Hospitalité

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Le juif errant. Marc Chagall. 1923.

Le Grand Robert de la Langue Française : Charité qui consiste à recueillir, à loger et nourrir, gratuitement les indigents, les voyageurs dans un établissement prévu à cet effet…
Action de recevoir chez soi, d’accueillir avec bonne grâce

Trésor de la langue Française :
Action de recueillir chez soi, une ou plusieurs personnes de sa connaissance.
2° Asile, protection accordée à un exilé, un réfugié ;
3° Générosité du cœur, sociabilité qui dispose à ouvrir sa porte, à accueillir quelqu’un chez soi, étranger ou non.

Synonymes : Abriter. Accueillir. Héberger.

Contraires : Hostilité. Inhospitalité.

Par analogie : Accueil. Altruisme. Asile. Charitable. Documantation. Droit d’asile. Emigré. Exilé. Fraternité. Frontières. Générosité. Hôte. Humanisme. Immigration. Intégration. Logement. Protection. Recevoir. Refuge. Réfugié. Sociabilité. Visa.

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« L’hospitalité a été à l’origine une solution  dont la portée fut universelle pour pallier les insuffisances de la famille, du clan, de la nation, ou de tout groupe dans lequel la hiérarchie, la jalousie et la coutume limitaient les opportunités offertes à individu…
Au cours des derniers siècles, l’hospitalité a subi au moins trois transformations. Dans l’Angleterre du XVIème siècle, les moines initialement donnaient l’exemple de l’hospitalité, en accueillant des étrangers  sans discrimination… L’hospitalité anglaise traditionnelle disparu et fut remplacée par une hospitalité que l’on qualifiait de « façade ». Au XVIIIème siècle,  confrontés à la multiplication des voyageurs en Europe et au développement des relations commerciales, les Encyclopédistes français conclurent qu’il n’était plus possible d’accueillir gratuitement tous les voyageurs de passage. Par l suite l’énorme expansion des industries du tourisme et de l ‘accueil confirma que le profit avait remplacé le sacrifice, et que l’invité s’acquittait de son obligation par le simple paiement d’une facture…
Dans le même temps les rencontres entre les personnes et les idées se sont considérablement multipliées… Comment faire preuve d’hospitalité dans un sens plus large, comment se monter réceptif aux idées d’un grand nombre de personnes de styles différents, comment dépasser l’indifférence qu’on manifeste pour les particularités des autres sous prétexte de tolérance, comment se mettre à la place des autres,  comment répondre à leurs désirs…   
Ces questions constituent désormais un défi qui appelle des solutions nouvelles. Il est devenu nécessaire de considérer l’hospitalité comme une activité qui peut transformer aussi bien, les attitudes de l’hôte, comme celles de l’invité, comme la découverte de nouvelles sympathies, comme une aventure en territoire inconnu qui exige une nouvelle gamme d’attitudes… » (Extrait, article Hospitalité, Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. Sous la Direction de Monique-Canto Sperber)

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Hospitalité nous vient du mot latin « hospis », (hôte), donc dans ce sens, un hôte est un invité. Un autre sens est : Le droit réciproque de trouver logement et protection les uns chez les autres. Ce droit est aussi un devoir, mais puisque nous parlons de réciprocité, il faut pour que les lois de l’hospitalité soient respectées que l’hôte respecte les usages de celui qui l’accueille.
Cela me semble  ambigu dans ce cas d’utiliser l’expression, la formule de politesse « faites comme chez vous ». Dans un reportage on voyait un homme, un afghan qui exprimait son désir de venir en France, puis on voyait ensuite le même homme devant sa maison avec sa femme et ses deux enfants, et là, nous voyons que la femme porte la burqa, qu’elle est grillagée. C’est un cas d’espèce, on ne peut généraliser, mais cela nous rappelle, que si ceux que nous accueillons ne partagent pas certaines de nos valeurs, voire même les renient, cela, cela peut poser problème. (Luis)

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J’entends souvent le procès fait à la France, aux français quant à l’accueille des immigrés.
Soit ! je suis moi aussi scandalisé devant les queues dès trois heures du matin devant les préfectures pour faire renouveler un titre de séjour. Nous avons des effort à faire, c’est sûr,.Respecter leur dignité, c’est nous respecter, mais si nous voyons nos voisins européens je ne vois pas qui pourrait se réclamer du bon modèle ; ainsi l’Allemagne qui depuis des années accueille des ouvriers turcs, les fait former par l’administration turc, puis ils vont les chercher en Turquie et leur font passer des tests, des examens médicaux, on l’on vérifie la vue, la vue, les poumons, les dents, les mensurations, (Ref. Arte ;  Histoire d’immigration. Septembre 2013
En Hollande les immigrés pour obtenir un titre de séjour, doivent passer un examen dit d’intégration, d’abord on leur demande s’ils souhaitent s’intégrer dans le type de société des Pays-bas. (Luis)

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El mojado

J’ai emballé une paire de chemise, un chapeau

Sa vocation d’aventurier, six conseils, sept photos, mille souvenirs,

J’ai emballé ce désir de rester

La condition de devenir un homme qui n’a pas réussi

J’ai dis adios avec une grimace déguisée en sourire

Et j’ai percé la frontière comme j’ai pu

….

El Mojado (le mouillé) est d’humeur à sécher

Le mouillé est mouillé par les larmes de sa nostalgie

Sur le mouillé, le sans papiers

Chargez le paquet que le légal n’a pas chargé ni obligé

La torture d’un rôle a fait de lui un fugitif

Et il n’est pas d’ici car son nom n’apparaît dans les fichiers

Elle a le goût du mensonge votre vérité, elle le goût de tristesse et d’anxiété

El mojado a tant de pleurs sachant que quelque part

Il y a un baiser qui l’attend

« El mojado » est une chanson mexicaine que connaissent par coeur tous les mexicains et habitants de l’Amérique centrale. Elle évoque cet émigrant qui, pour entrer aux Etats-Unis va devoir traverser le fleuve RIo Grande (la plus grande frontière entre les deux pays) d’où cet mot de « mouillé ». Elle est pour tous les mexicains chargée d’émotion

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Débat : « Y a-t-il des limites à l’hospitalité ? » (13 décembre 2018)  
Alors, comment nous situer par rapport à l’hospitalité ? – ou nous pensons que face à l’arrivée de cultures autres, nous  devons sauver notre communauté, notre culture, notre mode de vie, notre confort d’occidentaux ? – ou, nous pensons que nous sauvons ceux qui sont nos frères et nos sœurs, ces autre moi  Que sommes-nous prêts à sacrifier ? Un modèle de société ? Une culture ? un niveau de vie ? donner asile, donner l’hospitalité reste un défi pour les peuples pour les  Etats.
Si demain je me trouvais dans la situation de ces personnes émigrées ; des personnes qui n’ont d’autre choix que de quitter leur terre natale, je n’aurai plus qu’à espérer dans  les qualités humaines, lesquelles  décideront de mon avenir. Tout à coup, je me retrouve entièrement à la merci du bon vouloir des autres ; l’autre voudra-t-il m’aider, l’autre voudra-t-il m’accueillir ? 
La question, inévitablement sera : faut-il instaurer une fois pour toute la libre circulation de par le monde, de tous les individus ? Faut-il supprimer toutes les frontières, ou faut-il, comme le dit Catherine Wihtol de Wenden dans un récent ouvrage « Faut-il ouvrir les frontières ? », les ouvrir ainsi que nous l’avons déjà fait avec la libre circulation des capitaux et des marchandises ?
Les réticences font souvent appel aux problèmes : de chômage (entre quatre et cinq millions de chômeurs en France), problèmes de la misère, tous les problèmes que le pays n’a su résoudre à ce jour, et  auxquels vont s’ajouter des nouveaux sans emplois, des nouveaux sans ressources, et des nouveaux sans abri.
Dans des reportages on a même entendu « les Français d’abord ! »
Alors ! en dehors du fait que nous allons sûrement évoquer les causes d’une migration dite, massive ou, plus précisément, de cet exode venue de pays en guerre , actuellement au Moyen-Orient,  quelle part va l’emporter chez nous : raison du cœur ? Ou raison économique ?
Alors faut-il comme le disait le jour du drame des 700 victimes (19/04/15) mieux surveiller nos frontières comme le déclarait Harlem Désir secrétaire d’Etat, chargé des affaires européennes. (Je le cite) Discours au Sénat le 15 décembre 2015/ « Le premier sujet est donc celui de la crise migratoire et d’une réponse qui, tout en étant conforme à nos valeurs, permette aussi la fermeté, la responsabilité et la crédibilité, en particulier dans le contrôle de nos frontières extérieures et communes »
Faut-il augmenter les quotas d’immigration dans chaque pays d’Europe. Ou, faut-il que nous agissions via nos gouvernements pour aider réellement au développement de pays où la misère pousse à l’aventure de l’émigration ?
La France a toujours été (hors une période de guerre)  un pays d’intégration pour les nouveaux arrivants. Jusqu’au début du siècle précédant ne disait-on pas « heureux comme un juif en France » expression dérivée de « heureux comme Dieu en France » ce qui sous entendait que ce pays respectant la laïcité, permettait par là que chaque religion y était tolérée.
Nous avons tous vu sur les écrans de télé cette caravane de migrants en provenance du Guatemala, du Honduras, se dirigeant à  travers le Mexique vers les Etats-Unis. Ils fuient la misère, la pauvreté, et surtout disent-ils la violence. Le Président des Etats-Unis Donald Trump a fait renforcé la frontière avec le Mexique, des kilomètres supplémentaires de barbelés, la continuation de la construction d’un mur, et a envoyé 5200 soldats de l’armée plus 2100 soldats de la garde nationale. « S’ils demandent l’asile » dit ce président « nous allons les retenir jusqu’ace que leur cas soit examiné. Nous les retiendrons, nous allons construire des villes de tentes ».  Interviewée à la frontière une jeune femme déclarait à un journaliste : « De l’autre côté de ce mur sont tous mes rêves ». Ce qui nous dit que les migrants partent de chez eux avec un rêve, et de là comment et pourquoi se constitue ce rêve, qui eut très bien s’ils atteignent le pays désiré, cela ne se traduise pas en rêve ? Et le journaliste ajoutait : « Voyez, ils on transporté toute leur vie d’avant dans une poussette »
Le droit d’asile est internationalement reconnu par la convention de Genève et inscrit dans la constitution française. Convention de Genève (1951) selon laquelle est réfugiée « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays »
Pour beaucoup nous avons connu cette époque d’arrivée d’immigrés dans un pays qui n’avait rien prévu à cet effet, qui s’est laissé débordé, ce fut dans les années 1950 1960 la misères des bidonvilles comme celui de Nanterre ; Un ralentissement de l’immigration et la construction des HLM si décriés (à juste raison) a toutefois permis de loger les immigrés de façon plus décentes de les aider à se sentir citoyen de leur nouveau pays.
Alors faut-il comme le disait le jour du drame des 700 victimes (19/04/15) mieux surveiller nos frontières comme le déclarait Harlem Désir secrétaire d’Etat, chargé des affaires européennes. (Je le cite) Discours au Sénat le 15 décembre 2015/ « Le premier sujet est donc celui de la crise migratoire et d’une réponse qui, tout en étant conforme à nos valeurs, permette aussi la fermeté, la responsabilité et la crédibilité, en particulier dans le contrôle de nos frontières extérieures et communes »
« Quelque généreux qu’on soit, on ne peut pas héberger toute la misère du monde, mais elle (La France) peut prendre sa part de cette misère » (Michel Rocard 1989)
Pour renouveler un document comme une carte de séjour, des personnes doivent venir dès 5 heures du matin, faire la queue toute la journée, pour passer avec un peu de chance vers 5 heures du soir, ou moins chanceux recommencer le lendemain. Nous touchons là les limites à l’inhospitalité ; (Luis)

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Débat: « Y a t-il des limites à l’hospitalité? » (13 décembre 2018 ) En France le débat divise aussi la gauche qui est par principe pour l’accueil inconditionnel  des étrangers. Les divisions  se font sur les valeurs de la République qui ne sont pas partagées par les nouveaux arrivants. Faut-il admettre le communautarisme ? Que faut-il entendre par laïcité ?  Pourquoi opposer l’assimilation et l’intégration ? (ou l’inclusion ?) pour respecter les différences culturelles d’habitudes et de mœurs ?
Enfin toutes ces questions renvoient à celle de  repenser la condition humaine avec une dimension nouvelle, celle de l’exiliance (terme avancé par Alexis Noos (La condition de l’exilé. 2018. La condition de l’exilé, aujourd’hui au 21ème siècle,  n’est pas identique à celle antique, du bannissement de la cité, ni  à celle des mouvements d’émigration du 19°ème siècle liés aux colonisations ou /et à l’esclavage et à ceux  de la première moitié du 20 ème siècle liés aux génocides et aux pouvoirs totalitaires.
Aujourd’hui la condition faite aux humains est caractérisée par quatre dimensions : mobilité accrue, extension planétaire, diversité du sens des flux (à l’axe Sud Nord viennent s’ajouter les axes Sud- Sud, Nord – Sud,… 60% partent des pays riches vers les pays riches, 17% des pays pauvres vers les pays pauvres) et variété des causes (économiques, politiques, environnementales)= le nombre de réfugiés climatiques s’élève à 22 millions soit presque tois fois plus que les exils causés par des conflits.
Ce qui signifie qu’il ne s’agit plus d’analyser l’exil à partir de critères territoriaux mais de repenser le territoire en fonction de l’expérience exilique. L’exil alors n’est plus pensé comme négatif (l’exilé est un non être parce que n’habitant plus un lieu d’origine ou un terroir de souche) ou privatif (l’exilé est privé de son appartenance identitaire à des us et coutumes traditionnels). L’exilé ne pense plus en termes de droit au retour ( à sa terre natale, à son pays perdu, à sa maison détruite) mais en termes de droit à l’exiliance. Alexis Noos invente ce terme à partir des textes de philosophes comme Derrida – qui parle de la valeur de l’existence- ou de Levinas qui parle de la valeur de l’errance) pour souligner la valeur de  l’exil comme action : partir (volontairement ou pas) pour fuir, sauver sa peau, manger, mieux vivre ou vivre tout simplement certes mais en accueillant l’autre (l’autre coutume, l’autre culture, l’autre langue)de  celui qui m’accueille. En voulant le métissage, la créolisation. Et il montre que des langues de l’exil sont ainsi novatrices (le yiddish qui mêle l’hébreu, l’allemand, les langues slaves, le ladino (qui mêle l’hébreu et l’espagnol) les créoles (familles de langues mêlant des langues latino -américaines, espagnol, portugais, néerlandais.),  Michel Serres parlait de « tiers instruit ».
De même des musiques métisses comme la musique klessmer, la musique de jazz, le rap etc.. Et il cite les nombreuses littératures crées par, dans et pour l’exil (Dante, Lord Byron, Victor Hugo, Nazim Hikmet, Bertold Brecht… …. et d’abord  les trois textes monotheistes qui valorisent l’exil (l’exode du peuple hébreu, la Sainte famille en Egypte, l’hégire de la Mecque à Médine): »
 » L’exiliance est créatrice si elle incite l’exilé désencombré de ses attaches et de ses réflexes culturels, à accueillir des mondes en lui » (p 155). Et si « l’hospitalité consiste à l’accueillir pour lui et non pour moi » (p 160) C’est ce que font des récits de vie qui ne sont pas seulement des mémoires (nostalgie ou lamentation)  du passé mais aussi des histoires qui racontent comment le passé devient un à venir créateur. « . Cf. Idiss, l’hommage d’amour de Robert Badinter à sa grand-mère illettrée en Bessarabie qui, après le pogrom de Kichinev, a accompagné ses enfants et petits-enfants exilés jusqu’à Paris occupée par les Nazis.
L’exil (avec ses troi variantes: économique, politique, environnementale- est une souffrance insoutenable à laquelle  la réponse apportée jusqu’ici (l’hospitalité comme devoir de charité sans limite ou comme droit d’asile réglementé et borné) n’est ni à la hauteur du vécu de celui qui est déplacé de son lieu d’existence ni à la  compréhension de sa valeur possible  pour l’individu si l’exilé est dignement accueilli. Peut-être qu’une réflexion philosophique sur les nouvelles formes massives de migrations permettrait d’inventer un nouveau droit , celui  d’exil.
C’est ce que proposent aussi les trente écrivains et artistes qui racontent des histoires singulières de migrations. Avec ironie, humour, tendresse, larmes, cris, indignation, scepticisme, volontarisme, pessimisme, optimisme, réalisme, idéalisme, amertume,  inquiétude, espoir, contradictions….. ces textes de littérature (rassemblés sous la direction de Patrick Chamoiseau et Michel Le Bris) (Editions Philippe Rey 2018) font un acte artistique d’engagement affirmant leur volonté de «  contribuer à un monde plus altruiste, animé par une éthique active de la relation » comme le souligne justement l’éditeur. Un Manifeste pour une mondialité apaisée, de Mireille Delmas Marty, professeure au Collège de France, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, fondatrice et présidente de l’Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions, conclut l’ouvrage. En tant que juriste elle souligne que pour les soixante dix ans de la déclaration universelle des droits de l’homme « il faut saisir cette occasion pour donner force juridique au principe d’hospitalité universelle et organiser une gouvernance mondiale des mobilités humaines consacrant l’obligation pour chaque pays d’accueillir toute sa part de la misère du monde c’est-à-dire toute la misère dont le rendent comptable son expérience, son ampleur fondatrice, sa décence historique » Doivent être réunis les ONG, les démographes, et les climatologues lanceurs d’alerte, des Eglises, des collectivités territoriales, des entreprises qui ont tout intérêt à recruter des travailleurs farouchement décidés à tout faire pour s’engager dans une vie nouvelle, celle de l’exilé . Le préambule comprendrait le principe d’hospitalité qui sous-tend les droits et devoirs à reconnaître à tous les exilés y compris les  réfugiés et autres migrants forcés même en situation irrégulière  ».  (Edith Deléage–Perstunski. Professeure de philo)

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