savantes)

Lorsque nous avons à prendre une décision, à faire un choix, qu’est-ce qui va déterminer le choix : un maximum de plaisir, l’hédonisme ? L’utilité suivant la théorie de Jérémie Bentham, au final un choix qui additionnerait maximum de plaisir maximum d’intérêt matériel, si ces éléments ne sont pas à éliminer les choix se font sur d’autres critères, le tout ne correspond pas à la valeur des différentes parties, et les choix vont correspondre à une règle propre à l’individu ; individu idéaliste, individu matérialiste, pragmatique, suivant son éthique ; éthique de conviction  pour l’un, éthique de responsabilité, pour l’autre.  

   Pour Kant l’individu ne peut choisir en totale liberté, en totale autonomie, il est formaté par son milieu, il n’a les choix que dans les possibilités qui lui sont offertes, il nomme ce principe « hétéronomie » par opposition à « autonomie » soit le fait que l’individu vit selon les règles qui lui sont imposées. Cela pourrait se résumer par le choix du non choix.  (Luis)          

« Vague gigantesque que le vent

Hérisse et pousse sur la mer

Qui roule, et passe et ne sait pas

Quelle plage elle cherche

……………………….

Je suis cette vague, qui au hasard

Traverse ce monde sans savoir

D’où je viens, ni où

Mes pas m’emmèneront ».

Gustavo Adolfo Becquer.

   Il est arrivé à bien des personnes de passer par des moments de doute, devant cette question de notre autonomie de choix de vie. On se retrouve à 30 ans 40 ans marié (e), avec des enfants, des beaux parents, tout un environnement qui n’est qu’un enchaînement que vous n’avez pas réellement contrôlé. Vous êtes sur les rails, vous voyez votre vie se dérouler dans un ordre, prévisible,  inexorablement entraîné vers une vie qui finalement n’est pas celle que vous auriez choisi, si vous aviez prit un de temps de réfléchir à ces choix. C’est alors une crise : « Ainsi la vie en bocal est-elle possible tant que tout glisse, tant que rien ne heurte ni ne s’affole. Et puis un jour l’eau se trouble. Au début à peine un voile.., en silence quelque chose se décompose. On ne sait pas bien quoi. Et puis l’oxygène vient à manquer… » (Les heures souterraines. Delphine de Vigan. Lattès 2009)

     Et puis vient le temps où, le chemin parcouru est déjà conséquent, le temps parfois des questions existentielles ; on se rappelle, mais tout à la fois on reconstruit, notre passé n’est pas un souvenir continu, et là de nouveau on fait des choix, même inconsciemment notre mémoire fait des choix, et au final : nous choisissons notre vie passé.   (Luis)

   Choisir sa vie est toujours ces options entre : obéir à sa seule volonté, à ne tenir compte que de ce « vouloir être soi », ou négocier avec la, ou les nécessités de la vie, des évènements, des contraintes du vivre avec les autres.

Être soi, belle intention, c’est être vrai, c’est être pur, sans fard, mais cela peut être une posture d’égoïste, qui dirai « je suis moi-même, il faut me prendre tel que je suis », c’est être infatué de soi, et penser que l’on n’a pas à faire d’effort pour être agréable aux autres, agréables à vivre, forcer sa nature dépasser son égoïsme n’est pas renier son identité. Nous choisissons pour nous, mais nous aimons qu’on nous aime, nous disait Voltaire, alors nous faisons des efforts, des choix en conséquence. (Luis)

Dans le film Conte d’hiver de Rohmer la question est posée au personnage, -« Félicie, es-tu d’avoir fait le bon choix ? » celle-ci répond : « – Je n’en sais rien. Mais il fallait choisir. Quand on choisi, on ne sait pas, sinon il n’y a pas de risques » (Luis)

 » Dans les toutes dernières décennies, la recherche dans les domaines comme celles des neurosciences ou l’économie comportementale a permis aux scientifiques de pirater les humains et, en particulier de comprendre beaucoup mieux leur mécanisme de prise de décision. Il est apparu que tous nos choix, de celui des aliments jusqu’à celui de nos partenaires, ne résultent  pas de quelconque libre arbitre, mais de milliards de neurones qui calculent les probabilités en une fraction de secondes. » (Yuri Noah hariri. 21 leçons pour le 21ème siècle)

Introduction au café-litteraire : « La vie est-elle un roman ».

Si ma vie est un roman j’aimerais connaître celui qui a écrit cette histoireHistoire,  où j’ai parfois l’impression de jouer un rôle que je n’ai pas vraiment choisi ; scénario que je découvre chemin faisant, chaque jour. Une question : cette histoire était-elle déjà écrite, ne serait-je que le personnage, jouant un rôle qui m’étais défini, suis-je comme Macbeth « une ombre qui passe, un pauvre acteur, qui s’agite et parade une heure sur la scène… » Ou, alors, pour être plus positif, et en accord avec l’existentialisme, suis-je l’auteur de ma propre histoire, suis-je réellement « les choix que j’ai fait, le choix absolu de moi ». De plus ai-je pu ou su donner une sens à ma vie pour orienter mes choix : montre-moi la direction, je trouverai le chemin.                    

     Cette histoire qui s’écrit « en la vivant » nous en sommes, acteur, mais aussi l’auteur, « L’avenir ce n’est pas ce qui va arriver, c’est qu’on va en faire »  Gaston Bachelard.  et notre histoire dépend en grande partie de notre aptitude à choisir, à orienter notre vie, d’oser ouvrir nous-mêmes de nouveaux paragraphes, et cela dépend aussi de la fantaisie dont certains ont besoin dans leur vie.                                                                                                

   Nous choisissons aussi par mimétisme, nous faisons comme les autres: « On passe facilement du côté du plus grand nombre, Socrate, Caton, Lelius, la multitude qui ne leur ressemblait pas aurait ou ébranler leur mode de vie. Nécessairement, ou tu imiteras, ou tu détesteras, or, l’un ou l’autre sont à éviter. Ne te fais semblables aux mauvais parce qu’ils sont en nombre, parce qu’ils ne te ressemblent pas. Rentre en toi-même autant que tu peux, fréquentes ceux qui te rendrons meilleurs, accueilles ceux que tu peux, toi, rendre meilleurs ». (Lettre à Lucilius. Sénèque). Pour cela, notre milieu, tous ceux que nous fréquentons, par nécessité, par choix, ce n’est pas sans importance, sans conséquence.  (Luis)

Sous Quelle étoile Suis-je Né ? »

Sous quelle étoile suis-je né ?
J’en suis encore à me le demander
Je chercherai peut-être encore
Lorsque sonnera l’heure de ma mort

Ai-je choisi le bon sentier ?
J’en suis encore à me le demander
Je voudrais ne pas regretter
Lorsque sonnera l’heure de ma mort

Je n’ai pas eu l’idée
De voir le jour
Je n’ai pas décidé
Ce court instant d’amour
Sous quelle étoile suis-je né ?
J’en suis encore à me le demander
Je chercherai peut-être encore
Lorsque sonnera l’heure de ma mort

Sur l’amour sur l’amitié
Mon avis n’aura-t-il pas changé ?
Seront-ils à mon chevet ?
Lorsque sonnera l’heure de ma mort

Je n’ai pas eu l’idée
De voir le jour
Je n’ai pas décidé
Ce court instant d’amour

Sous quelle étoile suis-je né ?
J’en suis encore à me le demander
Je chercherai peut-être encore
Lorsque sonnera l’heure de ma mort

Ai-je choisi le bon sentier
J’en suis encore à me le demander
Je voudrais ne pas regretter
Lorsque sonnera l’heure de ma mort
L’heure de ma mort, l’heure….

(Michel Polnareff)

« L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait.., chaque personne est un choix absolu de soi » (Jean Paul Sartre). Voilà un propos qui n’est adaptable qu’à une certaine catégorie d’individus, ceux qui ont la chance de vivre dans un cadre où l’on peut choisir. Sous d’autres latitudes l’existentialisme peut être considéré comme une philosophie bourgeoise.  (Luis)

La vie, dit la chanson « c’est elle qui m’a choisi », de fait cette vie choisie et non choisie, est aussi dépendante des autres. Nous ne sommes pas, nous n’existons pas  hors du milieu où nos avons vécu, celui où nous vivons, « Je ne me suis pas plus fait que cette vie ne m’a fait » aurait peut-être dit Montaigne, il y a là ce que les biologistes appellent un processus de co-individuation.   «  Nul n’a l’honneur d’avoir une vie « à lui ». Quand je parle de moi, je parle de vous, comment ne le voyez-vous pas ? » (Victor Hugo)

J’étais présent dans mon passé, ayant à choisir à la croisée des chemins, choisir peut-être une autre histoire, un autre « moi », ne pas laisser passer le train peut-être, faire le voyage avec d’autres personnes…Tant de gens, tant de vies inconnues qui m’attendaient.., pourquoi cette route plutôt qu’une autre ? »  Je ne suis peut-être que le compromis entre ce que je voulais être et ce que je suis, ce dont j’ai été capable d’être. (Luis)

«  Le problème…est que beaucoup de comportements qui semblent délibérés peuvent être expliqués par les conditions antérieures de notre constitution biologique. Au bout du compte, tout ce que nous pensons et faisons résulte de certaines conditions et de certains processus antérieurs, qu’il se peut que nous puissions contrôler »  (Antonio. Damasio. Spinoza avait raison. Odile Jacob. 2003)

Ce qui semble confirmer la phrase de Sartre « Quand je délibère, les jeux sont faits »«  Jean-Paul Sartre, avait sûrement lu Épictète qui utilise cette formule en l’empruntant à Tacite, et en le citant, (lui) : «  Qui  deliberant, jam dessiverunt »

   Nos choix de vie n’engagent pas que nous-mêmes, tous nos choix engagent les autres, c’est pour cela que les choix des individualistes, des égoïstes de tout poil, sont très nocifs pour la société. Dans une société d’individus responsables: « Chacun se sent responsable de tous ». (St Exupéry)

  » Vivre et désirer, est-ce que personne ne peut le faire à ma place ? « (Heidegger)

  « Existe t-il un seul choix de vie qui à l’examen ne semble pas dérisoire ? » ……  (Cioran)

La source qui jaillit va s’écouler en rencontrant les accidents de terrain, notre source de vie rencontre d’autres accidents. Nous sommes comme ce ru, qui devient rivière, qui devient fleuve. Ce sont des milliers de sources, qui sont cette fuite en avant qu’est notre vie, avec tous les choix circonstanciels.  (Luis)                                                                                                                

Des scientifiques (des scientistes) nous disent que notre devenir est inscrit dans nos gènes, que nous sommes marqués dans nos chromosomes, déterminés, que rien n’est du au hasard, même l’acte de suicide. Nous ne serions en rien maîtres de notre destin, nous croyons faire des choix alors que nous réalisons un projet de vie qui était depuis notre naissance. (Luis)

« J’aimerai bien pouvoir refaire le chemin à l’envers » Dave)

Paroles de la chanson–titre « Résiste » (France Gall):

« Si on t’organise une vie bien dirigée

Où tu t’oublieras vite,

Si on te fait danser sur une musique sans âme

Comme un amour qu’on quitte,

Si tu réalises que la vie n’est pas là,

Que le matin tu te lèves

Sans savoir où tu vas, Résiste,

Prouve que tu existes,

Cherche ton bonheur partout, va,

Refuse ce monde égoïste. Résiste,

Suis ton cœur qui insiste.

Ce monde n’est pas le tien,

viens, Bats-toi, signe et persiste,

Résiste. »

« Les hommes sont malheureux que dans la mesure où ils n’assument pas leurs rêves »  (Jacques Brel)

« Il faut vivre la vie qu’on a imaginé »,écrit l’Américain Henry David Thoreau (1817-1862). « Il faut aller voir dans la direction de ses rêves… ; prends tes désirs pour la réalité, fais de telle sorte que tes rêves puissent être déterminants, ne renonce pas à tes rêves… ; si vous avez bâti des châteaux en l’air, votre travail ne sera pas forcement perdu, c’est bien là qu’ils doivent être ; maintenant, il n’y a plus qu’à placer les fondations dessous…. ». Thoreau nous dit là que nos choix de vie doivent comporter une part d’idéal, d’utopie même ; c’est l’objectif à partir duquel on va mettre en œuvre les moyens pour y parvenir. C’est, nous dit-il, dépasser le réel pour créer son projet de vie.  (Luis)

La vie n’est que choix incessants ; on pourrait la comparer au jeu d’échec, avec, au départ, des milliers de combinaisons dans le cadre des règles du jeu, valeurs, lois, usages ; chaque coup joué oriente le cours de cette vie, mais, comme aux échecs, on va se trouver devant des coups que l’on n’attendait pas. Et, entre ce que je suis et ce que j’aurais voulu être, il y a ces milliers de coups qui étaient à jouer, il y a une suite de contingences, qui ouvraient ou fermaient les voies possibles: «L’existence est un chemin et ce cheminement implique un choix continu » (Arturo Pérez Reverte).

    Dans ce domaine, l’aide de la philosophie dans nos choix de vie n’est pas qu’introspectif, ce n’est pas que construction de soi ; nous sommes nous et nos circonstances. Ce sujet pouvait tout aussi bien se conjuguer au pluriel, nos choix n’engagent pas que nous-mêmes ; tous nos choix engagent les autres, c’est pour cela que les choix individualistes, les choix égoïstes de toute sorte sont très nocifs pour la société. Choisir notre vie, c’est choisir ensemble la société que nous voulons pour demain pour nous, pour nos enfants. Des impératifs liés à l’environnement vont très vite nous obliger à faire des choix, On ne fait pas société tout seul, nous ne choisissons pas notre vie, si nous refusons de faire les choix collectifs. Là aussi, nous sommes responsables : « L’homme détermine la société et non l’inverse. » (Cai Chongguo, professeur de philosophie chinois en exil).  (Luis)

« Le désir de l’enfant est souvent formaté dés le plus jeune âge, et il a fini par croire lui-même que c’était sa volonté. En vérité il n’a pas eu le choix. Il était prisonnier des enjeux affectifs qui le lient à ses parents… »   (Delphine de Vigan. Les enfants rois. 2021)

L’expression : « on ne perd que sa mise », nous dit que prendre une option s’engager sur un projet, n’engage pas sa vie, on apprend aussi par l’échec. Mais l’autre face de cette expression, nous dit que si l’on ne prend pas de risque, que si l’on ne mise pas, ce mieux, ce meilleur que beaucoup d’entre nous recherchent, ne tombera pas du ciel. Cela nous rappelle cette publicité pour le loto,  (tautologie) « Tous ceux qui ont gagné avaient joué ».  (Luis)

« Dans l’ouvrage «  La démocratie des crédules », j’ai pointé la puissance éditoriale du biais de confirmation qui nous conduit à chercher des  informations qui vont dans le sens de nos attentes [….] nous allons lire des sources d’information  qui nous paraissent utiles, ‘c’est-à-dire qui défendent généralement des points de vue qui sont proches des nôtres), et évitons les sources qui nous paraissent douteuses (souvent parce qu’elles défendent des points de vue qui sont opposés aux nôtres) […] la tentation de ce biais de confirmation est encore amplifiée par les algorithmes qui oriente notre choix dans cet océan d’informations : 75%  des contenus visionnés sur Netflix sont le résultat de suggestions personnalisées de la plateforme […] En d’autres termes, cet univers qui nous infini est circonvenu  sévèrement par les traces que nous avons laissées et qui nous enferment statistiquement dans un monde qui ressemble à ce que nous aimons, croyons et pensons »  (Gérald Bronner. Apocalypse cognitive. 2021)

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Les tragédies depuis Sophocle, à Shakespeare, à Racine, à Corneille, nous ont donné à « partager » ce dilemme qu’on nommera « Cornélien ». De Juliette, à Andromaque, à Célimène, et à Rodrigue, toujours ce duel entre le cœur et la raison :

Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme.
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l’étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?
Père, maîtresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie.
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.
L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour,
Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,
Mais ensemble amoureuse.
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer qui cause ma peine,
M’es-tu donné pour venger mon honneur ?
M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?
(Corneille. Le Cid)

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« Je viens au monde : serai-je le héros de ma propre histoire, ou, quelqu’un d’autre y prendra t-il cette place ? » (Première phrase du roman David Copperfield de Dickens)

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«  Sur terre, notre route est une simple ligne, et non pas une surface ; de même dans la vie, voulons-nous atteindre quelque bien, le posséder, il faut en laisser une infinité  d’autres, à droite, à gauche, y renoncer. Si nous ne pouvons pas nous y résoudre, si nous tendons les mains comme les enfants à la foire, vers tout, ce qui autour de nous, nous fait envie, nous sommes absurdes, nous voulons, de notre ligne de conduite faire une surface ; et nous voilà à courir en zig zag, à poursuivre de ça, de là, «   feux follets ; bref nous n’arrivons à rien… » (Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation)

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«  Comme agents sociaux, nous sommes pris entre deux injonctions dans la manière de construire le récit de nos existences. L’une vient des sciences sociales et raconter sa vie comme elle avait été entièrement forgée par les structures et les déterminations familiales, notre classe sociale et notre situation dans notre classe. Certains s’y sentent peu à peu étouffer, parce que leur possibilité d’action est cesse surdéterminée. Mais il ya l’injonction inverse, ultra-individualiste et libérale, qui est d’affirmer que tout ce que nous avons accompli résulte de nos effort et de notre mérite. Dans ce récit méritocratique, je me considère comme l’auteur de mon destin social. Et ce récit est peut-être encore plus étouffant que le premier, parce qu’il est culpabilisateur. Aussi, je crois qu’un agent social dans la langue ordinaire, utilise beaucoup le concept de chance, parce qu’il lui permet d’échapper  à ce deux récits contraignants ». (Tristan Garcia. Article Philosophie magazine, n° 171)

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