Espoir, Espérance

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Pandore. John William Waterhouse. 1896. Collection privée.

Le Grand Robert de la Langue Française : « Espérer est considérer ce que l’on désire comme devant se réaliser », ce qui nous montre combien croyance et espérance sont proches. Espérer, c’est aimer à croire.  L’espoir, l’espérance sont au -delà  du souhait qui est plus réaliste. Le réaliste se dit qu’il a des chances d’obtenir de qu’il désire, ce qu’il souhaite, il mesure ses chances, il agit, il met tout en œuvre pour réaliser son souhait, il est tout à fait dans la philosophie existentialiste. Qui dit que « l’homme est un projet » que « nous sommes les choix que nous avons fait »

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : L’espérance, une certaine espèce de désir : c’est un désir qui porte sur qu’on a pas, ou qui n’est pas (espérer c’est désirer sans jouir) don ton ignore s’il est ou s’il sera satisfait (espérer c’est désirer sans pouvoir) …

Trésor de la langue Française : Disposition de l’âme qui porte l’homme à considérer dans l’avenir un bien important qu’il désire et qu’il croit pouvoir se réaliser.
Sentiment qui porte spécialement sur l’obtention d’un objet déterminé, sur la réalisation de quelque chose dans un avenir plus ou moins proche, raison que l’on a d’espérer.

Synonymes : Attende. Désir. Espérance. Espoir. Voile de Maya.

Contraires : Crainte. Déception. Défiance. Désespoir. Inquiétude .Réalisme.

Par analogie : Assurance. Avenir. But.  Chimère. Confiance. Certitude. Conviction. Expectative. Fol espoir. Illusions. Imaginer. Inespéré. Miracle. Mirage. Objectif. Perspective. Projet. Promesse. Réalisation. Rêves. Souhait. Vertu.

Expressions : Contre toute espérance. L’espour fait vivre. Tant qu’il y a de l’espoir, il y a a de la vie. un brin d’espoir.

Espoir : une des trois vertus théologales : 2ème  vertu surnaturelle par laquelle les croyants attendent de Dieu avec confiance la grâce en ce monde, et la gloire éternelle dans l’autre« 

« Le plus gros reproche que Zeus fera à Prométhée, c’est d’avoir suscité lespérance chez les hommes »

Prométhée. – Oui, j’ai mis fin aux terreurs que la vue de la mort cause aux mortels.

Le Coryphée – Quel remède as-tu trouvé à ce mal ?

Prométhée – J’ai logé en eux d’aveugles espérances.  (Eschyle. Théâtre complet)

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« Mais il espérait encore. Rien de plus têtu, rien de plus tenace que l’espoir, surtout s’il est infondé, l’espoir est un chiendent » (Lydie Salvayre. Pas pleurer)

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« Le trésor le plus précieux de l’homme est cette espérance qui nous adoucit nos chagrins, et qui nous peint des plaisirs futurs dans la possession des plaisirs présents. Si les hommes étaient assez malheureux pour ne s’occuper que du présent, on ne sèmerait point, on ne bâtirait point, on ne pourvoirait à rien : on manquerait de tout au milieu de cette fausse jouissance ». (Voltaire. Lettres  philosophique n° 25. § XXII)     

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 « Il faut oser donner l’espoir à l’initiative l’idéal

qui l’oriente et le stimule ».

« Comme toi j’ai senti s’écrouler mes chimères

j’ai brisé de l’espoir l’édifice enchanté »

(Extrait de « Petite omelette poétique » E.M. Monniot. 1871 – BNF)

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Toujours trop d’espoir devant soi.

Et trop de déception derrière soi.

La vie est ce long ruban

Qui se déroule sans temps mort

Et dans un mouvement souple

Qui alterne entre espoir et déception.

(Extrait de l’énigme du retour. Dany Laferrière. Grasset. 2009)

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« L’espérance est une disposition de l’âme à se persuader que ce quelle désire adviendra » (Descartes. Traité des passions. Troisième partie. Art. 165)

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Faire vivre.

Ils étaient quelques uns qui vivaient dans la nuit.

Ils étaient quelques uns qui aimaient la forêt.

Ils joignaient dans leur cœur, le souffle mesuré,

à ce rien d’ambition de la vie naturelle

qui grandit dans l’été comme un été plus fort.

Ils joignaient dans leur cœur, l’espoir du temps qui vient,

Et qui salue, même de loin, un autre temps,

à des amours plus obstinées que le désert.

Ils duraient, ils savaient que la vie perpétue.

Et leurs besoins obscurs engendraient la clarté.

Ils étaient quelques uns,

ils firent foule soudain,

ceci est de tous les temps.

Paul Eluard. 1942.  

                                *                                  

L’espérance serait la plus grande des forces humaines, si le désespoir n’existait pas » (Victor Hugo. 93)

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« Quand même vos espérances auraient été trompées non seulement sept fois, mais septente fois sept fois, ne perdez jamais l’espoir »  (De Lammenais. Paroles d’un croyant)

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« Le désespoir est mobilisateur »  disait Balavoine dans une émission à François Mitterrand.

L’espérance, folle idée ou consolation

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui

Nous apportera-t-il un semblant d’espérance

L’espérance est le fil qui nous lie à l’enfance

Le filet qui retient les rêves éconduits

Et sur le mur blafard j’ai étalé l’enduit

Où j’ai peints des projets, de nouvelles expériences

L’espérance, un tiroir où ranger sans méfiance

Les projets qui attendent en vain leur sauf-conduit

Sœur Anne, ma sœur, ah ! Ne vois-tu rien venir

Je m’appelle Zangra et je suis capitaine

L’espérance est mirage, l’espérance est soupir

L’espérance est un cri, l‘espérance est fontaine

Jouvence peut-être, mais Léthé sûrement

Le fleuve de l’oubli qui charrie des diamants

La vénale, allumeuse et la folle espérance

Soudoya en lousdé un vrai faux passeport

C’est ‘ivresse absolue au cabaret du port

Les rêves frelatés de notre intempérance

Et les éclairs vibrants de mon irrévérence

On détruit tous les câbles emmêlés dans le port

Le visa délivré du vrai faux passeport

Sans crier gare à fui, tiré sa révérence

Et j’ai tourné en vain mon âme en déshérence

J’ai montré à la chance un vrai faux passeport

Elle m’a séquestré dans le bordel du port

Pour étudier les hommes et leur incohérence

Est l’espoir, dans le noir, ronflait lui comme un loir

Le soir était tombé sur son indifférence

Les promesses oubliées malgré la fulgurance

D’un rêve qui s’écrase aux pieds de l’avaloir

Dans les dédales du temps, au bout d’un long couloir

J’ai découvert la boite ouverte de l’enfance

Empêtrée dans un fil il restait l’espérance

Un fil d’araignée, lueur du soir, espoir

J’ai vaincu la chimère au fond de mon boudoir

Calculé l’espérance avec l’équidistance

Dispersé un nuage, annulé l’espérance

J’ai marché pas à pas un peu comme un jaguar

Sur l’imagination, droite de régression

Sans une corrélation en suivant la passion

Florence Desvergnes

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Introduction au débat : L’espérance, folle idée, ou consolation?
(Je vais tenter de soutenir en trois interventions que l’espérance est une folle idée).
Si l’espoir est le fait d’espérer, l’objet d’un désir, l’espérance c’est le chemin sur lequel on s’engage pour aller vers le but espéré ; c’est surtout quand on espère un peu longtemps que l’espoir devient espérance.
Les auteurs grecs Homère et Hésiode ont considéré l’espérance comme une attente rationnelle de l’à-venir, connaissance fiable du futur ; pour d’autres, d’après eux,  ce serait plus une attente confiante, une presque certitude de la réalisation d’un souhait ; c’est une option résolument optimiste. C’est plus tard, avec les théologiens, les Pères de l’Eglise,  qu’elle deviendra une vertu liée à la croyance. 
Alors, ou bien l’espoir et l’espérance sont le principe, processus naturel, un moteur qui va permettre d’aller vers la réalisation de nos désirs, voire les plus fous,  ou, ils ne sont qu’une consolation, « le songe d’un homme éveillé», une simple « béquille » à la triste réalité ? Le mythe de Pandore nous dit comment l’espérance nous fut donnée. Et, n’y a-t-il pas plusieurs façons d’interpréter le mythe ? « Pandore céda à la curiosité et ouvrit la boîte, libérant ainsi les maux qui y étaient contenus. Elle voulut refermer la boîte pour les retenir… trop tard ! Seule l’Espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée » ; nous entendons que la boîte contenait les maux, ainsi l’espérance était un des maux parmi les autres.
L’espérance qui dure peut créer la désespérance, c’est ce que nous retrouvons dans la langue espagnole ou « espérer » et « attendre » s’exprime avec le même mot, ce qui fait : « de tanto esperar, y tanto esperar, me despero » (De tant espérer, et de tant attendre, je me désespère). « Quelle belle langue que celle qui confond l’attente et l’espoir »  (André Gide. Journal) (Luis)

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« Tout ce qu’il a obtenu ce sont des promesses, ce qu’on appelle des espérances, mot qui m’a bien l’air d’être fait pour les dupes »  (Georges Sans. Correspondances)

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     Dans la Critique de la raison pure, Kant nous parle de « la colombe qui vole vers les cieux », laquelle vole toujours plus vite, toujours plus haut, pensant que lorsqu’elle aura atteint le vide, hors de l’atmosphère, il n’y aura plus de limite à la vitesse de son vol (espérance folle). Mais dans l’air, sans sa densité, la colombe ne vole pas. Et c’est ça qu’il veut nous dire Kant ; si l’espoir et l’espérance sont porteurs, s’ils  peuvent exister, constituer un idéal, un but, cela ne peut supprimer la réalité présente ! Donc, Kant nous rappelle que nous ne devons nous méfier de l’espoir et des sentiers aventureux de l’espérance qui nous entraînent dans des constructions oniriques, irréalistes, dans  le rêve éveillé.  C’est ennuyeux à dire, mais la réalité a des semelles de plomb !C’est-à-dire qu’à trop s’écarter de ce que vivons, de ce qui est, nous pouvons oublier de vivre le jour « ici et maintenant » ; nous pouvons donner crédit à des projets, des idéologies dont on ne connait pas les aboutissements. « Quand un espoir ment, il en tue cent » ! On risque, c’est toujours Kant qui parle, d’être « intoxiqué d’avenir par abus de l’espoir ». « Il n’y a pas d’espoir sans crainte,  ni de crainte sans espoir » «… et il faut nous libérer de la dépendance de l’espoir ». Donc, revenant à la question initiale, pouvons-nous  dire que dire l’espoir et l’espérance sont rationnels. Ou alors, que nous ne sommes que dans un désir, une espérance, un « vivre à crédit », « le cadeau Bonux », faible compensation de la réalité. Nous avons tellement besoin de croire que nous guettons, que nous interprétons et nous accrochons au moindre signe, à tout ce qui pourrait être promesse « Et l’espoir malgré moi s’est glissé dans mon cœur », avoue Phèdre (acte III) ; cette espérance n’est alors que suggestion et volonté du « croire » ; c’est nourrir des espoirs et nourrir des chimères. Enfin, sans être aussi pessimiste que les Stoïciens qui nous disent que l’on cesse de craindre, si l’on cesse d’espérer, je dirai que l’espoir et son attente, « l’espérance », ne sont pas porteurs ; ils ne seront, ils n’existeront  que par notre volonté ; nous sommes les seuls porteurs. Si, comme l’a dit Sartre, « l’homme est un projet », c’est nous qui, en premier lieu, portons ce projet : « L’avenir ce n’est pas ce qui va arriver, c’est ce que nous allons  faire »  (Gaston Bachelard).    (Luis)

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« Sans l’espérance on ne trouvera pas l’inespéré »  (Héraclite)

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   Il est des espérances rationnelles, il en est d’irrationnelles. Voltaire nous vante les premières : « Le trésor le plus précieux de l’homme est cette espérance qui nous adoucit nos chagrins et qui nous peint des plaisirs futurs dans la possession des plaisirs présents. Si les hommes étaient assez malheureux pour ne s’occuper que du présent, on ne sèmerait point, on ne bâtirait point, on ne pourvoirait à rien : on manquerait de tout au milieu de cette fausse jouissance ». (Voltaire. Lettres  philosophiques n° 25. § XXII)

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   Parfois, l’espoir est là, avec son couloir, l’espérance. Elle s’incruste contre vents et marée, c’est l’écran, le voile de Maya qu’on met devant pour ne pas voir, pour ne pas affronter la réalité. « On est, et on demeure esclave aussi longtemps que l’on n’est pas guéri de la manie d’espérer » (Cioran).
  L’espérance est liée au désir, désir qui s’installe à l’affût, tellement présent qu’il finit par se confondre avec un devenir évident, il nous abuse, il peut nous montrer une voie qui nous égare. Elle est fruit du désir et le désir est un maître insatiable, nous dit Schopenhauer. La réalisation de nos espérances ne se joue pas seulement à la roue de la fortune, « aide-toi, et le ciel t’aidera ».
 L’espérancepeut être le chemin du vouloir, où, comme les enfants, nous nous avançons les mains tenduesTout ce qui s’est fait de grand, tout ce qui a fait progresser notre humanité, n’était au départ que dans le champ des possibles, des possibles que les individus n’imaginaient même pas. Il aura fallu des porteurs d’espoirs ; c’était, en d’autres lieux, par exemple, Gandhi, ou encore Angela Davis…, pour qu’avec eux, d’autres se disent : oui, nous pouvons le faire. Ce fut un slogan politique « Yes, we can ! » Mais je préfère « Yes, we must ! » (Oui, nous devons le faire !)…
  Le rôle de la philosophie est de nous mettre en garde contre les impasses de l’espoir, mais pas de tuer l’espérance. C’est nous rappeler que le moteur d’espoir pour réaliser nos espérances,  c’est notre volonté, ce vouloir que nous devons plier à la raison, laquelle seule peut transformer, nous dit Albert Jacquard, les « à quoi bon ! » d’aujourd’hui en « pourquoi pas ! ». Le temps passe, le temps fuit  à « attendre le messie », nous disent le poète et le chanteur, « n’attendez pas à demain »: « Un jour ta vie sera passée / personne ne viendra, jamais, jamais ! / T’auras attendu ma belle, / Pour des reines-claudes et des mirabelles. » (Alain Souchon)  (Luis)

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C’est l’espérance folle
Qui nous console
De tomber du nid
Et qui demain prépare
Pour nos guitares
D’autres harmonies

C’est l’espérance folle
Qui carambole
Et tombe du temps
Je vois dans chaque pierre
Cette lumière
De nos coeurs battants
C’est l’espérance folle
Qui danse et vole
Au dessus des toits
Des maisons et des places
La terre est basse
Je vole avec toi

Tout est gagné d’avance
Je recommence
Je grimpe pieds nus
Au sommet des montagnes
Mâts de cocagne

*


Vivre sans espoir n’est pas vivre. « Un monde sans espoir est irrespirable » (Malraux)  Aujourd’hui on veut parfois nous faire  accroire qu’il n’y aurait pas d’autre voie que celle où la société s’est engagée, que la croissance exponentielle, la consommation exponentielle est le seul chemin. Qu’il nous faut accepter le monde tel qu’il est, que notre vertu première n’est que de bien jouer le rôle qui nous dévolu par l’ordre des choses.   Mais il reste des milliers et des millions d’individus qui croient, qui veulent croire qu’ils doivent participer et  faire eux-mêmes leur histoire, que c’est eux le peuple qui reste moteur de l’histoire, qu’une autre société est possible, avec l’espoir de sauver notre environnement. Ils veulent leur liberté de croire, d’espérer, et ne pas se taire. Ne pas se taire c’est la faute à Voltaire, croire en un monde plus beau, c’est la faute à Rousseau ! Tout ce qui fait de grand, Toute ce qui nous a fait progresser dans notre humanité, n’était au départ que dans le champ des possibles, des possibles que les individus n’imaginaient même pas. Il aura fallu des porteurs d’espoirs, c’était en d’autres lieux par exemple Gandhi, ou encore Angela Davis… pour qu’avec eux d’autres se disent : oui nous pouvons le faire, oui nous devons le faire…le rôle de la philosophie est nous mettre en garde contre les impasses de l’espoir, mais pas de tuer l’espoir. C’est nous rappeler que le moteur d’espoir  c’est notre volonté, qui seule peut transformer, nous dit Albert Jacquard : les « à quoi bon » d’aujourd’hui en « pourquoi pas ! » (Luis)

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