Guerre

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La guerre. Arbnold Böking. 1896. Neue Meister. Dresde.

Le Grand Robert de la Langue française : Lutte armée entre groupes sociaux, et, entre États considéré comme un phénomène social et historique.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : …. Cela qui distingue la guerre de la bataille,  suggère assez que la guerre entre les États, est la disposition première, la guerre est donnée, la paix, il faut la faire. C’est ce qui donne raison aux pacifiques, sans donner tord aux militaires.

Encyclopédie de la philosophie, Pochothèque : Conflit armé entre États ou entre factions  d’u même Étrat (guerre civile) . Sur le plan étymologique, on trouve trois arcines pour signifier l’idée de la guerre. La racine grecque, « polemos », qui se retrouve par exemple dans le terme, polémique. La racine latine, « bellum » qui se retrouve dans des termes comme, belligérant, belliqueux, belliciste, et enfin, la racine « Werra », du vieux germanique, et qui a donné en français, le mot, guerre, et en allemand, celui de « Wehr », en encore en anglais, « war ».

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale : Un analyse de la guerre peut trouver son point de départ dans la caractérisation bien connue qu’en donne Rousseau, «  La guerre n’est donc point une relation d’homme à homme, mais une relation d’Etat à État… ». (Du contrat social). Pourtant les guerres ont existé bien avant les Etats. La célèbre définition de Clauzewitz, «  Le guerre est un acte de force/violence par lequel nous forçons l’ennemi à agir selon notre volonté »

Synonymes: Conflit. Fléau. Lutte.

Contraires : Entente. Pacifisme. Paix. Sérénité.

Par analogie : Adversaire. Alliés. Armement. Armistice. Attaque.  Bataille. Cataclysme. Combat. Conflit. Croisafe. Défaite. Déserteur.  Ennemi. Ethnocide. Génocide. Guerre civile. Guerre en dentelles. Guerre froide. Guerre sainte. Guérilla. Guerroyer. Hostilités. Militaire. Mercenairs. Mobilisation. Occupation. Partisans. Résistants. Révolte. Révolution. Soldats. Stratégie. Tactique. Traité. Trêve. Ultimatum. Va-t-en guerre. Victimes. Victoire.

Expressions: C’est de de bonne guerre. De guerre lasse. La der des der. Si vis pacem para bellum.

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« La seconde guerre mondiale, qui nécessitait une mobilisation totale, a aidé l’Amérique à sortir de la grande dépression. » (Joseph. E. Stiglitz. Prix Nobel d’économie, Conseiller de Bill Clinton.) Cela nous rappelle la levée de la grande croisade par Pierre l’Ermite, alors que la France connaît une de ses plus grandes famines, et que le pays ne peut nourrir toute la population.

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« La guerra sembrendo aquí y allá la negra semilla de la muerte »

« La guerre semait ici et là, la noire semence de la mort » (Ana María Matute)

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« La guerre est un mal qui déshonore le genre humain » Fénelon)

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 «- Las casas : Ces peuples ne nous faisaient pas la guerre ! Ils venaient à nous tout souriants, le visage gai, curieux de nous connaître, chargés de fruits et de présents. Ils ne savent même pas ce que c’est la guerre ! Et nous leur avons apporté la mort ! Au nom du Christ ! »  (La controverse de Valladolid)

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« Mais si les indigènes refusent d’accepter leurs lois, les Utopiens les chassent du territoire qu’ils ont choisi et luttent à main armée contre ceux qui leur résistent. C’est une guerre estiment-ils éminemment juste en vertu du droit résultant de la nature… ». (Thomas More. L’utopie)

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« Notre mère l’avait accompagné chez l’agent recruteur. – Ce gamin n’est pas apte à la guerre, avait déclaré ce dernier. Un des gars qui traînait par dans le bureau de recrutement lui avait répondu : – Tout le monde est apte à la guerre, s’il n’est pas apte à tuer, il peut l’être à mourir » (Manuel Rivas. Los libros arden mal. Edition Delbosillo. 2015)

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« …d’une manière ou d’une autre, tout rescapé d’une guerre est un traître » (Ce que le jour doit à la nuit. Yasmina Khadra)

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« C’est l’union du sentiment religieux et du patriotisme qui donne à la guerre ses plus affreux aspects, la cruauté la plus fourbe étant mise en œuvre avec l’appui de la conscience sous le couvert de la piété envers Dieu et d’une morale élevée » (Georgia Harkness. Les sources de la morale occidentale. Payot 1957)

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« – Les croisades sont des saignées qui rééquilibrent les humeurs du pays. Qu’elles emportaient au loin des jeunes chevaliers, les cadets sans terre et sans femmes, dont les tournois ne parviennent pas à calmer les ardeurs, qu’elles éloignent tous ceux qui sèment le trouble dans le comté et n’y respectent pas la paix de Dieu ! Qu’elles vident de ce sang jeune et impétueux qui n’y trouve pas sa place, du pus que sont les fous du Christ de dégager leur violence, de la morve de ses désœuvrés et non des seigneurs vieillissants qui maintiennent l’ordre en leur fief …. » (Du domaine des murmures. Carole Martinez. Gallimard 2011)

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Débat : « Les guerres sont-elles inévitables ? »
On peut tenter de définir brièvement les moteurs de la guerre ainsi :
Primitivement, pour la nourriture : les hommes préhistoriques se sont battus à mort pour une poignée de glands. Puis, lutte pour les abris, un territoire, les compagnes (puisque, la plupart du temps, ce sont les hommes qui ont fait la guerre). Puis, je listerai globalement en quatre grands points :
1°) L’ambition d’un homme, d’un groupe d’hommes, d’un peuple, d’une nation, parmi lesquels se détachent dans l’Histoire : Alexandre le Grand, César, Napoléon, Hitler…, les grandes guerres de conquête.
2°) L’égoïsme et l’envie chez un homme, un groupe voulant s’accaparer du territoire et des richesses d’autrui. Cela donne également les guerres de conquête, l’or de nouveau monde ou, plus près de nous, les guerres pour les ressources énergétiques.
On peut développer cette voie par la guerre économique qui se livre aujourd’hui, non pour le bien-être des peuples, ainsi qu’on cherche à nous le faire accroire, mais pour la recherche maximale du profit, une guerre qui fait aussi nombre de victimes.
3°) La haine envers une catégorie d’individus, qui entraîne des guerres ethniques, des génocides, la dernière étant le Rwanda.
4°) Les croyances. Des guerres pour imposer un modèle politique, pour imposer une croyance religieuse. L’Histoire est remplie de guerres de religion, de croisades meurtrières. Aujourd’hui encore, la  grande menace d’une terrible guerre a encore ses fondements dans la religion.
,,Penser qu’on puisse éradiquer, éviter, les guerres tiennent à mon sentiment, hélas, d’une dangereuse naïveté, d’une utopie totale. Des penseurs, des philosophes ont pu imaginer, espérer que les hommes finiraient par ne plus se faire la guerre. Ce fut la belle utopie de Kant et des philosophes des Lumières, qui pensaient qu’une fois les hommes tous éduqués, libérés des croyances religieuses mortifères, une fois les principes de Liberté, d’Egalité et de Fraternité établis, les hommes ne se feraient plus jamais la guerre. Les Lumières ne savaient pas combien l’avenir était sombre. Sombre et meurtrier. (Luis)

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 « Les rois jaloux de leur sécurité doivent donc composer leur infanterie d’hommes qui, au moment de la guerre, se consacrent volontiers, par amour pour eux, au service des armées. Mais qui, à la paix, s’en retournent plus volontiers encore dans leurs foyers. Il faut, pour cet effet, qu’ils emploient des hommes qui puissent vivre d’un autre métier que celui des armes. Un roi doit vouloir qu’à la fin de la guerre ses grands vassaux s’en retournent gouverner leurs sujets, ses gentilshommes cultiver leurs terres, son infanterie exercer ses diverses professions, et que chacun d’eux enfin fasse volontiers la guerre pour avoir la paix et ne cherchât pas à troubler la paix, pour avoir la guerre. »  (Machiavel. L’art de la guerre)

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    Le problème des guerres est très complexe. Si nous essayons de résumer un peu tous les points de vue qui ont été exprimés jusqu’à maintenant, on peut en déduire qu’on a trouvé deux partis : celui qui donne la guerre comme le propre de l’être humain et celui des solutions idéalistes.
Il y a une autre position qu’on peut nommer matérialiste. C’est-à-dire de trouver les raisons des guerres dans la réalité économique, sociale et politique. Les historiens considèrent qu’il est impossible de séparer les guerres de la politique, de l’économie et de la culture.
Par exemple, prenons « La Grande Guerre », dont on a dit que la cause essentielle était dans l’Europe ; les monopoles, le capitalisme allemand s’était développé beaucoup plus rapidement que les monopoles anglais qui auparavant commandaient sur le monde. Mais l’évolution de l’Allemagne inquiétait beaucoup. L’Allemagne avait des grands besoins de matières premières, besoin de marchés pour continuer son évolution. Mais il se trouve que le monde s’était réparti les colonies. En cherchant de l’espace vital, ils ont déclenché la guerre la plus sanguinaire.
  Par ailleurs, nous voyons aujourd’hui même que les médias cherchent à mettre dans nos têtes que notre civilisation est en danger et qu’il n’y a que deux solutions : ou bombarder avec les Etats-Unis ou laisser faire, ou, laisser s’installer l’état islamique, Daesh. C’est un dilemme, c’est blanc ou noir. Est-ce que l’esprit philosophique peut accepter cela ?  (Luis)

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« En amour comme à la guerre, pour en finir, il faut la voir de près ! »  (Napoléon)

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Je voudrais illustrer la bêtise de la guerre avec le texte « La paix » d’Aristophane (en substance et de mémoire) : Les hommes ont décidé de sortir, de libérer la paix de la caverne où elle était enfermée. La paix est revenue, et arrivent ceux qui se plaignent, comme le forgeron qui ne vend plus son acier pour faire des épées, le marchand d’armures qui ne vend plus ses casques, puis viennent d’autres marchands qui eux se louent de la paix, comme celui qui déclare : « Depuis des années, je ne vendais plus de charrues ; ce matin j’en ai vendu cinq », et ainsi de suite. Plus loin dans la pièce, le marchand de casques se plaint qu’il ne sait que faire de son stock ; il demande à l’assemblée qu’on le soulage. On lui répond qu’il n’a qu’à se débrouiller pour leur adapter deux anses ; comme ceci, il les vendra beaucoup plus cher (Luis)                                                                                                             

« O appelle SGR-A1. De jour comme de nuit, sur un rayon de quatre kilomètres, ce robot militaire décèle, grâce à son logiciel de dépistage les mouvements d’un intrus. Enclenché à distance, cet automate de surveillance peut tirer lui-même, de façon indépendante  sur toute cible qui approche. Conçus par Samsung, il est équipé d’une mitrailleuse, d’un lance-grenade de capteurs de chaleur, de caméras de détection infra rouge et d’une intelligence électronique.
En septembre 2014 la Corée en a installé tout un réseau le long de la zone démilitarisée qui la sépare de la Corée du Nord…. 
Mais elle ne sera utilisée qu’en cas de « menace saturante» ; Autrement dit (pas si vous allez y cueillir des champignons) mais si dix mille soldats se pointent en même temps dans les radars de SGR-A1 ; alors oui le superviseur de l’arme pourra la passer en mode d’autonomie… »  (Pierre-Henri Tavoillot. La morale de cette histoire. Michel Lafon. 2020)

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Introduction au débat : « Les guerres sont-elles inévitables ? » (13 novembre 2014)
Quand j’ai proposé cette question à la réflexion et à la discussion, il a deux , à l’issue du dernier café philo, la guerre me paraissait, hélas, inévitable. L’avenir de notre civilisation était en jeu, aussi bien celle de l’Etat israélien avec l’organisation armée du Hamas que celle de ceux qui se réclament de l’Etat islamique pour massacrer, par centaines de milliers des populations qui ne font pas allégeance à leurs dogme, et aussi celle de la  Russie à l’encontre de peuples qui revendiquent leur  indépendance.
Et puis il y a eu, en octobre, sur la chaîne de télévision Arte, un cycle d’émissions sur la civilisation dominée par le système de production capitaliste, en liaison avec des essais de philosophie contemporaine, notamment ceux de Bernard  Stiegler sur les origines et l’avenir du capitalisme, qui ont souligné que les guerres sont moteurs de  notre civilisation parce qu’elle est régie par la concurrence: pour assumer la compétition aussi bien entre les Etats qu’entre les entreprises, qu’entre les individus la guerre est un bon moyen. Et elle est, dans cette optique, à l’origine de multiples innovations. …
Alors la question est de savoir si la guerre est le propre de la civilisation régie par la compétition ou l’essence de toute civilisation humaine. C’est la question  que  le philosophe Hegel au 19ème siècle,  a théorisé dans la dialectique du maître et du serviteur: les individus comme les Etats sont animés du désir de reconnaissance; tout être humain, pour exister désire  que ses valeurs et ses projets, soient reconnus. Ce pourquoi chacun désire être le maître de l’autre, qui doit être au service de ses projets ou de ses ambitions et reconnaître ses valeurs comme des valeurs pour tous.
Autrement dit le conflit est inévitable entre les humains qui sont à la recherche, sans cesse d’une reconnaissance de ce qu’ils veulent être. Toutes les relations sociales  (de couple, de groupe, de nation, d’Etat) sont marquées par ce désir de reconnaissance de soi et donc par le conflit, et cela  n’aura pas de fin ..
Il y a d’autres thèses philosophiques qui soutiennent le même point de vue  en se disant tout simplement  réalistes et en confirmant le sens commun: s’il y a des guerres c’est,  parce que « l’homme est un  loup pour l’homme » écrivait  Hobbes (philosophe moderne du 17ème siècle) parce  qu’ il ne voulait pas croire à la possibilité  d’ un autre état de société que celui dont il était contemporain. Le réalisme est tout simplement la justification de ce qui existe, le refus de penser autrement.
De même  Freud, après les horreurs de la première guerre mondiale,  (et notamment dans un opuscule Considérations sur la guerre et sur la mort écrit en 1921 a supposé, a fait l’hypothèse que le psychisme humain est  animé de deux pulsions, la pulsion de vie Eros, et la pulsion de mort Thanatos : donc que tout être humain a, en lui, le désir de meurtre, le désir de faire mourir l’autre.
  Mais  je pense que ces thèses et ces prétendues évidences ont une limite : elles confondent violence (naturelle à l’homme) et guerre liée à la civilisation.
Et des recherches  récentes d’anthropologues permettent de les distinguer, de distinguer la violence armée, de la guerre qui est la forme institutionnalisée de la violence.

Le numéro spécial de  la revue Sciences humaines d’octobre 2014 rapporte, dans un dossier consacré aux « origines de la guerre » des conclusions de recherches anthropologiques liées à des fouilles archéologiques qui portent sur des sépultures, des armes, des uniformes des ruines, des charniers, de la Gaule à la seconde guerre mondiale, et qui ont pour but d’étudier les conditions dans lesquelles ont eu lieu les combats et les massacres. Et cette archéologie montre que la violence armée (qui n’est pas la guerre) est aussi ancienne que l’homme: les plus anciens indices d’agression ont été relevés sur des ossements de néanderthaliens et sont, à coup sûr, attestés dés les phases anciennes du Paléolithique  supérieur,  environ 25 000 ans avant notre ère . Mais la violence appliquée en nombre et les conflits institutionnalisés entre groupes humains (c’est à dire la guerre), apparaît avec le style de vie villageois : le néolithique a inventé le champ de bataille :des ethnologues , comme Pierre Clastres ( qui a étudié, dans les années 1970 des sociétés sans Etat comme  certaines  sociétés encore contemporaines de chasseurs cueilleurs en Amazonie par exemple) ont souligné que certaines étaient pacifiques, que d’autres étaient guerrières, que donc la guerre  n’est pas affaire de nature humaine mais affaire de culture . Et il y a plusieurs  types de guerres.   J’ai travaillé avec  l’ethnologue Robert Jaulin qui, dans les années 1980, a fait valider, par le  tribunal Russell le terme d’ « ethnocide » pour caractériser la guerre (qu’il appelait « la paix blanche) menée, par les Européens, aux Indiens d’Amérique latine. La guerre ethnocidaire qui consiste à annuler, jusqu’à éradiquer les moeurs et coutumes de certaines sociétés est tout autant un « crime contre l’humanité »  que le « génocide » qui consiste à exterminer à la racine, un peuple tout entier.
Ainsi sous ses différentes formes la guerre est un fait de civilisation : les anthropologues soulignent même que le développement de liens d’échange accentue le risque de guerre ; nous combattons les gens avec lesquels nous échangeons, et nous échangeons avec les gens que nous combattons. L’une des raisons est la proximité : il est plus facile de tuer le voisin que quelqu’un d’éloigné. L’autre raison tient à une constante historique et ethnographique : les disputes commerciales et les querelles résultant de mariages sont des sources très prolifiques de conflits et de vendettas. Plus des groupes interagissent, plus il existe de probabilité qu’ils se déclarent la guerre.
Lawrence H.Keeley, anthropologue à l’université d’Illinois et auteur notamment de Les guerres préhistoriques (2002) a cette réflexion étonnante, en liaison avec ses recherches: » Je suis persuadé que la guerre existe non pas parce que nous serions naturellement violents,  mais plutôt parce que nous sommes très intelligents, mais malheureusement pas assez intelligents pour ne pas la faire.
Donc la guerre est un fait de civilisation et a fortiori lorsque la  civilisation est axée sur la compétition  pour le profit. Comme on dit maintenant il y a, dans notre civilisation  et a fortiori dans sa forme capitaliste une culture de la guerre.
Et cela nous  remémore le jugement de Kafka « la guerre est un profond manque d’imagination ». Une civilisation où se multiplient les guerres est une civilisation sans imagination, sans inventivité pour elle même et son futur. Elle n’a d’imagination que pour diversifier les guerres: dans le moment présent de notre civilisation où les guerres sont partout  et qui a produit les guerres de masse (ethnocides, génocides et  les guerres entre Etats armés ) il y a aussi les guerres « asymétriques » (Elie Barnavi), les guerres faites par une armée à une ou à des populations , et les « guerres irrégulières « terme proposé par Jean Vincent Holeindre dans un article « l’art de la guerre » de la revue Sciences Humaines juin 2010, pour caractériser les guerres dont le ressort est essentiellement psychologique : harcèlement, guérilla, avec une stratégie du faible au fort.
Dans ce moment présent de notre civilisation, avec cette horrible diversité de guerres qui marquent nos 20ème  et 21ème  siècles, que pouvons nous faire ? Comment sortir d’une situation de guerre, et comment éviter d’entrer dans l’état de guerre? La question n’est plus, pour moi, quelles sont les causes et les raisons de telle ou telle guerre mais que faire dans une situation de guerre et que faire pour ne pas se trouver en état de guerre ?
Hantée par cette question j’ai eu le plaisir de lire un petit essai d’Elie Barnavi, professeur d’histoire de l’occident moderne à l’université de Tel Aviv, ambassadeur d’Israël en France de 2000 à 2002 et président du mouvement « la paix maintenant » . Dix thèses sur la guerre (édité par Flammarion en septembre 2014). Je dis que j’ai eu le plaisir de lire ce livre parce que c’est un essai où il s’agit, pour l’historien qu’il est, certes d’expliquer les causes de telle ou telle guerre et notamment des guerres au proche orient , mais aussi pour le soldat  qu’il a été, de comprendre, je cite « l’exquise sensation en laquelle consiste le frisson de frôler la mort et d’en réchapper » et aussi la passion patriotique, le sentiment d’appartenance à une communauté face à un ennemi, et aussi l’immense peur pendant la bataille et encore la honte de celui qui survit Et c’est aussi pour l’homme politique qu’il est encore, la tâche  d’alerter sur les conditions de possibilité de l’état de guerre  et finalement pour l’individu torturé par ce qu’il voit et vit en temps de guerre  le besoin de chercher ce qu’il peut faire pour que sa mère ait encore le goût de vivre, elle qui a perdu deux enfants à la guerre  elle qui lui dit, les larmes aux yeux « il y aura toujours des guerres parce que , vous les hommes, vous aimez ça ».
 Réfléchissant sur les guerres européennes de la seconde moitié du 16ème  siècle et la première moitié du 17ème (il a publié en 2006 in ouvrage Les religions meurtrière) il écrit  que « deux conclusions découlent de ce développement épouvantable»: la première est que si on laisse faire les fous de Dieu, aucun compromis n’est envisageable. En effet deux mouvements nationaux peuvent aboutir à un arrangement raisonnable au moyen de la négociation, donc du compromis, alors que deux mouvements intégristes en sont incapables car la parole de Dieu ne souffre pas de compromis. Et donc à propos de l’interminable « processus de paix »  entre israéliens et palestiniens, le résultat, je cite, ne dépend pas tant de la négociation entre israéliens et palestiniens mais entre israéliens eux mêmes et entre palestiniens eux-mêmes ; pour le dire brutalement qu’ils réfléchissent à se débarrasser de la dimension fanatique de leur conflit (terme qui vient du latin fanum, le temple ; les fanatiques sont des religieux gardiens du temple).

La seconde conclusion, « c’est qu’aujourd’hui dans notre monde globalisé notre seule chance est le règlement imposé ». C’est d’ailleurs ce qui s’est toujours passé avec les Etats modernes , c’est ce que Kant proposait en rédigeant Le projet de paix perpétuelle (1795). Notre civilisation  en est arrivée au point où  les humains veulent toujours plus de droit et c’est en ce sens qu’ont été mis en place la Société Des Nations prélude de l’ONU et ses différentes instances, et aussi qu’ont été distingués les crimes de guerre des crimes contre l’humanité , et que la peine de mort a été abolie dans certains pays. C’est ce qui peut se passer dans l’étape actuelle où dominent les guerres asymétriques, c’est à dire d’Etats armés contre des guérillas de fous de Dieu.
Mais, pour que le droit l’emporte la condition est que se développe la démocratie, et cela n’est pas une utopie: cela est à notre portée, ceci implique chacun personnellement: veille en permanence à ce qu’il n’y ait pas de manquement à la démocratie, et participer à, voire  proposer des réformes qui vont dans le sens de son approfondissement  et modifier nos comportements aussi dans ce sens (réaliser l’égalité entre tous et toutes, laisser la parole circuler .favoriser les prises de parole, cultiver l’argumentation  refuser les arguments d’autorité etc.). Et cela n’est pas une vue de l’esprit. Cela peut concrètement se faire.  Certes la violence est en chacun de nous mais aussi l’aptitude à coopérer et à communiquer pour atteindre des objectifs communs,  être solidaires et partager nos désirs. Sur la chaîne de radio France inter, tous les jours à midi 30 une émission « Carnets de campagne » fait connaître de tels comportements individuels et collectifs dits alternatifs.
Donc certes la guerre est une institution aussi ancienne que la civilisation humaine mais aucune institution n’est éternelle: l’esclavage est une institution fort ancienne également et nul ne prétend qu’il sera avec nous jusqu’à la fin des temps.
Enfin l’Europe unie n’est pas la cause de la paix mais sa conséquence : les démocraties ne se font pas la guerre 
Je terminerai par notre responsabilité : jusqu’à présent on considérait quelqu’un comme responsable seulement d’actes passés dont il était reconnu être l’auteur et qu’on pouvait dés lors lui impute. Hans Jonas, dans le Principe Responsabilité (1979) conçoit, au contraire une responsabilité tournée vers le futur lointain. Quelque chose nous est confié qui est essentiellement fragile. L’objet de la responsabilité affirme Jonas, c’est le périssable en tant que tel. Il peut alors s’agir de la vie ou de l’équilibre de la planète. Mais il s’agit aussi de la démocratie. La démocratie est fondamentalement périssable .Sa survie dépend de chacun de nous.
Je terminerai par une sorte de syllogisme
Quand il y a démocratie, la guerre est évitable;
quand il n’y a pas de démocratie ,la guerre n’est pas évitable
quand, et là, où il y a des guerres, il n’y a pas de démocratie
e pacifisme : insuffisant ;
la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. (Edith Deléage-Perstunski, professeure de philo)

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