Elitisme
Le Grand Robert de la langue française : Ensemble de personnes considérées comme les meilleurs, dans un groupe, une communauté, formant une minorité caractérisée par sa supériorité.
Le fait de n’attacher d’importance qu’à la formation d’une élite intellectuelle.
Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Étymologiquement, c’est l’ensemble de ceux qui ont été élus ; mais ils l’ont été par le hasard ou par eux-mêmes plutôt que par Dieu ou par le peuple. C’est une espèce d’aristocratie laïque et méritocratique…
Toute pensée qui reconnaît l’existence d’une élite ou favorise son émergence.
Synonymes : Crème. Élus. Gratin. La haute. Oligarchie. Personnalité. V I P
Contraires : Lie. Masse. Plèbe. Peuple. Populace. Populo. Rebus.
Par analogie : Aristocratie. Apparatchik. Bobo. Beaux quartiers. Bourgeoisie. Businessman. Catégorie sociale. Chance. Classe. Collusion. Élitisme. France d’en haut, France d’en bas. Fortune. Gentry. Grandes écoles. Groupe. Jet set. Les meilleurs. Loi d’airain. Luxe. Mandarin. Méritocratie. Naissance. Nantis. Noblesse. Nomenklatura. Notable. Panthhéon. People. Rallyes. Rang
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L’expression est la loi d’airain est utilisée, dans la situation des organismes, politiques, sociaux, les partis, la haute représentation politique, les hauts fonctionnaires, où le renouvellement social n’existe pas. Milieux qui ont tendance à devenir une oligarchie. C’est la théorie des élites, catégorie auto reproductive, la parthénogenèse d’un groupe social, la loi d’airain de l’oligarchie. (Robert Michels. 1783.1936. Sociologue allemand)
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« Peut-être les révoltes populistes de XXIème siècle ne viseront-elles pas une élite économique qui exploite le peuple, mais une élite qui n’a plus besoin de lui » (Nietzsche. Crépuscule des Idoles)
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« L’enfant…, ne rencontre que des gens qui lui parlent dans la langue de Cicéron, même parmi les domestiques. Il devient ainsi un des rares êtres humains des temps modernes dont la langue est celle de Virgile et de Lucrèce… C’est d’ailleurs en latin que Montaigne rêve… » (Introduction à Montaigne. Roger-Pol Droit. Le Monde de la philosophie. Flammarion)
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Dans toutes société humaine, en dehors de la chance d’être né en tel endroit plutôt qu’un autre, dans tel milieu plutôt qu’un autre; il y a des personnes qui ont plus ou moins d’aptitudes physiques, intellectuelles que d’autres, aptitude aux affaires, aptitude à la parole, etc..,. Ceux-là dans l’inévitable jeu de compétition de la société, vont se retrouver socialement au-dessus des autres.
Même dans une expérience de société égalitariste, nous avons retrouver des dirigeants du Parti communiste devenir l’élite du peuple, (du peuple, mais élite quand même, et s’octroyant nombre d’avantages).
Alors, je ne suis pas très au fait de l’organisation des sociétés de Quackers ou société des Amishes, mais il me semble que ce rigorisme que n’aurait pas renier Rousseau est plus dans le sens d’éviter qu’advienne dans une société une élite. qui accapare le pouvoir.
Je pense que la majorité des personnes interrogées sur ce thème, seront peu favorable à l’élitisme, et là nous sommes face à un paradoxe, lequel est constituée par le fait que souvent cette même majorité imite ceux qui sont de l’élite en mode vestimentaire, en destination de voyage, etc…
Le goût comme l’opinion dit-on est un phénomène, partant du haut, de ceux nommés, élites, et se déversant sur le bas, c’est cette sempiternelle tendance des moins riches à imiter dans leurs goûts les plus riches, validant ainsi leur statut.
Nous sommes facilement l’élite des autres. Plus concrètement on peut penser que l’élite habite un certain périmètre, fréquente des lieux qui ne sont pas accessibles à tous, disposent de moyens très au-dessus de la moyenne, et ont de surcroît des pouvoirs directs et indirects supérieurs au français dit « moyen ».
Ce terme d’élite découle d’une sélection qui comprendrait les meilleurs, la « crème » de la société, mais qui les défini comme les meilleurs, comme supérieurs, si ce n’est tous ceux qui ne font pas partie de l’élite.
Dans pratiquement toutes les sociétés, il y a des élites. Maintenant, intégré ce fait, en quoi sont-elles, seraient-elles, utiles, justifiées ; en seraient-elles à éradiquer, en quoi seraient-elles nuisibles ? Reconnaître qu’il y a des gens plus intelligents que moi, plus doués dans divers domaines, c’est reconnaître ma condition humaine, sans pour autant me déprécier.
Nous rejoignons un peu un récent débat sur la démocratie, où nous disions que nous étions co responsables de situations que nous critiquons.
Nous ne réagissons que peu devant la collusion qui s’établit dans un groupe de personnes qu’on nomme ce soir, l’élite, collusion entre une large part de nos élus, des acteurs du monde politique, de la finance, et d’une très large partie des médias.
Il y a là une solidarité de classe qui ne doit pas nous surprendre. Conforter et défendre des acquis de classe c’est de plus, assez logique.
Ayant pouvoir et contre pouvoir, cette classe, l’élite, détient toutes les commandes du pouvoir : économique, médiatique, législatif.
Nous devons être majoritairement pour l’élitisme, puisque élection après élection nous lui laissons le pouvoir. (luis)
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Elite ou Bobo : « Le bobo, comme son nom l’indique, celui-ci n’est pas né de rien, mais du croisement entre l’aspiration bourgeoise à la vie confortable et à l’abandon bohême des exigences du devoir pour les élans du désir, de la durée par l’intensité, des tenues et des postures rigides, enfin, une déconstruction ostentatoire.
Le bobo veut jouer sur deux tableaux ; être pleinement adulte et prolonger son adolescence à n’en plus finir. Cet hybride de notre génération… » (L’identité malheureuse. Alain Finkielkraut. P, 13/14)
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– Figaro : « Parce que vous êtes un grand seigneur vous vous croyez un grand génie, noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier, qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus » (Le mariage de figaro. Beaumarchais. Scène III. Acte V. Scène III)
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Le terme d’élite, a une connotation valorisante quand on veut flatter, vendre. On rencontre même cette expression, sur un site de rencontre sur le Net: Elite Rencontre.fr
« Supposons » écrivait Saint Simon en 1810 « que la France perte subitement ses cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers chimistes, ses cinquante premiers physiologistes, ses cinquante premiers mathématiciens, ses cinquante premiers poètes, ses cinquante premiers peintres…, ses cinquante premiers mécaniciens, ses cinquante premiers ingénieurs.., ses cinquante premiers chirurgiens….., ses cinquante premiers banquiers, ses deux cents premiers négociants, ses six cents premiers agriculteurs…. » Il dut sans doute alors reprendre sa respiration, s’éponger un peu le front, avant de poursuivre ce massacre virtuel jusqu’à son terme logique quelques paragraphes plus bas. « .. il faudrait au moins une génération pour réparer ce malheur [. .. ] Passons à une autre supposition ; Admettons que la France …] ait le malheur de perdre le même jour, Monsieur, frère du roi, Monseigneur le duc d’Angoulême, Monseigneur le duc de Berry, Monseigneur le duc Bourbon, madame la duchesse d’Angoulême…., Tous les ministres, les grands officiers de la couronne, tous les évêques, tous les préfets et sous préfets… » Qu’arriverait-il ? réponse, rien ! Du point de vue politique, économique culturel même, la perte pour le pays serait insignifiante.. Saint Simon ne met pas toutes les élites dans le même sac […..] Ainsi dans la ligne de la parabole de Saint Simon, se profile cette suggestion troublante, si elle était aussi farouchement libéral qu’elle encourage les dominès à le devenir, (élite) l’élite serait presque aimable, et nous aurions besoin d’elle » (Article, « Elites, encore un effort pour être libérales » Alexandre Lacroix. Philosophie magazine, n° 124)
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Dans un texte attribué à Xénophon, qu’on appelle « la Constitution des Athéniens » on peut trouver : « Dans une cité où ce sont les meilleurs qui seuls ont le droit de parler, où ce sont les meilleurs qui donnent leur avis et décident, que se passe t-il ? Les meilleurs cherchent à obtenir – puisque ce sont justement les meilleurs -, des décisions qui soient conformes au bien, à l’intérêt, à l’utilité de la cité. Or ce qui est bon, ce qui est utile pour la cité, est en même temps, par définition, ce qui est bien, ce qui est utile et avantageux pour les meilleurs de la cité. De sorte que, en incitant la cité à prendre des décisions qui sont utiles pour elle, ils ne font que servir leur propre intérêt, leur intérêt égoïste à eux qui sont les meilleurs. Or, dans une démocratie, dans une vraie démocratie comme la démocratie athénienne, que se passe t-il ? On a un régime dans lequel ce ne sont pas les meilleurs, mais les plus nombreux qui prennent les décisions. Et que cherchent-ils ? A ne pas se soumettre à quoi que ce soit. Dans une démocratie, les plus nombreux veulent avant tout être libres, n’être pas esclaves, ne pas servir. Ne pas servir quoi ? Ils ne veulent pas servir les intérêts de la cité ni non plus les intérêts des meilleurs. Ils veulent donc, par eux-mêmes, commander. Ils veulent donc chercher ce qui est utile et bon pour eux, puisque commander c’est quoi ? C’est d’être capable de décider et imposer ce qui est le meilleur pour soi-même. Mais puisque ce sont les plus nombreux, ils ne peuvent pas non plus être les meilleurs, puisque les meilleurs sont par définition, les plus rares. Par conséquent étant les plus nombreux ils ne sont pas les meilleurs, et n’étant pas les meilleurs ils sont les plus mauvais. Ils vont donc rechercher eux qui sont les plus mauvais, ce qui est bon pour qui ? Pour les plus mauvais de la cité. Or, ce qui est mauvais pour ceux qui sont mauvais dans la cité, c’est aussi ce qui est mauvais pour la cité. De là l’auteur on peut conclure que, dans une cité comme celle-là, il faut bien que la parole soit donnée à tout le monde, aux plus nombreux, donc aux plus mauvais.
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Introduction, débat: « Pour, ou, contre l’élitisme? » Sommes nous en train de vivre « le crépuscule des élites? », comme l’écrit Nietzsche Dans le « Crépuscule des Idoles » où il se propose de démasquer les idoles, c’est-à-dire les faux dieux Dans « L’idéologie allemande » Marx écrit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience…. » Les débats pendant le premier tour de la campagne présidentielle (2017) ont souligné que les idées défendues par les élus politiques sont soit: au service de leurs intérêts particuliers, ce fut la dénonciation des « affaires », soit: soumises à leur appartenance sociale, ce fut la dénonciation des élus qui prétendent penser et décider au nom de l’intérêt général, mais qui, de fait, pensent et agissent en tant que dominants, la France d’en haut, celle des élites technocrates issus des grandes écoles et celle des ploutocrates, des riches, des milieux d’affaires et de leurs supports financiers. Est révélatrice une remarque trouvée sur les réseaux social, « Pour les apparatchiks en place, laisser le peuple décider est une chose terrible ». Et le soir des résultats du premier tour les deux gagnants se sont affichés l’une comme la candidate des délaissés, et du peuple, l’autre comme celui des élites et des potentiellement riches (que nous pouvons tous devenir)
Cette opposition est-elle acceptable ? Pour être favorable à la démocratie faut-il être contre l’élitisme? Ce terme est lié aux travaux de penseurs, philosophes et sociologues des 19ème et 20ème siècles, de L’Elite théorie (Pareto, Mosca, Mills, Mair,Vattimo …) « Il s’agit d’un terme utilisé en sociologie pour désigner une minorité digne d’être choisie. L’idée d’élite politique tend donc à coïncider avec l’idée d’une minorité politique dirigeante exerçant le commandement grâce aux circonstances, à sa richesse, à ses titres, ou à ses diplômes ».
Est-il possible d’éviter que l’élite politique en cache une autre, l’élite socioéconomique ? Et aussi y a t-il d’autres élites ?
Pour qu’il y ait un gouvernement juste, il faut qu’une élite de la pensée, de la réflexion se substitue à ceux qui défendent leurs intérêts particuliers.
Mais une élite de la pensée, d’abord comment la trouver ? Et ensuite faut-il absolument qu’il y ait une élite qui nous gouverne ?
Toutes les réflexions de philosophie politique tournent autour de cette difficulté: comment savoir qui est légitime à gouverner ? Qui élire ? Dans une société hiérarchisée la question ne se pose pas. Il y a les élites de naissance ou les élites de richesse.,ou l’élite de genre. Mais dans une société qui a aboli les privilèges et dont le postulat est que les humains sont égaux en droits peut-on même parler d’élite? Ne faut-il pas être contre l’élitisme ? N’y a t-il pas contradiction entre vouloir le partage et reconnaître des élites? La pensée démocratique, égalitaire, est évidemment détournée de l’élitisme politique……..
La question « pour ou contre l’élitisme ? » se pose aussi dans notre vie quotidienne: selon quels critères l’un est reconnu comme meilleur que l’autre ? et qu’est ce qui légitime que les meilleurs occupent une place supérieure dans la société
Avec notre idéologie égalitaire et libérale dominante, l’élitisme est dénoncé comme réactionnaire (retourner à la société hiérarchique de l’Ancien Régime) et, comme l’acceptation de la domination des uns sur les autres. Cela est particulièrement affirmé en ce qui concerne l’Ecole en France qui se veut, depuis Jules Ferry, (1880) méritocratique (permettre aux meilleurs, à ceux qui le méritent, d’être les élites de la nation). Le sociologue Pierre Bourdieu a frappé fort avec ses premiers ouvrages « Les Héritiers », « La reproduction » qui analysent le fonctionnement de l’Ecole (de la maternelle à l’Université) pour montrer, sur la base d’enquêtes, qu’elle n’est pas l’instrument démocratique d’ascenseur social qu’elle prétend être, qu’il y a là une mystification dont les enseignants sont victimes « La mystification pédagogique », et les parents et les élèves aussi (mystification idéologique). L’école républicaine (les mêmes examens pour tous, les mêmes programmes, les mêmes règles de comportement) prétend permettre à tous les enfants (différents par leurs situations sociales) d’accéder aux mêmes connaissances, et de sélectionner les meilleurs et d’aider les plus méritants : bourses d’aide, tableaux d’honneur. Or les statistiques (8% d’enfants d’ouvriers à l’Université en 1964) montrent que l’élitisme républicain est formel, qu’il laisse jouer l’héritage culturel (l’aisance à s’exprimer à l’oral, les références culturelles et l’exigence de rigueur logique acquises en famille), qu’il reproduit les inégalités sociales qui sont d’abord culturelles, tout en prétendant les réduire.. (Edith Deléage-Perstunski, professeure de philosophie))