Coutume

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Le combat de carnaval et le Carême. Pieter Brueghel l’ancien. 1559. Kunshistorisches Musem. Vienne;

Le Grand Robert de la langue française : Dans une collectivité, manière à laquelle la majorité se conforme. Habitude collective d’agir, consentie à l’origine par ceux qui l’observent, et transmises de générations en générations.

Loi non écrite et ancestrale ; ensemble des règles de conduite traditionnelle.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Une habitude, mais sociale plutôt qu’individuelle : c’est une habitude qui nous précède, nous constitue ou nous accompagne. On prend une habitude, on intériorise une coutume au point parfois de ne plus la voir.

Dictionnaire universel de Furetière (1690) : définition de « Coustume »

Train de vie, ou actions ordinaires, qui étant plusieurs fois répétées, donnent une habitude ou facilité de les faire quand on veut. La coustume rend toute chose facile. Le sage qui veut estre long-temps en santé, doit vivre comme il a de coustume, ne faire point d’exez. Ce mot est dérivé à « consuetudine », par contraction… Coustume : se dit aussi des cérémonies, des façons de vivre des peuples qui sont tournées en habitudes, & qui sont passé en usage ou en force de loy. Les Relations des Voyageurs nous apprennent d’estranges coustumes des peuples eloignez. …. Coustume : Se dit des choses qui estoient d’abord volontaires, & qui sont devenues nécessaires par l’usage.. 

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : (Jursisprud) en latin « consuetudo », est un droit non écrit dans son origine, & introduit seulement par l’usage, un consentement tacite de ceux qui s’y sont soûmis volontairement; lequel usage après avoir été ainsi observé pendant un long espace de temps, acquiert force de loi. L’origine des coûtumes en général est fort ancienne ; tous les peuples, avant d’avoir des lois écrites, ont eu des usages et coûtumes qui leur tenoient lieu de lois ; La coûtume est donc une sorte de loi; cependant elle differe de la loi proprement dite, en ce que celle-ci est émanée de l’autorité publique, & rédigée par écrit dans le temps qu’on la publie ; au lieu que la plupart des coûtumes n’ont été formées que par le  consentement des peuples & par l’usage, & n’ont été rédigées par écrit que long-temps après. Il y a beaucoup de rapport entre usage & coûtume, c’est pourquoi on dit souvent, les us & coûtumes d’un pays

 Synonyme : Etiquette. Habitude. Pratique. Règle.  Rite. Tradition. Usage. Us et coutumes.

Contraires : Inaccoutumé. Innovation. Exception. Nouveauté.

Par analogie : Accoutumance. Arbre à palabres. Cérémonies. Communauté. Droit coutumier. Événements. Fêtes. Folklore. Légendes. Mode. Mœurs. Peuples.  Pratique. racines.Rituel. Transmission.

Expressions : A l’accoutumé. Comme de coutume. La coutume est une seconde nature. La coutume veut que.

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« On trouve dans la coutume beaucoup de vertus de base, et c’est la pratique de cette coutume qui inculque le comportement vertueux… ». (Confucius)

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Souvent les termes « coutume » et « tradition » sont utilisés l’un pour l’autre. La coutume est la façon d’agir par l’usage, la tradition est la transmission des usages. Avant la loi était la coutume. (Luis)

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Montaigne nous dit que la coutume liant d’un groupe, d’une société, est aussi parfois discriminatoire, qu’elle enferme les esprits : « Chacun appelle barbare ce qui n’est pas de son usage » comme de vrai, il semble que nous n’avons d’autre mesure de la vérité et de la raison que l’exemple des idées, des opinions, et des usances des pays où nous sommes. Là, toujours est la parfaite religion, la parfaite police, l’usage parfait et accompli de toutes choses  « Car c’est à la vérité une violente et traistresse maistresse d’école que la coutume…..L’accoustumance hébète nos sens » (Montaigne. Essais. Livre I. § XXIII)

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Longtemps la coutume, était un obstacle tant pour les lois du royaume, (pouvoir temporel) que face aux prescriptions religieuses (pouvoir spirituel). Ainsi, Saint Augustin s’en prend vivement aux mythes et aux coutumes : « Malheur à toi, fleuve de la coutume ! Qui te résistera ? ne seras-tu donc jamais desséché ? Jusques à quand rouleras-tu les fils d’Êve ? ». (Jean-Jacques Rousseau. Confessions. Livre 1er, § XVI. 401).

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Et ce n’est  pas que  dans la religion catholique que s’affronte parfois aux coutumes.  Pour exemple : « Nous avons été enfermés par les coutumes locales et ancestrales qui vont à l’encontre de ce qui écrit dans le Coran. Il est important de les dénoncer et de revenir vers ce texte sacré » (Cheikh Khaled Bentounès. 2002)

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« La coutume, est notre nature. Qui s’accoutume à la foi, la croit, et ne peut plus ne pas craindre l’enfer, et ne croit autre chose… »  (Pascal.  Pensées ; Fragment. 89-419)

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 « Le dîner fut suivi de l’habituel » symposion » grec, ou, «  séance de boisson »  au cours de laquelle on buvait du vin en grignotant des fruits secs, en bavardant, en écoutant de la musique ou des poèmes…La coutume était de nommer un roi du symposion, qui fixait à la fois le mélange de vin et d’eau dans le cratère et le nombre qui devaient être absorbées par chacun des convives… »  (Histoire de la philosophie occidentale. Jean-François Revel)

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 « La coutume fait toute l’équité par cette seule raison qu’elle est reçue; c’est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe l’anéanti  (Pascal. Pensées)

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« La coutume est une seconde nature qui détruit la première. Mais qu’est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n’est-elle pas naturelle ? J’ai grand peur que cette coutume ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature » (Voltaire. Dictionnaire philosophique)

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«  Quand une fois les coutumes sont établies et les préjugés enracinés, c’est une entreprise dangereuse et vaine de vouloir les réformer; le peuple ne peut même pas souffrir qu’on touche à ses maux pour les détruire, semblables à ces malades stupides et sans courage qui frémissent à l’aspect du médecin » (Jean-Jacques Rousseau. Du contrat social)

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La charia est le résultat de nombreuses et longues sédimentations culturelles, c’est-à-dire qu’elle a été élaborée par des hommes du Moyen-âge, avec leurs coutumes, leur vision du monde et leur mode de vie » (Leïla Babès) 

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Lorsqu’on se trouve éloigné de sa communauté d’origine, le rejet trop rapide des usages, des coutumes, peut laisser des gens sans repères, surtout quand les règles qui leur sont proposées ou suggérées par les média, entre autre, ne sont que des règles à but mercantile qui prône surtout l’individualisme.  Le respect des coutumes est un facteur de lien des familles, un facteur de consolidation identitaire, pour se relier avec ses racines. (Luis)

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Deux rabbins passent une partie de la nuit à discuter de l’existence de Dieu ou de sa non existence…, au petit matin, ils se sont mis d’accord sur le fait que Dieu n’existe pas. Ils vont dormir. Quelques heures plus tard, l’un des deux voit l’autre en pleine prière. – « Mais que fais-tu ? C’est inutile, puisque nous avons dit que Dieu n’existait pas » et l’autre de répondre : « Ah ! mais là, c’est pour la coutume ».

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Avec la mondialisation, l’urbanisme, et le rôle prépondérant de la communication, la coutume, les traditions cèdent le pas à une culture de masse. Le matraquage fini par trouver un écho, il y a ce que certains appellent « un effet entonnoir ». Traditions et coutume ; à terme, appartiendront peut-être au passé. Certains pays, certaines régions résistent. Déjà en 1930 Bergson disait : « Quel genre de monde aurons-nous, si ce modèle s’empare de toute la race humaine, et, si les peuples, au lieu  d’avancer vers une diversité plus riche et plus harmonieuse, comme le font les individus, se confondent en une uniformité ». L’abandon de nos coutumes spécifiques peut tuer la richesse de notre diversité. (Luis)

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 Le droit coutumier transmis oralement est aussi une forme de législation. En Afrique, le chef de la coutume était consulté sous « l’arbre à palabre ». il n’était pas d’évènement pour lequel il n’est pas consulté. Il réglait (par exemple) la répartition lors d’un décès, à l’un la machine à coudre, à l’autre le transistor.., il fixait les dots des mariages, suivait la formation des jeunes.., il est tout à la fois, la législation, la juridiction, la morale, l’éthique; nul ne peut s’intégrer, évoluer dans ce monde en dehors de la coutume. La coutume est aussi facteur d’intégration. Les Africains considèrent que « la coutume est un lien du présent avec le passé », un lien avec les ancêtres, « quand on ne sait pas où l’on va » disent-ils « il faut savoir d’où l’on vient ». (Luis)

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«  C’est à la vérité une violente et traitresse maistresse d’escole que la coustume. Elle établi en nous, peu à peu, à la dérobée, les pied de son authorité ; mais par ce doux et humble commencement, l’ayant rassis et planté avec l’aide du temps, elle nous descouvre tantost un furieux et tyrannique visage contre lequel nous n’avons plus la liberté de hausser seulement les yeux. [………]
Mais le principal effet de sa puissance, c’est nous saisir et de nous empieter de telle sorte, qu’à peine soit-il en nous, pour discourir et raisonner de ses ordonnances.
De vray, parce que nous en humons le laict de nostre naissance, et que le visage du monde se se présente en cet état,  à notre première veuë, il semble que nous soyons, mais à condition de la suivre. Et comme imaginations que nous trouvons en crédit autour de nous, et infuses en nostre ame par la semence de nos pères, il semble que ce soit les générailles et naturelles.

Par où il adviend que ce qui hors des gonds de coustune, on le croit hors des gonds de la raison ; Dieu sait, combien, desraisonnablement, le plus souvent, si comme nous qui nous estudions avons apprins à le faire , chacun qui oit une juste sentence  regardoit incontinent par où elle lui appartient en son propre, chacun trouveroit que cette-ci n’est pas tant un bon mot, qu’un coup de foët à la bêtise ordinaire de son jugement.Mais on reçoit les advis de la vérité et de ses preceptes comme adressez au peuple, non jamais a soy, et, au lieu de les coucher sur nos mœurs, très-sottement et très-inutilement…[Montaigne. Essais. De la coustume et de ne changer aisément de loy receüe. L 1. § XXIII)

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Nous avons eu en France, avant la Révolution, une multitude de coutumes; coutumes régionales, locales, sectorielles, familières, seigneuriales, liées aux héritages, aux baillages, aux redevances aux seigneurs, etc… Elles n’avaient force de loi que si elles avaient été validées par un roi, un prince. Exemple d’une des nombreuses coutumes : la « coutume du pié rond » qui était un impôt du au roi pour chaque animal qui entrait dans Paris pour être vendu au marché aux chevaux » (Luis)

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