Désobéissance

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Henri David Thoreau. Portrait par Benjamin D. Maxham. 1856. National portrait Gallery. Washington.

Le Grand Robert de la langue française : Action de désobéir à un ordre, à une loi, à quelqu’un

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : C’est refuser de se soumettre à un pouvoir légitime. Ce ne peut être qu’une exception, (il n’y aurait autrement ni pouvoir ni légitimié), mais c’est une exception nécessaire, (il n’y aurait plus autrement de liberté).

Synonymes : Indiscipline. Enfreindre. Indocilité. Insubordination. Mutinerie. Opposition. Passer outre. Rébellion. Résistance. Révolte.

Contraires : Allégeance. Obéissance. Docilité. Se plier. S’incliner. Soumission.

Par analogie : Alignement. Antigone. Autorité. Combat. Contravention. Contrevenant. Crosse en l’air. Déserteur. Désobéissance civique. Entêté. Formatage. Guerre. Infraction Insoumis. Intraitable. Légalité. Légitimité. Liberté. Loi. Mutin. Obéissance aveugle. Objecteur de conscience. Obstruction. Opiniâtre. Ordre. Pouvoir arbitraire. Récalcitrant. Rebelle. Réfractaire. Reniement. Résistant. Respect. Rigidité. Ruade. Se cabrer. Servitude. Subordonné. Tête de mule. Théorie de la baïonnette.  Transgression. Violation.

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Au nom d’une justice temporelle, justice écrite, définie en temps par un groupe d’individus,  Antigone oppose la justice du coeur, la justice de l’amour, de l’honneur. Hors l’aspect vengeance et l’aspect crime d’honneur,  Antigone est une figure symbolique, celle de la désobéissance civique.  (Luis)

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Face à tout pouvoir empiétant sur les libertés naturelles,  il existe un droit de résistance : « La Révolution est un droit comme une obligation » (John Locke)

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 « La conscience doit primer sur la loi », n’obéissez qu’aux lois qui vous paraissent morales » (Gustave Henri Thoreau)

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Théorie de la baïonnette intelligente : En droit pénal, la désobéissance à un droit illégal, ne peut faire l’objet de condamnation. Un fonctionnaire, ou, un soldat (la baïonnette) peut et se doit de désobéir à un ordre qu’il juge, illégal illégitime. L’obéissance de Peut dispenser  de l’acte en conscience. (Voir procès de Nuremberg,  banalité du mal).

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Il peut y avoir ambiguïté entre, devoir de désobéissance, devoir moral  et insoumission. L’exemple nous est donné entre autres avec les fusillés du « chemin des dames ». Face à une boucherie de plus (200.000 morts et blessés) sous les ordres du général Nivelle, des soldats se sont révoltés. Près de 3500 condamnations, des peine, et 49 soldats fusillés. (Luis)

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La désobéissance (désobéissance civile) est selon l’article 35 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est un devoir légitime : 

«  Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »

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« Si je refuse de me soumettre au voyou qui m’agresse ou au tyran qui m’opprime, ce n’est pas désobéissance ; c’est combat, révolte, guerre – état de nature ; Il y a désobéissance que lorsque je transgresse une loi, dont je reconnaîs par ailleurs, la légitimité. Pourquoi alors la transgresser ? …Cela pose le problème de la désobéissance civique, ou, plutôt permet seul de le résoudre. La question n’est pas de savoir si telle loi est bonne ou pas. Si chaque citoyen n’obéissait qu’aux lois  qu’il approuve, il n’y aurait plus de république, donc plus de lois du citoyen…. »  (André Comte Sponville. Article/ dictionnaire philosophique)

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Article pour le journal Nord éclair 11 juin 2010 1940, la France est tombée sous le joug des allemands  Un militaire, haute figure historique demande aux français de se soumettre à l’occupant. Un autre militaire, paradoxe, presque, puisque que  les militaires symbolise  l’obéissance aveugle, le Général de Gaulle  lance l’appel du 18juin ; au nom du peuple français, au nom de la souveraineté populaire, il en appelle à la désobéissance, il appelle à ne pas se soumettre à ne pas se plier, à un ordre jugé illégal. Le militaire peut s’opposer à un ordre qu’il juge illégal en regard de la théorie dite « de la baïonnette », ce qui vaut tant pour un général que pour un deuxième classe, on se souvient de l’épisode des soldats du contingent qui mirent « la crosse en l’air » en 1907 à Béziers.

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L’obéissance inclus aussi que nous nous interrogions sur la légitimité de celui ou ceux qui disent avoir autorité. De Gaulle se pose et pose la question qui est dans la tête de milliers d’hommes et de femmes en France. La soumission à l’occupant est alors pour beaucoup de français comme un reniement ; reniement des valeurs qui ont structuré une nation, reniement de leurs propres valeurs, qui sont d’abord : honneur et courage… Cette situation d’insoumission va créer un mouvement dit de « la Résistance », et avec fierté les hommes et les femmes vont enfin pouvoir obéir à quelque chose de plus grand qu’eux, quelque qui les transcende, c’est défendre l’honneur d’un peuple, l’honneur de la  nation française.  (Luis)

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 « N’obéissez qu’aux lois qui vous paraissent morales…on est toujours complice quand on s’oppose pas à des lois injustes… La conscience doit primer sur la loi » (Gustave Henri Thoreau)

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    « Une minorité  ne peut rien tant qu’elle se conforme à la majorité, ce n’est même pas i alors une minorité. Mais est irrésistible lorsqu’elle fait obstruction de tout son poids. S’il n’est d’autre alternative que celle-ci : garder tous les justes en prison ou abandonner la guerre et l’esclavage, l’Etat n’hésitera pas à choisir. Si un millier d’hommes devait s’abstenir de payer des impôts cette année, ce ne serait pas une initiative brutale et sanglante  que celle qui consisterait à les régler, et à permettre à l’État de commettre des violences et de verser le sang innocent. Cela défini, en fait, une révolution pacifique, dans la mesure où pareille chose est possible » (Gustave Henri Thoreau)

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Nous sommes enclins à obéir, à suivre les indications, les orientations qu’on nous donne : par sagesse, par raison, par obligation, par nécessité, par  paresse intellectuelle, ce qui rend possible le formatage avec tous ses risques. Notre aptitude à l’obéissance restera toujours un sujet de psychologie plein d’intérêt, on étudie les mœurs et réactions des rats en laboratoire et on apprend sur les hommes…  (Luis)

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Les fonctionnaires  doivent prêter serment, ils deviennent « assermentés » ils s’engagent à l’obéissance ; loi du 13 juillet 1983, article 28 : « Tout fonctionnaire doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf, dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal, et de nature à compromettre gravement l’intérêt public ». Depuis peu on parle souvent du droit de retrait, (loi du 10 juin 1985) où  un fonctionnaire peut suspendre son travail, si sa santé, sa vie est en danger, ce fut le cas après des agressions physiques d’enseignants. (Luis)

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 Le « créateur » dira saint Augustin n’a créé que des choses parfaites, il a laissé le choix à l’homme d’obéir comme de désobéir, c’est ce qu’il a nommé son « libre arbitre » ce qui l’a opposé au Pélagiens pour qui si Dieu a fait un être parfait qui ne peut faire le mal : alors, il a loupé  son coup, c’est un raté ? A moins que la désobéissance ne soit la part du diable ?  (Luis)

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  Dans la psychologie de la foule, et ce à quoi elle obéirait, on se questionne sur le seuil critique, ou commence l’arbitraire, et où le groupe peut commencer à trahir ce qu’il défend, et où est le dysfonctionnement ? Dans tous les groupes constitués, il y a un moment où, le seuil critique du pouvoir arbitraire, apparaît et fait basculer le groupe.  (Luis)

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Béziers. 1907

 La foule acclamant les soldats du 17 ème régiment

ayant mis « la crosse en l’air ».

En 1907 une révolte de vignerons éclate dans le Languedoc, le ministre Clemenceau fait tirer sur la foule à Narbonne ; il ya des morts. Des soldats du 17 ème régiment d’infanterie se mutinent, se rendent à Béziers où, symboliquement ils mettront « la crosse en l’air » ; ils seront acclamés par la foule. L’événement sera largement commenté par la presse. Les soldats seront mutés. Il n’y aura pas de condamnation.  C’est un des cas où la conscience fait devoir de désobéissance.  (Luis)

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   Entre  volonté et liberté, l’obéissance nous amène à diverses réactions. La volonté nous dit Nietzsche c’est la servitude, car si nous voulons quelque chose il va falloir obéir à certaines règles incontournables ; obéir nous pose parfois problème, problème avec nous-mêmes, ajoute t-il. Il est là  en désaccord avec Schopenhauer et dénonce « le principe de volonté libre », nous sommes dit-il : et, celui qui décide, qui ordonne, et aussi celui qui obéit à ce qu’ordonne sa raison. On se refuse parfois à obéir à cette raison. « La raison me dit que …. » « et pourtant  je m’y refuse », « je n’ai pas envie », ou alors « je l’ai fait contre ma volonté ». Hors notre raison c’est le plus souvent un impératif extérieur qui nous oblige à obéir à la raison. Alors ! Puis-je être libre sans obéir ? Puis-je être libre sans le droit à la désobéissance ? Comment ne pas aliéner notre sentiment de liberté ? Obéir à sa seule loi mène, ou, au Libertarisme, ou à l’anarchisme. Souvent, nos choix, nos comportements  d’homme, de femme, est ce balancement entre désobéir, ou obéir, accepter pour être avec les autres, accepter pour œuvrer ensemble, accepter la règle, obéir pour que la règle existe ;  accepter, obéir  parce qu’on confiance….. obéir parce que le prix de la désobéissance serait trop élevé… ou désobéir pour nous affirmer, désobéir par ce c’est inique, parce que c’est immoral,  parce que notre conscience, notre honneur nous y oblige, et là,  nous aurions tous (plus ou moins) « une Antigone » dans le placard….Celui qui obéit à des ordres iniques est tout aussi responsable que celui qui ordonne, ce qui rappelle Nuremberg où la plupart des accusés disaient n’avoir fait qu’obéir ; la banalité du mal, évoquée par Hannah Arendt, personnifiée par Eichmann.  Obéir ou désobéir reflète la querelle incessante en nous-mêmes,  de la contradiction dans nos « vouloir ». Faire ces  choix, d’obéir ou de désobéir,  c’est savoir prendre notre responsabilité devant les autres comme devant soi, cela est aussi le prix de notre humanité.   (Luis)

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Vers 1930 Gandhi s’investit dans la lutte contre l’occupant anglais. Comment lutter contre le pays qui est alors la première puissance commerciale, première puissance militaire, sur terre, comme sur mer. Contre cette super puissance Gandhi oppose « la non violence », « la désobéissance civile » Il va être emprisonné, il va jeûner. Et il va apprendre à tisser lui-même le coton, et il demandera aux Indiens d’en faire de même. Ainsi il va détruire le monopole des Anglais sur le coton; lesquels étaient les acheteurs exclusifs d’un coton qui était ensuite tissé en Angleterre pour être avec exclusivité vendu en Inde. (Luis)

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    Au-delà d’Électre, d’Antigone, il y a des exemples où la raison du cœur amène à la désobéissance. Un bel exemple est les cas, d’Aristide de Souza Mendès, diplomate portugais, en poste à Bordeaux, lequel, en 1940, désobéissant au quasi dictateur Salazar, va délivrer 30.000 visas à des personnes (dont une majorité de juifs)  qui fuient l’invasion allemande. En cela, il met en pratique ce sage conseil du philosophe américain Gustave Henri Thoreau qui dit : «  La conscience doit primer sur la loi ». David Henri Thoreau, l’auteur du livre de référence pour ce sujet : « La désobéissance civile » (1849)  était enseignant. Il a démissionné de cet emploi, car il refusait d’appliquer les châtiments corporels. Il connaîtra la prison pour avoir refuser de payer l’impôt de son État (Le Massachusetts), lequel avait inscrit dans sa Constitution, l’esclavage comme légal. (Luis)

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Introduction au débat: « La désobéissace » 19 décembre 2019 L’étymologie  indique que le terme vient du latin « oboedire » : «  prêter l’oreille » d’où « être soumis à ». Désobéir c’est donc ne pas se soumettre. Les synonymes de désobéissance sont : contravention,  indiscipline, indocilité, infraction, insoumission, insubordination, mutinerie, opposition, rébellion, refus, résistance, révolte d’où violation. Si la désobéissance fait question ( ?) cela implique,  pour moi, de traiter le double  problème : est-il possible, et, est-il permis de vivre, en tant que vivant humain sans désobéir ? Mon point de vue c’est que « c’est possible en théorie mais pas en pratique » (cf. Kant Théorie et pratique 1793) et que c’est permis à condition de désobéir pour (Michel Serres m’a enseigné cela : penser pour et non pas contre (anti)) c’est-à-dire penser  avec un projet collectif qui me stimule et permet de convaincre autrui, et non pas désobéir contre c’est-à-dire avec une revanche individuelle. Et aujourd’hui cela me parait de plus en plus pertinent, adapté à la mutation historique de l’anthropocène que je vis (cela peut paraître prétentieux, et je vais prendre des exemples concrets) J’ai cinq  questions 1° Désobéir aux lois : auxquelles ? 2° Désobéir à l’autorité ? À laquelle ? 3° Faut-il et comment punir les désobéissants ? 4° Que signifie refuser toutes les désobéissances ? 5° Que signifie vouloir la désobéissance ? Il va falloir que les concepts soient précisés mais aussi qu’ils soient outils de  réflexion pour ce que je vis et ce que je souhaite vivre. Alors 1ère question : possible ou permis de désobéir aux lois ? En tant qu’être vivant sur Terre, il n’est pas possible de désobéir aux lois de la nature: lois physiques, de l’écosystème, lois biologiques. De la naissance, jusqu’à la mort nous y sommes soumis. Et l’histoire des innovations scientifiques, techniques, et technoscientifiques c’est l’histoire de l’intelligence humaine, c’est-à-dire  des ruses par lesquelles les hommes s’adaptent aux lois de la nature et se rendent comme l’écrivait le philosophe moderne Descartes (Discours de la méthode 1633) « comme maîtres et possesseurs de la nature »; tout comme le dit le philosophe médecin contemporain  François Dagognet (L’’essor technologique et l’idée de progrès1997)  à propos des techniques médicales les plus perfectionnées : exploration, diagnostic, soins, procréation, greffes, dons  d’organes, thérapie génique pour soigner, pour prévenir, ou pour augmenter et  améliorer les ressources corporelles et psychiques, etc. C’est d’ailleurs ce que les mythes des anciens Grecs nous enseignent.  Ainsi le mythe d’Epiméthée et de Prométhée. Epiméthée, le petit dieu étourdi chargé par Zeus d’apporter aux vivants tout ce qui est nécessaire pour vivre: donne aux uns  des cornes, aux autres de la laine, ou des crocs, etc. Et quand il arrive devant l’humain, il n’a plus rien dans sa besace. Alors affolé, il appelle son frère Prométhée et lui demande « que puis-je donner à l’être humain ? », et Prométhée lui dit «Donne-leur le feu » ; le feu c’est l’intelligence, c’est la ruse, grâce à laquelle les êtres humains peuvent construire, inventer des instruments, labourer, etc. ruser avec la nature à laquelle on ne peut pas désobéir. . Aujourd’hui question !  Avec les recherches technoscientifiques de l’homo numériques contemporain  qui se développent à une vitesse grand V,  est –il possible que l’intelligence humaine transgresse les lois de la nature ?

Ce qui entraîne ma 2ème  question : Désobéir à l’autorité ?  Laquelle  est légitime ? La légitimité c’est plus que la  conformité à la loi (la  légalité) c’est la conformité à un intérêt supérieur (justice, bien commun, paix.) Victor Hugo, avec les Misérables nous enseigne que voler un pain pour qu’une femme et son enfant Cosette ne meurent pas de faim est légitime,  Soljenitsyne nous raconte que désobéir à un pouvoir totalitaire est légitime, Jean Ferrat nous invitait à chanter avec les partisans qu’il est légitime  de résister, les armes à la main contre l’occupant. L’autorité légitime mérite obéissance alors que l’argument d’autorité est dogmatique voire fanatique.  Antigone récuse la légitimité de la loi du roi Créon qui refuse toute sépulture à quiconque a osé se révolter contre le pouvoir en place et lui oppose la légitimité de l’obligation de la conscience de donner sépulture à tout être humain quelle que soit sa faute illégale. Alors qui est légitime à être obéi ? et à donner des ordres ?  Aujourd’hui les désobéissances– avec ou sans violences – à toute autorité (des parents, des pédagogues, des élites – intellectuelles, scientifiques, artistiques, politiques) sont-elles  légitimes ? Faut-il s’en remettre à l’autorité de  Big Brother numérique pour savoir si je satisfais seulement mes besoins naturels  ou aussi  mes désirs artificiels (Epicure). Et pour aider les adolescents à bien choisir leur futur métier ( ou plutôt emploi)faut-il s’en remettre- comme le préconise le ministre de l’éducation Jean Michel Blanquer- au logiciel d’orientation professionnelle de l’équipe dirigée par Stanislas Dehaene des neuroscientifiques de la Sillicon Valley. Ce qui implique de distinguer justice et équité . L’équité permet d’appliquer la généralité de la loi à la singularité des situations concrètes. C’est un «  correctif de la loi » écrit Aristote (Ethique à Nicomaque5 ,14). Aujourd’hui avec la réforme des retraites on entend beaucoup parler d’équité : en matière de fiscalité un impôt progressif qui taxe plus lourdement les plus riches est plus équitable qu’un impôt simplement proportionnel qui demanderait à chacun la même portion de son revenu. C’est considérer que les humains sont égaux en droits et en dignité même quand ils sont inégaux, en talents, pouvoirs, et richesses acquises ou héritées. De même  punir les désobéissants à la mesure = justice, à proportion  de leurs délits = équité( ce qui n’est pas « circonstances atténuantes ni » tolérance  charitable), condamner et punir  mais ce pour éviter la récidive  et non contre leur mauvaise nature . Enfin  question : que signifie vouloir désobéir  ?ou soutenir les projets de désobéissance ? Voici un texte …. « Sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement, la véritable place d’un homme juste est aussi en prison. La place qui convient aujourd’hui, la seule place que le Massachusetts ait prévue pour ses esprits les plus libres et les moins abattus, c’est la prison d’État. Ce dernier les met dehors et leur ferme la porte au nez. Ne se sont-ils pas mis dehors eux-mêmes, de par leurs principes ? C’est là que l’esclave fugitif et le prisonnier mexicain en liberté surveillée, et l’Indien venu pour invoquer les torts causés à sa race, les trouveront sur ce terrain isolé, mais libre et honorable où l’État relègue ceux qui ne sont pas avec lui, mais contre lui : c’est, au sein d’un État esclavagiste, le seul domicile où un homme libre puisse trouver un gîte honorable. […]. Une minorité ne peut rien tant qu’elle se conforme à la majorité ; ce n’est même pas alors une minorité. Mais elle est irrésistible lorsqu’elle fait obstruction de tout son poids. S’il n’est d’autre alternative que celle-ci : garder tous les justes en prison ou bien abandonner la guerre et l’esclavage, l’État n’hésitera pas à choisir. Si un millier d’hommes devaient s’abstenir de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une initiative aussi brutale et sanglante que celle qui consisterait à les régler, et à permettre ainsi à l’État de commettre des violences et de verser le sang innocent. Cela définit, en fait, une révolution pacifique, dans la mesure où pareille chose est possible. ». De qui est ce texte ? Ce texte  est de Henry David Thoreau qui,  en 1849, en lutte contre l’esclavage en Amérique, a théorisé la désobéissance civile. Il a inspiré Gandhi, Martin Luther King, et beaucoup d’autres qui aujourd’hui se réfèrent explicitement ou pas à ce projet de désobéissance collective pacifique.  Depuis la Révolution française les termes « terrorisme » et «  résistance » sont entrés dans le vocabulaire politique moderne : « résistance » à la tyrannie, «  terrorisme » des années Robespierre. Mais ces deux façons de penser et de combattre  sont antinomiques : la résistance dessine une société « éthique » (Gérard Rabinovitch) Terrorisme / résistance : d’une confusion lexicale à l’époque des sociétés de masse .2014) les résistants veulent (il s’agit bien de volonté en acte, et non de souhait ou d’espérance  théorique) : une autre société humaniste , digne , conforme à l’humanité qui est en chacun. Ils ont un projet de vie. Les terroristes ont un projet de mort : ils portent la haine, et  la volonté de toute puissance, de domination et d’élimination des mécréants, des infidèles, des blasphémateurs, des ennemis du peuple, qui mène à la destruction, la mort pour la mort. Les brigades internationales, Rosa Parks et Dulcie September, les justes parmi les nations, les zadistes, les faucheurs d’OGM, les décrocheurs du portrait du Président de la République, les démonteurs de la ferme des 1000 vaches, les Femen, les écolos couchés sur les ponts de la Seine en 2019, et d’autres sont les nouveaux désobéissants citoyens ou hors la loi. Manuel Cervera-Marzal. 32ans….. Soutenue en 2014, sa thèse s’intitule : « Ni paix ni guerre. Philosophie de la désobéissance civile et politique de la non-violence », où l’on peut lire :  » Toute désobéissance n’est pas civile. Il faut trois critères : que ce soit dans l’intérêt général, qu’elle soit non violente (ni injures, ni blessures), et enfin, elle doit se faire à visage découvert. On assume ses actes. ». Ce qui aide à penser (et à soutenir ou participer ou organiser) les actions, les actes, les comportements des mouvements contemporains  de libération désobéissante. (Edith Deléage-Perstunski, professeure de philosophie)

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Dans son ouvrage : «  Petit manuel de désobéissance civile à l’usage de ceux qui veulent changer le monde » Xavier Renou la défini ainsi : «  elle implique… la défense d’un intérêt qui dépasse strictement l’intérêt individuel de celui qui la pratique. Elle tire sa légitimité du fait qu’elle affirme défendre justement l’intérêt général contre des pratiques, une politique, une politique, des lois qui le contrediraient » (Les nouveaux héritiers ; Emmanuel Pierrat. Editions Bouquinons 2022)

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