Dignité

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Statue de la dignité, près de Chamberlain .Dakota du sud. USA

Le Grand Robert de la langue française : Respect que mérite (une catégorie d’êtres, de personnes)

Vocabulaire technique et philosophique, Lalande : « On désigne sous ce nom le principe moral énonçant que la personne humaine ne doit jamais seulement comme un moyen, mais comme une fin en soi : autrement dit que l’homme ne doit jamais être employé comme moyen sans tenir compte de ce qu’il est en même temps une fin en soi » (Fondements de la métaphysique. Kant)

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF : Les origines des notions contemporaines  de dignité et de respect de soi sont profondément ancrés dans l’histoire occidentale mais c’est surtout dans le contexte de la pensée stoïcienne et de la philosophie des Lumières qu’elles ont établies leur emprise  et se sont épanouies. .. Dans de nombreuses cultures où il existe une stratification sociale disposent d’un code moral ou des règles protocolaires  qui exigent des membres des classes supérieures qu’ils se comportent de manière « digne », c’est-à-dire avec la retenu de et le maintien censés exprimer de manière appropriée leur position sociale supérieure.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : La valeur de ce qui n’a pas de prix, ni même de valeur quantifiable : objet, non de désir ou de commerce. « Dans le règne des fins, » dit Kant, « tout a un prix ou une dignité»

Synonymes :  Décence. Grandeur. Honorabilité. Noblesse. Respectabilité.

Contraires : Abaissement. Avilissement. Bassesse. Déchéance. Indignité. Trivialité. Sans vergogne.

Par analogie : Affront. Altérité. Amour propre. Apartheid. Authenticité. Confiance. Culotté. Déclaration des droits de l’homme. Décoration. Dignitaire. Discrimination. Distinction. Estime de soi. Fierté. Grandeur. Hommage. Honneur. Humanité. Impératif catégorique. Intégrité. Indigné. Mérite. Morale. Racisme. Surmoi. Vergogne.

Expression: Attenter à la dignité de quelqu’un. Frapper d’ingnité.

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« Dans le règne des fins, tout a ou bien un prix, ou bien une dignité. A la place de ce qui a un prix on peut mettre aussi quelque chose d’autre en le considérant comme son équivalent ; ce qui en revanche est au-dessus de tout prix, et par conséquent n’admet un équivalent, c’est ce qui possède une dignité ». (Kant. Fondation de la métaphysique des mœurs)

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La dignité loge dans le surmoi, le petit juge.  (Luis)

Un mot qui n’est plus très usité en français parlait de vergogne, un sans vergogne était un personne sans sentiment de dignité, personne culottée, qui ne respecte rien. (Luis)

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« Je ne suis pas digne de porter les sandales… » Evangile. Jean 1.26.

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« Je me souviens que nous avons évoqué, quelques semaines plus tard, l’évacuation des Indignés qui occupaient la place de Catalogne à Barcelone, chassés comme un vol de pigeons par quelques cars de flics et leurs gourdins, soi-disant pour permettre la célébration de la victoire en championnat  du Barça : voilà qui est indignant, que le football prenne le pas sur la politique, mais il me semble que personne n’ait réellement protesté, la population reconnaissant, dans son for intérieur que la réussite du club, était en soi, une belle fête de la démocratie et de la catalogne, un Grand Soir renvoyant celui de l’indignation à quantité négligeable »  (Mathias Enard. Rue des voleurs)

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« …. Et puis t’as tous ces gens qui sont venus en France parce qu’ils avaient un rêve et même si leur quotidien après il a plus ressemblé à un cauchemar, ils ont toujours su rester dignes, ils n’ont jamais basculé dans le ressentiment, ça c’est du lourd, c’est violent !

Et puis t’as tous les autres qui se lèvent comme ça, tard dans la journée, qui se grattent les bourses, je parle des deux, celles qui font référence aux thunes, du genre  » la fin justifie les moyens » et celles qui font référence aux filles, celles avec lesquelles ils essaient de voir si y’a moyen, ça c’est pas du lourd » (Abd Al Malik. Ça c’est du lourd. Paroles)

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Extrait du débat : « Qu’est-ce que la dignité ? »

La question qui semble posée est de savoir si la dignité est bien un concept ou alors un seulement un ressenti, un sentiment. Je pense que c’est un concept, sauf dans le cas peut-être où il s’agit de soi, de se sentir digne ; là, sentiment et concept sont mêlés. Plus globalement, nous voyons que la dignité a un sens plus ou moins positif en ce sens où l’on peut être digne d’admiration, digne de louanges, ou alors, digne d’un châtiment, digne d’un blâme. Le sens positif étant surtout dans : digne de l’amour de quelqu’un, digne de l’amitié, digne d’estime. On rencontre souvent deux formes de dignité : celle qui est accordée, suivant certains critères, à des personnes, jugées, désignées comme dignes, comme un insigne qu’on vous accroche ; puis, le sentiment de dignité qui n’appartient qu’à soi, où nulle autre personne ne peut se faire juge ; ce sentiment s’apparente par certains aspects à l’amour- propre, voire même à l’honneur ou à la fierté. Il peut se trouver des personnes pour qui cette idée de dignité est un peu le carcan des bien-pensants, des orgueilleux, des gens fiers, et surtout une contrainte que l’on oppose à la réalisation de soi. Si le but de leur action est la réalisation de leur désir, qu’à cet usage ils usent librement de leur volonté, alors la finalité ne peut être considérée comme manquant de dignité, puisque suivant Machiavel, la fin justifie les moyens. Pour certains, la dignité peut être un idéal irréalisable, inatteignable, car on est prisonnier de contraintes économiques ; je pense aux habitants des trop nombreux bidonvilles de par le monde, aux habitants des favelas. En fait, eux ne sauraient être jugés indignes ; ce sont leurs conditions de vie qui sont indignes. Je pense au chômeur condamné à la double peine, il perd son travail, son statut social, et, de plus, il perd sa dignité vis-à-vis de lui-même; Nous entendons souvent que la dignité des hommes et des femmes est bafouée. Cela se constate, hélas, encore plus dans ce monde pour les femmes que pour les hommes, même si dans nos pays occidentaux cela n’est pas à la même échelle. Dans une autre perspective, je dirai même que souvent les individus sont eux-mêmes responsables de l’atteinte à leur dignité : en tant qu’individus, en tant que citoyens, en tant que peuple. Par exemple, ceux qui, sans vraiment réagir, se sont fait dépossédés de leur souveraineté populaire,  de leurs acquis sociaux, ce qui était une dignité acquise par nos aînés, souvent au prix de luttes. Bien sûr, il y des réactions, encore bien faibles, et nous avons vu ces deux dernières années les multiples mouvements des « Indignés », qui, au final, ont fait « pschitt ! ». L’histoire nous montre qu’on ne se bat pas comme cela, en un lieu, de temps à autre, comme on fait une « teuf » (fête), et sans s’engager. Lors du dernier mouvement d’ « indignés » à Barcelone le mouvement a été délogé sans  résistance par les voitures de nettoyage, car le soir il y avait une fête pour le match du Barça contre le Real. Cela reste un peu léger. Ce n’est pas si évident que cela d’être digne de ses indignations.  (Luis)

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Extrait du débat : « Qu’est-ce que la dignité ? » Il y a eu un glissement sémantique dans le concept de dignité ; c’est-à-dire que la dignité, au sens antique du terme, c’était « la dignité conférée », celle qui faisait un dignitaire ; elle restait individuelle. Ensuite, on est passé à une dignité dans le sens stoïcien; celui qui était digne résistait à la douleur. Ce concept existe toujours, mais, au fur et à mesure, sont venus s’ajouter d’autres couches, d’autres sens. Si on passe à l’époque moderne, il y a deux concepts qui se développent de façon parallèle : c’est la dignité de l’individu, de soi à soi, comme celle évoquée pour le chômeur, puis la dignité partagée par tous, la dignité d’un  peuple. Si on prend le mendiant, par exemple, lui, il a mis sa dignité de côté. Autre exemple, le Président du Burkina Faso, Thomas Sankara (assassiné en 1987), qui avait installé dans son pays le concept  de dignité et  d’homme intègre, avait par rapport à la dette du tiers-monde, cette formule : « Nous encouragerons l’aide qui nous aide à nous passer d’aide. » C’était finalement l’épanouissement de l’être humain dans la dignité. (Edith Deléage- Perstunski). Prifesseure de philosophie)

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« La dignité …n’est pas dans le haut d’une échelle, mais dans la capacité d’en tenir, avec un égal
détachement, tous les degrés »  (Pierre Magnard. Le vocabulaire de Pascal)

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Extrait du débat : « Qu’est-ce que la dignité ? »
La dignité, pour moi, c’est aussi l’authenticité de l’individu, ce qui lui permet d’éviter la discrimination, là où il est nécessaire d’avoir une exigence morale pour ne pas tomber justement dans le racisme ou la xénophobie. En philosophie politique contemporaine, le concept a été réactualisé dans le cadre du débat sur la diversité culturelle qui précise que la dignité, c’est aussi l’idéal moral, comme par exemple de reconnaître les différences et respecter les identités culturelles. Mais c’est aussi respecter les coutumes du pays dans lequel on vit, donc ce n’est pas à sens unique. La dignité revient inévitablement au principe de respect. Le sentiment est effectivement difficile pour quelqu’un qui n’a pas de travail, qui n’a pas les moyens de se loger, de nourrir correctement sa famille ; là, c’est difficile de se sentir reconnu comme une personne digne. Mais il y a des personnes qui, par leur volonté, font tout pour essayer de remonter la pente ; d’autres, au contraire, manquent de volonté ou n’ont pas les capacités et se laissent glisser vers l’assistanat. L’assistanat, c’est très bien, mais ça ne peut être que des béquilles ; cela ne remplacera jamais les jambes ; c’est une aide pour essayer de s’en sortir.
Etre digne, c’est se sentir intégré dans la société dans laquelle on vit, intégré au même titre que n’importe quel autre être humain, qu’on soit riche, qu’on soit pauvre. C’est, rester authentique avec le respect de soi, des autres, sans artifice, sans tricher. (Luis)

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« Quand je cesserai de m’indigner, j’aurai commencé ma vieillesse » (André Gide)

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L’homme accède à sa dignité en se débarrassant de sa bestialité. Cette dignité, c’est toujours à lui de l’acquérir. Déjà, en 1486,  Pic de la Mirandole, dans un texte sur la dignité humaine : « Si nous ne t’avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, c’est afin que, doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines. » Il nous dit que la dignité nous donne cette dimension divine de l’homme. J’ajouterai, divine, même au sens non-religieux, mais une dignité en ce sens qu’elle grandit l’homme aux yeux de tous, comme à ses propres yeux. (Luis)

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Extrait du débat : « Qu’est-ce que la dignité ? »
 « Je ne sais pas ce que c’est que la dignité »,  a-t-on entendu en début de débat. De ce fait, c’est un concept fuyant qui glisse entre les doigts. Il est dans le commun, il est dans le collectif, dans l’inconscient collectif.
La question posée dans le sujet de ce café-philo, « Qu’est-ce que la dignité ? », est redoutable, car elle renvoie à un concept plus ou moins définissable dont les déclinaisons sont multiples. J’en retiens trois parmi toutes celles qui ont été données ce soir : La dignité ou l’indignité humaine.
Le droit au respect, à la dignité des personnes vulnérables. La dignité ou l’indignité professionnelle.  La notion de dignité de la personne humaine en droit international est introduite, comme on l’a déjà dit, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui reconnaît, dans le préambule, que  « tous les êtres humains possèdent une  dignité inhérente ». Les termes utilisés dans ces lignes laissent supposer que l’être humain est le produit de son histoire, une entité complexe.
Le prix Nobel de l’économie Amartya Sen, cité par Jean-Claude Ameisen dans le numéro de mai 2008 de Sciences et avenir, rappelle que : « …nous sommes tous composés d’identités multiples évolutives, familiales, culturelles, professionnelles, sociales, biologiques, dont le mélange décrit à la fois notre singularité et notre universalité. Enfermer les personnes dans leurs multiples identités, comme si c’était la seule, » est pour lui la « source principale de violence et de discrimination dans le monde. » Bref, je le rappelle, une manière sournoise d’attenter à la dignité de quelqu’un est de le réduire à une seule facette – parfois chargée d’opprobre – de sa personne ou de sa non-personne. Le livre regorge de cas relevant de ce code pénal, ayant abouti à son non-respect. Comme quoi, le concept de dignité est partagé par tous, protégé par une législation impuissante à obtenir le respect effectif de la dignité de chacun.
Le concept de dignité vécu par moi-même et ceux que j’ai côtoyés me paraît appartenir à une autre dimension, celle de la philosophie. Alors, je me pose cette question : d’où nous vient cette notion de dignité ? Il nous faut chercher la réponse du côté de la philosophie transcendantale. Dans un livre magistral, La dignité, les debouts de l’utopie, Bernard Doray, psychiatre, psychanalyste, questionne l’histoire du concept de la dignité qui court aujourd’hui dans le monde et qui est pris dans le livre dans son acception première. Il dit: «  Les lieux du psychisme et de la culture pour ou les femmes, ou les hommes, affirment leur appartenance au genre humain. » Il cite l’impératif catégorique de Kant dans Fondements de la métaphysique des mœurs : « Dans le règne des fins ,tout a ou bien un prix [marchand] ou bien une dignité. A la place de ce qui a un prix, on peut mettre aussi quelque chose d’autre en le considérant comme son équivalent ; ce qui en revanche est au-dessus de tout prix, et par conséquent n’admet aucun équivalent, c’est ce qui possède une dignité. » L’auteur poursuit : « L’image est celle d’un état de pureté, d’une incorruption, une dignité primaire, en quelque sorte. » Il ajoute : « Le mot würdi, dignité en allemand, indique également un mouvement vers tout ce qui doit être, le dépassement par en haut d’une contradiction de deux sentiments contraires. »   (Edith Deléage-Perstunski). Professeure de philosophie)

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« Il n’existe pas d’autre voie vers la solidarité humaine que la recherche et le respect de la dignité individuelle. » (Pierre Lecomte du Noüy. Extrait de L’homme et sa destinée.)

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Extrait du débat : « Qu’est-ce que la dignité ? »
Alors ! Sommes-nous dignes ? Disons qu’on essaie de l’être. La dignité ne s’accompagne pas chez les tous les êtres de grandeur ; elle peut être dignité dans toute sa simplicité, sans marque ostentatoire, et ceci en se souvenant qu’il ne suffit pas que de paraître digne, mais de tâcher de l’être. Kant, très présent dans ce thème, nous dit que la dignité n’a pas de prix, mais parfois, cela nous oblige à refuser certains avantages, certains arrangements financièrement intéressants; il faut savoir résister et, dans ce sens, la dignité  a un prix. En revanche, ce qu’on y gagne, c’est l’estime de soi. Mais l’estime de soi n’est pas se valoriser ; c’est plus, faire un projet de vie dans la dignité. Cela nous amène à reparler de la nécessité de l’éducation civique à l’école, car, toujours, nous rencontrons des gens qui veulent effacer les valeurs référentielles, valeurs éthiques ou morales, ce qui met en danger les plus jeunes qui ne sont plus aptes alors à reconnaître les règles qui définissent la dignité, ce qui laisse place à la part d’animalité.  (Luis)

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« La réforme agraire l’avait exproprié de ses terres. D’un jour à l’autre les paysans lui parlaient sans quitter la casquette, ou baisser les yeux, c’était un affront direct à sa dignité »  (Isabel Alliende. Largo pedalo de mar)

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« Comment conserver sa dignité en toute chose.
Pour l’être doué de la vie et de la raison, il n’y a d’impossible à supporter que ce qui est contre la raison, mais tout ce qui est conforme à la raison se peut supporter. [….]
Mais ce qui  paraît raisonnable ou déraisonnable à l’un, ne le paraît as à l’autre.  Il en est de cela comme du bien et du mal, de l’utile et du nuisible. Et pour ce motif surtout que nous avons besoin d’instruction pour apprendre à mettre d’accord avec la nature, dans chaque cas particulier, cette notion a priori du raisonnable et du déraisonnable.
Or, pour juger de ce qui est contraire ou conforme à la raison, nous ne nous bornons pas à apprécier les objets extérieurs, nous tenons compte encore de notre dignité personnelle.
L’un, en effet, trouve tout conforme à la raison de présenter le pot de chambre à quelqu’un, parce qu’il ne voit qu’une chose : que, s’il ne le présente point, il recevra des coups et ne recevra pas sa nourriture ; tandis que s’il le présente, il n’aura à supporter rien de fâcheux ni de pénible.
L’autre non-seulement trouve intolérable de le présenter lui-même, mais encore ne saurait souffrir qu’un autre le lui présente. Si tu me fait cette question : « Présenterai-je ou non le pot de chambre ? », je te dirai que recevoir de la nourriture vaut mieux que de ne pas en recevoir, et qu’il y a plus de désagréments à être frappé de verges que ne pas l’être ; de sorte que, si tu calcules d’après cela ce qui te convient, va présenter le pot de chambre – Mais la chose est indigne de moi – C’est à toi de faire entrer cela en ligne de compte, et non pas à moi, car tu es le seul qui sache combien tu t’estimes, et combien tu veux te vendre. Chacun se vend un prix différent » (Epictète. Entretiens. L I. § II)

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« La vie des pauvres, c’est une « vie sans », le pire n’étant pas de manquer de biens matériels, ici n’est pas la vraie pauvreté, mais manquer de dignité dans le regard de ceux qui ne sont pas pauvres, de ceux qui sont parce qu’ils ont » (Michel Onfray. La gauche réfractaire. Editions Bouquins. 2022)                                                                                               

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