Jalousie

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Flirt et jalousie. Haynes King. 1874. Victoria and Albert Museum. Londres

Le Grand Robert de la langue française : Attachement vif et ombrageux. Sentiment hostile né de l’envie que provoque le spectacle du bonheur, des avantages d’autrui; inquiétude qu’inspire la crainte de perdre un avantage  au profit d’autrui. Sentiment douloureux que font naître, chez la personne qui l’éprouve, les exigences d’un amour inquiet, le désir de possession exclusive de la personne aimée, la crainte, le soupçon, ou la certitude de son infidélité.

Dictionnaire philosophique. André Comte-Sponville : Parfois un synonyme d’envie; plus souvent une de ses formes ou de ses variantes. L’envieux voudrait posséder ce qu’il n’a pas  et qu’un autre possède ; le jaloux veut posséder seul ce qu’il croit être à lui. L’un souffre de manque, l’autre, du partage.

Dictionnaire du français «  Littré » : Mauvais sentiment qu’on éprouve quand on n’obtient pas ou ne possède pas les avantages obtenus ou possédés par un autre.
Sentiment qui naît de l’amour et qui produit par la crainte que la personne aimée en préfère quelque autre.

Trésor de la Langue Française : Attachement vif et inquiet (pour ce qui tient à cœur)
Amour, amitié très exclusive qui prend ombrage de tout attachement de l’autre à un nouvel objet et de ses attachements anciens.

Oxford English Dictionnary :  Peur d’être remplacé dans l’affection, ou manque de confiance dans la fidélité d’une personne aimée, particulièrement d’une épouse, d’un mari, d’un amant, d’une amante.

Synonymes : Dépit. Envie.

Contraires : Indifférence.                                

Par analogie : Amour. Amour propre. Avantage. Blessure. Cocu. Cœur. Confiance. Convoiter. Crainte.  Désir. Dieu jaloux. Fidélité. Fierté. Haine. Humiliation. Image sociale. Infidélité. Liaison. Mal. Ombrage. Orgueil. Poison. Rongé de jalousie. Sentiment. Soupçon. Torture. Vengeance. Vulnérabilité.

Expressions : Crever de jalousie. Dévoré de jalousie. Être rongé de jalousie. Jaloux comme un tigre. Le monstre aux yeux verts. Mourir d’envie.

Jalousie : Jaloux, du latin « gelosia » ou aussi du latin populaire « zelosus » des Dieux zélotes, les dieux jaloux. Nous retrouvons cette racine dans le mot celosias, les jalousies qu’on met aux fenêtres en Espagne.

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      On eut être surpris de la vacuité des réflexions sur ces sujets de la jalousie et de l’envie dans des  ouvrages des psychologues qui semblent être à cent lieues de la vie, isolés sur l’îlot de leur univers. Ils nous présentent des schémas dignes de magazines à grands tirages; des lieux communs, comme par exemple: la jalousie est chez l’homme ce sentiment de propriété du corps de la femme, ou la crainte que sa descendance ne soit pas de lui. Chez la femme on ne voit rien d’autre que le besoin d’une sécurité pour ses enfants. C’est là, la base de ces ouvrages, et cela paraît bien court, tant, nous le savons tous, que ce problème de la jalousie est d’une bien plus grande complexité et ne peut pas être réduit à ces quelques clichés. (Luis)

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« Quand la sainte famille machin croise sur son chemin deux de ces malappris, elle leur décoche hardiment des propos venimeux. N’empêche que toute la famille: le père, la mère, la fille, le Saint Esprit, voudraient bien de temps en temps pouvoir s’conduire comme eux »  (Les amoureux des bancs publics. Georges Brassens)

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Introduction  du débat          « De l’envie et de la jalousie »          5 février 2014
 Ce mot de jalousie m’a remis tout de suite en mémoire ce dicton : « La jalousie est un serpent qui se nourrit du venin qu’il distille.  Réplique dans Othello (Acte III, Scène III) « Ô prenez garde Monseigneur à la jalousie, c’est un monstre aux verts qui se nourrit de l’aliment qu’il produit ». » Dans le cas de la jalousie maladive, on ne saurait mieux la décrire. La jalousie est une blessure. Disons : quelque chose qui ronge lorsqu’il s’agit de la personne aimée, de la femme, de la maîtresse, du  mari, de l’amant.
Elle est parfois une atteinte à l’amour propre, une blessure infligée au narcissisme. A partir de ce sentiment, on peut se sentir diminué, dévalorisé dans sa personne ; elle peut parfois aussi traduire un complexe d’infériorité
Elle est classée dans les passions tristes, elle peut être émotion irrationnelle, elle est, ce sentiment douloureux de l’amour inquiet, cette situation qui mine la personne jalouse, entre jalousie humiliante et jalousie sincère, entre le soupçon, le doute et la certitude d’une infidélité. «  –Othello : – A je te jure, il vaut mieux être trompé tout à fait que d’avoir le moindre soupçon [ …] Ô, avoir la certitude !» (Othello. Shakespeare. Acte III, scène III)  La jalousie peut devenir jalousie délirante, pathologique, jusqu’à la paranoïa ; elle peut être destructrice.
Autrement dit, elle est un curieux mélange d’amour, de peur, et de souffrance. Elle découle parfois de ce sentiment de possession de l’autre. Elle peut être aussi la rencontre de l’amour et de la haine.
Mais la jalousie est sœur de l’amour, du seul amour qui, dans le couple mari et femme, mérite ce nom, l’amour romantique (je ne parle pas au nom de vous tous, mais seulement depuis mon observatoire) : « L’amour, sans la jalousie, n’est pas l’amour», disait Paul Léautaud. Alors ! Inséparable de l’amour, elle en serait même la preuve incontestable. Je dirai : que vouloir tuer le sentiment de jalousie pour ne plus être vulnérable, c’est, peut-être, prendre le risque de tuer toute aptitude aux émotions.    Alors se pose la question de savoir si l’on peut aimer, sans être jaloux –  de savoir si « la jalousie n’est qu’un sot enfant de l’orgueil » (Beaumarchais) ou s’« il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que d’amour » (La Roche Foucauld), – de savoir si ce n’est pas céder à un désir d’exclusivité, vouloir être aimé sans partage, tel un « Dieu jaloux », ou, comme un tigre, (symbole de jalousie féroce).
Mais elle devient la face noire de l’envie lorsqu’elle concerne d’autres personnes dans son environnement social.
Par ailleurs, il arrive que le sentiment d’être jalousé, soit jubilatoire pour certains, être envié, gonfle leur ego ; mais chez d’autres, il peut y avoir aussi la crainte de susciter la jalousie, et que cela crée chez les jaloux,  avec des intentions malveillantes. Méfions-nous des jaloux !(Pour vivre heureux, vivons cachés)
Quant à l’envie, cette demi soeur de la jalousie, elle est sentiment, comme ressentiment, tour à tour passion triste ou passion joyeuse,  c’est une médaille avec ses deux faces : mauvaise amie, mauvaise conseillère, ou bonne amie, bonne conseillère, sentiment positif lorsqu’elle stimule, quand elle est désir, soit le propre de l’humain. Elle est alors, moteur d’action, avec l’espoir et sa promesse de récompense; elle est chez René Girard – désir mimétique.        Elle est moteur d’apprentissage chez l’adulte comme chez l’enfant ; elle peut parfois nous aider à nous dépasser, quand, suivant l’expression, on meurt d’envie ; elle peut être admirative Mais elle peut est négative, ressentiment, lorsqu’elle est justement synonyme de jalousie, et ceci particulièrement lorsqu’on utilise son adjectif, envieux, c’est-à-dire lorsqu’un individu est, suivant les expressions : rongé d’envie, dévoré d’envie, jusqu’à crever d’envie, et qu’elle n’est que convoitise, et cupidité.
Elle peut devenir souffrance, et, parfois, elle finit par isoler l’envieux, l’envieuse, le jaloux, la jalouse. La jalousie,  nous dit André Comte-Sponville, diffère de l’envie en ce sens que l’une « est la crainte,  et l’autre, est espérance »  
Et dans ces quelques définitions, on ne peut écarter que l’envie a aussi sa connotation sexuelle, où se côtoient la passion et son démon : « J’ai envie de toi dit l’amoureux, ou l’amoureuse… »
Et puis, je n’oublie pas, que dans un sens très actuel, comme nous sommes tous sujets à l’envie, elle peut aussi être un moteur économique. 
De même que l’envie mimétiquepeut aussi nous amener presque à nouq désidentifier, à imiter les modes de consommation, modes vestimentaires, etc.., (Je laisse ces deux  points  pour le débat)
Alors, et pour conclure cette introduction) qu’en dit la philosophie ? Généralement elle classe, à partir de Lumières, où de ses précurseurs,  l’envie dans les sentiments positifs ou négatifs.  La religion, elle, l’a longtemps présentée sous son seul aspect négatif de péché capital (Troisième dans l’ordre des péchés capitaux) et aussi dans les dix commandements : Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, tu ne convoiteras ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui lui appartient.
Au passage je remarque que la femme appartient à son maître au même titre que l’âne et le bœuf (Mais là je digresse)  Alors, la jalousie et l’envie, ces états affectifs,  ces passions sont-elles des démons qui sont en chacun de nous ? Pouvons-nous les canaliser, dominer ces démons, les maîtriser, pour que l’envie et la jalousie  nous servent sans nuire aux autres? Voyons si la réponse est dans le débat !   (Luis)     

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« La jalousie fut chez moi un mal soudain et terrible. Si, apaisé, je cherche aujourd’hui à en retrouver les causes. Il me semble qu’elles étaient très diverses. Il y avait d’abord un grand amour et le désir de conserver en moi les moindres parcelles de ces matières précieuses qu’était le temps d’Odile, ses paroles, ses soupirs, ses regards…je voulais régner sur l’esprit d’Odile ». (André Maurois. Climats. I, VIII)

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Revenant à  la question de savoir si on pouvait vivre sans jalousie. Dans les années 1960, des hippies en Californie vivaient dans des communautés, où personne n’était la propriété de personne, où les hommes et les femmes changeaient de partenaires au gré de leur fantaisie sans que cela pose de problèmes de jalousie.
Mais, inévitablement, il se trouva deux êtres qui avaient une forte attirance et qui devenaient jaloux. De fait, ils retrouvaient cette norme ancestrale ; la jalousie renaissait avec l’amour, et avec cette notion sacralisée du couple. Je ne connais pas réellement d’expérience dans nos sociétés occidentales où l’on ait éliminé la jalousie. Enfin, pour aborder un autre aspect de la jalousie, laquelle n’est pas, dans le couple, réservée à un seul aspect sexuel. Etant amoureux de ma femme, si elle a une relation intellectuelle privilégiée avec quelqu’un qui va prendre une place trop importante dans son esprit, s’il y a des pôles d’intérêt dont je suis exclu, si je suis écarté, alors, là sans qu’il y ait infidélité ou tromperie,  va naître un sentiment de jalousie. L
Le couple est un univers sacré, une l’intrusion d’un tiers est une trahison, comme un viol, un viol dans la sphère la plus privée qui soit.  (Luis)    

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« Ô jalousie qui se dévore elle-même ! fi !Bannissez-là ! »  (Shakespeare. La comédie des erreurs)

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   Depuis la mythologie, on trouve la jalousie d’Héra envers ce « chaud lapin » de Zeus qui fricotait dans tout l’Olympe et au-delà, Héra fera des « vacheries » à ses maîtresses, Io s’en souvient. De tout temps, la jalousie a inspiré des tragédies, des romans, des contes de fée, des fables, des scenarii au cinéma, des chansons…
Dans les tragédies, elle nous montre des crimes passionnels, crimes de la jalousie. Euripide nous a fait vibrer avec Médée, laquelle, pour punir Jason, va jusqu’à tuer ses propres enfants. Celle-ci dit à son époux : « Tu n’allais pas,  après m’avoir rejetée de ton lit, passer une vie de plaisir, à te moquer de moi. […] Je t’ai rendu, comme il se doit, coup pour coup, droit au cœur. » Heureusement, Feydeau a su mettre en scène la jalousie pour en faire un divertissement et nous faire rire avec le personnage récurrent du mari cocu. Par exemple, dans une pièce de boulevard, le mari surprend l’amant dans la chambre de sa femme ; il le somme de partir, de se rhabiller, et alors l’amant, ayant du mal à remettre ses chaussures, demande au mari, s’il ne pourrait pas lui prêter une corne !   (Luis)    

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   Sophie Bessis, dans son œuvre  nous décrit avec talent la jalousie de petites filles tunisiennes envers des petites Françaises blondes au sein d’un lycée à Tunis : « Ensuite, elles faisaient leur communion. En costume de petites mariées, avec traîne et voile de tulle, missel à la main et distribuant autour d’elles des images pieuses, elles venaient en grande pompe dans la classe saluer leur maîtresse avec une modestie triomphante, et recevaient d’elles des congratulations qui nous brisaient le cœur. Qui d’entre-nous, musulmanes et juives partageant une fois de plus les mêmes ténèbres, n’a rêvé au moins une fois dans son enfance d’être catholique pour pouvoir être admise dans cette féerie ? »  (Sophie Bessis. L’occident et les autres. Histoire d’une suprématie)

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La jalousie est un sentiment qui peut être destructeur.  « Comme jaloux, je souffre quatre fois : parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l’être, parce que je crains que ma jalousie blesse l’autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité : je souffre d’être exclu, d’être agressif, d’être fou, et d’être commun ».  (Roland Barthes. Fragments d’un discours amoureux)

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Une déjà vieille chanson évoque la jalousie : (extrait : 1er couplet)

Jalousie.

Jalousie, tu viens ramper autour de moi, comme un serpent perfide et froid
Jalousie, tu rives dans ta chaîne mon cœur glacé d’effroi
Jalousie, tu viens salir de ton venin la blanche trame du destin
Jalousie, tu fais jaillir la haine dans l’ombre du chemin.
Jamais, tu ne me livres ton secret mais, tu sais cueillir tour à tour
Pour empoisonner au long des jours, mon amour

Jalousie, parfois je sais par toi qu’un étranger a pris ma belle au cœur léger
Jalousie, j’attends dans ma folie, la joie de me venger.

Paroles et musique de Maurice Yvain. Extrait de l’opérette Chanson gitane (1946). Chanson interprétée par Armand Mestral.

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La jalousie commencerait très tôt. Une étude au Etats-Unis fait l’objet d’une communication qui nous dit que des bébés se manifeste par des cris, des pleurs, lorsqu’ils voient leur maman se pencher sur une poupée à l’apparence d’un petit enfant. (Luis)      

                              

 « La jalousie produit sur nous l’effet du sel sur la glace : elle opère, avec une effrayante rapidité, la dissolution de notre être. Et, comme la glace, quand on est jaloux, on fond dans la boue. C’est une torture et une honte. On est condamné au supplice de tout savoir et de tout voir. Oui ! Hélas ! car imaginer c’est voir ; c’est voir sans même la ressource  de détourner ou de fermer les yeux »  (Anatole France. La vie littéraire, 1ère série. Article : Mensonges)

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 « Déjanire – …cependant vivre sous le même toit qu’une rivale, partager avec elle son mari, quelle femme s’y résoudrait ? Je vois cette jeunesse fraîche éclose et la mienne près de se faner. Le regard de l’homme cueille avidement la fleur nouvelle ; il se détourne des autres…je crains qu’Héraclès n’ait plus de mon époux que le nom : à la plus jeune tout l’amour » (Les Trachiniennes. Sophocle)

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« Celui que la flamme de la jalousie cerne de toute part  finit, comme le scorpion, par tourner contre soi son dard venimeux » (Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra)

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L’envie est un sentiment qui découle du désir de
quelque chose que l’on n’a pas
La jalousie est un sentiment qui nait de la crainte
de perdre quelque chose que l’on a.
(Dictionnaire d’étique et de philosophie morale. PUF.

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« La jalousie naît de l’insoutenable vision du plaisir qu’une créature aimée reçoit d’une autre personne et lui prodigue »  (François Mauriac. La Pharisienne. V)

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La jalousie naît avec l’amour dit-on. Ne pas avoir cette potentialité en soi, d’être jaloux, est une infirmité émotionnelle, une infirmité affective. Des philosophies comme le stoïcisme nous invitent à nous détacher de tout ce qui est émotionnel. Ne pas vouloir prendre le risque de souffrir d’amour, se protéger, se caparaçonner et fuir l’amour abandon, c’est peut-être vivre un de vie mesquine, ne pas oser vivre.
J’ai trouvé quelques pistes de réflexion intéressantes dans le livre : « Jalousie »  de la psychanalyste américaine Nancy Friday, mais comme la plupart de ses collègues américain elle en est encore à imputer la cause et l’origine du sentiment de jalousie aux frustrations du bébé, du sein de la mère, au « popo », n’étant pas encore sortie  des ornières freudiennes. (Luis)

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 « La sombre jalousie, au teint pâle et livide, suit d’un pas chancelant le soupçon qui la guide » (Voltaire. Henriade. IX)

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« …aussi la jalousie, n’est rien d’autre qu’une fluctuation de l’âme née de ce qu’il a de l’amour et de la haine en même temps…Il aura en haine la chose aimée,  parce qu’il est obligé de joindre l’image de la chose aimée aux parties honteuses de l’autre » (Spinoza. Ethique. Scolie de la proposition XXXIV. 3ème partie)

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« Les sentiments de jalousie démangent plus que les puces »  (Isabel Allende)

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