Civilisation

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Les pyramides Giezh.

Grand Robert de la langue française : Ensemble des caractères communs aux vastes sociétés  les plus évoluées de la terre, ensemble des acquisitions des sociétés humaines.

Vocabulaire technique et philosophique, Lalande : Une civilisation est un ensemble de phénomènes sociaux, de nature transmissible, présentant un caractère, religieux, moral, esthétique, technique ou scientifique, et commun à toutes les parties d’une société, à plusieurs sociétés en relation. « La civilisation chinoise, la civilisation méditerranéenne… »

Les peuples civilisés s’opposent aux peuples sauvages ou barbare, moins par tel ou tel trait défini que par la supériorité de leur science et de leur technique, ainsi que par le caractère rationnel  de leur organisation sociale.

Dictionnaire philosophique. André Comte-Sponville : Le sens du mot change en fonction de l’article. La civilisation est l’ensemble – à la fois normatif, évolutif et hiérarchisé –des créations humaines. C’est l’autre de la nature (dont elle fait pourtant partie, et le contraire de la barbarie.

Une civilisation est un sous ensemble de cet ensemble ; c’est l’ensemble des créations humaines (œuvres, techniques, institutions, règles, normes, croyances, savoirs-faire…) propres à une société donnée, par quoi elle se distingue de la nature et des autres sociétés.

Sous l’influence des sciences humaines et spécialement de l’ethnologie, les deux mots de civilisation et de culture sont devenus, de nos jours, à peu près interchangeables. Si l’on veut continuer à les distinguer, il paraît sage de réserver, culture,  à la partie la plus intellectuelle de la civilisation : on n’est d’autant plus cultivé qu’on connaît mieux les civilisations dont on fait partie, et celle des autres.  

Synonyme : Culture.

Contraires : Barbarie. Bestialité. Décadence. Etat de nature. Sauvagerie.

Par analogie : Anti sémitisme. Athènes. Babylone. Conventions. Coutumes. Croyances. Dynasties. Egypte. Emigration. Empires. Ennemis. Etrangers. Evolution. Génocide. Humanisme. Humanité. Idéologies. Invasions. Moeurs. Mythes. Occident. Peuple. Pharaons. Phénomènes sociaux. Populations. Préhistoire. Progrès. Racisme. Rome. Société. Valeurs.

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« Chaque fois qu’un grand peuple du passé a accompli son devoir historique il est resté en marge du développement suivant » (Hegel)

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« A la dernière heure c’est toujours un peloton de soldats qui a sauvé la civilisation » (Oswald Spengler.Philosophe allemand, 1880.1936, référence des Nazis reprise par la phalange en Espagn).

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« Les civilisations sont mortelles, les civilisations meurent comme les hommes, et cependant elles ne meurent à  la même manière des hommes. La décomposition chez elles, précède leur mort, au lieu qu’elle suit les nôtres »  (Georges Bernanos)  

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« – J’ai dit que la France n’était pas une nation occidentale, mais universaliste. Ça m’est venu l’autre jour, en discutant de la prostitution du concept d’occidentalisation ». (Le point n° 2066. Entretiens entre Henri Guaino et Jean-Luc Mélenchon)

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La civilisation occidentale au-delà de tout ce qu’on peut lui reprocher, n’en reste pas moins : celle de la liberté de penser, la liberté religieuse, et l’une des premières dans l’égalité, ou du moins dans la lutte pour l’égalité hommes/femmes.

Les  problèmes actuels de la société, de nos civilisations, sontquatre questions concrètes, essentielles :

1° The global warning, le réchauffement de la planète

2° The Financial globalisation, la globalisation financière.

3° La coexistence interculturelle

4° La croissance démographique dans le monde    

Un journaliste du Figaro, demandait à Lévi-Strauss si la barbarie a signé la fin d’une civilisation.

L-S – Non, l’avènement de la barbarie n’amène pas la fin de la civilisation. Ce que vous désignez sous le terme  de barbarie, du point de vue d’une civilisation, est civilisation. C’est toujours l’autre qui est barbare.

Le Figaro – Mais ici, il s’agit de l’hitlérisme.

L-S – Mais eux se considéraient comme la civilisation. Imaginez qu’ils aient gagné, car vous pouvez bien imaginer cela.

Le Figaro – Il y aurait eu un ordre barbare.

L-S – Un ordre que nous appelons barbare et qui pour eux aurait été une grande civilisation.

Le Figaro – Basé sur la destruction des autres ;

L-S – Oui, même si les juifs avaient été éliminés de la surface de la terre (je me place dans une hypothèse du triomphe de l’hitlérisme), qu’est-ce que ça compte en regard des centaines de millénaires ou de million d’années ? Ce sont des choses qui ont du arriver un certain nombre de fois dans l’histoire de l’humanité. Si on regarde cette période avec la curiosité d’un ethnologue, il n’y a pas d’autre attitude que de se dire : une catastrophe s’est abattue sur une fraction de l’humanité dont je fais partie et voilà. C’est très pénible pour les gens qui sont juifs, mais…, le génocide si est évidement « très pénible pour les gens qui sont juifs », n’est au fond qu’une péripétie tragique parmi tant d’autre au regard de la longue durée dans laquelle s’inscrit l’histoire de l’humanité » (Cité dans l’ouvrage de Luc Ferry et Claude Capelier. La plus belle histoire de la philosophie) Les civilisations s’éteignent parce qu’elle se sont construites sur des valeurs i Mais, nous dit Pascal Brucker dans son ouvrage  » Un racisme imaginaire  » parlant de nore modèle de civilisation , (je le cite) :  » tel qu’il existe pourtant, avec ses imperfections, il semble préférable à ce qui se faisait jadis. Nous n’allons pas reléguer les femmes au foyer, couvrir leur chef, rallongger leurs jupes, supprimer les shorts et les pantalons moulants, embastiller ou rééduquer les homosexuels, interdire l’alccol en public, bannir les caricatures religieuses, censurer le cinéma, le théâtre, codifier ou limiter la tolérance pour ne pas blesser les humaurs des dévots » (Luis)

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 » On ne peut qu’être frappé par la similitude des facteurs qui déclenchent, à un rythme plus ou moins long, l’extintion d’une civilsation: invasions étragère, corruption des élites, désorganisation de la gouvernance, catastrophes naturels, dégradation de la conjoncture économique, insufisance d’intelligence collective, apparition des « barbares » … Parfois tous ces malheurs arrivent en même temps. C’est ainsi par exemple, que s’est écroulée en 1177 avant notre ère, la civilsation des Egyptiens, des Hittites, des Minoens, sous les coups de butoir des « peuples de la mer » …La fin civilisations est souvent le produit à la fois de problèmes extérieurs, contre lesquels il est difficile de se prémunir (invasion des peuples exogènes, catastrophes naturelles.., médiocrité du monde morale, l’absence de projets collectifs, les querelles intestines. Elle st surtout le résultat de l’abandon de valeurs collectifs, celles-là mêmes qui ont précisément porté ces sociétés humaines vers les niveaux de perfection, de créativité… A un mement donnéde leur apogée, les héritiers de ceuxqui ont bâti des civilisations ne trouvent plus de réponses adéquates.., Ignore ou feigne d’ignorer les signaux d’alerte » (La chute de l’empire humain. Charles-Edouard Bouée. Grasset. 2017)

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« Une société montre son degré de civilisation dans sa capacité à se fixer des limites » Jean-Claude Guillebaud.

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Les civilisations s’éteignent parce qu’elle se sont construites sur des valeurs ntersubjectives. Elles meurent quand leurs mythes leurs grands récits s’effilochent peu à peu.
Si vous aviez dit à un Athénien, un Romain, que les dieux immortels : Zeus, Athéna, Aphrodite, etc ; finiraient aux poubelles de l’Histoire, il vous aurait pris pour un fou. Et pourtant Google, Microsoft les ont supplanté de nos jours, comme cela se passera pour ces nouvelles valeurs. (Luis)

Une civilisation ne disparaît pas d’un coup mais des pans de mur tombent par ci par là. Elle évolue avec les événements qui la bouleverse. Ce qui meurt quand une civilisation entame son processus de déliquescence, ce sont les croyances : croyance dans une histoire, croyance dans une idéologie, croyance dans une système. «  Le 21 décembre 1989, Nicolae Ceausescu, le dictateur roumain, organisa une grande manifestation de soutien au centre de Bucarest. Au cours des mois précédents, l’Union soviétique avait retiré son soutien aux régimes communistes d’Europe de l’est, le mur de Berlin était tombé, …..Ceausescu qui dirigeait son pays depuis 1965, pensait pouvoir résister au tsunami…….. Flanqué de son épouse Elena, de dirigeants du parti et d’une bande de gardes du corps, il se mit à prononcer un de ces discours monotones…… Puis quelque chose dérapa. Ceausescu qui commençait une énième phrase : «  Je tiens à remercier les initiateurs de ce grand événement à Bucarest… » Puis il se tait, les yeux grands ouverts, il se fige incrédule. Dans cette fraction de seconde on assiste à l’effondrement de tout un monde. Dans le public quelqu’un a hué…Puis une autre personne a fait de même, puis une autre encore, et quelques seconde plus tard se mit à siffler, à crier des injures et scander «  TI-mi- soa-ra ! Ti-mi-soa-ra ! … La Roumanie communiste s’effondra quand 80000 personnes comprirent qu’elles étaient beaucoup plus fortes que le vieil homme à la toque en fourrure sur le balcon… »  (Yuval Noah Harari. Homo deus. Albin Michel 2017)

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Il y a un demi siècle L’URSS se sentait la puissance invincible, a tel point que son dirigeant de l’époque Nikita Khrouchtchev se vantait de supplanter le néo libéralisme occidental, il disait (je le cite) : «  Que ça vous plaise ou non, l’histoire est de notre côté. Nouds allons vous enterrer ! » . Vingt plus après sa mort en 1991 d’un coup de stylo, Boris Eltsine signera à Minsk la dissolution de L’URSS. (Luis)

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Débat Café-littéraire; La controverse de Valladolid.

Eh bien ! il me semble que de manière analogue les questions sont posées par les représentants du pouvoir  afin de relativiser l’horreur des traitements  infligés à ceux qui ont été colonisés, et de justifier l’idéologie dominante de l’époque. La valeur respective des différentes civilisations a été posée, non pas comme une question, mais par l’intervention d’un Ministre qui a dit : « Toutes les civilisations ne se valent pas » en visant la civilisation de l’Islam, ceci faisant suite à une autre intervention du Président de la République à Dakar, où il déclarait : « L’homme africain n’est pas entré dans l’histoire ».

Donc la question est posée à partir de ces deux interventions par des représentants du pouvoir afin de maintenir dans la société une idéologie qui conforte la division sur cette question.

L’écrivain Patrick Chamoiseau  en réaction à l’indignation du député Serge Letchimy, écrit : «  Quand on commence à hiérarchiser entre les civilisations, quand on parle d’inférieurs et de supérieurs, on entre dans une dérive vers des horizons, mais néanmoins ce n’est pas une polémique inutile. C’est un affrontement majeur entre deux visions du monde, et deux conceptions du « vivre ensemble »  dans ce respect que l’on dort à la diversité des humanités. J’y vois une controverse radicale qui relève au plus haut point de l’éthique contemporaine, laquelle est plus complexe et dont il faut à tout moment penser le déploiement, j’y vois le souci de dresser un rempart commun contre cette barbarie qui s’est déjà manifestée, et maintes fois venue, et qui peut revenir. Quel sujet peut se révéler plus sérieux que la conception du même rapport que les humanités doivent nourrir  entre elles…. »

   Une civilisation est située dans l’espace et dans le temps et elle est faite de plusieurs cultures. Les comparer et les hiérarchiser est possible, mais pour quoi faire ?

Pour hiérarchiser les hommes et les femmes entre eux? Pour quoi faire? Pour aller vers l’esclavage ? pour exploiter, pour humilier ….les exemples historiques ne manquent pas.

Donc si cela est possible. Cela n’est, à mon sens, pas permis.

Pour moi, ce qui est permis c’est de comparer les « idéaux de civilisation  »  (Edith Deléage- Perstunski/ Professeure de philosophie)

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Une civilisation est décadente dès qu’elle se persuade qu’elle ne peut changer, qu’ « il n’y a pas d’alternative ». Ce monde dure parce qu’il change, nous devons l’aborder sous l’angle de la durée (sub specie durationis) (Luis)

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«  La civilisation est en déclin, la civilisation est décadente, indécente, cela se traduira par l’expression » Boko Haram où, « l’éducation occidentale est un péché » Cette expression Boko Haram sera le nom d’une secte au nord du Nigéria. (Luis)

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 « …Celui qui croit aux jugements absolus, donc transculturels, risque de prendre pour des valeurs universelles celles auxquelles il est habitué, de pratiquer un ethnocentrisme naïf  et un dogmatisme aveugle, convaincu de détenir pour toujours le vrai et le juste. Il risque de devenir bien dangereux le jour où il décide que le monde entier doit bénéficier des avantages propres à sa société et qu’afin de mieux éclairer les habitants des autres pays il doit les envahir. Tel est le raisonnement adopté par les idéologues de la colonisation d’hier, mais aussi, bien souvent par les apôtres de l’ingérence démocratique ou humanitaire aujourd’hui. L’universalisme des valeurs menace alors l’idée que les populations humaines sont égales entre elles, et donc aussi l’universalité de l’espèce.

Cependant celui qui que les jugements sont relatifs – à une culture, à un lieu, à un moment de l’histoire  – est à son tour menacé, quoique par le danger inverse. Si tout jugement de valeur est soumis aux circonstances, ne finit-on pas par s’accommoder de tout, pourvu que cela se passe chez les autres ? »  (La peur des barbares. (Tzvetan Todorov)

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     Ce qui gène dans l’expression « Toutes les civilisations ne se valent pas », c’est la notion de valeurs qui inclut supériorité et infériorité. Pourquoi passer de la différence que nul ne peut contester à valeur ? Il est indéniable qu’une parole est jugée en fonction de l’émetteur, car on assimile toutes les acceptions des mots utilisés aux propos antérieurs de celui qui s’exprime » (Luis)

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 « Une civilisation étant définie  par l’ensemble de ses constituants matériels, techniques, cognitifs, scientifique, ses carences et ses perversions sont d’autant plus difficiles à comprendre que nous avons bien les conforts, le bien-être, l’élévation de niveau de vie, les protections sociales, les progrès de l’hygiène, les libertés et loisirs de la vie privée, les salles de bains, réfrigérateurs, télévision, TGV, avions sont les conquêtes de notre civilisation, auxquelles aspirent ceux qui en sont dépourvus… » (Pour une politique de civilisation. Edgar Morin)

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 « Civiliser la part barbare de notre civilisation fut une aspiration fondamentale de le République »  (Pour une politique de civilisation. Edgar Morin)

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 « Comme d’autres grandes civilisations du passé, la nôtre brillerait-elle de ses derniers feux, sans que nous en ayons conscience ? » (La chute de l’empire humain. Mémoires d’un robot. Charles-Edouard Bouée)

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« La crise que nous traversons n’est pas simplement financière et économique. C’est une crise de civilisation   induite par le fait que le modèle techno-industriel mis en place au début du 20ème siècle a atteint ses limites. Cela ne signifie pas que les stations d’essence, les usines automobiles, les autoroutes et les téléviseurs vont disparaître – pas plus que les trains à vapeur n’ont cessé de rouler lors de le deuxième révolution industrielle…la dynamique est passée du côté numérique et de la société réticulaire qui s’y trame ».  (Bernard Stiegler. Un changement de civilisation, sinon rien. Philosophie magazine n°47)

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Nos civilisations ont évolué par ce qu’on pourrait nommer, des ruptures civilisationnelles : on a pour la préhistoire parler d’age de  pierre du feu, de bronze, etc, (Pour ne prendre que les grandes lignes)  Puis des ruptures civilisationnelles sont advenues. De suite nous viennent l’esprit : Gutenberg, et le livre. Diderot et d’Alembert, et l’Encyclopédie. La machine à vapeur et l’ère dite,  industrielle. Puis enfin la révolution numérique, qui engendre un monde nouveau, un univers Big data, une énième rupture civilisationnelle.  (Luis)

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Introduction au débat : «  Qu’est-ce qui meurt, quand une civilisation meurt ? »  : Etrange question ! Quand on dit qu’une civilisation meurt ce qui meurt c’est la civilisation ! Le problème est bien là : qu’entend-on par civilisation ?
Nous ne sommes pas là pour disserter sur l’étymologie du mot, ni non plus sur les interrogations documentées des récits de vie de voyageurs anciens et modernes, ou/et des enquêtes des ethnologues et anthropologues contemporains. Récits de voyages, enquêtes et analyses qui, à la fois soulignent la diversité des civilisations ; « comment peut-on être persan ? » demandait Montesquieu, et l’unité de l’espèce humaine (cf. la controverse de Valladolid : en 1655 entre le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda, pour savoir si les Amérindiens ont une âme – pour savoir s’il est moral de conquérir leurs terres et de les « esclavagiser ».)     

La question de la mort dela civilisation est une question qui nous concerne tous.

Dans notre vie quotidienne: combien de fois ai-je entendu « ce sont des sauvages »,  combien de fois j’ai dit « vous êtes des barbares », combien de fois nous nous interrogeons sur ce qui favorise la civilité avec nos voisins, nos enfants, ou les anciens! Et la question de la mort des civilisations est l’objet de débats idéologiques actuels : vivons-nous le choc de civilisations ? Est-ce la fin de la civilisation occidentale ? La civilisation européenne est-elle menacée ? Et aussi sommes-nous à une phase de mutation irréversible de la civilisation humaine : avec les recherches et inventions technoscientifiques (en intelligence artificielle, génie génétique, biologie du cerveau, robotique …), nous passons de l’homme réparé à l’homme augmenté, à l’homme transformé: de l’homo sapiens à l’homo deus.
Je propose de soutenir que ce qui meurt dans une civilisation quand on dit qu’elle meurt, c’est le sens de l’humain, ce que Levinas nomme la conscience du visage d’autrui.
Vous connaissez tous les multiples formes de déshumanisation d’une civilisation.
D’après l’Unicef, depuis fin août 2017, plus de 400000 réfugiés Rohingyas fuient les persécutions dans l’Etat birman d’Arakan, pour se réfugier au Bengladesh. Parmi eux 60% d’enfants, et toujours d’après l’Unicef, depuis janvier 2017, dans le Nord Est du Nigéria, 83 enfants ont été utilisés comme bombes humaines. (55 d’entre eux étaient des filles de moins de 15 ans, 27 étaient des garçons et l’un était un bébé attaché à une fille). Le groupe armé connu sous le nom de Boko Haram a revendiqué ces actes ayant pour cible la population civile. En même temps actuellement 1,7 million de personnes sont déplacées en raison de l’insurrection dans le nord est du Nigéria et 450000 enfants risquent de souffrir de malnutrition.
Mais revenons sur le terme « civilisation ». Ce terme n’est apparu dans la langue française qu’au 19ème siècle (en 1835), lié à l’intérêt croissant que les français accordaient à l’histoire. Alors il a pris une double signification. Auparavant Mirabeau a inventé ce terme (en 1756), un siècle plus tôt, pour désigner « l’adoucissement des mœurs, l’urbanité, la politesse, l’observation des bienséances ». Parce que Mirabeau croyait ou plutôt voulait que l’évolution des sociétés suive « une gradation de la barbarie originelle à la condition présente de la société actuelle ». Au départ donc civilisation égale civilité (les mœurs douces, la courtoisie, la manière honnête de vivre et de converser avec les gens). Aujourd’hui (et dans la 9ème  édition du dictionnaire de l’Académie française -2010) la civilisation est: « l’ensemble des connaissances, des croyances, des institutions, des mœurs, des arts et des techniques  d’une société».
Et le changement de sens est significatif : chez Mirabeau la notion est morale, chez les contemporains, elle est technique (grâce aux travaux des ethnologues et anthropologues contemporains). C’est ainsi que, alors que les mœurs sont spécifiques à un pays, un peuple, une nation, et donc différentes, les connaissances appartiennent à l’espèce humaine; se développe alors l’idéologie de l’unité de la civilisation humaine dans la diversité des modes de vie.
Enfin, je suis intéressée à reprendre l’hypothèse de l’historien Lucien Febvre, dans Civilisation, le mot et l’idée: les idéologies de fin de la civilisation apparaissent toujours lorsqu’une forme nouvelle de guerre est en cours. Après la première guerre mondiale, Spengler, Toynbee, Paul Valéry, Freud, et d’autres (chacun avec des arguments spécifiques) ont développé l’idéologie de la fin de la civilisation. « Nous autres  nous savons que   les civilisations sont mortelles » (Paul Valéry Variété) ; Malaise dans la civilisation (Freud) ; Le déclin de l’occident (Spengler). Et en effet (en poursuivant  le propos de Lucien Febvre), après la deuxième guerre mondiale et l’industrialisation de la mise à mort de certains humains, et de la nature, après Auschwitz, Hiroshima, et Tchernobyl, ont été élaborés deux concepts juridiques pour prévenir la fin de toutes les civilisations humaines : la notion de « crime contre l’humanité » et la notion d’ « écocide ». Le crime contre l’humanité, défini par le tribunal international de Nuremberg (en 1945), est à distinguer des crimes de guerre. C’est « un crime commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile…inspiré par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». La notion est précisée par la cour pénale internationale de 1998, par le statut de Rome de 1990. Le crime contre l’humanité est un délit imprescriptible et l’expression d’opinions qui remettent en question la réalité de ces crimes est un délit passible de plusieurs années de prison. …
Aujourd’hui, les débats idéologiques sur la fin de la, ou des civilisations, sont médiatisés journellement en France. Ce pourquoi, j’ai proposé ce thème de réflexion. Parce que la guerre est partout, avec un nouveau seuil de déshumanisation des civilisations.
Je ne suis pas experte en géopolitique, ni non plus en histoire du droit. Mais, après avoir dépassé, dans mon histoire familiale, les effets négatifs du génocide des Juifs et des Tziganes, je m’inquiète des effets inhumains sur mes enfants et mes petits-enfants, des formes nouvelles de guerre : les guerres asymétriques et les terrorismes. Il faudrait étudier l’histoire des usages du mot terrorisme (je ne le fais pas ici). Quant au concept de « guerre asymétrique », il vient d’un général américain Wesley Clark qui l’a élaboré pendant l’intervention américaine au Kosovo. Il désigne le fait que ce ne sont pas des armées qui se font la guerre, mais des groupes, ou des individus qui s’attaquent à des Etats en tuant des populations civiles. Les cibles civiles remplacent les objectifs militaires, cette manière de faire la guerre est aujourd’hui partout. Détournements d’avions, opérations clandestines, représailles massives, opérations conduites par des martyrs qui visent à infliger des pertes massives à la population civile … la guerre ne se conduit pas sur des champs de bataille mais sur les écrans de télévision et dans les foyers.
Après les désillusions terribles de la civilisation de « l’homme nouveau », du socialisme réellement existant, je vis la crise de la civilisation capitaliste qui promet, avec le développement libéral des modalités du travail, et la progression fulgurante des innovations technoscientifiques, la possibilité pour chacun d’être un self made man,  et de vivre heureux. Or chacun est non seulement de plus en plus asservi « aux eaux glacées du calcul égoïste » (Marx), faire du chiffre, être rentable, « le temps c’est de l’argent », mais aussi aux « bio pouvoirs »
C’est ainsi que devient lancinant (et stérile) le débat médiatique sur la fin de  la ou des civilisations. Je fais référence à trois d’entre eux. Régis Debray critique le fait que la civilisation européenne, des Lumières, de la démocratie, de la laïcité, se laisse conquérir par l’américanisation, (la civilisation de l’image, de la conquête de la lune, des gratte-ciel, du hamburger et des fast food.) Alain Finkielkraut dénonce la fin de la civilisation humaniste, où les particularismes locaux, prennent le pas sur l’universalisme de la pensée ; (à chacun sa vérité, à chacun ses droits). Il s’effraie de la double décadence de cette civilisation, celle de la grande déculturation par l’école et celle du grand remplacement par l’immigration de peuplement. Michel Onfray, (qui se présente comme hédoniste, anarchiste et girondin), fait coïncider la fin de la civilisation occidentale avec la fatwa lancée par l’Iran contre l’écrivain britannique Salman Rushdie. 
Ce que j’en retiens c’est que ce qui meurt dans une civilisation quand on dit qu’elle meurt, c’est sa capacité non seulement à se rebeller, mais aussi à inventer de nouveaux projets de vie.
Enfin la révolution numérique met-elle, en question toute civilisation humaine? Selon Yuvah Noah Harari qui vient d’écrire Homo deus, l’histoire de l’avenir, le problème n’est pas de savoir si une civilisation l’emporte sur une autre, mais celui de savoir si nous sommes à un tournant de l’évolution de l’espèce humaine. Ce qui se joue dans le passage de l’homo sapiens à l’homo deus, c’est non seulement que les humains sont de plus en plus capables de réparer, d’augmenter leurs capacités mais aussi de se transformer …jusqu’à devenir homme dieu, non pas immortel mais amortel: capable de s’auto fabriquer dès qu’il y a un accident ou une perte de capacité, jusqu’à l’usure inévitable néanmoins. Ce, grâce aux recherches en intelligence artificielle, en robotique, en génie génétique. En effet, nous pouvons penser que nous serons de plus en plus intelligents, de plus en plus capables de nous connaître, de connaître et notre passé individuel, et notre avenir individuel et collectif.
Nous allons devenir des algorithmes tout puissants. Saurons-nous fabriquer des intelligences conscientes ?  C’est  la question. Bien sûr l’inégalité entre riches et pauvres ne disparaîtra pas (il y aura les plus, et les moins connectés), c’est là un problème. Et l’apparition de ces « homo deus » (la mutation de l’espèce humaine) est voulue et financée par les milliardaires GAFA (Google, Amazon, Face book, Apple). A nous de nous en inquiéter !! 
Voulons-nous cette civilisation ? (Edith Deléage-Perstunski. Professeure de philosophie)

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« Lorsqu’il y a près de deux ans j’envisageais la disparition de la civilisation…. j’identifiais la civilisation à la seule que je connais, avec l’humanité. La destruction de cette civilisation m’apparaissait effectivement sous une image apocalyptique de fin de l’espèce humaine. Or, j’ai expliqué que ce vison a entièrement changé maintenant. L’écroulement de cette civilisation n’est pas une vision apocalyptique ; c’est, disons, quelque chose qui me semble hautement souhaitable. Je considère même que c’est une grande chance qu’il existe, disons une base biologique  de cette société humaine qui se refuse à suivre la voie  de la civilisation industrielle dominante. Finalement, c’est la crise écologique qui va nous forcer, que nous le voulions ou pas, à modifier notre cours et développer des modes de vie et des modes de production qui soient radicalement différents de ceux en cours dans la civilisation industrielle». (Alexandre Grothendieck. Allons-nous continuer la recherche scientifique. 1972)

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