Langue, Langage

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La tour de babel. Peter Bruegel l’ancien.

Le Grand Robert de la Langue Française : Fonction d’expression de la pensée et de la communication entre les hommes, mise en œuvre au moyen d’un système de signes vocaux (parole)

Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Lalande : Proprement, fonction d’expression verbale de la pensée, soit intérieure, soit extérieure.

Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville : Au sens large : toute communication par signes (on parlera par exemple du langage des abeilles. Au sens stricte, ou spécifiquement humain : la faculté de parler (la parole en puissance) , ou la totalité des langues humaines. On remarquera que le langage ne parle pas, ne pense pas, ne veut rien dire, et qu’il n’est pas une langue ; c’est pourquoi nous parler et penser.

Synonymes : Discours. Idiome.  Parole. Verbe.

Contraires :

Par analogie : Accent. Amphigouri. Argot. Baragouinage. Carabistouilles. Charabia. Code. Communication. Conversation. Dire. Etymologie. Gloubi-Boulga. Jargon.  Linguistique. Locution.  Mots. Oralité. Patois. Parler. Pensée.  Polysémie. Propos. Rhétorique. Sabir. Sémiotique. Sens. Sophisme. Tour de Babel. Vocabulaire.

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« Tout langage manipule, discourir c’est assujettir » (Roland Barthes)

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Nous voyons depuis quelques dizaines d’années s’installer dans le langage des expressions qu’on nomme du politiquement correct, qui ne sont le plus souvent que des pruderies de langage. Cette tendance se retrouve surtout aux Etats-Unis là où sévit un certain puritanisme parfois assez hypocrite, qui ne démentirait pas le « Tartuffe »  de Molière.

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Le 2 avril 2013, l’information nous dit que Barak Obama, a du présenter des excuses par ce qu’il avait déclaré que la Ministre du commerce de son pays était « une belle femme ». Il a fait l’objet de l’indignation des mouvements féministes et autres, l’accusant de sexisme. (Luis)

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 « Si le sujet est bien vu, les mots suivront aisément »  (Horace)

 « D’eux-mêmes, les sujets entraînent les mots »  Cicéron)

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire vous viennent aisément »

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 « …Lorsqu’on retourne vers des textes écrits, clairs et précis, on mesure toute la différence et toute l’élégance que peut avoir notre langue.
Je pensais en écrivant ces lignes à la question de la célèbre ballade du poète François Villon, avec ce vers plusieurs répété : « Mais où sont les neiges d’antan ? ». Imaginez un peu ce vers atteint des deux maladies signalées ici : « Où est-ce qu’elles sont les neiges d’antan ? ». Et je ne parle des horreurs comme : « Où c’est-y quelles sont les neiges d’antan ? »  (Jacqueline de Romilly. Le jardin des mots. 2007)

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« Les élus de la société, ceux que la destinée excepte de ces servitudes qui sont le lot de l’homme pauvre, ont partant cette double mission d’adorer et de respecter l’art de la langue» le non respect « de la ponctuation est un blasphème d’autant plus grave que dans le même temps, des poètes merveilleux nés dans des cités poubelles ont pour elle cette sainte révérence qui est due à la beauté. Aux riches le devoir du beau, sinon ils risquent de mourir »  (Muriel Barbery. L’élégance du hérisson)

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« Le langage  est le fondement de toute civilisation. C’est lui qui soude les individus pour en faire un peuple… »  (Réplique dans le film de science fiction : Arrival)

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« La faute d’orthographe est presque ma langue maternelle »  (Daniel Picouli)

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 « Les articulations de la voix et la peinture de ces articulations par l’écriture vulgaire ne sont pas les seuls signes que la nature ait mis à disposition  de l’homme pour la communication de ses pensées. Les avantages du langage oral sur le discours écrits tiennent justement à ce que les signes accessoires de la parole, l’accent, l’intonation, l’accélération et le ralentissement du débit, se prêtent au besoin à des nuances infinies, comme celles de la pensée qu’il s’agit de rendre, comblent en quelque sorte les intervalles et les hiatus du langage, et (pour employer l’expression reçue) « font tableau » c’est-à-dire rétablissement, la continuité, telle qu’elle pourrait se trouver dans cette sorte d’image, la plus sensible de toutes… »
«  Le langage s’est tellement incorporé avec les produits de notre intelligence, que les Grecs employaient le même mot  pour désigne le langage et la raison, et qu’il doit paraître de prime abord impossible de discerner ce qui de la nature de nos facultés intellectuelles d’avec ce qui tient à la forme de l’instrument quelles manient » (A. Cournot. Essai sur les fondements de nos connaissances)

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Une erreur de langage peut être conséquente : Dans la Bible au Livre des Juges, XII, 6, les gens de Galaad  pou reconnaître les gens d’Ephraïm au passage d’un guet,  faisaient prononcer le mot Schiboleth (fleuve) ….., or 42000 prononcèrent Sibbolet et furent mis à mort 

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Introduction au débat :               Le Français est-il en danger ? 

Iahvé descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les hommes, et Iahvé dit : «  Voici qu’eux tous forment un seul peuple et ont un seul langage. S’ils commencent à faire cela, rien désormais ne leur sera impossible de tout ce qu’ils décideront de faire. Allons ! Descendons et ici même confondons leur langage, en sorte qu’ils ne comprennent plus le langage les uns les autres ».  Puis il les dispersa sur la surface de la Terre. (Ancien Testament Genèse)
Chaque mois 2500 langues disparaissent  dans le monde, souvent des langues vernaculaires, de communautés africaines. Des langues qui ont rayonné, des langues écrites, langues de culture, tel le Grec ancien, le Latin, sont devenues des langes mortes. Sans jouer les « Cassandre », et sans alarmisme nous pouvons craindre que notre langue perde de son rayonnement, ceci face à une langue qu’on nous présente comme dominante : l’anglais, de là cette question : une seule langue est-elle souhaitable pour tous les hommes ?
Le français reste pour les gens attiré par la culture, par les cultures, la langue littéraire par excellence, la langue aussi des philosophes des « Lumières », de la littérature prolifique et variée, mondialement connue ; de tous les pays des écrivains viennent en France ayant le désir de publier une œuvre en Français. Nombre d’écrivains ont honoré notre langue, nous leur en sommes reconnaissants.
On voudrait parfois nous faire accroire que la langue française est arrêtée à la langue dite, Molière ou de Voltaire. Demandez aux étymologistes le nombre de mots qui affluent chaque année dans nos dictionnaires, l’oral toujours en mutation alimente l’écrit et influe fortement sur la norme, même si la langue française s’enrichit d’empreints, elle n’est pas à ce jour la plus menacée, elle serait celle qui résiste le mieux à ce jour. (Luis)   

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« Quand le sujet s’est emparé de l’esprit, les mots l’assiège ». (Sénèque)

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Tout en haut de la tour de Babel la question
Posée aux hommes au sujet de leur ambition
S’est dissoute au milieu du kaléidoscope
Tourbillonnant d’un immense trombinoscope

Et pour sonder le cœur de toutes les nations
Bien au-delà de toute uniformisation
Certains allumés ont sorti leur stéthoscope
Pendant que d’autres s’évadaient en télescope

Ils écoutaient battre la chanson des passions
S’harmonisant dans la diversification
Des langues. C’est bien le meilleur stéréoscope
Pour comprendre un peu le kaléidoscope

Universel. Ce n’est pas une malédiction
C’est tout simplement la réponse à la question
(Florence Desvergnes)

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Il y a plus de deux siècles déjà, Diderot dans l’encyclopédie, nous dit : « « Un idiome commun serait l’unique moyen d’établir une correspondance qui s’étendît à toutes les parties du genre humain, et qui les liguât….Supposé cet idiome admis et fixé, aussitôt les notions deviennent permanentes ; la distance des temps disparaît ; les lieux se touchent, il se forme des liaisons en tous les points habités de l’espace et de la durée, et tous les être vivants et pensants s’entretiennent ». L’anglais progresse vite avec la Globalisation, mais Le Français reste une langue intellectuelle, précise, elle définit clairement, évitant nombre d’ambiguïtés sémantiques, d’ailleurs, nous voyons des situations où sa précision, est redoutée : Les mouvements ayant un caractère intégriste, éliminent le Français de leur enseignement ; les écoles coraniques (Les madrasas) excluent le français, ses références étant trop empreintes de Laïcisme, de valeurs des « Lumières », et langue trop riche, les Ulémas il lui préfère la langue anglaise qui est, plus, un simple véhicule, un langage de l’utilité. Dans des universités américaines, des néo conservateurs (souvent des Evangéliques) proposent des primes à la condition que ces dernières retirent le Français de leur enseignement. (Luis)      

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Ponctuation

__ Ce n’est pas pour me vanter,
Disait la virgule,
Mais, sans mon jeu de pendule,
Les mots, tels des somnambules,
Ne feraient que se heurter.

__ C’est possible, dit le point.
Mais je règne, moi,
Et les grandes majuscules
Se moquent toutes de toi
Et de ta queue minuscule.

__ Ne soyez pas ridicules,
Dit le point-virgule,
On vous voit moins que la trace
De fourmis sur une glace.

Cessez vos conciliabules.

Ou, tous deux, je vous remplace!

Maurice Carême (1899, 1978)

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         « Les diversités culturelles des différents peuples et valeurs proclamées par les individus, sont autant d’expressions culturelles qu’il faut respecter sous la forme qui leur est propre ». (Jean Melville Herkovits. Anthropologue américain. 1930)

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L’ACCENT CIRCONFLEXE ET LA PETITE CÉDILLE

Entre deux vers
D’un long poème,
D’un poème fort ennuyeux,
La cédille aux yeux de verveine
Qui nattait ses jolis cheveux
Rencontra l’accent circonflexe.
Curieuse quoiqu’un peu perplexe,
Sans moi vous l’eussiez deviné,
Elle lui dit pour commencer :
Quel bizarre chapeau que le vôtre !
Seriez-vous par hasard gendarme ou polytechnicien ?
Et que faites-vous donc sur le front des apôtres ?
Est-ce vous la colombe ou la fumée du train ?
Je suis, je suis, gentille cédille,
Le S escamoté des mots de l’autrefois.
C’est à l’hostellerie qu’on emmenait les filles,
Le S a disparu me voici sur les toîts.
Et toi que fais-tu, cédille,
A traîner derrière les garçons ?
Sont-ce là d’honnêtes façons ?
N’es-tu point de bonne famille ?
Accent, bel accent circonflexe,
Voilà toute ma vérité :
Je t’aime, et pour te le prouver
Je fais un S avec un C.

(poème de Jean-Pierre Rosnay)

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Mais la défense de langue française ne doit consister en une attaque de plus de la langue anglaise, laquelle sera peut-être demain le premier véhicule de communication, un lien de communication à minima entre les ressortissants des différentes nations. La langue anglaise, elle aussi, évolue, elle se créolise dit-on, cela par son impact et son implantation géographique qui font qu’il n’y a plus un anglais, mais des anglais. Les hispaniques aux Etats-Unis font évoluer la langue anglaise vers ce qu’on appelle avec humour le « Spanglish » (Spanish, English) ce même español (Castillan) évolue assez vite en regard des apports des vocabulaires des pays « Latinos » aux populations très supérieures à la population de l’Espagne  ibérique.  La « langue de Shakespeare » est parfois méconnaissable, un véritable « Sabir » fait des vocables de différents pays, envahit plus qu’il n’enrichit ; peut-être le prix à payer pour devenir le véhicule, le langage du village global, ce qui a donné cette expression désignant un nouvel anglais, « le Globish », langue qui tend déculturer et la langue anglaise et l’apport de tous les peuples. (Luis)   

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Déjà en 1930 Bergson nous disait : « Quel genre de monde aurons-nous, si un modèle unique s’empare de la race humaine, si les peuples au lieu d’avancer vers une diversité plus riche et plus harmonieuse, se confondent dans une uniformité » ?

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« L’affection que je porte à la lange te l’accent du sud-est […] me viennent de l’enfance et de la jeunesse que j’ai vécu es dans cette région. C’est à ce moment-là que j’ai acquis le sentiment d’être d’ici. Cet accent là chante à mon cœur. L’accent est pour chacun le signe d’appartenance à son pays, un ancrage, un point de repère, la certitude d’être de quelque part »  (Jean-Michel Apathie. J’ai un accent, et alors ? Michel Lafon. 2020)

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« On pourrait consacrer un malheureux cours à étudier les poètes français  écrivant en breton, en alsacien ou en basque. Et réciter ne serait-ce qu’une strophe de ce poème de, Michel Zamacois, intitulé précisément,  L’Accent, qu’avait popularisé en son temps l’acteur Fernandel :

« De l’accent ! de l’accent ! Mais après tout en ai-je ?
Pourquoi cette faveur, Pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais à mon tour gens du nord,
que c’est vous, qui,  pour nous, semblez avoir l’accent très fort,
que nous disons de vous, du Rhône à la Gironde,
« Ces gens-là n’ont pas le parler de tout le monde » !
Et que, tout dépendant de la façon de voir,
Ne pas avoir l’accent, pour nous, c’est en avoir… »
(Jean-Michel Apathie. J’ai un accent, et alors ? Michel Lafon. 2020)

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« L éloquence faict injure aux choses qui nous destourne à soy. Comme aux accoustrements, c’est pusillanimité de se marquer par quelque façon particulière et inusitée ; de mesmes, au langage, la recherche de phrases nouvelles et de mots peu cogneuz, vient d’une ambition puerile et pédantesque. Peusse-je servir que de ceux qui servent aux halles à Paris. »  (L1 § XXVI)

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Les signes, apologie pour quatre voix
Dans Fêtes et lubies 1973
Ecrit par Andrée Chédid

Louange de l’apostrophe
« Oyez !Oyez ! »
Fit l’Apostrophe
« On m’ajoute en catastrophe
Quand le mot manque d’étoffe !
C’est Moi le Saint Christophe
De la strophe
De l’anti-strophe.
En un mot le théosophe :
J’illumine tout l’Alphabet ! 

Pavane de la virgule
« Quant à Moi ! », dit la virgule,
« J’articule et je module :
Minuscule, mais je régule
Les mots qui s’emportaient !
J’ai la forme d’une Péninsule ;
A mon signe, la phrase bascule.
Avec grâce, je granule
Le moindre petit opuscule.
Quant au Point !
Cette tête de mule
Qui se prétend mon cousin !
Voyez comme il se coagule,
On dirait une pustule,
Au mieux : un grain de sarrasin.
Je le dis sans préambule :
Les poètes funambules
Qui sans Moi, se véhiculent,
Finiront sans une notule
Au Grand Livre du Destin ! 
»

Apothéose du point
« Foin de tout ce qui n’est point le Point ! »,
Dit le Point, devant témoins.
« Sans Moi, tout n’est que baragouin !
Quant à la Virgule !
Animalcule qui gesticule
Sans nul besoin,
je lui répond à brûle-pourpoint :
Qui stimule une Majuscule ?
Fait descendre les crépuscules ?
Qui jugule ? Qui férule ?
Fait que la phrase capitule ?
Qui ?
Si ce n’est :
Le Point !
Bref, toujours devant témoins :
Je postule et stipule
Qu’un Point c’est TOUT ! »
Dit le Point.

Eloge de l’accent

« Aigu
Grave
Ou circonflexe
Avec zèle
J’annexe
Par kyrielle
Les Voyelles !
A E I O U, mes Belles !
Je vous suis providentiel !
Je vous coiffe à tire-d’aile
Je vous gèle
Je vous flagelle
Je vous grêle
Je vous ombrelle !
U O I E A, Agnelles !
Rendez-vous à mes appels!
Aigu
Grave
Ou circonflexe
Je vous le répète sans complexe :
C’est l’Accent
Qui fait le Texte

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« Une langue n’existe que dans un lieu, dans un pays, dans le cœur et dans la bouche des gens qui la parlent, elle raconte l’histoire d’un peuple, traduit le monde où elle vit, dit la vie, la vie des gens » (Chahdortt Djavann. Comment peut-on être Français ? Flammarion. 2006)

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« Le royaume n’est même pas encore uni autour d’une langue : le français n’est que la langue du roi, des gouverneure, des notables et de la production imprimée,  essentiellement à Paris ; on le parle en île de France et en Touraine ; les deux tiers des français parlent quotidiennement une autre langue ; dans la France du nord, des millions d’entre eux s’expriment usuellement en langue d’oïl, certains en Picard, en normand ou en Bourguignon ; au Sud d’autres civilisations, utilisent la langue d’oc (Auvergnats, Provençaux, Gascons, Limousins, Lyonnais). D’autres encore vivent en Flamand,: Bretons, Basques, Catalans, Alsaciens.
Pourtant toutes les élites d’Europe échangent en Français ; partout on veut imiter l’art de vivre à la française, en tous domaines : architecture, danse, mode, gastronomie, usages et protocoles, art de penser, de parler, de converser, d’écrire. « L’aristocratie européenne estime même que la langue française est dans certains sens, en train de devenir universelle ». (note le Genevois Guy Miège….. Pierre Bayle écrit alors : « La langue française est désormais le point de communication de tous les peuples d’Europe » (Introduction à  Diderot ou le bonheur de penser, de jacques Attali)

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