Citoyen, citoyenneté

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Estampe des 17 articles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen.
Musée de la Révolution française. Vizille. Isère.

Grand Robert de la langue française : (Citoyen) Dans l’antiquité. Celui qui appartient à une cité, en reconnaît la juridiction, est habilité à en jouir, sur son territoire du droit de cité et est astreint  aux devoirs correspondants. Personne considérée comme personne civique. Habitant d’une ville.

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF : Qu’est-ce qu’être citoyen ? C’est d’abord posséder et exercer un ensemble de droits qui protègent l’existence et l’épanouissement personnel  et permettent de participer au processus de décision politique, d’influencer sue les choix collectifs. (Voir article : citoyen)

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : le membre d’une Cité, en tant qu’il participe au pouvoir souverain (il ne serait autrement que sujet) et lui est soumis (sans quoi il serait roi). Il peut exister des Cités sans démocratie. Mais ce sont des Cités sans citoyens.

Dictionnaire de l’antiquité. Université d’Oxford : En Grèce, la citoyenneté était la marque de l’appartenance pleine et entière à la cité… Dans toutes les constitutions, la citoyenneté était un droit exclusivement réservé à un nombre restreint d’individus… En règle générale il fallait avoir des parents à part entière et mariés légalement… Les privilèges des femmes étaient limités, elles n’avaient pas de droits politiques, ni de droit de propriété.

A Rome…, pour être citoyen il fallait avoir des parents citoyens et mariés légalement… Aucun citoyen romain ne pouvait être en même temps citoyen d’un autre État indépendant

Dictionnaire historique de la langue française. Le Robert. (Alain Rey) : dérivé de cité sous la forme citeain (1154/1173) et refait en citoien (apr.1250) et pendant tout le Moyen-âge jusqu’au XVII°s., le doublet sémantique de l’italianisme citadin, « habitant d’une ville » au XVII° s. il s’est spécialisé dans le vocabulaire politique au sens de « membre d’une communauté politique organisée », d’abord par référence au modèle civique ancien et aux concepts romains de civis civitas. C’est dans ce contexte que l’on rencontre déjà au XVII° s. (Voiture) l’expression citoyen du monde. [….] En France, le mot a conservé de l’usage révolutionnaire, en partie à cause d’emplois célèbre  et cités (aux armes citoyens !) un contenu affectivement fort, lié à l’idée de patrie et patriote, et souvent retourné par ironie…..

Synonyme : Electeur. Personne civique. Ressortissant.  

Contraire : Barbare. Etranger. Individu. Quidam.

Par analogie : Affaires publiques. Autocratie.   Bien commun. Bulletin de vote. Cens. Ci-deant. Civilité. CivismeContrat social. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Démocratie. Démocrate. Devoirs. Dictature. Droits. Égalité. Elu. État. Fraternité. Gouvernement. Habitant. Identité.Intérêt général. Laïcité. Liberté. Loi. Oligarchie. Patriote. Peuple. Politique. Républicain. Révolution. Sans culotte. Sieur. Société. Solidarité. Souveraineté. Sujet. Théocratie. Vote censitaire. Voter.

Expression: Aux armes citoyen!

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Avec Rousseau le citoyen n’est plus celui-là même qui habite la cité, le sujet d’un roi, d’un prince, mais celui qui devient citoyen, une unité irréductible de cette souveraineté partagée, souveraineté du peuple, ce qu’il  va mettre en lumière avec le contrat social, avec tous les droits et aussi tous les devoirs, et la responsabilité du citoyen.

En cela ces idées sont annonciatrices des idées révolutionnaires de 1789. (Luis)

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« Dans une société bien réglée, le citoyen authentique est celui qui choisi une décision favorable, non à lui-même, ni au petit groupe corporatiste, dont il pourrait faire partie, mais à l’ensemble de la communauté » (Raymond Trousson. Biographie de Rousseau)

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Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, déclaration générale des droits votée par l’Assemblée nationale constituante le 26 août 1789, au début de la Révolution française, et intégrée comme préambule à la Constitution de 1791.

La Déclaration doit permettre d’assurer la plénitude des droits naturels de l’homme, inhérents à chaque individu en raison de sa qualité d’humain et de membre d’un corps social. Au premier rang d’entre eux se placent la liberté et l’égalité civique. Parmi les droits individuels, la liberté fait l’objet du plus grand nombre d’articles (articles 2, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 17), qui affirment la liberté individuelle, d’opinion et de la presse, mais ne mentionnent pas la liberté de domicile, d’association et d’enseignement. L’égalité de droits (loi identique pour tous, accès aux emplois publics, fiscalité) est précisée aux articles 6 et 13. Le droit de résistance à l’oppression (article 2) légitime l’action des révoltés du 14 juillet 1789.

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« Être citoyen – Y a-t-il un autre système politique juste que la démocratie ?

Être citoyen, est-ce seulement voter ? Quel rapport entre citoyenneté, civilité et civisme ? Être citoyen n’est-ce pas une qualité morale et une conduite concrète, celle de l’individu qui se sent, qui se sait responsable du bien commun et qui se soucie en acte de l’intérêt général, et pas seulement du sien ? Être citoyen enfin, ne demande  t-il pas aujourd’hui d’être étendu à un vivre sans frontières «  mondial » ?  (Abdenour Bidar. Quelles valeurs partager et transmettre aujourd’hui ?)  

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Dans un café philo sur ce sujet une intervenante posait cette question : « Avez-vous voté ? Si c’est non, alors vous perdez vos droits, et si vous perdez vos droits, vous perdez tout ». Nous sommes nombreux à avoir des parents qui sont venus d’un pays où la Démocratie, la citoyenneté n’existait pas ou n’était qu’un semblant de démocratie. Souvent ces personnes ont déposé leur premier bulletin de vote avec une certaine émotion. (Luis)

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La citoyenneté fut et reste géographique, elle s’est crée à partir de la cité d’où son nom, elle a existé et elle existe sous d’autres noms, d’autres formes, à partir du village, d’une province…

La citoyenneté se bâti à partir d’une histoire commune, de traditions communes, d’une culture que nous partageons, cette citoyenneté est une part de notre identité. C’est pourquoi l’on pourrait dire que « être citoyen du monde, » ce serait  « être citoyen de nulle part », ou encore une citoyenneté SDF (Sans domicile fixe)  (Luis)          

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« Quand l’opposition s’exprime dès l’école, la situation est grave, car il s’agit d’un lieu aussi singulier  que fondamental dans la formation de la génération citoyenne à venir. C’est le premier espace de la règle commune où l’enfant est placé seul, hors de l’autorité familiale. Il y a fait l’expérience fondatrice du déplacement d’identité qui fonde toute société humaine. Demain il sera un individu capable d’ajuster ses identitésparticulières à celle de citoyen français ».  (Génération, « J’ai le droit ! ». Barbara Lefebvre. Albin Michel 2018)

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Pour Kant un homme qui vendait sa force de travail était aliéné. A Partir de là, il ne pouvait être électeur

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Introduction, pour un débat : « Voter, un droit ou un devoir citoyen ? » 

    Revenant un peu sur l’histoire de la citoyenneté, nous voyons que la notion de citoyenneté a beaucoup évolué. Ce mot nous vient de la civilisation grecque, mais chez les Grecs la citoyenneté est réservée à un certain nombre de personne, elle n’est pas accessible aux femmes, ni aux étrangers que les Grecs appèlent « métèques » et bien sûr pas accessible aux esclaves. Chez les Romains, la citoyenneté ne concerne toujours que peu de personnes, les femmes sont  nommées par la loi, « irresponsables » , elles sont sous l‘autorité du père ou du mari, la femme est déclarée mineure toute sa vie, ou encore « incapable juridiquement » Comme chez les Grecs, la citoyenneté chez les Romains est fonction de la catégorie sociale, de la naissance, de la fortune, ce qu’on appellera le « Vote censitaire », puisque le droit peut s’acheter en payant un impôt nommé le « Cens ». Cette pratique sera combattue par la Révolution de 1789, et ce n’est qu’avec la Révolution de 1848 qu’il sera définitivement aboli.

Après les Romains pendant environ quinze siècles la citoyenneté est mise entre parenthèse. Le pouvoir qu’on dit temporel, c’est-à-dire la royauté, avec le pouvoir intemporel, c’est-à-dire l’Eglise catholique ,tiennent  le peuple sous une domination totale.

En Angleterre vers le 15 ème siècle va réapparaître la notion de citoyen, mais ce citoyen est toujours sujet du Roi. Ce sont des philosophes comme Rousseau, Diderot, et Voltaire qui vont définir notre citoyenneté ; et ce sera la Révolution dans le sang, «  Aux armes citoyens », et nous aurons  la déclaration des droits de l’homme et du citoyen le 26 août 1789. Quelques révoltes plus tard, et avec des intellectuels  comme Victor Hugo, le citoyen va enfin être libéré de la tutelle de la  royauté comme de celle de l’Eglise, puis totalement avec la séparation des Eglises et de L’Etat en 1905….et puis enfin grâce au « comité de la Résistance » lors de la guerre 39/45 nous aurons enfin « La Citoyenne », (21 avril 1944)  le droit de vote accordé aux  femmes ce qui va donner tout son sens au mot citoyen et au terme « suffrage universel ».   (Luis)

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Article * CITOYEN, s. m. (Hist. anc. mod.​ Droit publ.​) c’est celui qui est membre d’une société libre de plusieurs familles, qui partage les droits de cette société, & qui joüit de ses franchises. Voy. Société, Cité, Ville franche, Franchises. Celui qui réside dans une pareille société pour quelqu’affaire, & qui doit s’en éloigner, son affaire terminée, n’est point citoyen de cette société ; c’en est seulement un sujet momentané. Celui qui y fait son séjour habituel, mais qui n’a aucune part à ses droits & franchises, n’en est pas non plus un citoyen. Celui qui en a été dépouillé, a cessé de l’être. On n’accorde ce titre aux femmes, aux jeunes enfans, aux serviteurs, que comme à des membres de la famille d’un citoyen proprement dit ; mais ils ne sont pas vraiment citoyens.

On peut distinguer deux sortes de citoyens, les originaires & les naturalisés. Les originaires sont ceux qui sont nés citoyens. Les naturalisés, ce sont ceux à qui la société a accordé la participation à ses droits & à ses franchises, quoiqu’ils ne soient pas nés dans son sein {….]

On devenoit cependant citoyen d’Athenes par l’adoption d’un citoyen, & par le consentement du peuple : mais cette faveur n’étoit pas commune. Si l’on n’étoit pas censé citoyen avant vingt ans, on étoit censé ne l’être plus lorsque le grand âge empêchoit de vaquer aux fonctions publiques. Il en étoit de même des exilés & des bannis, à moins que ce ne fût par l’ostracisme. Ceux qui avoient subi ce jugement, n’étoient qu’éloignés.

Pour constituer un véritable citoyen Romain, il falloit trois choses ; avoir son domicile dans Rome, être membre d’une des trente-cinq tribus, & pouvoir parvenir aux dignités de la république. Ceux qui n’avoient que par concession & non par naissance quelques-uns des droits du citoyen, n’étoient, à proprement parler, que des honoraires. V. Cité, Jurisprudence.​​

Lorsqu’on dit qu’il se trouva plus de quatre millions de citoyens Romains dans le dénombrement qu’Auguste en fit faire, il y a apparence qu’on y comprend & ceux qui résidoient actuellement dans Rome, & ceux qui répandus dans l’Empire, n’étoient que des honoraires.

Il y avoit une grande différence entre un citoyen & un domicilié. Selon la loi de incolis, la seule naissance faisoit des citoyens, & donnoit tous les priviléges de la bourgeoisie. Ces priviléges ne s’acquerroient point par le tems du séjour. Il n’y avoit sous les consuls que la faveur de l’état, & sous les empereurs que leur volonté qui pût suppléer en ce cas au défaut d’origine.

C’étoit le premier privilége d’un citoyen Romain, de ne pouvoir-être jugé que par le peuple. La loi Portia défendoit de mettre à mort un citoyen. Dans les provinces mêmes, il n’étoit point soûmis au pouvoir arbitraire d’un proconsul ou d’un propréteur. Le civis sum arrêtoit sur le champ ces tyrans subalternes. A Rome, dit M. de Montesquieu, dans son livre de l’esprit des lois, liv. XI. chapitre xjx. ainsi qu’à Lacédémone, la liberté pour les citoyens & la servitude pour les esclaves, étoient extrèmes. Cependant malgré les priviléges, la puissance, & la grandeur de ces citoyens, qui faisoient dire à Cicéron (or. pro M. Fonteioan qui amplissimus Gallia cum infimo cive Romano comparandus est ? il me semble que le gouvernement de cette république étoit si composé, qu’on prendroit à Rome une idée moins précise du citoyen, que dans le canton de Zurich. Pour s’en convaincre, il ne s’agit que de peser avec attention ce que nous allons dire dans le reste de cet article.

Hobbes ne met aucune différence entre le sujet & le citoyen ; ce qui est vrai, en prenant le terme de sujet dans son acception stricte, & celui de citoyen dans son acception la plus étendue ; & en considérant que celui-ci est par rapport aux lois seules, ce que l’autre est par rapport à un souverain. Ils sont également commandés, mais l’un par un être moral, & l’autre par une personne physique. Le nom de citoyen ne convient ni à ceux qui vivent subjugués, ni à ceux qui vivent isolés ; d’où il s’ensuit que ceux qui vivent absolument dans l’état de nature, comme les souverains, & ceux qui ont parfaitement renoncé à cet état comme les esclaves, ne peuvent point être regardés comme citoyens ; à moins qu’on ne prétende qu’il n’y a point de société raisonnable où il n’y ait un être moral, immuable, & au-dessus de la personne physique souveraine. Puffendorff, sans égard à cette exception, a divisé son ouvrage des devoirs en deux parties, l’une des devoirs de l’homme, l’autre des devoirs du citoyen.

Comme les lois des sociétés libres de familles ne sont pas les mêmes par-tout, & comme il y a dans la plûpart de ces sociétés un ordre hiérarchique constitué par les dignités, le citoyen peut encore être considéré & relativement aux lois de sa société, & relativement au rang qu’il occupe dans l’ordre hiérarchique. Dans le second cas, il y aura quelque différence entre le citoyen magistrat & le citoyen bourgeois ; & dans le premier, entre le citoyen d’Amsterdam & celui de Bâle.

Aristote, en admettant les distinctions de sociétés civiles & d’ordre de citoyens dans chaque société, ne reconnoît cependant de vrais citoyens que ceux qui ont part à la judicature, & qui peuvent se promettre de passer de l’état de simples bourgeois aux premiers grades de la magistrature ; ce qui ne convient qu’aux démocraties pures. Il faut convenir qu’il n’y a guere que celui qui joüit de ces prérogatives, qui soit vraiment homme public ; & qu’on n’a aucun caractere distinctif du sujet & du citoyen, sinon que ce dernier doit être homme public, & que​ le rôle du premier ne peut jamais être que celui de particulier, de quidam.

Puffendorf, en restreignant le nom de citoyen à ceux qui par une réunion premiere de familles ont fondé l’état, & à leurs successeurs de pere en fils, introduit une distinction frivole qui répand peu de jour dans son ouvrage, & qui peut jetter beaucoup de trouble dans une société civile, en distinguant les citoyens originaires des naturalisés, par une idée de noblesse mal entendue. Les citoyens en qualité de citoyens, c’est-à-dire dans leurs sociétés, sont tous également nobles ; la noblesse se tirant non des ancêtres, mais du droit commun aux premieres dignités de la magistrature.

L’être moral souverain étant par rapport au citoyen ce que la personne physique despotique est par rapport au sujet, & l’esclave le plus parfait ne transférant pas tout son être à son souverain ; à plus forte raison le citoyen a-t-il des droits qu’il se réserve, & dont il ne se départ jamais. Il y a des occasions où il se trouve sur la même ligne, je ne dis pas avec ses concitoyens, mais avec l’être moral qui leur commande à tous. Cet être a deux caracteres, l’un particulier, & l’autre public : celui-ci ne doit point trouver de résistance ; l’autre peut en éprouver de la part des particuliers, & succomber même dans la contestation. Puisque cet être moral a des domaines, des engagemens, des fermes, des fermiers, &c. il faut, pour ainsi dire, distinguer en lui le souverain & le sujet de la souveraineté. Il est dans ces occasions juge & partie. C’est un inconvénient sans doute ; mais il est de tout gouvernement en général, & il ne prouve pour ou contre, que par sa rareté ou par sa fréquence, & non par lui-même. Il est certain que les sujets ou citoyens seront d’autant moins exposés aux injustices, que l’être souverain physique ou moral sera plus rarement juge & partie, dans les occasions où il sera attaqué comme particulier.

Dans les tems de troubles, le citoyen s’attachera au parti qui est pour le systême établi ; dans les dissolutions de systèmes, il suivra le parti de sa cité, s’il est unanime ; & s’il y a division dans la cite, il embrassera celui qui sera pour l’égalité des membres & la liberté de tous.

Plus les citoyens approcheront de l’égalité de prétentions & de fortune, plus l’état sera tranquille : cet avantage paroît être de la démocratie pure, exclusivement à tout autre gouvernement ; mais dans la démocratie même la plus parfaite, l’entiere égalité entre les membres est une chose chimérique, & c’est peut-être là le principe de dissolution de ce gouvernement, à moins qu’on n’y remédie par toutes les injustices de l’ostracisme. Il en est d’un gouvernement en général, ainsi que de la vie animale ; chaque pas de la vie est un pas vers la mort. Le meilleur gouvernement n’est pas celui qui est immortel, mais celui qui dure le plus long-tems & le plus tranquillement. (Article Citoyen, Encyclopédie de Diderot et d’Alembert)

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