Courage

< Retour au dictionnaire
Godseep.Edmund Leighton. 1900. Collection privée.

Le Grand Robert de la langue française : Force morale. Disposition du cœur. Fermeté force d’âme devant le danger, la souffrance, physique ou morale

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF : Une des quatre vertus cardinales. Deux traits caractérisent le courage : la capacité à dépasser la peur et à affronter les plus grands dangers, d’une part, la capacité à supporter les souffrances et à montrer patience et fermeté face à l’adversité, d’autre part. .. Une des principales vertus reconnues au sein de nombreuses civilisations antiques et modernes..

… la résolution de sacrifier ses intérêts, et de se mettre au service d’une noble cause

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Vertu cardinale, donc, proprement, ce que l’étymologie à sa façon confirme (dans courage il y a cœur, dans vertu, il y a courage) et que l’expérience ne cesse de nous rappeler. On évitera pourtant de le louer trop aveuglément. D’abord parce que le courage peut servir aussi le pire ; ensuite parce qu’il ne tient lieu d’aucune des vertus qu’il sert.

Dictionnaire Historique de la langue française : Force morale malgré les difficultés, énergie dans l’action, dans une entreprise (s’oppose à la paresse, laisser aller).  Je n’ai pas le courage de continuer.

Synonyme : Audace. Bravoure. Cran. Fermeté. Hardiesse. Héroïsme. Résolution. Impétuosité. Intrépidité. Témérité. Vaillance. Valeur. Zèle.

Contraires : Chiffe molle. Couardise. Dégonflé. Faiblesse. Frousse. Lâcheté. Paresse. Peur. Poltronnerie. Pusillanimité. Trouille.

Par analogie: Acte. Adrénaline. Affronter. Braver. Bravoure. Conscience. Courageux. Casse-cou. Cran. Ecouragement. Défis. Démission. Désespoir. Dignité.  Endurer. Épreuve. Estime de soi. Force d’âme. Héros. Honneur. Justes. Maquisards. Oser. Parrhésia. Pleutre. Prendre le risque de. Résistants. Risquer. Sauver. Sauvetage. Sauveur. Se décourager. Tenir bon.Vertu cardinale.

Expressions : « En avoir ». (Populaire). Avoir le courage de ses opinions. Braver le danger. Bon courage! Combattre avec courage. « Courage, fuyons! ». Entreprendre avec courage. Faire preuve de courage. Haut les coeurs! Les courageux de la dernière heure. N’écouter que son courage. Perdre courage. Prendre son courage à deux mains. S’armer de courage.

*

  » Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre (…). Le courage, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie.Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces (…). Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant avec la vie générale (…). Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir mais de ne pas en être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». (Jean Jaurès, Discours à la jeunesse, 1903)

*

Le courage qui est multiformes est souvent présenté, ramené à ces définitions:

1° La capacité à dépasser la peur.

2° La capacité à affronter les plus grands dangers.

3° La capacité à supporter les souffrances.

4° Le courage en tant que contraire de la paresse.

La première définition « dépasser la peur » me paraît la plus significative, ou du moins la plus noble. Elle est conduite consciente, vertu chez Aristote : « conduite d’une personne réfléchie », une personne qui peut placer un idéal plus haut que sa propre vie. Ce courage est aussi lié à un sentiment d’honneur,  et d’estime de soi. C’est le courage où l’on va sacrifier ses intérêts pour une cause, et cela parfois avec le prix à payer, d’un aspect soit, affectif, financier, amical …… La seconde «  affronter des dangers » peut,  être imagée par des comportements héroïques, elle  peut concerner ceux qui osent ce que d’autres n’osent pas, comme lancer des défis à la vie, ce qui n’est plus la même forme de courage ; c’est aussi témérité, cela peut même être parfois proche de l’inconscience, ou encore seulement un excès de confiance en soi, ou du culot, ou même le fait d’un tempérament impulsif. La troisième définition, « supporter les souffrances, endurer » accepter son sort, « le fatum » (le destin) qui reste acte courageux, correspond tout de même plus à un aspect de la philosophie stoïcienne..

 La quatrième, ce courage qui surmonte la paresse peut être plus ou moins naturel chez nombre d’individu. Si on fait souvent l’éloge du courage, on a aussi fait l’éloge de la paresse

     Si, comme cela a déjà été dit, le courage dans la philosophie grecque, fait partie des quatre vertus cardinales, difficile dans ce sens de bien définir le courage quand on voit que le symbole que les hommes ont choisi pour le courage est le lion, déjà courage et vertu sont dissociés.  On peut considérer le courage comme une force de caractère chez celui qui assume son engagement, qui affronte avec une certaine sérénité une situation extrême, celui qui fait face à la mort, c’est le courage dans sa première forme édictée; et là, je pense à Manouchian, le résistant connu surtout par « l’affiche rouge »  et à ces quelques lignes qu’il écrit à sa femme : «  Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais […….]. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille [….]. Aujourd’hui, il y a du soleil [….] Ton ami, ton camarade, ton mari » (Luis)

*

Dans l’été 1942 les allemands qui occupaient l’Ukraine, ont organisé une partie de football entre l’armée de l’air allemande (luftwaffé) et l’équipe locale, le Dynamo de Kief. On avait demandé aux joueurs  de l’équipe locale de lever le bras comme les joueurs allemand pour saluer avec le « heil Hitler », ils levèrent le bras, mais fermèrent le poing en criant « vive le sport ». Les spectateurs Ukrainiens applaudissent. Il n’était pas question bien sûr, qu’ils battent l’équipe allemande, et on leur avait rappelé. Ils prennent un premier but, et là, leur honneur est en jeu. Ils vont gagner 5 à 1. A la fin du match, la foule envahit le terrain pour féliciter les joueurs. La police  allemande intervient, les joueurs sont arrêtés, sauf trois qui se sont échappés dans la foule, les autres vont être exécutés. (Luis)

*

« Si l’extrême courage est folie et l’extrême prudence, lâcheté, cela ne signifie pas, comme le pensait Aristote, qu’il faudrait être modérément courageux, et modérément craintif » (Jean-Noël Dumont, dans Première leçon sur les Pensées de Blaise Pascal)

*

Se comporter toujours avec courage a ses limites. Je me demande comment nous pourrions réagir  devant une agression dans le métro ou dans le train, comme cela, hélas, arrive parfois. Nous ne savons pas, par une simple réflexion quel est la courage qui est en nous. Il ne manque pas d’exemple où, en situation, des personnes ont eu des actes courageux qui les ont a posteriori surpris sue eux-mêmes. Dans l’action nous n’analysons pas, l’adrénaline modifie les informations, l’action précède toute réflexion, nous réagissons suivant des impulsions morales profondément enfouies en nous. Si je vois quelqu’un se noyer, que je sais nager, en le sauvant, « je me sauve ». Je me sauve du remords que j’aurais de n’avoir pas agit. Cela devient, même pour moi : acte de courage, acte de survie. (Luis)

*

   Et il y a une forme de courage qui nous pose un problème psychologique, c’est le courage du suicide. Le suicide courage fut aussi chez des résistants (1939/1945) qui se suicidèrent dans leur cellule « C’était le courage de reconnaître que l’on peut être lâche sous la torture ». C’est le cas de Pierre Brossolette qui pendant un interrogatoire va se défenestrer. C’est là qu’intervient le jugement de soi, jusqu’où puis-je résister,  à partir de quand je vais passer dans le camp des lâches et me déconsidérer non seulement au regard des autres, mais aussi dans mon propre regard.  (Luis)

*

Il y a la nécessité qui donne le courage, c’est ce que nous dit le slameur Abd el Malik dans son texte Gibraltar qui évoque l’aventure de ceux qui osent : Sur le détroit de Gibraltar, y’a un jeune noir qui n’est plus esclave, qui crie comme les braves, même la mort n’est plus… » Parmi les sujets du bac philo en 2011 figurait cette question : « Peut-on vivre sans être lâche ? »
Le thème proposé nous disait, ou sous entendait, que nul vie ne peut être faite que d’actes courageux, que ne pouvons pas échapper à, abandonner, à nous refuser à des luttes que nous ne pouvons gagner. En quelque sorte, nous « baissons pavillon », car nous n’avons pas les moyens nécessaires pour nous battre. Sans ces petits abandons, qu’on va considérer parfois personnellement, comme lâcheté, la vie en société n’est pas possible, ou l’on cède, ou l’on s’entretue.  (Luis)

*

Miguel de Unamuno. Discours de Salamanque (12 octobre 1936)
(Note liminaire : Le général Mllan Astray était un militaire franquiste, auteur du mot de ralliement des franquistes « Viva la muerte » et auteur par la suite de l’expression ; «  A bas l’intelligence ! »
 « Vous êtes tous suspendus à ce que je vais dire. Tous vous me connaissez, vous savez que je suis incapable de garder le silence. En soixante treize ans de vie, je n’ai pas appris à le faire. Et je ne veux pas l’apprendre aujourd’hui. Se taire équivaut parfois à mentir, car le silence peut s’interpréter comme un acquiescement. Je ne saurais survivre à un divorce entre ma parole et ma conscience qui ont toujours fait un excellent ménage. Je serai bref. La vérité est davantage vraie quand elle se manifeste sans ornements et sans périphrases inutiles. Je souhaite faire un commentaire au discours, pour lui donner un nom, du général Millan Astray, présent parmi nous. Laissons de côté l’injure personnelle d’une explosion d’invectives contre basques et catalans. Je suis né à Bilbao au milieu des bombardements de la seconde guerre carliste. Plus tard, j’ai épousé cette ville de Salamanque, tant aimée de moi, sans jamais oublier ma ville natale. L’évêque, qu’il le veuille ou non, est catalan, né à Barcelone. On a parlé de guerre internationale en défense de la civilisation chrétienne, il m’est arrivé jadis de m’exprimer de la sorte. Mais non, notre guerre n’est qu’une guerre incivile. Vaincre n’est pas convaincre, et il s’agit d’abord de convaincre ; or, la haine qui ne fait pas toute sa place à la compassion est incapable de convaincre… On a parlé également des basques et des catalans en les traitant d’anti-Espagne ; eh bien, ils peuvent avec autant de raison dire la même chose de nous. Et voici monseigneur l’évêque, un catalan, pour vous apprendre la doctrine chrétienne que vous refusez de connaître, et moi, un Basque, j’ai passé ma vie à vous enseigner l’espagnol que vous ignorez. (Premières interruptions, « Viva la muerte ! » etc) Je viens d’entendre le cri nécrophile « Vive la mort » qui sonne à mes oreilles comme « A mort la vie ! » Et moi qui ai passé ma vie à forger des paradoxes qui mécontentaient tous ceux qui ne les comprenaient pas, je dois vous dire avec toute l’autorité dont je jouis en la matière que je trouve répugnant ce paradoxe ridicule. Et puisqu’il s’adressait au dernier orateur avec la volonté de lui rendre hommage, je veux croire que ce paradoxe lui était destiné, certes de façon tortueuse et indirecte, témoignant ainsi qu’il est lui-même un symbole de la Mort. Une chose encore. Le général Millan Astray est un invalide. Inutile de baisser la voix pour le dire. Un invalide de guerre. Cervantès l’était aussi. Mais les extrêmes ne sauraient constituer la norme. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’infirmes, hélas, et il y en aura de plus en plus si Dieu ne nous vient en aide. Je souffre à l’idée que le général Millan Astray puisse dicter les normes d’une psychologie des masses. Un invalide sans la grandeur spirituelle de Cervantès qui était un homme, non un surhomme, viril et complet malgré ses mutilations, un invalide dis-je, sans sa supériorité d’esprit, éprouve du soulagement en voyant augmenter autour de lui le nombre des mutilés. Le général Millan Astray ne fait pas partie des esprits éclairés, malgré son impopularité, ou peut-être, à cause justement de son impopularité. Le général Millan Astray voudrait créer une nouvelle Espagne – une création négative sans doute- qui serait à son image. C’est pourquoi il la veut mutilée, ainsi qu’il le donne inconsciemment à entendre. (Nouvelles interruptions » A bas l’intelligence ! « Etc.) Cette université est le temple de l’intelligence et je suis son grand prêtre. Vous profanez son enceinte sacrée. Malgré ce qu’affirme le proverbe, j’ai toujours été prophète dans mon pays. Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. Il me semble inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai dit. »

*

Tant qu’on en est aux paroles, il y a beaucoup de courageux, lorsqu’il faut passer à l’action les rangs s’éclaircissent. Lorsqu’Ulysse propose qu’on attaque le cyclope en lui crevant son unique œil, tous ses compagnons d’infortune veulent y participer, mais au moment dépasser à l’action, les moins courageux qui s’étaient mis un peu en arrière demandent que ceux du premier rang y aille déjà, d’autres tout à coup sont boiteux, un autre s’est luxé le pied, l’autre a soudainement de la poussière dans les yeux, Ulysse affrontera le danger sans ceux qu’il nomme « ses lâches alliés », lesquels n’en déclarent pas :moins  « nous courrons le danger par personne interposée ». (Luis)

*

….Une femme s’effraie de tout,

Lâche à la lutte et à la vue du fer ;

Mais qu’on touche à son droit, à son lit,

Elle ira plus loin que personne en son audace meurtrière.

      (Médée. Euripide. 244/274. )

*

«  Chez Hector et chez Achille, le courage, «  thumos », qui signifie aussi colère, haine, esprit, est ce talent où se résume toute la  qualité morale de l’individu en tant qu’elle peut être  reconnue par ses pairs. Chaque individu sait ce qui est requis de lui par le  rôle social qu’il occupe, et les vertus, au premier rang, le courage, lui permettent d’accomplir ce rôle. Mais ce courage « thumos », don propre à chacun, qui, dans les situations où il est requis, fleurit de façon inexplicable, comme un miracle, est habité par la conscience de la vulnérabilité » (Article, courage. Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. Sous la direction de Monique Canto-Sperber)

*

Introduction au débat : «  Manquons-nous de courage ? »  » Manquons-nous de courage? » c’est ce qu’analyse Cynthia Fleury dans son ouvrage « La fin du courage » qui montre que notre époque est celle de la disparition du courage d’abord    parce que « chaque époque historique affronte, à un moment ou à un autre, son seuil mélancolique » de même que chaque individu connaît, en vieillissant cette phase d’épuisement et d’érosion de soi. Nous serions donc à la phase de déclin d’une époque historique … laquelle? Celle d’un contexte politique, celle d’une démocratie qui, d’une part, développe le discours du peuple souverain et qui, dans le même temps, agit en confiant le pouvoir à des experts et en laissant faire le pouvoir économique et le règne de l’argent et du profit. Car le courage est une vertu et morale et politique; comme l’écrivait Jean-Jacques Rousseau : « Ceux qui séparent la morale et la politique n’ont rien compris ni à la morale ni à la politique … » Il me faut donc revenir sur les sens du mot courage; en ancien français le mot apparaît au 13ème siècle comme un dérivé de « cœur » : c’est une « disposition du cœur «  On entend encore aujourd’hui cette liaison dans des expressions comme « avoir du cœur à l’ouvrage »,  ou « haut les cœurs! ».    Selon le « Dictionnaire culturel de la langue française » deux traits caractérisent l’usage du mot courage: la capacité à dépasser la peur et à affronter les plus grands dangers d’une part ; d’autre part la capacité à supporter les souffrances et à montrer patience et fermeté face à l’adversité. Depuis les grecs le courage est conçu comme une vertu, une des quatre vertus cardinales à côté de la justice, de la sagesse et de la tempérance selon Platon dans le livre 4 de La République et c’est ce même ensemble de vertus que reprendront plus tard les stoïciens et les épicuriens Une vertu c’est l’effort pour  bien se conduire c’est à dire  conformément à des  valeurs ou à la règle qu’on se donne. Or quand il n’y a plus de valeurs transcendantes (quand « Dieu est mort », comme l’écrivait Nietzsche, et quand « l’Homme est mort » comme  Michel Foucault nous a appris à le penser), quand l’histoire collective est pensée comme une histoire éclatée, sans but, sans rime, ni raison, quand règne la désespérance comment avoir de l’énergie ou /et de la détermination à orienter nos actions? « Les héros sont fatigués »;  nous n’avons plus de prophètes ni de « grand homme » (c’est  le philosophe Hegel  qui au 19°siècle-  écrivait « rien de grand ne se fait sans passion ») car l’héroïsme c’est le courage extrême et désintéressé face à tous les maux réels ou possibles. Ce courage là ne résiste pas seulement à la peur, mais aussi à la souffrance, à la fatigue, à l’abattement, au dégoût, à la tentation… L’héroïsme, c’est une vertu d’exception pour des individus d’exception dans des temps où le dépassement de soi s’engage pour « une cause «  c’est à dire pour un idéal Aujourd’hui « les héros sont fatigués », mais nul n’est tenu d’être un héros, c’est ce qui rend les héros admirables Par contre le courage reste une vertu: « bon courage » dit-on à celui qui désespère….. la même chose, avec des assemblées populaires citoyennes qui pratiquent la démocratie directe en temps réel,  ou des communautés de production et de consommation, comme les kibboutz du début du siècle en Palestine. On a aussi parlé ici au café-philo la dernière fois, des expériences des mouvements « slow » à l’échelle d’une ville ou d’un labo, ou de plusieurs familles associées …. Ce sont ces idées (des intelligences connectées aux mouvements sociaux, et des réalisations utopiques  qui  me semblent donc entrer en connexion avec le réel que nous vivons, en tous cas avec la réalité de mon expérience:  les futures révolutions ne se feront pas comme celles du passé pour une Idée mais pour  un intérêt commun  ou des biens communs (qui sont définis par ceux et celles qui veulent réellement vivre  l’utopie  et non plus seulement  par ceux  qui appellent   à rêver ou à  concevoir un autre monde possible). Ni nostalgique du passé, ni spectatrice du présent ni utopiste de l’à -venir  je prends le parti de considérer comme hommes et femmes de courage tous ceux et celles qui « osent penser par euxmêmes » (comme l’écrivait Kant), dans ce monde qui nous instrumentalise et nous domine….. Elles sont courageuses les femmes violées ou/ et battues qui portent plainte, et toutes les femmes qui osent prendre la parole dans les débats de société encore dominés par le machisme; elles sont courageuses ces femmes égyptiennes ou/ et tunisiennes qui osent dire que la fatwa n’est pas conforme aux préconisations du Coran, et plus encore qu’une femme peut et doit vivre libre non pas pour imiter le modèle occidental de l’émancipation mais pour vivre en conformité avec sa foi. ls sont aujourd’hui courageux les scientifiques « lanceurs d’alerte « sur les effets prévisibles de certaines recherches et inventions ; tout comme l’étaient Galilée et Darwin ou Freud et tous ceux .qui  inventent de nouvelles théories; elles sont courageuses les municipalités qui osent aller au delà de la loi (par exemple qui osent bâtir des logements sociaux au delà du pourcentage légal) ou qui interdisent les expulsions locatives, ou celles qui (comme à Mont Saint Didier,  ville de 6000 habitants) organisent une ville « écologiquement autonome.  «.Ils sont courageux ceux qui pratiquent la désobéissance civile, et ceux  et celles qui résistent à une idéologie dominante qu’ils soient des humoristes, comme Raymond Devos, ou d’autres, des écrivains comme Salman Rushdie (qui a écrit les Versets Sataniques) et qui est encore sous le coup d’une fatwa, ou des chanteuses, comme les Pussy Riot qui ont chanté des cantiques contre Poutine dans la grande cathédrale de Moscou, ….ou des Justes qui ont caché des juifs pendant l’occupation,   ou les bénévoles  qui travaillent pour les sans papiers ,ou aux restos du cœur, et ceux et celles  tout simplement qui « travaillent dur » comme on dit  pour survivre, tout comme les chômeurs qui vivent une double peine, celle de ne pas travailler dans une société où le travail est la condition humaine et où le chômage est très souvent qualifié de paresse . Bref : Ils et elles sont courageux (es) ceux et celles qui sont déterminés à vouloir que l’être humain soit reconnu comme tel (appartenant à la communauté humaine) et aussi  comme un individu singulier c’est à dire, comme le pensait Jean-Jacques Rousseau, qui considèrent que tout individu est « perfectible » ou, comme l’écrivait Sartre que « tant qu’un individu est vivant il peut orienter son existence ». Ce sont là les conditions pour ne pas manquer de courage, et ne pas éprouver de la nausée  « hic et nunc »  lorsqu’on se trouve dans un climat de désespérance pour le présent sans  à-venir. (Edith Deléage-Perstunski. Professeure de philosophie)

< Retour au dictionnaire