Education

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Ecole communale.

Le Grand Robert de la langue française : Mise en œuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement d’un être humain.

Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Lalande : Suite d’opérations par lesquelles les adultes (généralement les parents) exercent les petits de leur espèce et favorisent chez eux le développement de certaines tendances et de certaines habitudes. Quand le mot est employé seul, il s’applique le plus souvent à l’éducation des enfants dans l’espèce humaine.

On appelle aussi le processus par lequel les personnes construites au moyen des sensations se transforment, se précisent, se complètent, et s’organisent avec le reste des phénomènes psychiques (par exemple chez l’enfant, ou chez l’adulte qui éprouve un nouveau genre de sensations)

Encyclopédie de la philosophie Pochothèque : Processus d’intégration sociale et de transmission culturelle  au moyen duquel la personnalité humaine se structure, dans le cadre de situations historiques concrètes (par le milieu ambiant et familial). En particulier dans le domaine pédagogique, on entend par éducation l’ensemble des initiatives individuelles et collectivement qui tendent à orienter un tel processus de manière systématique vers des objets préétablis, à travers des méthodes historiques déterminées.

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Terme abstrait & métaphysique ; c’est le soin que l’on prend de nourrir, d’élever & instruire les enfans ; ainsi l’éducation à pour objet :1° La santé & la bonne conformation du corps ; 2° Ce qui regarde la droiture & et les qualités sociales….

Synonymes : Formation. Instruction. Pédagogie. Enseignement. Initiation. Apprentissage.

Contraires : Grossiéreté. Impolitesse. Inéducation. Rusticité. .

Par analogie : Autodidacte. Connaissances.  Ecole. Ecole privée. Ecole publique. Educateur. Education nationale. Elèves. Enseignant. Etudes. Etudiants. Former. Génération. Instruction publique. Ministère de l’Education. Modèle. Numérique. Observation. Pédagogue. Transmission. Savoirs. Savoir vivre. Société.

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« Quand tu éduques un garçon, tu prépares un homme. Quand éduque une fille, tu prépares une société ». (Proverbe de femmes indiennes)

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 « Nous sommes instruits non pour la vie, mais pour l’école » (Sénèque)

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« J’avais été impressionné par l’exemple de l’arbre qui pousse tordu, mais qui, si on le redresse à temps, trouve sa droiture et sa raison d’être ; mais si le jardinier l’abandonne, il restera un arbre tordu à jamais » (Franco. Mémoires).

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« Vous pensez que l’éducation coûte cher, Eh bien ! Essayez l’ignorance » (Robert Orben)  

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« Une grande proportion de la misère qui s’étend dans des formes inadmissibles tout autour du monde est du, à la négligence d’une éducation de la part des parents »   (Mary Wollstone  Craft)

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« A l’école publique, seul peut être  acceptable comme enseignement ce qui est vérifiable (c’est-à-dire ce qui trouve l’appui de la réalité scientifique reconnue à l’époque considérée), ainsi que ce qui civilement établi comme valable pour tous, non pas l’invérifiable qu’acceptent comme authentiques certaines âmes pieuses, ou des obligations morales fondées sur un credo particulier.  (Fernando Savater. La vie éternelle)

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«… aveuglément, nos modes d’éducation et de scolarisation fabriquent des individus de plus en plus indifférents au collectif, et donc au politique {…] la réalité de la pédagogie aujourd’hui est telle qu’elle tend à fabriquer des citoyens inciviques »         (Marcel Gauchet)

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 «  On jardine l’âme comme on nettoie son jardin, et ce qui se remarque dans l’un comme dans l’autre s’y retrouvera volontairement ou par défaut. Si l’on n’y prend garde et qu’on ne travaille pas, les mauvaises herbes poussent, puis envahissent la parcelle – de terre ou de l’âme. Laisser faire, ici comme partout ailleurs, voilà le pire, car ce qui triomphe est toujours le plus bas, le plus vil en nous. La force du cerveau reptilien écrase tout et contrarie le travail du néocortex. Quand celui-ci ne s’active pas, le chemin est libre pour laisser parler à voix haute, la bête en l’homme » (Michel Onfray. Cosmos)

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« La liberté dans l’éducation comme ailleurs doit être une affaire de degré. Certaines libertés ne peuvent être tolérées. J’ai rencontré une dame qu’on ne devait jamais  interdire à un enfant de faire quoi que ce soit, car un enfant doit développer sa nature de l’intérieur. « Et si cette nature lui fait avaler des épingles ? » demandais-je ? […]C’est pourquoi défendre la liberté dans l’éducation ne signifie pas que les enfants doivent faire exactement ce leur plaît toute la journée… »  (Bertrand Russel. (Essais Sceptiques. 1928.)

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« S’il faut à la France 80% de bacheliers, ce n’est pas pour grossir administrativement la cohorte des Golden boys et des chevaliers d’industrie, c’est pour mener des générations entières à la tâche intellectuelle et morale qui leur incombe et à laquelle elles ont droit : se libérer, d’abord intérieurement puis extérieurement des slogans et des modèles d’une société sinistrée par l’économie ».  (Alain de Libera. Penser au Moyen-Âge. Seuil. 1991)

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En 1883 Jules Ferry écrit dans la célèbre lettre aux instituteurs : « Vous êtes et, à certains égards, le suppléant du père de famille ; parlez donc à son enfant comme vous voudriez qu’on parlât au vôtre ; avec force et autorité, toutes les fois qu’il s’agit d’une vérité incontestée, d’un précepte de morale commune ; avec une grande réserve, dès que vous risquez d’effleurer un sentiment religieux dont vous n’êtes pas juge »

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« Eduquer, c’est apporter du contenus aux liens, c’est créer des réciprocités, c’est proposer à chacun d’être un dépositaire du trésor collectif, d’être de ceux qui l’enrichiront, d’être aussi face à la génération suivante, un passeur de témoin »  Albert Jacquard)

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« Le comportement humain est en grande partie déterminé par les expériences qu’on a vécu et les expériences que l’on a adoptées. Les hommes sont égaux entre-eux par nature : les différences sont dues à l’éducation et au milieu. Ce sont la corruption de la société et l’ignorance qui provoque le vice et les comportements immoraux, il faut donc pour les combattre réformer la société et le milieu puis dans un second temps, transformer et uniformiser l’éducation des individus. Puisque le penchant au vice n’est jamais inné, mais toujours acquis, l’éducation peut-être l’instrument capable de former des individus sociaux et vertueux ». (Claude Adrien Helvétius. 1715.1771)

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 « Ma génération et le suivantes, lesquelles en générale se considèrent comme victimes d’une éducation trop stricte, castratrice, lorsque vint le moment d’être parents, nous avons choisit d’être diamétralement opposés à celle de nos géniteurs. Si ces derniers avaient  été déraisonnables, inflexibles…, tolérants, ouverts et compréhensifs. Nous voulions être, « les meilleurs amis de nos enfants ». Quelle bêtise ! Et nous avons vu qu’être père ou mère est plus difficile et qu’il faut mieux être un compagnon. A ce point qu’il faut se mettre du côté de l’enfant en toute circonstance, le défendre contre le monde, de ses amis, et même de ses professeurs. Et comme il arrive tant de fois dans la vie, d’une éducation castratrice nous sommes passés trop permissive, et avec le problème d’enfants tyrans… Les enfants d’aujourd’hui seraient-ils pires que ceux d’autres époques ? La faute en revient –elle, à la télé, les jeux vidéo, à la violence ambiante ; Bien sûr, on peut aussi accuser des facteurs extérieurs…Je me demande s’il n’est pas temps de réévaluer certains concept ; je ne dis pas qu’il faut revenir en arrière, sinon faire une petite révision des postulats que nous avons jugé, comme négatifs… Le bon Rousseau se retournerait sûrement dans sa tombe. Mais ! nous savons tous que ce phare et inventeur du modèle du « bon sauvage », a abandonné ses cinq enfants à l’hospice ! Alors pourquoi allons-nous philosopher ; en réalité, l’être humain n’est ni bobnni mauvis, mais plein de contradictions »   (Traduit de l’article de Carmen Posadas. Article, Semanal. (Supplément dominical del Païs,) 24 décembre 2006)

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J’ai une pensée affectueuse pour mon institutrice d’école primaire, elle m’a dispensé un enseignement de base, femme austère,  enseignante  autant qu’éducatrice , très rigoureuse, elle m’a appris plus que « Marignan 1515 », elle reste très marquante dans mon éducation ; de là j’ai du mal à dissocier totalement : « enseignement » et «  éducation ». (Luis))

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     L’éducation est aussi imitation dans la façon d’être des adultes. Adolescent je me suis choisi deux modèles, des personnes très différentes. Ils ont consacré un peu de temps à mon éducation, l’un m’apprenant à être par rapport au regard des autres, l’autre m’apprenant à être par rapport à mon propre regard. Pour cela leur comportement m’a servi de référence. Il y avait ce la part de ces personnes, un sentiment affectif. Instruire, éduquer, doit découler de l’amour des autres, de l’amour de l’autre ; Dans le fait d’instruire des enfants, il y a inévitablement du subjectif. Nous marquons des jeunes êtres de notre empreinte, nous restons dans les strates de ces individus. (Luis)

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« La situation démocratiquement inadmissible atteint son comble dans des pays comme l’Espagne où le gouvernement  – socialiste, pour notre plus grande honte – admet l’instruction religieuse comme discipline prise en compte  dans les moyennes dispensées par les professeurs choisis et révoqués (souvent à cause de prétendues raisons morales : divorce, etc.) par l’évêché…bien qu’ils soient payés par les fonds publics »  (Ferbando Savater. La vie éternelle. Seuil. 2020)

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« Il y a un siècle [….] Alain protestait contre l’idée suivant laquelle l’école devait vivre avec son temps, au lieu de revenir aux classiques. Dans ses « Propos sur l’éducation. 1932 », il tranchait : « L’enseignement doit être résolument retardataire. Non pas rétrograde, tout au contraire. C’est pour marcher dans le sens direct qu’il prend du recul ; car, si l’on ne place pas dans un moment dépassé, comment se dépasser ? Ce serait une folle entreprise, […] de prendre les connaissances en leur état  dernier ; il n’y aurait point d’élan, ni aucune espérance raisonnable… » (Extrait de l’article de Michel Eltchaninoff. Qu’est-ce qu’une bonne éducation ? Philosophie magazine N° 72. Septembre 2013)

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A la différence d’un enseignement numérisé. « Dans un cours en face à face une autre dimension est irremplaçable ; quand j’enseigne, je me mets en jeu, (je descends dans l’arène). J’ai une mission qui transcende la simple communication du contenu ou de l’information ». (L’identité malheureuse. Alain Finkielkraut. Stock. 2013)

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« Si l’enseignant ne sert qu’à transmettre des contenus », pourquoi ne pas lui substituer n’importe quel autre transmetteur de contenus sûrement plus fiable, docile, maîtrisable, évaluable, un véritable maître électronique »  (Contre la colonisation numérique. Robert Cassati)

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« …nous recevons trois éducations différentes ou contraires, celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la dernière renverse les toutes les idées des premières »  (Montesquieu. L’esprit des lois. Livre  IV. § IV)

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 Une génération doit faire l’éducation de la génération suivante.. »  (Kant)

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« A l’évidence, le temps des certitudes est derrière nous ; la question de l’école s’est muée cette dernière décennie en champ de bataille, une dispute désespérément cacophonique. L’idéal égalitaire promu dans les années 1970 ? Difficile  de nier qu’il entretient une inquiétante tendance à la démotivation, l’incivilité, voire, l’inculture. L’idéal traditionnel à la sauce jules ferry ? Il nous tout aussi difficile d’envisager sérieusement un retour aux hussards noirs, et aux bonnet d’âne. Nous sommes désorientés ? C’est sans doute qu’il est temps de nous élancer par delà les affrontements stériles entre partisans d’une nouvelle école imbibée de modernité électronique et chantres d’une ancienne école imperméable à la rumeur du monde. Tel est l’enjeu pointé par les nombreuses voix rassemblées dans ce dossier : une autre école est possible qui viserait un idéal humaniste réinventé. Ou, les grands fondamentaux – civilité et culture générale – de trouverait réinventé par les nouvelles pratiques – art de la controverse culture empathique, ressource du jeu – et vice versa. Signe que le temps est venu pour un débat enfin attentifs aux voix inventives et aux propositions nuancées ? » (Article: Qu’est-ce qu’un bonne éducation. Michel Eltchaninoff. Philosophie magazine n° 72)

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« …Nous ne demandons pas seulement  de nous transmettre des savoirs à l’école et de nous apprendre un métier. Nous attendons d’elle de nous élever au dessus de ce que nous sommes, de nous rendre meilleurs….Plus généralement, les enseignants essaient de faire de leurs élèves des esprits libres, informés, curieux, lucides, respectueux d’autrui, empathiques. Et les parents sont parfois étonnés de voir leurs enfants imposer le tri sélectif…Pour le reste , il est évident que l’éducation par les parents vise à rendre leurs enfants meilleurs, suivant les critères éthiques, sociaux et culturels qui sont les leurs. Certains insisteront sur des valeurs et des pratiques éthiques –honnêteté, sincérité, gentillesse, autonomie…. d’autres sur des principes religieux, d’autres encore offriront un cadre philosophique général, la primauté de la liberté, par exemple. Quoi qu’il en soit, les familles comptent aussi sur l’école, publique ou privée, pour continuer et développer la tâche éducative qui est la leur, et rendre les enfants meilleurs » (Article : L’éducation nous rend t-elle meilleurs ? Michel Eltchaninoff. Philosophie magazine n° 122)   

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« Depuis des décennies, deux visons de l’éducation s’affrontent en occident : l’une veut élever, l’autre épanouir. L’école républicaine  depuis « la lettre aux instituteurs »   de jules Ferry en 1883, s’était donné pour mission, d’élever les enfants. Il s’agissait de rendre l’élève autre qu’il n’était au départ en lui offrant l’accès aux savoirs det aux grandes œuvres. A partir des années 1960, la « rénovation pédagogique » a privilégié l’épanouissement sur l’élévation. « By yourself »  « Deviens ce que tu es ! », un motif largement hérité de Nietzsche et de Freud, prend les pas sur « deviens autre que ce tu étais » ; C’est là l’origine du fameux conflit entre « pédagos »  et « républicains » ; Je ne pense pas qu’il faille choisir entre les deux. Il faut les articuler. L’école devrait chercher davantage à élever et à instruire les élèves, tandis que la famille devrait éduquer les enfants et favoriser leur épanouissement » (Article. La culture n’a jamais empêché quiconque d’être un salaud.  Luc Ferry. 2018)

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De l’éducation en général. Les enfans qui viennent au monde, doivent former un jour la société dans laquelle nous auront à vivre ; leur éducation est donc l’objet le plus intéressant, 1° pour eux-mêmes, que l’éducation doit rendre tels, qu’ils soient utiles à cette société, qu’ils en obtiennent l’estime, & qu’ils y trouvent leur bien-être : 2° Pour leur famille qu’ils doivent soûtenir & décorer ! 3° pour l’État même, qui doit recueillir les fruits de la bonne éducation que reçoivent les citoyens qui la compose…… Si chaque sorte d’éducation étoit donnée avec lumière & avec persévérance, la patrie se trouveroit bien constituée, bien gouvernée, & à l’abri des insultes de ses voisins. …. Il se trouve que trop souvent des peres qui ne connaissant point leurs véritables intérêts, se refusent aux dépenses nécessaires pour une bonne éducation, & qui n’épargne rien par la suite pour procurer un emploi à leurs enfans, ou pour les décorer d’une charge ; cependant que charge est plus utile qu’une bonne éducation, qui communément ne coûte pas tant, quoiqu’elle soit le bien dont le produit est le plus grand, le plus honorable & le plus  sensible ? il revient tous les jours : les autres biens se trouvent souvent dissipés ; mais on ne peut se défaire d’une bonne éducation, ni, par malheur, qui n’est telle que parce qu’on na pas voulu faire les frais d’une bonne : Sint Moecenates, non deerunt, Marones Martial Lib III ; epig. Ad Flacc. » « – Vous donnez votre fils à élever à un esclave, dit un jour un ancien philosophe à un père riche, – hé bien, au lieu d’un esclave vous en aurez deux » ( Encyclopédie de Diderot et d’Aembert. Exraits de l’article: Education)

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   Débat, « (L’éducation rend t-elle meilleur ? posée  dans ce débat) implique plusieurs problèmes. 1° Que signifie éducation ? Distinguons éducation, enseignement, instruction et pédagogie. 2° Quel est ce « nous » de l’éducation nous rend-elle meilleurs ? La famille ? La communauté ? L’individu ? La société ? Et meilleur ? Est-ce le meilleur ? ou meilleur par rapport à quoi ? ou meilleur en quoi ? J’essaierai de comprendre en quoi l’éducation familiale, scolaire, sociale est aujourd’hui interrogée par les parents, les enseignants, les politiques et aussi les « jeunes » ce qui est énoncé comme « crise » de civilisation par certains, à laquelle il faudrait donc apporter des remèdes, ce qui est nommé «  mutation » de civilisation par d’autres qu’il faut affronter en inventant de nouvelles façons d’éduquer. Sans tomber dans le « jeunisme » (politiquement tendance) e me réfère à deux philosophes contemporains Cynthia Fleury (Les irremplaçables) et Raphaël Glucksmann (Les enfants du vide) qui réfléchissent aussi à partir d’enquêtes ou/et de travail, à l’hôpital, ou /et avec des usagers. Deux revues m’ont apporté des éléments concrets ou statistiques pour réfléchir : la revue Philosophie Magazine de septembre 2018 n°122 auquel j’ai emprunté la question « L’éducation nous rend-elle meilleurs ? », le dossier de la revue Sciences Humaines n° spécial octobre 2018 « Eduquer : le conflit des modèles ». J’essaierai de dire ce qui est pour moi «  le meilleur ». D’abord clarifier les concepts. Jules Ferry, plusieurs fois ministre de l’instruction publique et des Beaux- arts entre a institué l’école  républicaine (res publica: la chose publique) c’est-à-dire l’école publique (pour tous), et donc gratuite et donc obligatoire, et laïque (sans lien avec aucune Eglise), dans sa lettre aux instituteurs du 17 novembre 1883 distingue l’instruction (des connaissances scientifiques dont l’instruction civique) et l’éducation qu’il nomme éducation morale. Instruire c’est transmettre des savoirs (scientifiques et techniques), élever des ignorants à ces disciplines : instruire des élèves (on les appelle aujourd’hui des apprenants). Eduquer moralement c’est conduire (duco ducere) vers des valeurs. Conduire vers des valeurs morales, c’est-à-dire des valeurs pour définir les mœurs (mos –moris), les us et les coutumes, les règles pour vivre ensemble. Et il précise qu’il s’agit d’une morale commune : « Vous n’avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier comme à tous les honnêtes gens…demandez- vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait, de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire »…Et il ajoute «  Parlez envie , l’enseignement de la morale appartient à l’Ecole – non par défaut parce que les familles sont défaillantes- parce que c’est son rôle éminent et un honneur pour les enseignants » Et il ajoute «  l’instruction religieuse appartient à la famille et à l’Eglise, l’instruction morale à l’école ». Alors aujourd’hui il y a ceux qui sont nostalgiques de cette école républicaine qui éduque moralement à des valeurs universelles (à quoi étaient formés ceux qui s’appelaient les « hussards de la république »). Et de plus en plus  nombreux sont ceux qui osent parler des Territoires perdus de la République (qui est le titre d’un ouvrage collectif écrit en 2002 par des enseignants et un Inspecteur) parce qu’ils vivent la difficulté d’éduquer à des valeurs universelles- y compris dans leur enseignement scientifique-, mis en question par des élèves et des parents affichant haut et fort leur vision communautariste tolérée « par bienveillance aux différences culturelles »  ou « pour qu’il n’y ait pas de vagues » cf. l’ouvrage récent d’un proviseur de collège Gérard Raves ( Proviseur de collège ou imam de la république ?) – écrit après sa retraite parce qu’il avait peur des parents d’élèves et craignait de n’être pas soutenu par sa hiérarchie. Encore une remarque. Le ministère de l’instruction publique (créé en 1883) est devenu ministère de l’Education nationale en 1932. Pour que les professeurs soient formés et à instruire-enseigner – et à éduquer. Eduquer c’est conduire l’enseigné à s’élever, à ne pas rester dans son terroir, son ethnie, sa communauté, son genre, sa situation sociale, vers des vérités ou/et des valeurs universelles.          L’éducation n’est pas un élevage. C’est une élévation vers des universaux.  Ce qui ne signifie pas mépriser voire annihiler les savoirs et les valeurs particuliers. Mais les combiner avec ce qui permet de vivre ensemble, une langue commune          L’éducation nationale ne doit pas être dépendante des lobbies et des groupes de pression particuliers. Ce que disait JJ Rousseau à sa manière «  pas d’états dans l’Etat » (Contrat social Livre 2, chapitre 3). Comme soigner et gouverner, disait Freud, éduquer est impossible. De même Montaigne était perplexe «  Traiter de la façon d’élever et d’éduquer les enfants semble être la chose la plus importante et la plus difficile de toute la science humaine » (Essais1, 26)) Aujourd’hui les interrogations pédagogiques sont multiples. Autorité ou bienveillance ? Ecole publique ou privée ? Avec ou sans écrans ? Education populaire ou animation périscolaire ? Et la carte des pédagogies « alternatives » est longue. Toutes ont les deux mêmes objectifs : 1° En finir avec l’enseignement traditionnel où le maître déverse son savoir par un entonnoir vissé sur la tête de l’élève. Et avec les sanctions humiliantes : le bonnet d’âne, les coups de règle sur les doigts, les oreilles tirées, la « mise au coin »  au fond de la classe ou sous le bureau du maître quand l’élève a fait des « fautes » d’orthographe  ou ne sait pas sa table de multiplication. 2° Favoriser le développement personnel, l’estime de soi, l’autonomie, et l’imagination inventive et créatrice. Et aussi, pour certains, le sens du collectif, et le goût de la discussion démocratique. Les « méthodes » pédagogiques avec ces deux objectifs sont nombreuses : Neill à Summerhill en grande Bretagne, (1921) Steiner aux Pays bas (1919) Freinet (1935) en France, Reggio (1963) en Italie,  et d’autres ….Et aussi l’éducation à la liberté : la méthode du mathématicien Bertrand Russell qui a créé (1927-1945) une école libertaire  gratuite (pas de cours d’éducation religieuse mais des cours d’éducation sexuelle, et les élèves sont autorisés à « mal parler aux enseignants ») ; la pédagogie de l’écrivain Tolstoï (1859) qui ouvrit une école privée et gratuite dans sa propriété , destinée aux enfants de ses serfs : éducation non livresque, proche de la nature, avec la culture populaire et la primauté de la liberté ; la méthode du philosophe John Dewey (1926) : éducation à la demande des enfants mélangés sans distinction d’âge ni de niveau, chacun constitue son programme, et discussions collectives; la déscolarisation du philosophe Ivan Illich : des centres ouverts à tous où chacun peut acquérir les connaissances et les compétences dont il a besoin. Accès libre aux livres et aux outils. Aujourd’hui son influence se lit dans le développement des mouvements d’éducation à domicile et dans l’essor des plates formes d’échange de compétences sur Internet. Il faut noter qu’il y a de plus en plus de parents qui décident d’éduquer leurs enfants hors des sentiers battus. Entre 2007 et 2017 les chiffres de l’instruction et éducation à la maison ont doublé en France : 25000 enfants. Et le recours au CNED (centre national d’enseignement à distance) a diminué (73% en 2011, 40% en 2017). Parce que les parents se divisent en quatre catégories selon les études et enquêtes des psychologues. Le parent autoritaire qui édicte des règles et a recours aux punitions : conséquence, l’enfant risque de réussir plutôt  bien l’école (primaire) mais aussi devenir anxieux, méfiant et même dépressif. Le parent permissif qui se préoccupe des désirs de l’enfant plus que de son obéissance, qui encourage son expression personnelle. Conséquence: l’enfant risque d’être rebelle, peu persévérant et même immature. Le parent démocratique tient compte des désirs de l’enfant mais ne négocie pas l’obéissance à certaines règles fixées et recourt à des sanctions. Conséquence : l’enfant risque d’être sociable et confiant en lui. Le parent négligent : peu chaleureux et exerçant un très faible contrôle sur l’enfant, rejetant ses émotions et ses opinions. Conséquence : risque pour l’enfant de décrochage scolaire, de délinquance … (Etude de la psychologue Diana Beaumrind : 40 ans d’études des comportements des parents et de leur influence sur les enfants). Mais attention, dit-elle : il ne faut pas culpabiliser parce que presque tous les parents s’investissent dans l’éducation de leurs enfants. Moi-même j’ai vécu avec effroi le mot d’ordre des psys (psychologues et psychiatres) des années 1970-80 : TOUT pour un individu se joue avant cinq ans et ce, DANS la relation mère –enfant… Alors qu’est ce qui est le plus important pour moi dans l’éducation pour devenir meilleur ? En tant que prof de philo j’ai essayé par mon enseignement non seulement d’instruire sur les philosophies (occidentales) et leur histoire mais aussi d’éduquer par la compréhension de ces philosophies à des idéaux universellement acceptables : esprit critique, respect de l’autre humain, justice sociale, liberté d’expression, paix entre les nations …idéaux qui permettent de rendre la vie meilleure pour chacun. Et aussi avec d’autres enseignants d’autres disciplines en utilisant tous les dispositifs pédagogiques possibles et les réformes proposées. Il y a maintenant une initiative intéressante celle des ateliers de philosophie avec les enfants et non pas pour les enfants. Pour éduquer à ce qui est le meilleur pour eux.. Il y a aussi au niveau des cités la possibilité d’inscrire dans des cahiers de doléance, ce qui permet de vivre le mieux possible ensemble. Hannah Arendt a écrit « Il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde et non pas leur inculquer un art de vivre » (Edith Deléage-Perstunski, professeure de philosophie)

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