Conversation

Lecture dans un salon, ou, La lecture de Molière.
Jean Francois Troy. 1728
Dictionnaire Hachette : Echange de propos entre deux ou plusieurs personnes sur des sujets variés.
Matière, sujet de cet échange
Capacité à s’entretenir en société sur des sujets les plus divers.
Avoir de la conversation
Trésor de la langue française :Echange de propos, sur ton généralement familier, et sur des thèmes variés, entre deux ou plusieurs personnes.
Du latin « conversatio » (Remuer et retourner) comme remuer les mots, remuer les idées pour les confronter
Synonymes : Bavardage. Causerie. Conférence (Désuet). Conciliabule. Confidences. Discussion. Echange. Entretien. Tête à tête.
Par analogie : Arbre à palabres. Argument. Apprendre. Bagout. Beau parleur. Balivernes. Café de conversation. Café-littéraire. Café-philo. Causerie. Causette. Communiquer. Compréhension. Contact. Conteur. Convivialité. Débat. Dialogue. Dire. Discussion. Disserter. Echange. Ecouter. Emoji. Emoticône. Entretien. Entregent. Exégèse. Expression. Interlocuteur. Langage. Lien social. Maïeutique. Maison de la conversation. Orateur. Palabres. Partage. Penser ses mots. Picoteries (désuet) Propos. S M S ( ?). Raconter. Réseaux sociaux. Rhétorique. Sociabilité. Tchatche. Verbaliser.
Expressions : Le dictionnaire de la langue française nous donne cette liste d’expression quant à la conversation :
A) Conversation abondante, agréable, amicale, amoureuse, animée, banale, confidentielle, cordiale, décousue, difficile, étonnante, familière, fatigante, franche, gaie, grave, habituelle, idiote, intéressante, légère, mondaine, oiseuse, particulière, piquante, philosophique, privée, sérieuse, téléphonique, vivante.
B) Conversations d’affaire, de salon, conversation à bâtons-rompus, à mots couverts, à voix basse, entre amis.
C) Sujets de conversation, thème de conversation, plaisir de la conversation.
D) Amener, amorcer, avoir une conversation sur (un sujet, un thème), mettre la conversation sur…, animer, commencer, interrompre, poursuivre, prolonger, suivre, suspendre, terminer, une conversation. Changer de conversation, couper court, prendre part, entrer en conversation, changer de conversation, faire la conversation, un bout de conversation, être l’objet des conversations, faire les frais de la conversation, se mêler de la conversation, quitter la conversation, lier conversation avec qqn ; mettre fin à la conversation
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Le philosophe Kant écrivait : « La nation française se caractérise entre toute, par son goût de la conversation » Kant a connaisance de ces différents salons de conversation à Paris., dans ce XVIII éme siècle. Les plus connus seront celui de la duchesse du Maine, de, Madame Du Deffand, Madame de Lambert, etc. On parlait alors de « tenir salon »
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Mais loin de ce que furent « Les salons », ce goût pour la conversation perdure sous diverses formes. Ce sont créées en France des Maisons de la conversation. Lieux d’accueil pour des rencontres autour de discussions variées. Ces lieux cherchent et favorisent l’ échange entre personnes qui, a priori n’auraient pas forcément communiqué
Ce sont crées aussi les Cafés de la conversation, des lieux et des moments d’échange autour de sujets divers (non imposés). Ces moments de conversation sont souvent organisés dans des bibliothèques, des maisons de la culture, mais aussi dans des libraires
Ils perdurent avec les cafés-littéraires, organisés soit par des bibliothèques, soit entre particuliers
Ils perdurent aussi depuis les années 90 (1990) avec les cafés philo
Mais les Français n’ont pas l’exclusivité du goût à la conversation. Sous d’autres latitudes on parle de l’arbre à palabres. L’arbre à palabre, était, et reste souvent le baobab, le fromager, au milieu du village africain où l’on se retrouve pour régler certains problèmes de vie liées au village, ou discussions
A propos des cafés-philo :
Les propos qu’on peut y entendre vont de la simple réaction du bon sens « populaire » au développement d’un concept avec une bonne argumentation. C’est lorsque les débats sont enregistrés, restitués, qu’on peut à la relecture parfois s’apercevoir de la richesse de certaines interventions, des petites phrases passées inaperçues et qui répondait pourtant si bien à la question.
Mais le rôle du café-philo peut être aussi plus qu’un auditoire qui vient pour « s’instruire » ; sans tomber dans la thérapie de groupe, il permet des expériences de prise de parole, il est l’endroit où avec le temps on va apprendre à structurer, formuler sa pensée avec le souci, le désir d’être compris (on ne s’exprime pas devant un auditoire de 50 personnes comme avec sa collègue de bureau comme avec son beau-frère). C’est aussi le lieu où la circulation de la parole, l’invitation à « dire », à s’exprimer, oser, passer la barrière de sa timidité devant ceux qui sont à l’écoute.
Les cafés-philos sont des lieux de convivialité, qui créent ces instants privilégiés, ce moment où l’on s’est dégagé de ses obligations habituelles pour n’être que dans la conversation, on s’est rendu libre d’esprit, sans interférence avec une télé allumée, on peut enfin avoir des échanges qui ne visent d’autres but que d’exprimer, que se prononcer sur des questions, des sujets qu’ont aurait pas aborder dans un autre contexte ; un instant hors du temps de la vie routinière Et ces débats laissent une empreinte, de débats en débats, l’évolution se fait à l’insu même des personnes ; de par toutes les réflexions, les opinions différentes, surtout celles qui sont différentes aux nôtres nous interpellent.
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Dans toute notre vie sociale, la conversation c’est elle qui nous fait « être », et, « être soi » au milieu des autres (des autres parfois si différents), et cela passe par les liens du langage, de la conversation.
Tant qu’une personne n’a pas parlé je n’ai aucune connaissance d’elle.
Notre langage, les mots, les expressions que nous utilisons ; notre aptitude tant, à s’exprimer, qu’à savoir écouter, nous caractérise fondamentalement dans la perception que les autres auront de nous.
« La parole est à moitié à celui qui la dit, à moitie à celui qui l’écoute » (Montaigne)
Mais au-delà de ce trait, le langage peut être source de plaisir, c’est le plaisir de la « conférence » pour reprendre l’expression qu’utilise Montaigne.
« C’est au demeurant une très belle science que la science de l’entregent. Elle est comme la grâce et la beauté, conciliatrice des premiers abords de la société et familiarité ; et par conséquent nous ouvre la porte à nous instruire par les exemples d’autruy, et à exploiter et produire notre exemple, s’il y a quelque chose d’instruisant et de communicable. (L I. § XIII)
En lisant ces lignes, je pense aux modes de rencontres et de débats où s’exerce cette si plaisante activité de l’entregent. J’entends ce mot au-delà de sa simple définition qui nous dit que c’est « manière habile de se conduire, de nouer des relations utiles », j’ajouterai « relations plaisantes agréables, enrichissantes ».
Enrichissantes, nous disait déjà Montaigne : « Le plus fructueux et naturel exercice de notre esprit, c’est à mon gré la conférence… L’estude des livres, c’est un mouvement languissoit et foible qui n’eschauffe poinct ; là ou la conference apprend et exerce en un coup. Si je confère avec une ame forte et un roide jousteur, il me presse les flancs, me pique à gauche et a dextre ; ses imaginations eslancent les miennes… » tout ceci nous dit-il, « me rehausse au dessus de moy-mesme. Et l’unisson et de qualité de tout ennuyeuse en la conférence » (LIII. § VIII)
C’est un des rôles que ce sont fixés les lieux de parole : donner la parole à ceux qui ne sont que trop souvent que des consommateurs d’informations formatées. C’est aussi donner la parole pour que s’expriment des opinions diverses, et que chacun puisse confronter ses idées à celles des autres.
Montaigne montre l’interlocuteur tel : « un roide jousteur ( qui) me presse les flancs, me pique à gauche et à dextre ». (Comparant le débat, la conversation à une joute, d’où ce ce terme de rude jousteur)
« Quand le sujet s’est emparé de l’esprit, les mots l’assiège » (Montaigne)
Les propos contraires aux nôtres, qui les attaquent, ou les démolisent, tout cela nous amène à réfléchir , d’abord sur la validité de notre propos, et en second sur comment confirmer avec une autre expression ce qui est la conviction de ce que j’exprime
Même si l’on n’est pas excellent orateur, cet exercice de la parole est salutaire dans le sens, où l’on ne parle pas dans une assemblée comme on parle à un ami, on a bien plus besoin de structurer sa pensée, le besoin d’être clairement entendu par un plus grand nombre nous amène à un peu plus de rigueur dans la construction des phrases, dans la syntaxe.
Nous sommes le plus souvent confrontés à cet écart entre ce que nous voulons dire et comment nous le disons. « Ah ! si je savais parler comme je sais penser » (Diderot. Jacques le fataliste). Mais à s’exprimer on voit parfois les défauts de la construction de notre propos, et c’est ainsi que l’on peu apprendre à mieux dire, sa pensée.
C’est toujours cet écart entre le fond et la forme, l’exercice de la conversation, du débat, nous apprend à mieux accorder le fond avec la forme.
« Quand on me contrarie, on esveille mon attention, non pas ma cholere ; je m’avance vers celuy qui me contredit, qui m’instruit » (Montaigne)
Mais il me faut concevoir mentalement mon propos
C’est dire « Penser sa parole avant de parler sa pensée » (citation), car vouloir être compris, ne parler qu’à son chapeau n’est pas une marque de politesse envers celui, ceux qui vous écoute,. Et si s’exercer à la parole échangée c’est créer du lien, alors c’est art et le plaisir de converser.
Outre le plaisir de converser, de confronter nos idées, cet exercice nous ouvre de nouvelles possibilités de penser parfois, de nouvelles façons d’affronter ce monde.
Ce qui pourrait faire obstacle à ce plaisir de la conversation serait des inégalités sociales, je pense à la présence d’une autorité hiérarchique.
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Si je veux entamer une conversation avec quelqu’un, je vais tenter de faire parler cette personne d’elle-même, de son entourage, de son métier, de ses goûts, etc. Dans la conversation il y a l’intérêt de l’autre.
Pour qu’une conversation utile et agréable s’entame, il faut oser la parole, et en même temps il faut la retenue, il faut le temps de jauger son interlocuteur, interlocutrice, lui laisser le temps de vous jauger également. C’est une approche subtile pour la confiance réciproque, qui libère peu à peu la parole, pour que l’on s’ouvre à l’autre.
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Converser ce n’est pas bavarder, tchatcher, déblatérer, cancaner, ce n’est pas parler de tout et de rien, quoique Oscar Wilde disait ; « J’adore parler pour ne rien dire, parler de rien, c’est le domaine où j’ai le plus de connaissance »
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La conversation est plus qu’une activité culturelle, elle peut être aussi une thérapie. L’entretien, l’échange, le débat, la discussion, tout cela fait appel à des connexions neuronales, et cela aide en plus à de nouvelles connexions qui pourront en partie compenser les pertes journalières. Donc aujourd’hui cet entretien est sur ordonnance.
Et c’est un curieux sujet de café-philo, j’en conviens, car je ne peux pas problématiser une question quant à ce sujet ou, car en fait, nous allons converser sur le conversation.
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Chaque personne est une histoire, une histoire qui peut être intéressante, une histoire qu’une personne pourra vous raconter, pour peu que vous lui en donniez l’occasion. Mais tout le monde n’aime pas se raconter, mais s’intéresser à l’autre, s’enquérir de ce qui le concerne c’est ouvrir les portes de la conversation.
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« Le Français est discuteur, pour le meilleur ou pour le pire » (Jankélévitch)
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L’asocial qu’était J.J. Rousseau, se retrouve dans de propos quant à la conversation :
« Mais au fond, que penses-tu qu’on apprenne dans ces conversations si charmantes ? A juger sainement des choses du monde ? à bien user de la société ? à connaître au moins les gens avec qui l’on vit ? Rien de tout cela ma Julie ; On y apprend à plaider avec art la cause du mensonge; à ébranler à force de philosophie tous les principes de la vertu, à colorer de sophismes subtils ses passions et ses préjugés, et à donner à l’erreur un certain tour à la mode selon les maximes du jour. Il n’est point nécessaire de connaître le caractère des gens, mais seulement leurs intérêts, pour deviner à peu près, ce qu’ils diront de chaque chose » (Jean-Jacques Rousseau. La nouvelle Héloïse. Liv. II. Lettre XIV)
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Diderot fixe les règles de la conversation lors d’un dîner : « Les règles d’un repas de bon goût où la compagnie est animée sont : a) choisir un sujet qui intéresse tout le monde et donne à chacun l’occasion d’y prendre convenablement sa part, b) ne pas laisser dans la conversation s’établir des temps morts, mais des repos d’un instant, c) ne pas changer de sujet sans nécessité, et ne pas sauter d’un thème à l’autre… «
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« J’appelle Conversation, tous les entretiens qu’ont toutes sortes de gens, qui se communiquent les uns les autres, soit qu’on se rencontre par hasard, et qu’on ait deux ou trois mots à se dire, soit qu’on se promène ou qu’on voyage avec des amis, ou mesme avec des personnes qu’on ne connoist pas ; soit qu’on se trouve à table avec des gens de bonne compagne, soit qu’on aille voir des personnes qu’on aime, et c’est où l’on se communique le plus agréablement ; soit enfin qu’on se rende en quelque lieu d’assemblée, où l’on ne pense qu’à se divertir, comme en effet, c’est le principal but des entretiens » (Antoine Gombaud, dit, Chevalier de Mérée, XVIIème siècle)
Le dictionnaire Trésor de la langue française évoque les « maison de conversation » où se réunissaient les curistes pour échanger…
Les recherches sur ce sujet ne donnent à priori rien, mais dans l’ouvrage : Les « Amusements des eaux » dans la littérature thermale du XVIIIème siècle, on peut lire : « Les joies inépuisables de la conversation divertissait également cette société policée : jeux de l’esprit, déclamation de poèmes, commentaires de nouvelles- vraies ou fausses-, débats religieux, discussions politiques et exposés scientifiques .., récits de vie et de voyages remplissaient les journées des curistes.. ».
Le terme « Maison de conversation » est largement repris aujourd’hui pour définir des lieux rencontre, d’échanges…
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Depuis bien longtemps et en divers lieux les hommes se sont livrés à des joutes verbales, en dehors des salons du XVIII ème siècle, ce fut longtemps le cas en Tunisie où des hommes parfois érudits, demandaient à l’un d’eux, un mot, et le discours commençait. Ce fut également le cas en Grèce, et dans le sud de l’Italie