Destin
Le Grand Robert de la langue française : Puissance qui, selon certaines croyances, fixerait de façon irrévocable les événements.
Ensemble des éléments contingents, ou non, qui composent la vie d’un être humains considérés comme résultant de causes distinctes de sa volonté.
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Lalande : Proprement, puissance par laquelle certains événements seraient fixés d’avance quoi qu’il pût arriver, et quoi que les êtres doués d’intelligence et de volonté pussent faire en vue de les éviter.
Encyclopédie de la philosophie (Pochothèque) : Le mot fatum qu’on retrouve dans les mots fatalité et fatalisme signifie le destin dans la mesure où il est annoncé par la parole, les prédictions du devin ou des oracles. C’est aussi la destinée qu’on peut lire en consultant les astres ou les viscères d’un animal. La Triades Moires, qui apparaît pour la première fois dans l’oeuvre d’Hésiode Théogonie, préside au destin de l’homme et fixe le moment de sa mort. La divinité (gr. Moira) qui utilise le fil de sa vie et met fin à cette dernière en le brisant est commune aux Romains (chez lesquels les Moires apparaissent sous le nom de Parques et de Nornes).
Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : On remarquera que tout passé est donc fatal. L’ensemble de ce qui nous arrive, et qui ne peut pas ne pas ne pas arriver. Le mot s’applique spécialement à ce qui ne dépend pas de nous….
Synonymes : Ciel. Destinée. Déterminisme. Fatalité. Fatum. Fortune. Heur. Lot. Prédestination. Prophétie. Providence. Sort. Vocation.
Contraires : Aléa. Circonstance. Contingence. Hasard.
Par analogie : Adversité. Amor fati. Astrologie. Atrides. Avenir. Bonne aventure. Cartomancienne. Causes. Coïncidence. Condition Croyance. Devin. Etoile. Evénement. Evolutionnisme. Existence. Existentialisme. Fatidique. Finalité. Futur. Horoscope. Imprévu. Inné. Issue. Les Parques. Mektoub (c’était écrit, c’était fatal). Nécessité. Oracle. Prédiction. Probabilités. Prophète. Pythie. Sibylle. Stoïcisme. Vaticination.
Expression: Être né sous une bonne , mauvaise, étoile. Diseuse de bonne aventure. vvv
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« Je me livre en aveugle au destin qui m’entraîne » (Racine. Andromaque)
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« On choisi pas ses parents, on choisi pas sa famille. On choisi pas non plus les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger, pour apprendre à marcher » (Être né quelque part. Maxime Le Forestier)
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« Ce dont chacun de nous est responsable ce n’est pas d’un destin anonyme, c’est de son propre destin, reflet temporel de son éternité. Lorsque les hommes renoncent à considérer leur destin personnel comme quelque chose dont ils sont comptables, les destins du siècle fléchissent et mène le monde aux faillites. Car cette démission en annonce d’autres et le permet » (Daniel – Rops. Ce qui meurt)
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« Notre destin nous appartient, mais nous ne sommes pas maîtres de tout, le hasard, celui par lequel se créa la vie, est toujours là ». (Epicure)
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» Pas d’autre vie que celle-ci. Pas d’autre récompense que le plaisir de bien vivre. Nul destin, nulle finalité » (Epicure)
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« Accepter le triomphe de l’Inné sur l’Acquis, s’en tenir à l’explication génétique où dès l’enfance, tout le devenir de l’homme serait inscrit, c’est accepter la prévalence du déterminisme sur la volonté, c’est accepter une forme édulcorée de servitude ». (Jean Claude Guillebaud)
» Nolentem trahunt (…) disaient les latins. Les destins traînent de force ceux qui leur résistent : à quoi bon allez contre eux ? Mot d’une sagesse humaine, trop humaine, dont l’autre nom est, abdication » (Daniel-Rops. Ce qui meurt)
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Le vizir de Córdoba se rend chaque jour chez le calife. Traversant la grand place de la Mosquée, il sent une main sur son épaule, il se retourne et voit dans son suaire, la mort qui le regarde fixement… Il n’aime pas ce regard. Alors, se rendant chez le calife, il lui demande l’autorisation de s’éloigner quelques jours de la ville : « Avec de bons chevaux, je serai ce soir à Grenade », dit-il. Le Calife accepte. Plus tard le Calife traversant à son tour la place voit lui aussi la mort, et il lui demande : « Pourquoi as-tu ce matin regardé mon Vizir avec tant d’insistance ? ». « C’est que », lui répond la mort « j’avais rendez-vous avec lui ce soir à Grenade » !
« On rencontre souvent son destin par les chemins qu’on prend pour l’éviter »…. (La Fontaine)
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« Les choses auxquelles tu es lié par le destin, harmonise toi avec elles. Les gens auxquels tu es lié par le destin, aime les, mais vraiment ». (Marc Aurèle)
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« Je n’aime pas l’idée de ne pas être aux commandes de ma vie » (Film Matrix)
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« Jacques :- Monsieur ! est-ce qu’on est responsable de ce qu’on fait ? Mon capitaine disait : tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas est écrit là-haut. Vous connaissez un moyen d’effacer ce qui est écrit, Dites-moi Monsieur : est-ce que je peux ne pas être ? est-ce que je peux être un autre ? et si moi, je suis moi, est-ce que je peux faire autre chose que ce que je fais, moi.
Le Maître : – Il y a quelque chose qui me chiffonne : est-ce que tu es un salaud parce que c’est écrit là-haut ? Ou, est-ce que c’est écrit parce qu’ils savaient là-haut, que tu étais un salaud ?
Quelle est la cause, et quel est l’effet ? (Milan kundera. Jacques et son maître, hommage à Denis Diderot. Folio. Gallimard. 1998)
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« Nous n’allons pas ; on nous emporte, comme les choses qui flottent, ores (tantôt) doucement, ores, avec quelque violence, selon que l’eau est irieuse ou bonasse agitée ou calme) » (Montaigne. Liv. II. § 1 De l’inconstance de nos actions)
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Pouvons-nous affirmer comme les Epicuriens : « Qu’il n’y a pas d’autre vie que celle-là. Pas d’autre récompense que le plaisir de bien vivre », « nul destin » disent-ils, « nulle finalité ».
Ou, on doit admettre le destin, se soumettre à la fatalité, au prédéterminisme de l’individu et admettre le fameux « argument paresseux » dont parle Cicéron : « Si ton destin est de guérir de cette maladie, tu guériras, que tu aies, ou non appelé le médecin. Si ton destin est de n’en pas guérir, tu ne guériras pas, que tu aies on non appelé ton médecin. Or ton destin est, l’un, ou l’autre, donc, il ne convient pas d’appeler le médecin »
Un autre philosophe nous dira : « Aux devins, aux astrologues on donnait parfois crédit : tout est destin, tu dois puisque tu es forcé. Ensuite on se méfia des devins des astrologues, et l’on dit alors : tout est liberté, tu peux puisque tu veux… ». (Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra)
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Dans la théorie de l’existentialisme, l’homme n’est pas prédéterminé, il est libre et responsable de ce qu’il est. Ce que nous retrouvons dans un film, « La route de Madison » où Meryl Streep, dit dans une réplique : « Nous sommes les choix que nous avons fait ». (Luis)
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Tout passe, et tout reste,
Mais notre destin c’est de passer,
De passer en faisant des chemins,
Des chemins sur la mer.
Voyageur, il n y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant,
En marchant se fait le chemin.
Et lorsque tu regardes en arrière,
Tu vois le sentier que plus jamais,
Tu ne fouleras.
Voyageur ce sont les traces de tes pas
Le chemin, et rien de plus.
(Antonio Machado)
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« Il y a des hommes qui naissent engagés, ils n’ont plus le choix, on les a jetés sur un chemin, au bout du chemin, il y a un acte, c’est leur destin, c’est la malédiction des Atrides » (J. P. Sartre. Les mouches)
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» Le caractère d’un homme fait son destin » (Démocrite)
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Des bio généticiens affirment que seul l’inné guide notre vie et non l’acquis, le choisi. Nous sommes, disent-ils ; marqués, prédéterminés génétiquement ; nous ne sommes que les acteurs d’une histoire, d’un destin inscrit dans nos gènes dès notre formation embryonnaire…
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Nous nous croyons maîtres de nos décisions d’agir, maîtres d’agir sur notre destin. L’analyse transactionnelle nous dit que l’acquis plus que l’inné va influer sur notre caractère tout au long de notre vie, et de là sur notre destin. Certains choix que nous croyons libres seraient en fait totalement soumis aux périodes constitutives de l’enfance dite : Enfant, Parent, (Luis)
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Ô pauvre humanité pourquoi donc est-tu née ?
Qui jouit donc de tes pleurs ?
Quelle est ta destinée,
Faudra t-il s’en aller sans connaître le mot ?
Jules Laforgue.
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« Nous tissons notre destin, nous le tissons comme l’araignée tisse sa toile » André Mauriac.
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« Les concepts de « hasard » et « destin » sont censés s’opposer : l’un évoque, la contingence, ce qui aurait pu ne pas se produire, ou se produire autrement ; l’autre désigne une marche implacable des événements ou des existences, excluant l’arbitraire et les aléas ou ne leur accordant que peu de poids.
Dans nos discours, pourtant, ces deux concepts ne cessent de se court-circuiter. Les occurrences du mot « hasard » y sont si plurielles, si peu cohérentes entre elles que le sens en devient indéfinissable : ici c’est un monstre froid et mathématique, là un lutin capricieux à l’humeur variable, tantôt providentiel, tantôt maléfique… » (Etienne Klein. Courts-circuits. Gallimard 2023)