Dire

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La propagande. Jean-Eugène Bulaud. 1864. Musée d’Orsay.

Le Grand Robert de la langue française : Exprimer, communiquer (la pensée, les sentiments, les intentions) par la parole.

Dictionnaire Historique de la langue française: En français, dire a tous les sens du latin dès le XIème  siècle. Avec sa valeur principale « d’exprimer au moyen du langage oral, ou écrit ».

Synonyme : Bavarder. Causer. Colporter. Confier. Converser. Dévoiler. Dialoguer. Divulguer. Enoncer. Evoquer. Exprimer. Jaser. Mentionner. Narrer. Parler.  Parler. Raconter. Réciter. Répéter.   

Contraires : Garder pour soi. Indicible. Taire.

Par analogie : Affirmer. Appeler. Argument. Assertion. Concevoir. Confesser. Confirmer. Conter. Contredire. Conversation. Bavardage. Définir. Dévoiler. Discours. Disserter. Divulguer.  Ébruiter. Exposer. Expression. Faire savoir. Homonymie. Idée. Indiquer. Informer. Insinuer. Ouï-dire.Language. Maudire. Médire. Médisance. Narrer. Nommer. Pérorer. Polysémie. Potin. Prononciation. Propager. Propos. Réciter. Relater. Ressasser. Rumeur. Signifiant. Signifié. Soutenir. Subjectivité. Suggérer. Témoigner.

Expressions : A vrai dire. Au mieux disant. Autrement dit. Bien faire et laisser dire. Ça ne me dit rien. C’est-à-dire. C’est beaucoup dire. Comme on dit. Comme qui dirait. Dis donc, dites donc. Entendre dire. Je me suis laissé dire. Je ne vous dit que ça. Il ne croit pas si bien dire. Il va sans dire. Ne pas se le faire dire deux fois. Qu’est-ce à dire ? Quoi qu’on en dise. Se dédire. Si le cœur vous en dit. Vouloir dire. Vous m’en direz tant

*

– Philinthe : « Il est bien des endroits, où la pleine franchise

deviendrait ridicule, et serait peu permise ;

et parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,

il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.

Serait-il à propos, et de la bienséance,

De dire à mille gens tout ce d’eux on pense ?

Et quand on a quelqu’un qu’on hait, ou qui déplait,

Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ? »

       Le Misanthrope. Molière.

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«  A mal nommer les choses on aggrave les malheurs du monde ». (Albert Camus)

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Lorsque des personnes sont revenues des camps de concentration, la plupart se trouvaient dans l’impossibilité de communiquer, de raconter ces choses qui dépassait l’entendement humain, c’était si atroce que les gens n’osaient pas en parler, pour beaucoup il leur aura fallu quelques années avant de pouvoir parler de ces horreurs. D’ailleurs en ce temps de réjouissance de fin de guerre quelle audience auraient-ils eut, c’était l’indicible vérité de la Shoah. (Luis)

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« Il faut mot pour mot, se rendre compte de ce que l’on dit, et, en toute action, de ce qui en résulte ; dans ce dernier cas voir directement à quel but notre action se rapporte : et, dans le premier cas veiller à ce que les mots signifient » (Marc Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VII. § IV)

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Dire c’est parfois écrire, et que d’écrits ont fait l’objet de vives polémiques, le dernier exemple est celui du Philosophe Robert Redeker, enseignant à Toulouse, il signe le 16 septembre 2006 une tribune dans le Figaro, intitulée « Face aux intimidations islamistes , que doit faire le monde libre ». Il a été l’objet de nombreuses menaces de mort, depuis neuf mois, il vit caché. La question lui a été posée s’il regrettait ses propos, ce  à quoi il répond : « Ces serait donner raison aux islamistes, ce qui me rendrait que plus méprisable ». Des personnalités politiques ou autres comme Michel Onfray le soutienne, mais un de ses collègues enseignant l’accuse « d’avoir abusé de la liberté ». (Luis)

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 « Conforte la pensée avec les mots qui l’exprime. Pénètre en esprit dans les effets et dans les causes » (Marc Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VIII. §   

*         

Dire demande aussi des précautions de langage, ce qui est parfois un peu excessif, nous avons aujourd’hui ce que l’on appelle « le politiquement correct » qui parle d’un « mal voyant » pour une personne  aveugle, d’un « mal entendant » pour une personne sourde, et ainsi de suite, nous arriverons peut-être aux« mal comprenant », et l’on sait que les jeunes « mal comprenant » font les vieux « mal comprenant ». Nous avons également beaucoup évolué par crainte de choquer ou par manque de simplicité, nous avons d’abord parlé de personnes issues de l’immigration, puis de minorités visibles, aujourd’hui on évoque la diversité !  (Luis)

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«  Puissé-je être en mesure de dire ce que je souhaite, et souhaiter dire ce que je dois, évitant la colère divine… »  (Gorgias. Oraison funèbre)

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Il est toujours possible de tout dire, mais le langage suppose également un contrôle du langage, la parole dit-on est une arme dont les mots seraient les munitions qui blessent. « Il n’y a pas de société possible si elle n’est pas basée sur l’hypocrisie ».  Maurice Donnay.  C’est parce qu’ils oseront démontrer qu’avec la rhétorique on peut affirmer une chose et son contraire que les Sophistes vont s’attirer l’animosité des Platoniciens.   C’est par qu’il ose tout dire de sa pensée, que Nietzsche va par être tant  détesté, ceci en dehors de toute appréciations, de sa philosophie de ses positionnements. On ne parle pas que pour soi, on ne parle pas qu’ « à son chapeau », et si je dis réellement ce que je pense, je dois tâcher s’essayer de concevoir comment l’autre va recevoir mon propos, sauf si je cherche volontairement à le blesser, la franchise dit souvent ce qu’on ne lui demandait pas. On se refuse parfois le droit de droit de dire : pour cela que de non-dits, que de vérités cachées. Les secrets de famille. Les non-dits qui nous enferment, qui parfois nous minent, ou empêchent de vivre,  il faudrait pouvoir s’ouvrir, se libérer du poids du secret, de la peine, trouvant un confident, pour certain ce sera un psy pour d’autres se sera la confession! Luis)

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Publier c’est dire, c’est informer, avec une certaine déontologie. En 1968 un journal marqué à l’extrême droite voulait sortir un article qui appelait à la rébellion, à une Révolution contre les étudiants…. Les ouvriers du Livre ont refusé de fabriquer le journal. Le tribunal quelques mois plus tard leur donnera raison. L’article 74  sur la presse, réprime les provocations qui passent par l’apologie, comme par la provocation…exemple l’article 24/A : La provocation à la commission de crimes et délits contre les personnes est condamnée à 5 ans d’emprisonnement maximum et 300.000frs d’amende. Art 19. Déclaration universelle des droits de l’homme : Tout individu a la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le choix de ne pas être inquiété pour ses opinions, et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de front, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. Selon le droit international  la liberté d’expression n’est pas absolue et peut être soumises à certaines restrictions afin de sauvegarder, la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publique, à condition que cela soit nécessaire dans une société démocratique et fixé par la loi. (Luis)

*

L’importance de la parole c’est de croire que l’on va donner du sens aux choses. « Le tout est de tout dire, je manque de mots, je manque d’audace, je manque de sens »         (Paul Eluard)

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« J’espère pourtant que vous comprendrez cde que je ne vous dit pas » (Amanda Sthers. Lettre d’amour sans le dire. Grasset. 2020)

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 « Cela va sans dire » est une expression qu’il faudrait bannir de notre vocabulaire car les choses vont presque toujours mieux en les disant.  Si des paroles blessent, les non-dits font des ravages beaucoup plus graves. Il est souhaitable au décès d’un proche de ne jamais avoir à se poser la question : Pourquoi ne lui ai-je pas dit ceci ou cela ?   (Luis)

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On est obligés de vivre avec des non-dits, on ne  peut pas, on ne doit pas révéler toutes les vérités. Dans beaucoup de familles il y a des non-dits, des secrets qui parfois nous enferment, il faudrait pouvoir se libérer du poids du secret, de la peine …On devrait dire quand il est temps de le dire. On ne veut pas faire de mal, et on laisse un problème latent. Ceci est illustré par une jeune chanteuse d’aujourd’hui, Olivia Ruiz dans la chanson,  » Non mais non, dis ! Non mais dis donc » (Luis)

*

  Conclusion au débat: « A-t-on le droit de tout dire ? ». La façon dont on s’adresse aux autres, les précautions de langage marquent le respect qu’on leur porte, et qu’il ne s’agit pas de dire pour se faire plaisir, « que ça plaise ou pas », et garder à l’esprit que « la franchise dit souvent ce qu’on ne lui demandait pas ». Toujours ce que nous disons est une image de nous-mêmes. On peut, on doit oser dire, en  « tournant » parfois « sept fois la langue dans sa bouche » avant de parler.  Si l’on y défend le droit de tout dire, ou presque tout, nous nous efforçons de dire sans donner de leçons, dire en écartant les  certitudes, dire, sans avancer son opinion comme vérité première.  Tout dire, reste fort heureusement  un droit, mais un droit codifié, codifié par la loi qui nous est commune, codifié par la morale, c’est un droit refreiné par notre souci de l’autre, par altruisme, amitié, amour, ou, pour éviter qu’on nous renvoie la balle. On peut toujours s’accorder le droit de tout dire, il faut alors assurer son propos, sinon la question de ce soir aurait été : « a-t-on le droit de dire n’importe quoi ?». (Luis)

*

Les non-dits

Il y a

Les mots que l’on ne dit pas

Parce qu’on les a tus trop longtemps

Parce qu’ils rouvriraient nos blessures

Parce qu’ils sont trop lourds de colère

Et réclament une justice

Qui ne sera pas rendue

Il y a

Les mots que l’on ne dit pas

Parce qu’ils rempliraient nos yeux de larmes

Parce qu’ils nous font trop peur

Parce qu’ils nous font trop mal

Parce qu’il est trop tôt

Parce qu’il est trop tard

Il y a

Les mots que l’on ne dit pas

Parce qu’on a appris à les taire

Parce qu’ils feraient désordre

Parce que de toute façon les autre

Ne les comprendraient pas

Il y a

Les mots que l’on ne dit pas

Parce qu’on n’y pense pas

Parce qu’on a rien à se dire

Parce qu’on veut les oublier

Parce qu’on ne les pense plus

Parce qu’on est fatigués

Il y a

Les mots que l’on ne dit pas

Parce qu’on ne sait comment les dire

Parce qu’on ne les a jamais appris

Parce qu’on ne peut que les écrire

Parce qu’ils sont contradictoires

Et que ce n’est pas permis

Il y a

Les mots que l’on ne dit pas

Parce qu’on n’ose as aller vers l’autre

Parce qu’il est dangereux d’aimer

Parce qu’il est dangereux d’ôter son masque

Il y a
Les mots que l’on ne dit pas
Parce qu’on n’ose pas demander
Parce qu’on ne veut même plus rêver
Parce qu’on n’ose pas se toucher
Parce qu’il est tard,
Qu’on n’a plus rien à espérer

Il y a
Les mots que l’on ne dit pas
Parce que ça bouleverserait l’ordre établi
Parce que ça obligerait à les entendre
Parce que ça ferait tellement de bruit
Parce que ça ouvrirait les vannes
Et qu’on a peur d’être noyé

Il y a
Tous ces mots que l’on ne dit pas
Alors qu’ils déplaceraient les montagnes
Alors qu’ils ouvriraient portes et fenêtres
Alors qu’ils bâtiraient des ponts, des routes
Alors qu’ils feraient chanter la lumière
Et revenir la vie

Il y a
Tous ces mots que l’on ne dit pas

Comment faisons-nous pour nous taire

De quoi pouvons-nous bien parler

il ne restait qu’une chose à faire

Ce serait d’enfin s’écouter

(Olivia Ruiz)

*

Débat :                   « Ce que parler veut dire »               5 novembre 2022

Introduction) : Le souhait d’aborder ce thème a surgi vers la fin d’un débat, où, j’avais ajouté à je ne sais quel propos, que je n’étais pas platonicien ; ce qui avait été repris avec argumentation ;  sauf que, pour moi, à tors ou à raison, dans ce terme je définissais autre chose.

D’où cette impérieuse nécessité dans tout débat, de préciser dans quel sens nous utilisons tel ou tel mot, afin que le café-philo n’aie pas un côté tour de Babel.

« Notre parler à ses faiblesses et ses défauts, comme tout le reste. La plupart des occasions de troubles du monde,  sont grammaticales » (Montaigne)

Les idées ne commandent pas assurément aux mots, mais, si mon langage est fidèle à l’idée que je veux exprimer alors j’ai réussi à ce que ma pensée s’affiche clairement ; ce qui n’est pas forcément le cas, car ce qui est clair dans mon esprit, peut ne pas être exprimé de façon suffisamment claire. , « Ah ! Si je savais dire comme je sais penser ! Mais il était écrit là-haut  que j’aurai les choses dans la tête, et que les mots ne me viendraient jamais ». (Jacques le fataliste. Diderot)

Nous revenons à cet attelage : concevoir/ exprimer.

 Selon que votre idée est plus ou moins obscure,

Nous dit Boileau

l’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ;

Et les mots pour le dire arrivent aisément.

   Pour qu’une interprétation soit garantie comme fidèle à cent pour cent, qu’elle tende vers une vérité, il faudrait réunir bien des éléments pour comprendre et faire comprendre.

De par leur polysémie, voire, leur homonymie, il faudrait d’abord, mettre tous le même sens sous les mêmes mots, cela n’existe pas.

Il faudrait, d’abord, que nous soyons totalement détachés de nos subjectivités, de nos opinions et croyances, d’a priori, qui sont le fond de notre individualité, que nous ne retenions pas que ce qui serait, que des biais de confirmation, cela ne paraît peu  possible.

Il faudrait également que celui qui est le récepteur de l’interprétation ait la même grille de lecture que l’émetteur. Cela non plus n’est pas possible

 A partir de là, même avec la meilleure volonté, comment interpréter en écartant tout risque de se tromper quant au sens, et s’écarter d’une vérité ?

    Nos propos nous révèlent et, malgré nous, notre inconscient participe à la construction des idées, de nos idées. Quand je vous parle, je ne suis pas neutre, même si je ne n’ai nullement l’intention de tromper, de subjuguer, d’influencer. Toujours, mes orientations, mes goûts, croyance ou non croyance, tout mon acquis, sont là, présent dans mon propos. On dit parfois que le langage manipule.  Souvent, comme le dit André Gide dans Les faux-monnayeurs : « […] nous tentons d’imposer au monde extérieur notre interprétation particulière […] ». Mais, d’autre part, le langage totalement vidé de tout sentiment personnel, de toute opinion ;  un langage neutre, est un langage aseptisé,

Autrement dit : c’est tout juste bon pour les catalogues, les modes d’emploi, pour une documentation technique.

Alors, se faire comprendre, bien se faire comprendre.

Je pense que cela exige (déjà par respect de ceux qui nous écoutent) qu’on utilise le plus possible des mots précis, et aussi des mots simples si possible, pour ne pas prendre le risque de passer pour un pédant. « La recherche des mots peu connus vient d’une ambition puérile et pédantesque. Puissais-je me servir que de ceux qui servent aux Halles » (Essais L1 § 26),Eviter, ajoute t il plus avant, d’être un des ces hommes « très fameux en science de parlerie ».

« Si l’on veut s’entendre en parlant philosophie, il fait être extrêmement clair et précis. Plus le sujet du discours est difficile à comprendre moins vous devez affecter de pompe dans le style. Remarquez que tous les écrivains….qui cherchent à tromper les hommes affectent un style rempli de pompe et d’emphase. Méfions-nous de toute philosophie qui n’est pas clair dans son style »   (Nietzsche. Par delà le bien et le mal)

Plus le langage s’enrichit plus il nous paraîtrait  difficile d’être précis. Être précis c’est avoir le souci  d’être compris par tous, « on ne parle pas qu’à son chapeau »! Se faire comprendre est une forme de respect des autres. Schopenhauer qui pour diverses raisons n’aimait pas beaucoup Hegel  disait en parlant de ses cours, « il enfile des concepts, comme d’autres enfilent des perles » ; ainsi on peut rencontrer des personnes qui alignent des mots comme une musique pour eux-mêmes, ce qu’illustre Molière dans le Misanthrope, (Acte II Scène IV)  Célimène  dit : « – c’est un parleur étrange, et qui trouve toujours, l’art de ne rien dire avec des grands discours. Dans les propos qu’il tient, on ne voit jamais goutte, et ce n’est que du bruit que tout ce qu’on écoute ».

Alors devant ce risque que les mots, ou, leur interprétation nous trahissent, doit-on si l’on doute quelque peu d’avoir mal exprimé sa pensée, doit-on ne pas s’exprimer ;  à je  répondrai, que : ce que l’on a dire, est plus important que la façon de le dire

Et enfin pour problématiser le sujet : peut-on être d’accord avec Boileau : quant à : ce qui se conçoit bien,  s’exprimerait,  clairement et les mots pour le dire vous viendraient aisément ? (Luis)

*

Le ton, les mots que j’utilise, le rythme, les silences, mêmes, sont l’habillage de mon propos ;
Je choisis les mots que j’utilise en fonction des personnes à qui je m’adresse, je ne parle pas à mon chapeau, je ne m’exprime pas de la même façon dans un débat que si je parle avec ma belle sœur, mon collègue de travail….
e dois tenir compte d’un contexte, tenir compte de ceux qui veulent bien m’écouter.
 La parole est à moitié à celui qui la dit, à moitié de celui qui l’écoute »
Alors la parole m’est donnée pour m’exprimer pleinement, mais : même avec tous les mots  à ma disposition il y a des choses que l’on ne sait pas, que l’on n’ose pas exprimer, on laisse entendre ce que l’on ne dit pas, on laisse entendre dans les points de suspension.
D’un film, j’ai retenu cette réplique : «  Maintenant, au-delà de ce que je vous aie dit, j’espère que vous avec compris tout ce que je ne vous dis pas » (Luis)

*

«  La plupart du temps, nous croyons avec sincérité que nous exprimons notre pensée à l’aide demots que nous choisissons.Ainsi, les mots nous permettraient de dire ou d’écrire ce que nous pensons. Nous avons le sentiment d’une juste adéquation entre la pensée d’un côté, et la langue d’un autre. Il nous arrive même de rechercher le bon mot qui exprimera le mieux telle ou telle idée.
Observons cependant notre expression orale : les mots divers, verbes, noms, prépositions, adverbes s’enchaînent dans un automatisme qui nous échappe en grande partie. Notre pensée ne peut s’arrêter à chaque séquence de notre discours.
Dans l’écriture, le mécanisme est moins frappant car le souci de l’orthographe et le rythme de la main ralentissent l’expression et nous font davantage séjourner dans les mots, voire dans les lettres elles-mêmes.
Mais dans tous les cas, de l’expression écrite apparemment plus contrôlée à l’expression orale moins maîtrisée, des mots s’imposent à notre conscience que nous prenons ici et là : extraits de nos lectures, repris de notre éducation, captés dans l’environnement immédiat, ils nous échappent en partie.
Notre époque est caractérisée par une multiplicité de flux et d’échanges qui nous privent d’une concentration sur les mots que nous utilisons et d’une suspension en  conscience pour les utiliser à bon escient.
C’est pourquoi, très souvent, le processus s’inverse : loin de dire ce que nous pensons, nous pensons ce que nous disons.    En effet, nous ne pensons pas en dehors des mots. Comme nous ne prenons plus le temps de nous arrêter sur leur sens, de disséquer leurs contenus, d’analyser leurs usages, les mots prennent le pouvoir sur notre pensée…» (Alain Etchegoyen)



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