Colère

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La colère. Jerôme Bosh. Les sept péchés capitaux. (Détail)
Musée du Prado. Madrid.

Le Grand Robert de la Langue Française : Mécontentement violent et passager qui s’accompagne d’agressivité dans le comportement ou le discours.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Indignation violente et passagère. C’est moins une passion qu’une émotion : la colère nous emporte, et fini par s’emporter elle-même. Mieux vaut pour la surmonter, l’accepter d’abord. Le temps joue pour nous, et contre elle….

Dictionnaire historique de la langue française. Le Robert. (Alain Rey) : est emprunté (vers 1205) du latin impérial cholera « maladie bilieuse » puis à basse époque colère lui-même emprunté au grec Kholera.

Le sens de « bile » a disparu au XVI° s. Le sens moderne d’ « état affectif  violent » (1416) reste cependant dépendant de l’idée  de bile , la colère étant tenue pour un échauffement de la bile, et couramment appelé chaude chole « bile chaude » et colère. Colère rompt avec cette conception humorale u XVII° s. avec l’élimination de la graphie cholère, et supplante dans l’usage, ire, et courroux, usuels et ancien français. Avec la valeur littéraire et biblique de « déchaînement violent » (1560), il fonctionne encore au XVI° s. et au XVII° s. comme doublet de ire traduisant le latin ira dans jours de colère (die irae)

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Article, Colère : …c’est, suivant la définition de Locke, cette inquiétude ou ce desordre de l’ame que nous ressentons après reçu quelqu’injure, & qui est accompagné d’un désir, & qui est accompagné d’un désir pressant de nous venger : passion qui nous jette hors de nous-mêmes [….]  Les causes qui produisent ce desordre, sont une humeur atrabilaire une floibesse, mollesse , & maladie de l’esprit .., d’une sensibilité blâmable , l’amour propre.., la legereté à croire qu’on est méprisé le chagrin d’être meprisé & injurié ; d’où vient que la colère de la femme est si vive & si pléniere : elle naît aussi dans le refus de la violence du désir.

Cette passion a souvent des effets lamentables, suivant la remarque de Charron : elle nous pousse à l’injustice ; elle nous jette dans de grands maux par son inconsidération ; elle nous fait dire & faire des choses mésséantes, honteuse, infignes, quelque fois funeste & irreparables, dont s’en suivent de cruels remors

Il ne faut pas cependant considérer la colere comme une passion toûjours mauvaise de sa nature ; elle ne l’est pas, ni ne deshonore personne pourvû que ses émotions soient proportionnées au sujet qu’on a de s’émouvoir. Par conséquent elle peut être légitime, quand elle est portée qu’à un certain point ; mais d’un autre c^té elle n’est jamais nécessaire : on peut toûjours, & c’est même le plus sûr, soûtenir dans les occasions sa dignité & ses droits sans se courroucer. (Article de M. le Chevalier de Jaucourt)

Synonyme : Courroux. Emportement. Foudre. Fureur.  Ire. Irritation. Rogne. Tempête. Rage.

Contraires : Calme.Cool. Douceur. Impassibilité. Sérénité. Zen.

Par analogie : Accès de colère. Affront. Aigreur. Agressivité. Algarade. Animosité. Atrabilaire. Bile. Bilieux. Colère noire. Colère divine. Colère rentrée. Cholera. Crise. Crisper. Courroucé. Emotion. Emporté. Exaspération. Exploser. Fâcher. Fulminer. Fumer. Furibond. Humeur. Hystérie. Indignation. Irrascible. Irritation. Maronner. Mécontentement. Mépris. Passion. Querelle. Rage. Révolution. Pester Râler. S’agacer. Suffoquer. Tempête. Trépigner. Violence..

Expressions: Avoir la moutarde qui monte au nez. Avoir la tête près du bonnet. Avoir un accès de colère. Céder à la colère. Colère sociale. Être blême de colère. Être soupe au lait. Être vert de rage. La colère est mauvaise conseillère. Monter sur ses grands chevaux. Passer sa colère sur quelqu’un. Péter les plombs.  Piquer une colère. Prendre la mouche. Querelleur. Sortir de ses gonds. Voir rouge.

Colère : un des sept péchés capitaux. En dehors de la colère de Dieu, bien sûr !

« Lorsque dans votre sein bouillonne la colère, sur votre langue veillez ». (Sapho)

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(La colère) « …elle entraîne et jette hors de lui-même l‘homme qu’habite alors une soif inconsidérée de nuire ; elle se rue à la fois sur ce qu’elle poursuit et sur tout ce que le hasard offre à sa rage. Les autres passions poussent l’âme vers l’abime, celle-ci l’y précipite….Certains vices sont simplement déraisonnables, mais la colère, elle, est une maladie réelle….Plus pressante que quoi que ce soit, s’étourdissant de sa violence même et de son propre entraînement, plus arrogante après le succès, les mécomptes accroissent sa démence. Repoussée elle n’est pas abattue, que la fortune lui dérobe son adversaire, elle se déchirera de ses mains. Peut importe la valeur des motifs qui l’on fait naître; les plus légers la pousse aux excès les plus graves »  (Sénèque. De l’art d’apaiser sa colère)

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Face à des enfants un adulte peut se servir de sa colère apparente comme moyen de pression pour le calmer.  (Luis)

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« …Souvent la foule a marché en masse sous les drapeaux de la colère ». (Sénèque)   

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« Aristote qui prend la défense de la colère, ne veut pas qu’on nous arrache cet éperon de la vertu. La retrancher, c’est, selon lui, désarmer l’âme, lui ôter l’élan vers les grandes choses et la condamner à l’inertie »  (Sénèque)

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« Les gens fatigués sont querelleurs ; on peut l’étendre à tous ceux que tourmente la soif , la  faim, ou autre besoin. Leur âme devient comme ces plaies que fait souffrir le lus léger contact, et même l’idée seule qu’on les touche. Un rien les offense. …une simple question sera pour eux un sujet de querelle. On ne touche pas à une plaie sans provoquer de plainte »  (Sénèque)

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« La colère est nécessaire. Seulement il faut s’en servir non comme d’un capitaine, mais comme d’un soldat » (Aristote)

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« Quand un petit enfant pleure et crie, il se produit un phénomène purement physique que lui-même ne soupçonne pas  […..] Ses cris lui font mal à lui-même et l’irrite encore plus. Les menaces, les éclats de voix, grossissent encore l’avalanche. C’est la colère même qui entretient la colère »  (Alain. Propos 8 mai 1913)

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La colère entend t-on parfois arme les bras,. Montaigne évoquant la Colère  nous dit « Nous remuons les autres armes, et celle-ci nous remues ; notre main ne la guide pas, c’est elle qui guide notre main, nous ne la tenons pas » (Essais)

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Introduction : Café-philo : « Ai-je droit à la colère ? »

De nouveau nous abordons des problèmes de comportement. Il est intéressant de relever l’origine du mot colère. Il nous vient du grec Kholé, en latin Choléra, les deux ayant la même signification, la bile du foie.

 Elle deviendra pendant quelque siècle en France, l’ire, qui donnera « irascible, irrité, irritable. Nous avons gardé précieusement l’ire pour les cruciverbistes. En español, on a conserver le mot latin, la colère est: ira

  Il y a des gens que la colère transcende et d’autres qu’elle détruit. Elle est le dernier recours avant la violence. Quand la colère est collective elle amène parfois à une Révolution (1789) Et une société sans colère, sans révolte est une société sans démocratie.                               

   La colère nuit à ma santé par des décharges d’adrénaline, mais les non-dits et les barrières à mes colères, me détruisent bien davantage.

L’impuissance face à l’injustice, à la force brutale entraîne de saines colères, mais souvent vaines colères. Camus dirait : « Solitaire ou Solidaire » soyons les deux, mais à l’homme en colère préférons l’homme révolté.

 L’écrivain Marc Twain, lorsqu’il s’offensait d’une critique, plutôt que de céder à la colère d’une violente réplique, d’une lettre mordante,  prête à adresser, il la gardait dans son manteau. Si la colère n’était pas tombée au bout de trois jours, alors il la mettait au courrier

Alors ! une de fois de plus la réponse à la question : « Ai-je droit à la colère ? », ne peut être que nuancée, à moins de dénier notre nature même. Oui, nous avons droit à la colère, sans toutefois considérer que la colère est un droit. (Luis)  

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«  La colère a toujours divisé les philosophes, il y a d’un côté ceux qui la condamnent fermement, qui la voient comme une passion irrationnel et l’incarnation du chaos. Et de l’autre côté tous ceux qui la considèrent comme un moteur pour agir.

Dans les deux cas tout nous ramène aux origines de la philo. Dans l’Iliade et l’Odyssée, d’Homère, tout commence avec la colère d’Achille ; alors colère détestable peut-on lire dans le1er chant, laquelle va portant lui donner la force d’attaquer.

C’est intéressant, parce que dès le début la colère est ambivalente, parce que c’est à la fois, une passion que l’on subi, une passion qui nous anime.

Pour Sénèque la colère est une folie temporaire qui naît d’un sentiment d’injustice, mais qui pousse non pas à dépasser ce sentiment, mais à s’y enfoncer. Être en colère ne résout pas l’injustice que l’on a subi.

En fait, la colère, elle n’est pas gratuite, elle se fonde sur, un abus, un préjudice subi. Elle risque aussi de nous enfoncer dans le cycle de la violence et de la haine.

Donc, c’est toute la question : comment on transforme en ouverture en puissance collective, cet affront.

La colère, elle est saine quand elle est dépassée, quand elle vous ouvre à autre chose, qu’elle vous transforme et conduit à la non violence, au débat rationnel ». (Géraldine Mosna-Savoye. « Journal de la philo » 18 juin 2021. France Culture ».

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«  Ses colères à lui (Don Quichotte) n’ont rien à voir avec les trépignements des soupes au lait, ni avec les rages éruptives autant que passagères des caractériels surmenés, ni avec les attaques de nerfs des hystériques en crise, ni avec les fulminations d’amateurs qui hurlent « enculé » dans leur bagnole à qui ne peut les entendre. Ses colères à lui sont des colères grandioses, des colères homériques, des colères colossales. Les colères majuscules de tous  ceux qui font changer le monde parce qu’ils concentrent à leur insu  parfois, toutes les colères errantes de leur temps… »  (Rêver debout Lydie Salvaire. Seuil. 2021)

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« Il est tout aussi ridicule et inutile que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour pouvoir y consentir, et qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions quelle démonttre, pour pouvoir les recevoir » (Pascal. § 110. Edit. Lafuma)

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La colère entend t-on parfois arme les bras,. Montaigne évoquant la Colère  nous dit « Nous remuons les autres armes, et celle-ci nous remues ; notre main ne la guide pas, c’est elle qui guide notre main, nous ne la tenons pas » (Essais)

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