Désir

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Vanité. Edwaert Collier. Nature morte. 1705. Collection particulière.

Le Grand Robert de la langue française : Prise de conscience d’une tendance particulière qui porte à vouloir obtenir un objet connu ou imaginé. …

Tendance consciente aux plaisirs charnels.

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale : bien qu’il existe une claire affinité entre désirs, préférences et besoins, on ne sait pas très bien, quelles sont exactement les relations qui existent entre ces concepts.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Puissance jouir ou d’agir. On ne confondra pas le désir avec le manque, qui n’est que son échec, sa limite ou sa frustration. … Il est la force, en chacun de nous, qui nous meut et nous émeut : c’est notre puissance d’exister, comme dit Spinoza, de ressentir et d’agir

Synonymes : Ambition. Appétance. Appetit. Aspiration. Attirance. Attrait. But. Concupiscence. Convoitise. Envie. Espoir. Flamme. Inclination. Intention. Libido. Souhait. Visée.

Contraires : Apathie. Ataraxie. Aversion.  Indifférence. Mépris.

Par analogie : Addiction. Avoir. Attente. Besoin. Caprice. Cupidité. Démangeaison. Dessein. Erotisme. Espérance. Faim. Fantaisie. Fantasme. Goût. Hyperconsommation. Impatience. Intérêt. Manque. Obtenir. Passion. Plaisir. Possession.  Prétention. Publicité. Rêve. Satisfaction. Séduction. Sensualité. ‘illusionner. Soupirant. Tenter. Utopie. Vanité. Voeu. Volition. Volonté.

Expressions : Appeler de ses vœux.  Avoir hâte de. Demander la lune. L’aiguillon de la chair. Le miroir aux alouettes. Prendre ses désirs pour des réalités.

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 « Il n’en vaudrait pas mieux pour les hommes qu’il arrivât ce qu’ils désirent » (Héraclite)

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 « Aucun Dieu ne philosophe, ni ne désire devenir savant (car ils le sont tous) ; un être qui est savant, quel qu’il soit ne philosophe pas. Mais les ignorants non plus ne philosophes pas, ne désirent pas devenir savants. Et c’est justement le malheur de l’ignorance ; un homme qui n’est ni beau, ni bon, ni intelligent, s’imagine pourtant l’être assez. Quand on éprouve aucun manque on ne désire pas ce dont on juge ne pas avoir besoin » (Platon. Le Banquet)

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« Depuis Platon, le désir était pensé comme privation, expression de ce qui fait défaut. Spinoza affirme l’inverse : il soutient la positivité du désir, il en fait la source de nos jugements et de nos conduites. Selon lui un homme trouve une femme belle par qu’il la désire. Il ne la désire pas parce qu’elle est belle, comme on le croit généralement. Une fois encore Spinoza opère donc un renversement : à la place de l’illusion où vivent les hommes, il montre la réalité dont ils ignorent généralement l’existence… » (Spinoza le bienheureux. Introduction à Spinoza. Collection : le Monde de la philosophie. Roger-Pol Droit)

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 » L’inclination qu’a un homme pour une femme n’est pas dirigée vers elle parce qu’elle est un être humain, mais parce qu’elle est une femme ; le fait qu’elle soit aussi un être humain le laisse indifférent.., Lorsqu’une personne se laisse utiliser par intérêt pour la satisfaction sexuelle d’une autre, lorsqu’elle fait elle-même un objet de désir pour autrui, elle dispose alors d’elle-même comme une chose dont on se sert pour combler son appétit, un peu comme un rôti de porc que l’on mange pour apaiser sda faim » (Emmanuel Kant. Leçons d’ethique)

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Le désir compulsif peut être la réaction à un manque. Un manque réel ou un manque créé, un désir orienté. Le désir, nos désirs, comment, et pourquoi on désire, ceci est l’objet d’études approfondies, études comportementales (behaviorisme) qui vont servir pour vendre des produits. On a en mémoire, les parole de la chanson de Souchon : « On nous inflige des désirs qui nous affligent ». Si je n’avais pas vu cette publicité sur ce nouveau produit, (smartphone, voiture, etc) je n’aurais eu nul désir, nulle envie d’avoir cette chose.  « Tout désir naît d’un manque » nous disait Schopenhauer, alors ce manque s’est créé hors de moi. (Luis) 

« Rétines et pupilles, les garçons ont les yeux qui brillent pour un jeu de dupes » (Sous les jupes des filles. Alain Souchon)

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« ….l’hyperconsommation satisfait, en les renforçant, nos pulsions, et non pas nos désirs. Or mes premières sont illimitées et asociales, proprement destructrices, tandis que les second  permettent seuls de procéder à une sublimation apte à faire naître des collectivités, au sens plein du terme, et à leur conférer une signification »  (Bernard Stiegler. Philosophe)

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L’amour est un désir infini, quand on est amoureux, le monde n’a plus de limites.  (Luis)

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« Il en est ainsi  de même des efforts et des désirs de l’homme ; leur accomplissement, but suprême de la volonté, miroite devant nous : mais, dès qu’ils sont atteints, ils ne sont plus les mêmes, on les oublie, ils deviennent des vieilleries, et, qu’on le veuille ou non, on finit toujours par les mettre de côté, comme des illusions disparues. Trop heureux celui qui garde encore un désir et une aspiration ; il pourra continuer ce passage éternel du désir à sa réalisation, et de cette réalisation à un nouveau désir ; quand ce passage st rapide, il est le bonheur ; il est la douleur s’il est lent. Mais au moins il n’est pas cette immobilité qui produit un ennui affreux et paralysant…En résumé, la volonté sait toujours, quand la conscience l’éclaire, ce qu’elle veut à tel moment et à tel endroit ; ce qu’elle veut en général elle ne le sait jamais »  (Le monde comme volonté et comme représentation. Schopenhauer)

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Je suis mort

       Je suis mort parce que je n’ai pas le désir,

Je n’ai pas le désir parce que je crois posséder,

Je crois posséder parce que je n’essaie pas de donner.

Essayant de donner on voit que l’on a rien,

Voyant que l’on a rien, on essaie de donner,

essayant de donner, on voit que l’on est rien,

voyant que l’on est rien, on désir devenir,

désirant devenir, c’est alors que l’on est.

René daumal. 1908/1944.

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« Tout vouloir  procède d’un besoin c’est à dire une privation, c’est-à-dire une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; le désir est long, et ses exigences tendent à l’infini, la satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos«  (Le monde comme volonté et comme représentation. Schopenhauer)

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« Tout désir naît d’un manque, d’un état qui ne nous satisfait pas ; donc il est souffrance, tant qu’il n’est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n’est de durée ; tant qu’il n’est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n’est de durée ; elle n’est que le point de départ d’un désir nouveau. Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l’état de souffrance, pas de terme dernier à l’effort ; donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance »   (Le monde comme volonté et comme représentation. Schopenhauer)

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 « Entre les désirs et leurs réalisations s’écoule toute la vie humaine. Le désir, de sa nature, est souffrance ; la satisfaction engendre bien vite la satiété ; le but était illusoire ; la possession lui enlève son attrait ; le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin ; sinon, c’est le dégoût, c’est le vide, l’ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin »  (Le monde comme volonté et comme représentation. Schopenhauer)

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« Tant que l’objet de nos désir est loin, il nous semble au-dessus de tout ; l’atteignons-nous, c’est un autre objet que nous souhaitons ; et la soif de vivre qui nous tient bouche béante est toujours égale à elle-même ».  (Lucrèce, III, 1095)

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« Nos désirs ont déjà traversé bien des mondes

Ils ne se sont jamais rassasiés

Et la nature entière se tourmente.

Entre soif de repos et volupté »

(André Gide. Les nourritures terrestres)

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« Le désir c’est ce qui fait que toute la superficie de la peau, désir toute la superficie d’une autre peau…. On est intimes avant même de se connaître, on ne peut pas se passer du désir de l’autre, et de son sourire, et de sa main, de ses lèvres. On le suivrait jusqu’au bout du monde; et la raison dit : « Mais que sais-tu de lui ? » Rien, rien, hier encore c’était un inconnu. Quelle belle ruse inventée par la biologie pour l’homme qui se croit si fort ! Quel pied de nez au cerveau. Le désir s’infiltre dans les neurones et les embrouilles. On est enchaîné, privé de liberté »  (Les yeux jaunes des crocodiles. Katherine Pancol)

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Tout l’aspect tient dans cette idée induite, que réaliser ses désirs, c’est se réaliser, d’où il s’en suit une valorisation de soi, « parce que je vaut bien », c’est la colonisation marchande des esprits. (Luis)

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« Mieux vaut changer ses désirs » disait Descartes, « que de vouloir changer l’ordre du monde ».

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Le désir n’est pas sans lien avec l’expression « demander la lune »? L’étymologie nous dit que le mot découle du latin « desiderare » fondé à partir de « Sidus – Sideris » l’astre ou la planète, ou, la nostalgie de l’astre, le désir de l’étoile… (Luis)

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Le désir inatteignable, inassouvi, met en peine, mais « Vivre sans peine » nous dit Rousseau  dans La nouvelle Héloïse, « n’est pas l’état de l’homme. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer, toute autre privation lui serait insupportable » La vie en société, les conventions sociales, nous astreint à contenir nos désirs ; jusqu’où l’individu cesserait-il de réfréner ses désirs s’il n’était pas sous le regard des autres. Cela est illustré par la fable de Gygès (dans une œuvre de Platon). Gygès avait trouvé une bague, laquelle bague lorsqu’il la tournait, lorsqu’il tournait le chaton vers l’intérieur de la main, le rendait invisible. A partir de là il séduira la reine, comploter avec elle pour tuer le roi, et prendre sa place, rien désormais ne lui résiste, ses désirs et leurs réalisations n’ont plus de limite.  (Luis)

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  » Notre appétit méprise et outrepasse ce qui luy est en main pour courrir après ce qu’il n’a pas. Nous défendre quelque chose, c’est nous en donner envie. Nous l’abandonner tout à fait, c’est nous en engendrer  » (Montaigne. Essais. Livre 3.  § XV)

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« Il faut vivre la vie qu’on a imaginé » (Thoreau) « Il faut aller voir dans la direction de ses rêves…, prends tes désirs pour la réalité, fais de telle sorte que tes rêves puissent être déterminants, ne renonce pas à tes rêves…, si vous avez bâti des châteaux en l’air, votre travail ne sera pas forcement perdu, c’est bien là qu’ils doivent être, maintenant il n’y a plus qu’à placer les fondations dessous…. ». Thoreau nous dit là que nos choix de vie doivent comporter une part d’idéal, d’utopie même, c’est objectif à partir duquel on va mettre en œuvre les moyens pour y parvenir. C’est nous dit-il dépasser le réel pour créer son projet de vie?

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« Si je désire, c’est qu’il ma manque quelque chose, cela prouve bien en effet que je ne sis pas tout à fait parfait » (Descartes). En dehors du fat que la perfection, n’est qu’une voie, un idéal, l’absence de tout désir (ataraxie), ramènerait l’homme, être de désir, à une vie végétative ; «  Le désir est l’essence de l’homme » (Spinoza ». C’est le désir sous bien des formes qui fait aller de l’avant, qui nous tient debout, il est « puissance d’agir ». (Luis)

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