Libre arbitre

< Retour au dictionnaire
Pélagius (Pélage) 350/420
(Image domaine public)

Encyclopédie de la philosophie (Pochothèque) : Depuis saint Augustin cette expression désigne, dans le langage théologique, la liberté du choix ou du vouloir humain. Mais savoir en quoi elle  ou dans quel sens on peut l’admettre ou non, est assurément un problème philosophique.

Dictionnaire philosophique. André Comte-Sponville : La liberté et la volonté, en tant qu’elle serait absolue ou indéterminée : c’est « le pouvoir de se déterminer soi-même sans être déterminé par rien » (Marcel Conche). Pouvoir mystérieux et métaphysique strictement : si on pouvait l’expliquer (par des causes) ou le connaître (par une science), il ne serait plus libre. (Voir article)

Encyclopédie de la philosophie (La Pochothèque. Livre de poche): Depuis saint Augustin , cette expression désige dans le langage théologique, la liberté de choix ou du vouloir humain. Mais savoir en quoi elle consiste, ou dans quel sens on peut l’admettre ou non, est assurément un problème philosophique. En des termes assez vagues, Platon et Aristote reconnaissaient déjà que la liberté du vouloir est le fondement de la liberté morale. Ce lien liberté-responsabilité s’est maintenu jusqu’à nos jours dans la pensée occodentale… (Voir article)

Synonymes : Liberté de choix.

Contraires : Dogmatisme. Doctrinaire.

Par analogie : Acte gratuit. Choix. Conscience. Désir. Déterminisme. Dieu. Dogme. Disputations. Eglise. llusion. Hérésie. Hérétique. Indéterminisme.  Jugement. Libertins. Liberté de pensée. Libre penseur. Mal. Péché originel. Pélagisme. Responsabilité. Saint Augustin. Sacrilège. Théologie. Volition. Volonté.    

*

Qu’est-ce que le pélagianisme?
Dans les années 380-390, le moine britanique Pélage commence à Rome une prédication auprès d’un groupe aristocratique qui forme bientôt autour de lui une « élite de la vertu ». Il enseigne alors que grâce à son libre arbitre, tout chrétien peut atteindre la saintetaté par ses propres forces » ( Journal La Croix. 17.11.2018)

*                                                                          

« La notion de péché en même temps que l’instrument de torture qui la complète le libre arbitre, pour brouiller tous les instincts, pour faire de la méfiance à l’égard des instincts une seconde nature ! Dans la notion du désintéressement, de renoncement à soi se trouve le véritable emblème de la décadence. Enfin, et ce qu’il y a de plus terrible, dans la notion de l’homme bon, on prend parti pour ce qui est faible, malade, mal venu, pour tout ce qui souffre de soi-même, pour tout ce qui doit disparaître. La loi de la sélection est contrecarrée…et l’on ajouté foi à tout cela, sous le nom de Morale ».  (Nietzsche. Ecce homo)

*

 » L’alternative qui traverse toute la pensée théologique et philosophique occidentale, et qui demeure présente dans les discussions contemporaines, |…] peut se résumer ainsi; « libre arbitre » sigifie t-il uniquement l’absence de constriction, à savoir, sommes-nous libres chaque fois que nous ne sommes pas amenés à faire un choix en opposition avec ce que seraient en réalité vos préférences. Ou bien, pour qu’un choix soit libre, en faut-il pas autre chose, à savoirune capaciété de choisir même si elle s’oppose à nos propres préférences?  » (Article. Libre arbitre. Encyclopédiede la philosophie, La Pochothèque)

*

«  Je ne peux espérer améliorer ma condition que dans la condition où il m’est impossible d’infléchir mon destin. Dans la Lettre à Ménécée, Epicure fait deux fois allusion à l’idée de liberté. Comme le fera plus tard, Machiavel, il rappelle que l’avenir n’est ni tout à fait déterminé, ni tout à fait libre : il y a des condition à mon action, mais je peux agir sur ces conditions. La fin de La Lettre est plus précise : elle articule la nécessité physique du monde au hasard et à l’action humaine. De sorte qu’en intégrant l’idée de hasard dans le monde physique, le matérialisme d’Epicure permet d’échapper au fatalisme, à un monde froid, déterministe. Il laisse une place à l’action humaine authentique » (Intelligence du matérialisme. Benoît Schneckenburger. Editions de l’Epervier 2013)

*

 « Si nous t’avons donné, Adam, ni une place déterminée, ni un aspect qui te soit propre, ni aucun don particulier, c’est afin que la place, l’aspect, l’aspect, les dons que toi-même aurais souhaités, tu les aies et les possèdes selon ton vœu, à ton idée. Pour les autres, leur nature définie, c’est ton propre jugement est tenue en brides par les lois que nous avons prescrites : toi, aucune protection ne te bride, c’est ton propre jugement, auquel je t’ai confié, qui te permettra de définir ta nature. Si je t’ai mis dans le monde en position intermédiaire, c’est pour que de là tu examines plus à ton aise tout ce qui se trouve dans le monde alentour. Si nous te t’avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel, ni immortel, c’est afin que, doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures qui sont bestiales, tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures qui sont divines »  (Pic de la Mirandole.  De la dignité de l’homme)

*

«…  la volonté n’est qu’un nom abstrait pour désigner nos volitions toujours déterminées… L’illusion de la liberté de la volonté, l’illusion du libre arbitre, vient du fait que nous sommes conscients de nos désirs, mais que nous en ignorons ordinairement les causes : de même une pierre qui tombe, si elle était conscient de son mouvement et que par conséquent elle le désirait, pourrait se croire libre »  (Spinoza. Éthique)  

*

Complainte du libre arbitre.

Rencontrant un jour le Christ,
Pierrot, de loin, lui fait, psitt !
Pouvez-vous m’informer un peu,
comment l’homme est-il libre et responsable,
si tout ce qu’il fait est prévu par Dieu ?
Et voici ce que le Seigneur jésus,
tout pâle, lui a répondu :
ben ! Ça serait pas de refus.
Mais votre conduite vous accuse,
et puis, vous êtes sans excuses.
« en enfer et sans façon
 vous irez triste polisson,
et ce sera une bonne leçon ! »

mais lui tournant les talons,
Pierrot dit : « T’en sais pas long,
car tu as détourné la question ».

Jules laforgue.

*

    « Les pélagiens qui refusent la notion de péché originel, nous disent que si Dieu eut voulut que nous puissions être que de vertu il nous aurait donné les moyens de combattre nos mauvais penchants, de résister à la tentation, ce qu’ils nommèrent aussi « une grâce », et s’il a mis en nous une part de mal, il nous laisse seuls assumer son œuvre, donc si Dieu est auteur du bien qui est en nous, il est « de facto » également l’auteur du mal. L’expression française de « libre arbitre » rend insuffisamment compte du lien indissoluble qui l’unit à la notion de volonté, lien apparaissant clairement dans les expressions anglaise (Free will) et allemande (Willensfreiheit), qui présente cependant le désavantage de dissoudre la notion d’arbitre ou de choix essentielle au concept. « Libre arbitre » (liberum arbitrium en latin) est la contraction de l’expression technique : « libre arbitre de la volonté ». De ce concept forgé par la théologie patristique latine, il n’est pas exagéré d’écrire qu’il fut inventé pour disculper Dieu de la responsabilité du mal en l’imputant à sa créature. Ceci apparaît avec clarté dans le traité De libero arbitrio d’ Augustin d’Hiponne fondé sur le ce concept du libre arbitre est attribué à Augustin d’Hippone. Dans un ouvrage « De libero arbitrio », il explique dans un dialogue que Dieu n’est pas responsable du mal que fait l’homme. Même si Dieu est l’auteur des âmes, Dieu leur a donné le libre arbitre, soit la capacité de mal agir, et de la responsabilité du péché, donc in fine Dieu n’est en aucun cas responsable du mal »  J’ajouterai à ce texte que cette présentation augustinienne, est un  forme de réponse à la question embarrassante que posaient ces « maudits » épicuriens, à savoir :
1° Si le mal existe et que Dieu ne peut y remédier, alors il n’est pas omnipotent.
2° Si le mal existe et qu’il ne veut pas y remédier y il est complice du diable.
Le libre arbitre chargeant l’unique responsabilité sur l’homme, c’est, dirait-on dans le langage d’aujourd’hui « botter en touche !»   
Dans cet ouvrage du libre arbitre, (De libero arbitrio, I, 16, 35) un il y a un dialogue entre l’évêque d’Uzalis  et Augustin :
 « Evodius : « D’où vient que nous agissons mal ? Si je ne me trompe, l’argumentation a montré que nous agissons ainsi par le libre arbitre de la volonté. Mais ce libre arbitre auquel nous devons notre faculté de pécher, nous en sommes convaincus, je me demande si celui qui nous a créés a bien fait de nous le donner. Il semble, en effet, que nous n’aurions pas été exposés à pécher si nous en avions été privés ; et il est à craindre que, de cette façon, Dieu aussi passe pour l’auteur de nos mauvaises actions »  (Luis)

*

« L’homme est libre, encore une fois, quand il peut ce qu’il veut, mais il n’est pas libre de vouloir ; il est impossible qu’il veuille sans cause. Le nuage qui dirait au vent « je ne veux pas que tu me pousses »ne serait pas plus absurde. ».  (Voltaire. Derniers écrits sur Dieu § XIII)

*

 « Les hommes furent pensés comme libres, pour pouvoir être jugés et châtiés »  (Nietzsche. Crépuscule des idoles)

*

« La raison que les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’il sont conscients  de leur actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés » (Spinoza. Ethique. Livre III)

*

«  Alors que nous agissons, au même moment nous sommes agis. L’auteur dernier de toutes nos volontés est le Créateur du monde qui, au début donna le branle à cette immense machine et plaça tous les êtres dans cette position particulière d’où il faut que, résulte par une inévitable nécessité, toute nécessité ultérieure. Aussi, ou bien les actions humaines ne peuvent être en rien moralement dépravées, puisqu’elles proviennent d’une aussi bonne cause ; ou bien, où elles si sont dépravées ; il faut qu’elle enveloppe notre Créateur dans la même faute tant qu’on le reconnaît comme leur cause et leur auteur dernier…. » (David Hume. Enquête sur l’entendement humain. 1748)

*

«  Nous n’avons pas de libre arbitre, mais nous pouvons nous affranchir un peu plus de la tyrannie de notre volition »   (Yuri Noah Hariri. 21 leçons pour le 21ème siècle)

*

Le maître – Dîtes moi où l’on va ?
– Jacques – Est-ce que l’on ne sait jamais où l’on va ? Personne n’en sait jamais rien, personne ! – Le maître – Alors conduisez-moi.
– Jacques – Comment puis-je vous conduire, si je ne sais pas où l’on va ?
– Le maître – oui, mais tu as oublié ce qui est écrit. C’est bien le maître qui donne les ordres. Mais c’est jacques qui choisit lequel ; alors j’attends
– Jacques  – Bon ! Je veux donc que vous me conduisiez : en avant !
– Le maître – (regarde autour de lui, embarrassé) Je veux bien, mais en avant c’est où ?Jacques – Je vais vous révéler un grand secret, une astuce séculaire de l’humanité. En avant, c’est partout. Partout où que vous regardiez, partout c’est en avant.
– Le maître – Mais c’est magnifique Jacques !
– Jacques – Oui, moi aussi, je trouve cela très beau
– Le maître – Et bien Jacques, en avant  (Diderot. Jacques le fataliste)

  *

Ou l’être est totalement prévisible, et alors il n’y a plus de libre arbitre.
Nous avons besoin de croire dans notre libre arbitre, (c’est une des exigences du « sur moi »),  sauf que, ainsi que nous le dirait Schopenhauer : que notre « volonté voulante » est dictée par des désirs intériorisés, que cette volonté de choix n’est que la manifestation du –ça- impulsion volontaire.
Le libre arbitre est lié à notre responsabilité d’individu, c’est parce que nous avons ces choix dans nos décisions, mais c’est pour cela qu’on peut se dire libres. Et cela implique aussi des devoirs de conscience. On pense au devoir de désobéissance, nous ne pouvons nous délester de cette conscience. Cela se retrouve dans la désobéissance civile, comme dans la théorie de la baïonnette, par exemle… (Luis)

*

Débat :                   « Avons-nous réellement un libre arbitre ? »

Schopenhauer nous expose un aspect du libre arbitre qu’on retrouvera dans les romans ; comme, dans « Les caves du Vatican » de Gide, où les personnage Lacadio se dit qu’il peut jeter un individu par la porte du train, ce qu’il fera, (après avoir jouer son action à pile ou face. Dans un temps qu’il a fixé, s’il voit ou ne voit pas une lumière au loin dans le paysage qui défile, il passera ou non à l’acte). Acte gratuit, et libre arbitre ne découlant d’aucune influence sociologique, morale, légale, cela peut en faire, un acte de bravoure, comme un acte répréhensible…. « Si la liberté n’est qu’indifférence de choix, un homme placé dans des circonstances données, peut en vertu de cette liberté d’indifférence, (le libre arbitre) agir de deux façons diamétralement opposées » (Essai sur le libre arbitre. Schopenhauer).
Pour lui nos choix sont déterminés par nos impulsions, nos désirs, il n’y a que des motifs en opposition parfois jusqu’à ce que l’un qui est dans notre nature même, qui est dominant, s’impose ; pour lui, nous ne déterminons pas notre être, nous ne choisissons pas d’être victimes, ou d’être bourreau, nous ne choisissons pas « l’être »; la seule concession qu’il fera est de dire que nous pourrions créer des motifs plus forts, ceux-là alors se créent, par l’éducation,par la culture, les arts, particulièrement la musique pour Schopenhauer, et également, par l’échange, l’écoute de l’autre, et as l’étude. Pour l’anecdote, Schopenhauer voudra prouver qu’il possède un libre arbitre, en faisant de son chien, son légataire universel. (Luis)

*

« Dès lors j’affirme qu’à tout être raisonnable qui a une volonté, nous devons accorder nécessairement aussi l’idée de la liberté, sous laquelle seulement il agit ». (Kant. Fondation de la métaphysique des mœurs)

< Retour au dictionnaire