Faiblesse

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Le chêne et le roseau; Jean de la Fontainre. Illustration d’Auguste Vimar. 1897.

Le Grand Robert de la langue Française : Manque de force, de vigueur. Faiblesse de constitution. Manque de résistance, de solidité.
État d’un être sans défense, désarmé.
Le fait de céder à une passion

Trésor de la langue française : Manque de force, de vigueur physique ; manque de volonté ou de fermeté, incapacité de soutenir l’adversité, ou de résister à la passion.

Synonymes : Anémie. Débilité. Déficience. Épuisement. Fatigue. Fragilité.

Contraires : Détermination. Energie. Fermeté. Force. Résistance. Santé. Solidité. Vigueur. Volonté.

Par analogie : Abattement. Aboulie.  Abus de confiance. Affaiblissement. Anéantissement. Angélisme. Apathie. Collapsus. Déclin. Défaillance. Défaut. Défenses. Dépression. Désarmé. Fatigue. Fragile. Impuissance. Indigence. Infériorité. Infirmité. Indécision. Insuffisance. Lâcheté. Lacune. Malade. Maillon faible. Médiocrité. Pusillanime. Sexe faible. Timidité. Veulerie.

Expressions: Abus de faiblesse. Avoir un faible. Être le maillon faible. Vaincre sa faibless.

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« Des femmes qui s’avance,

en tenant au bout de leurs bras,

des enfants qui lancent des pierres vers les soldats.

C’est perdu d’avance,

des cailloux contre des casques lourds »

(Tout le monde y pense. Francis Cabrel)

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La force des faibles peut être leur nombre et leur détermination, Gulliver le géant avait été immobilisé par des liens petits mais très nombreux.

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 On peut utiliser la faiblesse comme une séduction pour attirer l’autre pour qu’il nous sauve, pour attirer à soi une protection. Le risque c’est une stratégie de manipulation. La faiblesse apparente peut alors être une force. Exp. Dans le monde animal : la perdrix joue à l’oiseau qui tire de l’aile pour éloigner le prédateur des ses petits…avant de s’envoler (Luis)

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Quand la perdrix

Voit ses petits

En danger, et n’ayant qu’une plume nouvelle

Qui ne peut fuir encor par les airs le trépas,

Elle fait la blessée, et va traînant de l’aile,

Attirant le chasseur et le chien sur ses pas

Détourne le danger, sauve ainsi sa famille ;

Et puis quand le chasseur croit que son chien la pille,

Elle lui dit adieu, prend sa  volée, et rit

De l’homme qui, confus, des yeux en vain la suit.

Jean de La Fontaine

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On a souvent attribué aux femmes, au sexe dit faible, cette aptitude à transformer la faiblesse en arme, puisque n’ayant pas la force physique, pas eu toujours de moyens décisionnaires, elles se trouvaient mises en état de faiblesse par rapport aux hommes et elles devaient alors inventer et développer des parades, des stratégies compensatrices.  (Luis)

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 « En ce sens la morale n’est qu’une invention des faibles, qui incapables de triompher des forts sur le terrain de l’affirmation de soi, tentent pourtant de l’emporter dans l’histoire par la promulgation de règles morales flétrissant la vie, les valeurs » (Nietzsche)

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Ghandi filait son propre coton et enseignait aux autres à en faire de même. C’était une façon de lutter contre le monopole britannique. Ces derniers achetaient le coton des Hindous pour le filer en grande Bretagne, confectionné, et vendu ensuite à un prix très élevé, et obtenir ainsi d’énormes bénéfices.

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« Les espèces ne croissent pas en perfection : les faibles ne cessent de l’emporter sur les forts, – pour cette raison qu’ils sont le plus grand nombre, qu’ils sont aussi plus intelligents… Darwin a oublié l’esprit (- ce qui est bien anglais !), les faibles ont plus d’esprit, – On le perd quand on en a plus besoin. Qui a la force se dispense de l’esprit » (Nietzsche)

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« Durant la phase d’évolution qui se situe entre les ancêtres immédiats et l’homme moderne, la faiblesse est donc un avantage, car elle conduit à l’union en face du danger, à la coopération, à l’entraide et au développement corrélatif de l’intelligence. La perte progressive des capacités animales – incluant une diminution de l’acuité des instincts individuels au bénéfice d’une extension indéfinie  des instincts sociaux – est surcompensée par l’accroissement simultané des capacités rationnelles et des qualités sociales. En d’autres termes, s’il faut pour rendre compte de ce qu’est pour Darwin la tendance évolutive de l’animal humain, elle peut se résumer de la manière suivante :

  • Au niveau de l’individu : déficit des capacités corporelles-instinctuelles et surcompensation intellectuelle et affective.
  • Au niveau de la communauté, déficit biologique et surcompensation sociale.
  • Au niveau de l’avantage sélectif : substitution graduelle de l’avantage social et mental à l’avantage biologique. » (L’effet Darwin. Patrick Tort)

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Elle se moquait de la légèreté de ce sexe, dit fort, qu’un seul de ses regards suffisait à soulever, et elle riait de tant de vanité »   (Du domaine des murmures. Carole Martinez)

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« La force du plus fort me fera toujours passer du côté du plus faible » (Châteaubriant)

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« Périssent les faibles et les ratés, premier principe de notre amour des  hommes ».dit   Nietzsche dans l’antéchrist. Cette phrase prise au pied de la lettre peut choquer, mais Nietzche montre là qu’il est choqué, et conscient que la faiblesse intellectuelle, que notre faiblesse  de caractère nous empêchent d’assumer nos choix, nos aspirations. Il nous laisse entendre que la faiblesse de caractère ferait les perdants de la vie. C’est une réaction de Nietzche face à l’emprise de la religion à cette époque sur les esprits faibles, c’est une réponse en contrepoint au texte de Mathieu dans les Evangiles «  Heureux les pauvres en esprit » (Math. V.3) D’où cette invitation à se dépasser, à surpasser nos faiblesses, aller vers « la domination de soi » et devenir un idéal  de l’homme, qu’il nomme le « surhomme » (Luis)

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« Etre humain c’est pardonner aux hommes de n’être que ce qu’ils sont »   (Montaigne)

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La volonté de domination chez ceux qui veulent prendre le pouvoir sur les autres, ou profiter d’eux, repère très vite les faibles, ils vont les manipuler, les mettre à leur service, les considérer en tant que moyen. Cela peut déjà se remarquer chez certains enfants, qui voient la faiblesse et en abusent.
Mais gardons-nous de penser que les faibles sont tous des gentils et tous les autres des méchants. L’angélisme est aussi une faiblesse. L’angélisme c’est la faiblesse de croire en la bonté de toute personne, Shakespeare nous en donne l’illustration avec l’œuvre et le personnage Timon d’Athènes, (Acte II. Scène III) lequel très riche distribue sa richesse à ses amis, jusqu’à se ruiner. Lorsqu’on le met en garde, il réponde : «  Rassure-toi. Si je voulais puiser dans les vases de l’amitié, mettre les cœurs à l’épreuve en empruntant, je disposerais des hommes et de leur fortune …] je suis riche par leur fortune ». »  Il finira ruiné. (Luis)

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Il existe un risque de suffisance du fort et de sa négligence à envisager la capacité de résistance du faible. Exp. : le Chêne et le Roseau où la souplesse est une force et la rigidité une faiblesse. « Celui qui vainc les autres est fort, celui qui vainc sa propre faiblesse est vraiment puissant » (Abdelkader)

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 Nous entendons souvent parler d’abus de faiblesse, de ce qui constitue un délit. On estime qu’il a abus de faiblesse lorsqu’on obtient l’accord d’une personne pour une transaction financière, un engagement intellectuel d’une personne qui n’est pas, ou qui n’est plus en possession de tous ses moyens de jugement. C’est parfois, abuser de la faiblesse de personnes âgées, (on a eu le cas de l’affaire Liliane Bettencourt, on a eu des cas d’abus de faiblesse de sectes).  (Luis)

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« On peut aimer de tout cœur ceux en qui on reconnaît de grands défauts. Il y aurait de l’impertinence à croire que la perfection a seule le droit de nous plaire. Nos faiblesses nous attachent quelquefois les uns aux autres… »  (Vauvenargues. Maximes et réflexions)

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« On a beau couvrir du vain nom de faiblesse les fautes toujours volontaires, jamais femme ne succombe qu’elle n’ait voulu succomber… » (J.ean-Jacques Rousseau. Julie, ou la nouvelle Héloïse. IV, Lettre XIII)

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C’est la faiblesse de l’homme qui le rend sociable ; ce sont nos misères communes qui portent nos cœurs à l’humanité : nous ne lui devrions rien si nous n’étions pas hommes […..] Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nous misères communes nous unissent par affection »  (Jean-Jacques Rousseau. L’Émile)

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   Notre société de compétition entre les individus, avec méritocratie, motivation, performance, tend à: éliminer, marginaliser les plus faibles… C’est un principe naturel de sélection économique et sociale disent des économistes sans vergogne, c’est aussi ce qu’ils nomment le « darwinisme social » ! Ils transmettent des théories sans humanisme, qui rappelle  la théorie de Malthus, lequel s’opposait aux mesures en faveur des pauvres, des faibles, car « ces mesures, disait-il, se retournent contre la société, l’affaiblissent, puisqu’elles permettent aux plus faibles de se reproduire ». Discours, propos condamnables… mais encore aujourd’hui on entend parler de « forces vives » ce qui sous entendrait des forces faibles, méfions-nous de la politique d’élimination du « maillon faible ». (Luis)

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 « C’est la force et la liberté qui font les excellents hommes. La faiblesse et l’esclavage n’ont fait jamais que des méchants. » (Jean-Jacques Rousseau. Rêveries du promeneur solitaire)

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Extrait débat ; « Doit-on craindre la faiblesse ? »
La faiblesse existe sous différentes formes. Elle peut être d’ordre  physique, elle peut être d’ordre psychologique, elle peut être d’ordre économique, ou politique, ou encore social. Il y a faiblesse de caractère, faiblesse d’esprit, faiblesse de cœur. On ne va pas oublier cette expression qui dit que : « La chair est faible » et vous nous direz peut-être s’il faut craindre cette faiblesse. Plus sérieusement, on considère que la faiblesse est une part de notre humanité, de notre condition d’homme ou de femme. Je crois que je me méfierais d’une personne qui pourrait affirmer n’avoir jamais ressenti la faiblesse.
Montrer sa faiblesse peut mettre en danger. Lorsque j’étais enfant, j’ai été élevé un peu « à la dure », avec des expressions comme par exemple : « un garçon, ça ne pleure pas », il faut être fort. Alors, on cache ses faiblesses, on est fort, mais, au fond de soi, restent des faiblesses et des chagrins ravalés. Suivant notre tempérament, on va dépasser, vaincre sa faiblesse pour se sauvegarder, ou alors, de maintes façons, on va être rattrapé, victime de cette faiblesse ; on ne va pas la dépasser et  l’évacuer.
D’autre part, la faiblesse est d’ordre économique et social. Autrement dit, celui qui ne peut pas décider de ses choix de vie dans certains domaines, parce qu’il est économiquement totalement dépendant, est dans un grand état de faiblesse. Cette faiblesse va l’obliger à obéir à des ordres parfois ineptes, accepter des compromis et des situations qui ne lui plaisent pas, avec le risque d’une propre dépréciation de soi.
Revenant au philosophe Alexandre Jollien, il nous donne une approche de la faiblesse pleine d’enseignement avec son livre Eloge de la faiblesse. Après avoir vécu 17 ans en centre spécialisé, il a surmonté une grande partie de ses handicaps pour accéder aux études supérieures, entrer à l’université, devenir un philosophe helléniste reconnu. Il est aujourd’hui marié et père de famille. Dans son livre, il dit à la page 53 : « Il ne faut pas fuir le handicap. Regarde le mien, il faudrait que je sorte dans la rue, emballé dans un sac poubelle ! Très vite, j’eus l’intuition qu’en fuyant le handicap, on s’isole. […] Pour ce faire, la connaissance de ses faiblesses me semble primordiale… » Alexandre Jollien nous dit que nous n’avons pas l’obligation d’être des héros, d’être des champions : « J’ai abandonné l’idée d’être Maradona. »
Par ailleurs, la faiblesse peut être transformée en force. Dans La filiation de l’homme, Darwin nous dit que, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas toujours les plus forts qui se perpétuent. La faiblesse fut un avantage, car la société des plus faibles aiguisait l’instinct de sympathie et la nécessité de s’entraider, et de là résister et procréer. Il se peut que Neandertal n’ait pas eu cette aptitude à la l’empathie, à la solidarité, et que c’est Homo sapiens qui, moins individualiste et avec sa faiblesse, a gagné la « bataille » biologique. (Message politique ?) (Luis)

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« La force de ceux qui gouvernent n’est réellement que la faiblesse de ceux qui se laissent gouverner.  (Paul Raynal)

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On l’a souvent rappelé, nul n’échappe à la faiblesse ; pour cela, je la crains, je la redoute.
Je redoute la faiblesse qu’apporte la vieillesse, la dépendance qui fait que nombre de décisions pour nous-mêmes nous échappent (je ne me voile pas la face) et que l’on peut être la victime « d’abus de faiblesse ». Bien sûr, avec la vieillesse, nous retournons à un état de faiblesse et de dépendance que nous avons déjà vécu en bas âge, mais le bébé n’est pas faible, car il est protégé par la présence, la force, l’amour des parents.
J ’ai longtemps redouté la faiblesse de ma timidité. Combien d’années faut-il à un timide pour oser s’exprimer devant un groupe qu’il ne connaît pas ou dont il craint le jugement. Cette timidité est un redoutable handicap. Combien de fois une idée que je n’osais pas, par timidité, exposer en réunion, fut reprise au profit de celui à qui je m’en étais ouvert.  Je redoute la faiblesse des hommes qui par un désintérêt de l’autre, par individualisme, vont accepter d’être soumis, gouvernés contre leur volonté, contre leur intérêt commun. Ceux-là même, en « moutons de Panurge », peuvent épouser l’idée dominante jusque dans des folies inhumaines..
Je redoute la faiblesse dans lesquels nous entraînent les accidents de la vie. Si la philosophie, disons-nous souvent, c’est « construire son projet de vie », comment le faire lorsque la vie vous a donné des grandes claques, qu’elle vous a tellement démoli qu’on n’arrive plus à se reconstruire soi-même ?
Et enfin, pour anecdote, la faiblesse est presque parfois marquée du sceau de la honte, et ridiculisée. Nous avons tous vu au moins une fois cette émission qui s’appelait Le maillon faible*, cette compétition où celui qui était éliminé avait droit à des commentaires les plus  désobligeants, redoutables, comme : « Qui a le cerveau de Rintintin et néglige de s’en servir ? » * (Jeu télévisé sur TF 1 de 2001 à 2007)   (Luis)  

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Alceste sait et entend dire que Célimène accorde ses faveurs à d’autres que lui dit

Mais avec tout cela, quoi que je puisse faire ;

Je confesse mon faible, elle a l’art de me plair ,

en dépit qu’on en dit, elle se fait aimer

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