Envie

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Monomane de l’envie. Théodore Géricault. 1820. Musée des Beaux Arts de Lyon.

Le Grand Robert de la langue française :

Désir de jouir d’un avantage, d’un plaisir égal à celui d’autrui.

Sentiment de tristesse, d’irritation et de haine contre qui possède un bien que l’on n’a pas.

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. Puf ; L’envie et la jalousie sont des émotions très communes, mais la distinction entre les deux termes n’est pas toujours clairement établie…L’envie et la     jalousie sont comparables dans la mesure où elles supposent toutes les deux de la part du sujet le désir d’une chose qui lui importe beaucoup.

Néanmoins dans l’envie, ce désir porte sur ce qu’on ne possède pas, alors que dans la jalousie il porte sur ce que l’on craint de perdre.. (Voir article)

Dictionnaire Littré : Envie : vient du latin, invidia, le verbe invidere est formé de in, sur,et de vider, voir : porter le regard sur, comme font les envieux.

Chagrin et haine qu’on ressent du bonheur, des succès, des avantages d’autrui. Désir de jouir d’un avantage pareil à celui d’autrui.

Dictionnaire des synonymes Webster : L’envie peut impliquer le désir lancinant et souvent malveillant de priver son prochain de ce qui lui apporte des satisfactions ; ou le plaisir malsain que l’on éprouve s’il en est dépossédé ou s’il le perd. On fait souvent de ce mot, un synonyme de « convoitise ».

Synonymes : Appétence. Besoin. Convoitise. Démangeaison. . Inclination. Jalousie. Faim. Fringale.

Contraires : Indifférence. Inappétence. Détachement. Mépris. Dégoût. Satiété. Sobriété

Par analogie : Achat compulsif. Accoutumance. Appétit. Consommation. Concupiscence. Cupidité. Démangeaison. Démon. Désir. Espoir. Emulation. Libido. Lorgner. Moteur d’action. Passion. Péché capital. Perversité. Plaisir. Publicité. Serpent. Soif. Souffrance. Tocade. Venin.

Expressions: Crever d’envie. Être dévoré d’envie. Êre rongé d’envie. Pâlir d’envie. Mourir d’envie.

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« Quand j’entends du Wagner j’ai envie d’envahir la Pologne » (Woody Allen)

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 « Partout où je trouve l’envie, je me fais un plaisir de la désespérer, je loue toujours devant un envieux ceux qui le font pâtir.., Quelle lâcheté de se sentir découragé  du bonheur des autres et d’être accablé de leur fortune » (Montesquieu. Pensées diverses. Variétés)

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« On attribue à l’envie comme à l’amour, le pouvoir d’ensorceler les hommes. L’envie naît de l’amour-propre, qui nous porte à nous estimer plus que les autres. Celui qui n’a aucune vertu, porte toujours envie à celle des autres. L’esprit de l’homme se nourrit du bon qui est en lui ou du mal qui est en autrui. Les personnes difformes et les vieillards sont sujets à l’envie. Celui qui ne peut remédier à son état fait ordinairement de son mieux pour avilir celui des autres.[…..] Ceux qui, par légèreté ou par vaine ostentation se piquent d’exceller en plusieurs choses, sont ordinairement envieux. Ils craignent que quelqu’un ne les surpasse en l’une des choses qu’ils affectent de savoir. En un mot, l’envie est la plus importune et la plus constante des passions. Elle est sans repos ; elle travaille toujours en secret et dans l’obscurité. C’est la plus basse  et la plus indigne des passions » (Francis Bacon)

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Introduction au débat, « De l’envie et de la jalousie »
…… Quant à l’envie, elle est sentiment, comme ressentiment ; c’est une médaille à deux faces : mauvaise amie, mauvaise conseillère, ou bonne amie, bonne conseillère, sentiment positif lorsqu’elle stimule, quand elle est désir, soit le propre de l’humain. Elle est alors, moteur avec l’espoir de gratitude ; elle est moteur d’apprentissage chez l’adulte comme chez l’enfant ; elle peut parfois nous aider à nous dépasser, quand, suivant l’expression, on meurt d’envie ; elle peut être admirative. Mais elle peut être négative, ressentiment, lorsqu’elle est justement synonyme de jalousie, et ceci particulièrement lorsqu’on utilise son adjectif, envieux, c’est-à-dire lorsqu’un individu est, suivant les expressions : rongé d’envie, dévoré d’envie, jusqu’à crever d’envie, et qu’elle n’est que convoitise. Elle peut devenir souffrance, et, parfois, elle finit par isoler l’envieux, l’envieuse, le jaloux, la jalouse
a philosophie classe l’envie dans les sentiments positifs ou négatifs.  La religion, elle, l’a longtemps présentée sous son seul aspect négatif de péché capital. Mais, nous ne devons jamais oublier que le sens des mots évolue avec le temps. Avant l’acception moderne, elle fut chez Ronsard (Discours sur l’Envie) « le plus méchant et le plus vilain vice de tous, […] douleur et tristesse procédant d’un lâche courage et d’une abjecte pusillanimité de l’âme» Chez Descartes (Les passions de l’âme), elle tout aussi maltraitée : « Une perversité de nature qui fait que certaines gens se fâchent du bien qu’ils voient arriver aux autres hommes. »
Comme nous sommes tous sujets à l’envie, elle peut aussi être un moteur économique. 
Alors, la jalousie et l’envie, ces états affectifs,  sont-elles des démons qui sont en chacun de nous ? Pouvons-nous les canaliser, dominer ces démons, les maîtriser, pour que l’envie et la jalousie  nous servent sans nuire aux autres? (Luis)

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 « Ce livre vient de loin. Peut-être faut-il aller chercher une de ses racines dans la cour du lycée Jules Ferry, à Tunis, au milieu des années cinquante. Sois l’antique préau, à la récréation, les clivages nationaux ou communautaires ne baissaient pas la garde devant l’apparent œcuménisme des camaraderies enfantines. Il y avait les Tunisiennes, arabes ou juives presque confondues en face des « Françaises », cette entité globale dont l’homogénéité transcendait les amitiés particulières qu’on pouvait nouer avec une de ses parties.
 Car les Françaises nous écrasaient de leur mépris. Sans nous accommoder de leur arrogance, nous ne doutions pas, nous-mêmes de leur supériorité. Elles étaient blondes d’abord, avec des cheveux longs et raides dont elles pouvaient rejeter les mèches en arrière d’un geste élégant de la tête. Devant cette vision de nature proprement angélique, la contemplation masochiste des touffes noires et frisées garnissant notre crâne nous était un inépuisable sujet de douleur.
Ensuite, elles faisaient leur communion. En costume de petites mariées, avec traîne et voile de tulle, missel à la main et distribuant autour d’elles des images pieuses, elles venaient en grande pompe dans la classe saluer leur maîtresse avec une modestie triomphante, et recevaient d’elles des congratulations qui nous brisaient le cœur.
Qui d’entre-nous, musulmanes et juives partageant une fois de plus les mêmes ténèbres, n’a rêvé au moins une fois dans son enfance d’être catholique pour pouvoir être admise dans cette féerie ?   (L’occident et les autre » Histoire d’une suprématie. De Sophie Bessis)

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Personne n’est content de son lot, quand il jette les yeux sur les avantages d’autrui, combien de gens deviennent jaloux… Nous ne voyons pas quelle foule nous avons derrière nous pour nous envier » (Sénèque)

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Quelques lignes traduites d’une chanson espagnole (Envidia) créée par le cubain Antonio Machin en 1936 (paroles : Hermanos Garcia Segura).

Envidia

J’ai envie des vallées

J’ai envie des rivières

J’ai envie des rues

Que tu as parcourues sans moi

J’ai envie des roses de ton jardin

J’ai envie de ce mouchoir qui a séché  tes larmes

Parce que tout cela fut près de toi

Et toute cette envie n’est que mon amour

is)

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L’envie c’est le graal de la publicité : trouver comment créer l’envie qui entraîne l’achat qui sera gratitude de l’ego. L’envie participe à cette nouvelle divinité, « la croissance ». Imaginez que le peuple n’ait plus envie de se mettre les chaînes des sociétés de crédits ; que les gens n’aient plus envie de s’endetter au-delà de ce qu’ils disposent réellement, alors, la bulle explose. Chaque jour le message est : enviez, désirez, convoitez, consommez, et, dans le prix, vous paierez même pour avoir envie !  La pub est en echo avec la chanson qui « dit, donnez-moi l’envie d’avoir d’avoir envie » (Luis)

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«  Le regard tordu de l’envie illustre un thème archétypal, très ancien ; l’idée que les yeux peuvent irradier un enchantement potentiellement destructeur… l’œil qui regarde mal, le regard qui lance un sortilège, se retrouve dans des expressions.., traduisibles en général par « le mauvais œil » ; parfois, il suffit de parler de « l’œil »  tout court pour pouvoir sous entendre le pouvoir maléfique de l’œil. En grec, par exemple, cette malédiction oculaire porte le nom de «  matiasma » ; en hébreu « ahyn ha’ra » signifie littéralement « mauvais œil », en arabe, « ain al hasoud » « l’envie de l’œil »…., en espagnol « echar mal del ojo » correspond exactement à la locution verbale italienne, «  lanciare el malocchio ». (Llara Gaspari. Petit manuel à l’intention des grands émotifs. PUF 2022)

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