Coeur, le coeur et la raison

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Médée, jouée par Masemoiselle Clairon. Charles-André Van Loo. 1760. Neues Palais in Potsdam.

Le coeur est vagabond, la raison, elle –  est assignée à résidence.

La raison dit ce qu’elle voit, le cœur dit ce qu’il sent.

Le cœur c’est aussi notre singularité

Mais le cœur c’est aussi, souvent, notre fragilité.

 Avec la raison je fonctionne.

Avec le cœur, j’existe. 

(Luis)

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« – On est plus humain si l’on suit plus son cœur que sa raison », dit Andew, l’androïde dans le film de science fiction « L’Homme centenaire ». C’est vrai que lorsqu’on dit d’une personne qu’elle est très humaine, on parle d’une qualité de cœur, et pas d’une personne ne faisant  usage de la raison. Dans une autre réplique le même personnage confirme : …..« Si l’on veut suivre son cœur, il faut mette la raison de côté » 

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« La raison est l’ennemie de la vie ». (Miguel de Unamuno. Du sentiment tragique de la vie)

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« Si la raison est un don du ciel, et que l’on puisse dire autant de la foi, le ciel nous a fait deux présents incompatibles et contradictoires »  (Diderot. Pensées philosophiques)

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« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». Cette phrase proverbiale ne va pas pourtant dans le sens d’une opposition entre le sentiment et la raison. Elle indique une distinction entre deux façons de connaître et de comprendre, égales en dignité quoique très différentes dans leur modalité. Le coeur désigne d’abord une faculté intuitive de l’âme : « Le cœur sent que l’espace a trois dimensions ». Cela ne se démontre pas et ne s’énonce même pas. Cela s’éprouve comme une certitude indiscutable, non pas sur un sujet solitaire, comme le cogito de Descartes, mais par la communauté des êtres pensants que nous sommes.

 Autant nous pouvons ressentir  dans l’exercice de notre raison le sentiment de ne devoir qu’à nous-mêmes les résultats, même fragiles et limités de notre activité de pensée, autant le cœur nous donne gracieusement, sans qu’on l’ait mérité, la connaissance certaine de ce qu’il nous est nécessaire de savoir. Cela vaut aussi bien pour les choses du monde (l’espace, les nombres..) que pour celles qui forment le troisième ordre, que Pascal nomme l’ordre de la charité, où seuls règnent les sages et les justes. Cet ordre de la charité diffère de l’ordre de la chair, celui des « grands » de ce monde, et de l’ordre de l’esprit, celui des savants. » (Pierre Guenancia. Pascal – Misères et grandeurs des hommes. Philosophie magazine N° 37)

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« Il est tout aussi ridicule – et inutile – que la raison demande au cœur – des preuves de ses premiers principes, – pour pouvoir y consentir,  – et qu’il serait ridicule  – que le cœur demandât à la raison un sentiment… »  (Pascal. Pensées)

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Nos choix de vie ne découlent pas tous de la raison. Quand on part dans une aventure amoureuse, il y a peu de place pour la raison, « Quand vous êtes amoureux, vous avez 90% du cerveau qui ne fonctionne pas » (Katherine Pancol. Les yeux jaunes des crocodiles) ; il y a un bon pourcentage de risques pour l’aventure soit éphémère. Puis il y a la rencontre, l’aventure passionnelle, qui sera sans raison aucune que l’espoir d’avenir est dans cette liaison amoureuse. C’est la passion qu’on aura eu raison de suivre, puisque qu’alors va commencer, peut-être, le début de toute une vie à deux.

 Combien ne connaîtrons pas la déraison du cœur, combien sont prisonniers derrière   le mur de la raison.  (Luis)

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Pauline  dans Polyeucte. Pièce de Corneille 1642)

« Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments

mais quelque autorité que sur eux elle ait prise,

Elle n’y règne pas, elle tyrannise,

Et quoique le dehors soit sans émotion,

le dedans n’est que trouble, et que sédition »

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Dans le film de science fiction, « L’homme centenaire » (déjà cité) un robot qui a déjà plus de cent ans « d’existence » et devenu humanoïde, alors il  s’attache à des personnes, et il réalisent que ces personnes vont mourir, et cela il le refuse. Il propose qu’on transforment ces individus pour leur bonheur, pour leur donner comme lui l’éternité, qu’ils passent peu à peu du biologique vers le mécanique. Mais la fréquentation des hommes lui montre qu’il n’a pas accès à des choses que les hommes trouvent formidables. Peu à peu il n’aura qu’un désir vivre une vie comme un homme, et c’est lui qui fera le chemin inverse, il obtiendra un programme ou le cœur rencontrera parfois en conflit avec la raison, la logique. Il abandonnera son éternité pour vivre et mourir  comme un homme. « Je préfère » dit le personnage humanoïde « mourir humain, plutôt que de vivre éternellement en tant que machine » (Luis)

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« C’est sur les raisons du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie »

 »  Cette impuissance ne doit pas servir qu’à humilier la raison – qui voudrait juger de tout- mais non à combattre notre certitude. Comme s’il n’y avait que la raison capable de nous instruire ? plût à Dieu que nous n’en eussions au contraire jamais le besoin, et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment, mais la nature nous a refusé ce bien, elle ne nous a donné que très peu de connaissance de cette sorte ; toutes les autres ne peuvent être acquise que par connaissance   » (Pascal. Pensées)

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Nous attribuons au cœur des connaissances que nous disons intuitives,  Intuitives peut-être parce que nous ne pouvons discerner, retrouver les événements marqueurs qui se sont inscrit dans ce programme du subconscient. Ces marqueurs qui se sont enregistrés, et qui nous amène à faire des choix que pensons être fin purement d’instinct. Toujours quelque chose défini les choix spontanés. Nous ne sommes pas conscients de tous les événements qui ont laissé une marque dans le logiciel, de la raison, alors nous parlons de la, ou des  raisons du cœur.  (Luis)

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« J’ai cru dans ma jeunesse par sentiment » (Jean-jacques Rousseau ; Profession de foi du curé savoyard)

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« Le cœur c’est l’inspiration, jamais la raison n’écrira de vers… » (Musset)

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Si « la raison du cœur » a investi nombre de domaines,  aujourd’hui la raison gagne du terrain

« Comment vous êtes vous rencontrés ? », amenait souvent de bien  beaux récits.
  Aujourd’hui, il se peut qu’à la question : « Comment vous êtes-vous rencontrés ? _ Par quel hasard vous êtes-vous rencontrés? »

la réponse soit : réponse soit :

« Nous n’avons pas laissé la place au hasard, – c’est un algorithme qui nous a sélectionnés –  en fonction de critères spécifiques ».

    Les mariages longtemps furent de raison,  – les parents choisissaient pour leurs enfants. Puis nous sommes passés aux mariages qu’on dit «  mariages d’amour ».

Mais il y a désormais,  une tendance à vouloir se garder de la subjectivité du cœur, – et, –  via des sites de rencontre,  – on se rapproche du contrat.

   On prend moins de risques (ou du moins le pense t-on). On remplit le questionnaire,  – on coche des cases : état de santé, – catégorie socio professionnelle –  revenus, – diplômes –  préférence politiques – affinités sexuelles – tâches ménagères – etc. Et l’algoritme va le choix pour vous.

Exit le bébé joufflu, aveugle,  avec son arc et ses flèches. Et plus question de faire vibrer ces fameuses « cordes sublimes »

Donc, si tous les pré requis,  sont remplis- on optimise les chances du mariage parfait, (enfin dans les algorithmes). Et les concepteurs des programmes, –  utilisent,  les terme de couplage,  – soit une relation  – plus fonctionnelle.

    La raison du cœur, nous diront peut-être demain des concepteurs de l’intelligence artificielle, était une erreur de programmation, de l’homme. (Luis)

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Le choix du cœur, c’est l’intuition, l’instinct, un sentiment fort indéfinissable qui échappe le plus souvent à toute analyse. C’est par exemple : « Pourquoi tu m’aimes, »

Comment expliquer par la seule raison, les raisons qui créent de vifs sentiments d’amour entre un homme et une femme.

Ma raison me dit.., mais mon cœur s’y refuse

Le cœur c’est la petite voix en moi qui me dit

La raison ne connaît que des vérités démontrables

L’individu a besoin d’une réponse à toute chose, et là parfois la raison est en échec ; el là, qui n’a pas de filtre aux différentes subjectivités, peut se laisser embarquer dans un choix qui enfin apporte une réponse là où il n’y en avait pas.  (Luis)

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L’exemple en faveur du choix du cœur, serait le jugement de Salomon. Lequel Salomon fait appel au choix du cœur.

Je rappelle les faits. Devant Salomon deux femmes réclament  la maternité d’un enfant. Ayant entendu les deux femmes le roi Salomon, ne sait en raison statuer. Il fait alors appel à la voix dU cœur, il annonce que l’enfant sera coupé en deux et que chaque femme recevra une moitié de l’enfant.

 L’une d’elle s’écrie tout de suite : -donnez-lui l’enfant.

Salomon la reconnaîtra comme la mère et lui fera remettre l’enfant.

Alors, le cœur siège exclusif des bons et nobles sentiments, que nenni ! Il est aussi à l’origine et le siège des passions, passions tristes comme passions gaies. Car même si des philosophes dénient la suprématie de la raison, ce sont les sentiments, les ressentis, les émotions qui s’adressent d’abord au cœur, en second la raison en fera peut-être une analyse logique, sauf si le cœur, s’y refuse. La haine, la jalousie, l’avarice, ne sont pas des sentiments de raison. Et le crime passionnel, échappe lui aussi à toute raison.  (Luis)

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Les élans du cœur sont aussi des impulsions, lesquelles bonnes ou mauvaises, nous le savons échappe  à tout contrôle,

Mon cœur, arrête de répéter

Qu’elle est plus belle qu’avant l’été.

Mon cœur, arrête de brinquebaler,

Souviens-toi qu’elle t’a  déchiré

Mon cœur, mon cœur, ne t’emballe pas,

Fais comme si tu ne savais pas,

Que Mathilde est revenue.

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Parler au cœur c’est dans la littérature, un tournant, c’est le « romantisme ». Je ne parle pas de la collection Harlequin, mais de cette mutation, ce mouvement qui s’est créé au XVIIIème siècle, lequel met en scène des sentiments qui déterminent une histoire. Au XVIIIème un des chefs de file, fut Jean-jacques Rousseau, avec par exemple « La nouvelle Héloïse »  (Luis)

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« Je pris donc un autre guide et je me dis : consultons la lumière intérieure, elle m’égarera moins, ou du moins mon erreur sera la mienne… » (Rousseau. Profession de foi du vicaire savoyard)

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« Exister pour nous, c’est sentir ; notre sensibilité est incontestablement antérieure à notre intelligence, et nous avons eu des sentiments avant des idées… » (Rousseau. Profession de foi du vicaire savoyard. P, 89)

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« On ne croyait pas uniquement  ce qui était raisonnable. La raison rétréci la vie, comme l’eau rétréci les tricots de laine et on ne peut plus lever les bras » (René Barjavel)

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Phèdre

Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée

Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,

Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,

Athènes me montra mon superbe ennemi.

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps et transir et brûler ;

Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

….

D’un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :

Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,

Même ……

au pied des autels que je faisais fumer,

J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.

Je l’évitais partout. O comble de misère !

Mes yeux le retrouvaient,  dans les traits de son père.

Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.

Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :

C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.

J’ai conçu pour mon crime une juste terreur :

J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur
…… ;

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« Il me semble que de toute éternité, la raison fut faite pour être foulée aux pieds par l’amour. Il me semble qu’on aime mal quand on connaît quelque devoir » (Diderot. Lettres à Sophie Volland))

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