Matérialisme

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Julien Offray de la Mettrie.
Gravure de Friedrich Schmidt
1ère moitié du XVIIIème siècle

Grand Robert de la langue française : Doctrine dans laquelle il n’existe d’autre substance que la matière. Matérialisme dialectique : Nom donné à la doctrine de Karl Marx Etat d’esprit caractérisé par la recherche des jouissances

Trésor de la langue française : Doctrine qui, rejetant l’existence d’un principe spirituel, ramène toute réalité à la matière et à ses modifications

Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. PUF : Le mot « matérialisme se prend en deux sens, l’un trivial, l’autre philosophique.
Au sens trivial, la matérialisme désigne une personnalité ou un comportement qui privilégie les préoccupations « matérielles », c’est-à-dire sensibles ou basses : le matérialiste c’est alors celui qui n’a pas d’idéal, qui ne vit que pour l’argent, le confort et les plaisirs de la chair…
Quant au sens philosophique, qui apparaît d’abord le premier (au tournant des 17ème et 18ème  s.) il ne relève pas seulement de la philosophie morale. Le matérialisme en cet autre sens, désigne moins une façon de vivre qu’une façon de penser…  (Voir article : Matérialisme)

Encyclopédie de la philosophie. Livre de poche. Le premier matérialiste de la pensée  occidentale est sans nul doute Démocrite avec laquelle « Les principes de toute chose sont les atomes et le vide ». L’âme est donc pour lui composée d’atomes…le refus du finalisme pouvait se prévaloir d’une explication des causes faisant surgir spontanément les cosmos du chaos, sans qu’aucun principe supérieur n’ait besoin d’intervenir. La pensée chrétienne toute entière considérera comme son adversaire principal ce matérialisme atomiste… Voir article : Matérialisme)

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : Toute doctrine ou attitude qui privilégie, d’une façon ou d’une autre, la matière. Le mot de prend principalement en deux sens, l’un trivial, l’autre philosophique.

Synonymes : Atomisme

Contraires : Idéalisme. Spiritualisme.

Par analogie : Âme. Cellule. Clinamen. Dualisme. Embryon. Epicure. Gène. Humanisme. Illusion. Libertins. Matière. Monisme. Physique. Rationalisme. Réalisme. Réel.

Le matérialisme est le système de philosophie le plus ancien, le premier système chez les Grecs, ceux  de l’école de Milet au 5ème siècle avant notre ère, avec des philosophes comme Thalès. Anaximène. Anaximandre, ils reprennent des idées comme la théorie de l’atome déjà développées par les  bouddhistes en Inde. Ils seront suivis sur cette voie par  Démocrite puis par Epicure. Lucrèce « Rien ne naît de rien », ce qui exclut la création divine, qui exclut le monde des idées de Platon. Courant de pensée qui sera  prolongée par les philosophes libertins, Gassendi, Offray de la Mettrie. Puis : Diderot, Nietzsche, Cioran, Feuerbach, Baron d’Holbach,  Engels, Deleuze, Sartre, et jusqu’à nos jours avec des philosophes comme André Comte-Sponville, Michel Onfray, la liste est longue. (Luis)                                                                                                                         *

« On a dit qu’il y a deux mondes, le physique et le moral. Plus on aura d’étendue dans l’esprit et dans les sciences, plus on sera convaincu qu’il n’y en a qu’un, le physique qui mène tout lorsqu’il n’est pas contrarié par des causes fortuites….. »  Abbé G. Raynal 1713/1793)

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« Le comment m’intéresse assez pour que je renonce sans regret à la vaine recherche du pourquoi »  (Roger Martin du Gard)

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Le matérialisme au sens commun, se défini aujourd’hui comme, recherche des jouissances, comme un désir excessif d’avoir, de consommer, il devient un moteur pour accéder à « la bonne  vie», au désir de beaucoup plus d’argent, lié à l’importance de  l’image qu’on donne de soi, à la réputation ou notoriété, ce « more money » disent les habitants  de Etats-Unis participe au bonheur du peuple..
La haine des religieux, pour ce courant de pensée qui exclut toute divinité, va parfois jusqu’à associer le matérialisme philosophique au Stalinisme, aux crimes du totalitarisme communiste, de même pour le nazisme dont elle serait responsable, les raisons de cette haine sont évidentes lorsqu’on entend à dessein, l’expression de « matérialisme athée », ce qui est par ailleurs un tautologie, sauf à ce qu’on rencontre un matérialiste religieux.
C’est prendre le matérialisme pour  une religion que de penser, ou laisser à penser qu’il se propose d’expliquer toute chose, que tout mystère va disparaître, que le matérialisme va « désenchanter le monde ». Le matérialisme veut que l’homme pense par lui-même, qu’il cesse de sa laisser influencer par  des idées toutes prêtes, qu’il éduque ses enfants pour qu’ils soient libres de toute contrainte religieuse. (Luis)

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Un hymne au matérialisme économique : « C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du Marché, qui dans le passé a rendu possible le développement d’une civilisation qui, sans cela n’aurait pas pu se développer ; c’est par cette soumission quotidienne que nous contribuons à construire quelque chose qui est plus grand que nous, que nous ne pouvons comprendre ».  (Friedrich Von Hayek. La route de la servitude 1949.

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      Je définirai le matérialismecomme : Une position réaliste, de démystification qui part de « ce qui est », avec pour postulat que « rien ne se crée à partir de rien ». Pour le matérialiste l’univers est sans mystère (au sens mystique), il traque les illusions, la vie n’existe qu’ « ici et maintenant ». Les hommes sont les acteurs de leur histoire, ils ont à bâtir eux-mêmes leur histoire,  « il n’est pas de société que la volonté des hommes ne puisse changer » dira plus tard un philosophe. Le matérialisme n’est pas porteur d’un dogme, nul n’est assujetti, tout est à construire, tout ce qui découle de la raison et non des croyances sans fondement peut aider à la construction de l’humanité, alors que les idéalistes (au sens philosophiques) cherchent à démontrer des vérités spéculatives, le matérialiste s’attache à ce qui est exact, démontrable,  la vérité pouvant toujours être subjective Il sait que la société sans cesse se déconstruit et se reconstruit et cela souvent en regard des rapports de force, d’où la nécessité de participer à la vie collective ; il sait que la qualité, la richesse des rapports humains n’est pas donnée par une règle de quelque origine, mais par les contacts humains et la qualité de ses rapports, il est de ce fait un acteur engagé dans tous les rapports humains.
Le matérialiste au sens philosophique du terme est vertueux, même s’il ne suit pas l’éthique liée à des croyances installées, celle d’un lieu, d’une époque, il n’en reste pas moins d’une exigence morale dont il se fait le modèle, pour lui, et pour donner l’exemple.
Le matérialiste ne peut considérer l’esprit sans le corps et inversement, donc nous dualiste, non cartésien, pour cela il refuse que sa partie corporelle soit considérée comme la partie animale en lui, tout comme Epicure il respecte et glorifie ce corps, accède aux désirs du corps et les contrôle, c’est la tempérance épicurienne, il rejette la notion du péché qui induit parfois la haine du corps, jusqu’à la haine de soi prônée par un philosophe illuminé. .
L’homme est un esprit ;  et un corps, l’âme n’est pour lui que construction abstraite, qui nous renvoie aux débuts de la connaissance de l’homme.
Tout comme l’atome ; la cellule, l’embryon, le gène, seraient aujourd’hui les premiers moteurs de l’histoire des hommes. Dans la tradition d’Epicure ; tout scientifique est de ce fait,  un matérialiste.
Tout comme pour certains mots, comme épicurisme, ou Sophistes, le terme matérialiste à fait l’objet d’une transposition sémantique en le définissant comme « utilitariste » avide de gains, égoïste, jouisseur impénitent, ou toujours dans une optique péjorative : un homme sans foi,  qui devient « homme san foi ni loi ».
Ces glissements sémantiques sont le résultat de plus de deux siècles de transmission du savoir par l’Eglise catholique qui voyait dans l’enseignement d’Epicure, un matérialisme qui libérait l’homme des croyances, de la crainte des dieux, qui le mettait en accord avec son corps, qui glorifiait la femme et son corps, qui en faisait l’égale de l’homme, qui leurs  donnaient (hommes ou femmes) la possibilité de se construire eux-mêmes sans référence aux dogmes, c’est enseigner la détermination en refusant le déterminisme, donc un enseignement et  une discipline considérée comme dangereuse. (Luis)                                                                                               

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«  …eso que llamamos materialismoquiere decir para nosotros que la doctina que niega la immortalidad del alma individuel, la perstitencia de la conciencia personal después de la muerte »
« …ce qu’ils appellent matérialisme, c’est pour nous (les catholiques) la doctrine qui nie l’immortalité de l’âme individuelle, la persistance de la conscience après la mort »  (Miguel de Unamuno. Du sentiment tragique de la vie)

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« La plupart des premiers philosophes » nous dit Aristote dans son œuvre « Métaphysique », «  considéraient comme les seuls principes de toutes choses ceux qui sont de la nature de la matière ». C’est donc particulièrement à partir de Platon, du monde des idées, puis d’Aristote qui imagine un principe moteur régissant la nature et l’univers qu’il y a cette première rupture avec le matérialisme des premiers philosophes grecs. Ainsi Thalès  (645/545) premier s’attachera à rechercher des explications physiques  pour remplacer les explications mythiques. Son successeur et contemporain Anaximandre (610/547) est Darwinien avant l’heure, il affirme que l’homme provient d’une autre espèce animale. L’homme pourrait venir du poisson. (Luis)      

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« Les ardentes controverses autour de la vérité ou de la fausseté du matérialisme n’ont une telle persistance que parce que on a évité de définir les mots » (Bertrand Russel)

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Le peintre Raphaël a placé au centre de sa composition « L’Ecole d’Athènes »,  Platon  qui regarde le ciel, à côté d’Aristote qui regarde la Terre. C’est l’image de l’Idéaliste qui regarde le ciel, et celle du Matérialiste qui regarde la Terre. (Même si Aristote n’est pas a classer dans les matérialistes)

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Leibniz  en 1702 parle de deux catégories de philosophes : les idéalistes qui soutiennent l’idée d’une âme sans corps, ou, des matérialistes qui seraient le corps sans âme

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 « Dans sa conception des processus matériels, il (le matérialisme) rend inutile l’hypothèse d’un ordre ou d’un mouvement venu de l’extérieur, d’un esprit régnant sur les choses (spiritualisme)     
« Les matérialistes atomistes grecs orientent leurs efforts vers l’affirmation selon laquelle la matière – s’ordonnant par son propre mouvement – est la seule réalité, sans origine ni fin…. Ils s’imprègnent de la sagesse de Leucippe et de Démocrite, inventeurs d’un univers dépourvu  de puissance spirituelle et de justice céleste. Découverte fondamentale : rien ne naît de rien…. Les corps sont composés d’atomes indivisibles, circulant perpétuellement et tourbillonnant dans le vide infini, poussés par le hasard, formant et déformant des mondes. La ligne incontournable de ce matérialisme passe par Epicure (341 – 270 av notre ère – Lettre à Hérodote) et Lucrèce (1er siècle De la nature) Puis par les Stoïciens tardifs (Rome 1er et 2ème siècle) Les deux premiers construisent une sagesse matérialiste chargée de délivrer l’homme de ses terreurs… »  (Christian Ruby. Le matérialisme. Paris Quintette. 1994)

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« …le matérialisme ne cesse de dessiner une philosophie ouverte… Mais ce que l’on commence aussi à comprendre, c’est qu’il s’inquiète des usages et des chimères dans lesquels les hommes sont enfermés et tend à trouver des voies de formation exclusivement profanes… » (Christian Ruby. Le matérialisme. Paris Quintette. 1994)

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 « Le matérialisme laïc et profane se construit suivant quatre principes propres aux activités humaines articulées entre elles :
1° La matière est auto organisation, elle contient en soi-même le principe de son mouvement
2° La pratique des hommes est organisatrice des cités, qui doivent s’attacher à maintenir les hommes debout et à renforcer collectivement la puissance de leur existence
3° La connaissance est une pratique qui transforme le réel dans l’acte même d’appréhension du monde.
4° Se défaisant de ses craintes et de l’angoisse de la mort, l’homme élabore un souci positif de son existence » (Christian Ruby. Le matérialisme. Paris Quintette. 1994)

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« Au premier siècle  St Paul sera un puissant ennemi du matérialisme. Avec lui nous entrons de plein pied dans la culture du moyen âge imposant si fortement l’idée d’un dieu moteur de la matière créée. Dans son ensemble, le matérialisme, qui fait alors souvent alliance avec l’athéisme, est abhorré. Lorsqu’il n’est pas gommé, ce qui transparaît dans les querelles qui lui sont implicitement faites. On craint son influence, son idée du refus de la création, sa manière d’imposer une séparation entre les vérités de la raison  et celles de la foi. Au 11ème siècle St Bernard dit : «  Vous le savez bien, on ne peux servir en même temps deux seigneurs et donc qui voudrait  de ce monde-ci  se transforme en ennemi de Dieu » … A la Renaissance, aussi bien l’Inquisition de l’Eglise catholique  que l’Eglise réformée (Calvin traite Lucrèce de chien) condamnera les matérialistes au bûcher. Giordano Bruno qui écrit « le banquet des  cendres » est de ceux là… »       (Christian Ruby. Le matérialisme. Paris Quintette. 1994)      

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« Le matérialisme contribue à dessiner une affirmation joyeuse de l’existence débarrassée de toute empreinte dogmatique, devenue au contraire une armature pertinente pour l’action et une conception de l’action.
Voilà, probablement, ce pourquoi il traîne avec lui une réputation de scandale. Sur le théâtre des conflits de pensée, il se heurte violemment aux religions pour lesquelles il constitue une menace constante… .. Penser en matérialiste, c’est en somme conquérir de haute lutte la clarté nécessaire à la rectification d’un certain nombre d’illusions » (Christian Ruby. Le matérialisme. Paris Quintette. 1994)

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« Les illusions tiennent moins, en effet, à l’incapacité des individus à connaître le monde (défauts intellectuels, idolâtrie individuelle, irrationalisme) qu’à l’existence et à la prégnance de discours favorisés par les rapports sociaux et les institutions : à l’occasion d’un rapport de domination, en fonction d’une manière de concevoir le gouvernement, en rapport avec la mécompréhension d’une situation ou la difficulté à apprécier la nature de l’action nécessaire. Aussi, on remarque combien les institutions sociales contribuent davantage à produire, asseoir et diffuser les idées qu’une prétendue pensée pure  ne saurait produire d’elle-même. Les idées ne résultent ni de la seule pensée définie comme esprit sans corps ni du seul cerveau. Elles ont une existence sociale, se produisent en l’homme à partir de son éducation, d’un apprentissage (habitudes, langage, mœurs, lois), matériels, institutionnels, qui sont intrinsèquement leur source et l’élément de leur dynamique. En quoi faire la critique des idées, est ipso facto, une façon de remettre en cause des processus institutionnels »
Nous n’avons qu’une vie, et celle-là est d’amitié ou de cité » (Christian Ruby. Le matérialisme. Paris Quintette. 1994)

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« Spinoza qui a tenté dans son Ethique de faire la synthèse de la physique de Descartes avec les hypothèses matérialistes de Giordano Bruno, eut l’insigne honneur d’être en quelque sorte excommunié deux fois. Chassé de la synagogue, il vit ensuite son œuvre mise à l’Index par l’Eglise catholique, si bien qu’au XVIII ème siècle on pouvait être indifféremment qualifié de matérialiste ou de spinoziste » (Intelligence du matérialisme. Benoît Schneckenburger. Editions de l’Épervier. 2013)

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Extrait de l’ouvrage de Benoît Schenkenburger (Professeur de philosophie, essayiste)
                                              Intelligence du matérialisme
Préface de Jean-Luc Mélanchon : «  Vous le devinez : le matérialisme n’est pas un autre nom pour l’appétit de lucre et de stupre. Pas plus que l’idéalisme n’est l’aptitude irréaliste à se passionner pour des cause perdues… »
– Benoît Schneckenburger : « Contrairement à l’idée véhiculée par le sens commun, les matérialistes ne sont pas de grossiers jouisseurs, immoraux et avides d’argent. Le matérialisme désigne depuis la naissance de la philosophie une attitude de pensée qui fait le pari de l’intelligence contre tous les obscurantismes, et voit dans le développement des sciences le moyen de notre émancipation.
Pourtant le matérialisme a mauvaise presse et se trouve dénigré, rabaissé. On le dit simpliste. Sa doctrine concurrente, l’idéalisme, a su partager la haine du matérialisme, et parfois la haine des philosophes. Tous les spiritualismes se rejoignent pour disqualifier le matérialisme, et veulent s’arroger le monopole de l’intellect. Osons au contraire, affirmer l’intelligence du matérialisme. Car dès l’origine il invite l’homme à la connaissance rationnelle de la nature pour se libérer de l’ignorance et prendre en main son destin. Pas de détour par le mythe ou les dieux censés donner l’explication de ce monde, tout en le masquant.
  Loin d’abaisser l’homme en le réduisant à un corps fait d’atomes, le matérialisme donne naissance à un savoir, une éthique, et une politique, c’est-à-dire un humanisme véritable
 »
 (Intelligence du matérialisme. Benoît Schneckenburger. Editions de l’Épervier)

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 « Si les matérialistes ne retiennent pas l’hypothèse d’une âme, c’est parce qu’ils considèrent que la pensée est une propriété du cerveau »
« Si aujourd’hui l’opinion commune semble se contenter de voir dans le matérialisme une pensée qui n’aurait d’intérêt que dans les chose matérielles et consommables, ce n’est que par détournement du sens du mot, pour mieux laisser entendre qu’il n’y a de valeur  que dans une spiritualité qui dépasse la matière, les choses et les corps.
En philosophie, on peut caractériser le matérialisme de trois points de vue. En ce qui concerne la théorie de l’être – ce qu’on nomme l’ontologie -, le matérialisme affirme que rien ne naît de rien ». C’est donc un monisme, une théorie de la substance unique, là où pour l’idéalisme on trouvera un dualisme qui sépare la matière de l’esprit, le corps et l’âme, le monde sensible et le monde des idées. Du point de vue de la connaissance, le matérialisme affirme que la connaissance du réel vient du réel. Il faudra donc connaître les lois de l’univers  et des corps vivants à partir de l’expérience sensible qu’on en a… »  (Intelligence du matérialisme. Benoît Schneckenburger. Editions de l’Épervier)

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«  Je ne peux espérer améliorer ma condition que dans la condition où il m’est impossible d’infléchir mon destin. Dans la Lettre à Ménécée, Epicure fait deux fois allusion à l’idée de liberté. Comme le fera plus tard, Machiavel, il rappelle que l’avenir n’est ni tout à fait déterminé, nit out à fait libre : il y a des condition à mon action, mais je peux agir sur ces conditions. La fin de La Lettre est plus précise : elle articule la nécessité physique du monde au hasard et à l’action humaine. De sorte qu’en intégrant l’idée de hasard dans le monde physique, le matérialisme d’Epicure permet d’échapper au fatalisme, à un monde froid, déterministe. Il laisse une place à l’action humaine authentique » (Intelligence du matérialisme. Benoît Schneckenburger. Editions de l’Epervier 2013)

 «  Les sciences modernes ont accompli progressivement le projet matérialiste : expliquer différents phénomènes du monde à partir de lui-même »  (Intelligence du matérialisme. Benoît Schneckenburger. Editions de l’Epervier 2013)

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Matérialisme : « À l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité réelle ; c’est à partir de leur processus de vie réel que l’on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l’on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles. » (Marx et Engels, L’idéologie allemande)

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« Le matérialisme défend l’opinion selon laquelle toutes nos idées, par exemple nos convictions politiques et religieuses, mais aussi nos valeurs morales, nos jugements esthétiques et nos choix culturels, ne sont librement posés et assumés par nous. Ils ne sont en vérité que des produits inconscients de réalités plus profondes qui nous déterminent à notre insu… »  (Luc Ferry. La révolution transhumaniste)

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Débat :                         Matérialisme et idéalisme      (13 janvier 2016)
Je ne peux répondre que si je peux savoir ce que ces deux termes signifient, et notamment ce qu’ils signifient pour la relation au monde, pour ma relation aux autres, pour ma relation à moi-même.
Alors je vais commencer par dire que ces deux termes ont deux sens. Un sens trivial comme cela a été dit dans l’introduction, mais aussi, un sens philosophique, comme l’écrit André Comte-Sponville dans son dictionnaire philosophique « Au sens trivial, l’idéaliste est celui qui a un idéal, qui ne résigne pas à la réalité telle qu’elle existe, et l’idéaliste s’oppose au matérialiste, qui, lui, se satisfait de la réalité, et notamment des plaisirs matériels, il n’a pas d’autre exigence »
Donc au sens trivial, le matérialisme a une connotation péjorative, c’est celui qui se soucie des besoins de son corps, tandis que l’idéaliste prendrait soin de son esprit. Et pour ce dernier (l’idéaliste) son esprit est valorisé parce que l’être humain vivant humain, est, à la différence des autres vivants, le seul à étudier son histoire, à imaginer son avenir.
Si aujourd’hui, l’opinion, comme semble se contenter de voir dans le matérialisme qu’une pensée qui n’a d’intérêt que pour les choses matérielles, c’est pour mieux laisser entendre, qu’il n’y a de valeur que dans une spiritualité qui dépasse la matière. Et c’est ainsi que s’exprime le philosophe Benoît Schneckenburger dans son ouvrage excellent « Intelligence du matérialisme ».
Alors, en ce sens trivial, j’opte pour être idéaliste, car j’ai toujours vécu, et je vis encore avec, d’abord le sentiment et ensuite la réflexion qu’il me faut contribuer à changer l’ordre établi, celui de l’exploitation de l’homme par l’homme, celui de l’oppression des femmes, et celui de la prédation  de la nature.
Mais, l’idéalisme par ailleurs caractérise la pensée occidentale, puisqu’il est à l’origine et le moteur de son histoire. Il est cette origine avec Platon au 5ème siècle av. J.C., et en effet il stimule la pensée, et le désir de réfléchir, c’est ce que j’apprécie dans l’idéalisme au sens philosophique.
Dans l’allégorie de la caverne qui se situe au début du livre sept de « La République ». la question qui est posée par Platon est de savoir ce que c’est d’être juste, ce que c’est d’être juste en tant qu’individu, ce que c’est d’être juste dans la cité. Platon alors, nous raconte : que nous sommes tous prisonniers attachés par le cou à la paroi d’une caverne, et que nous ne pouvons tourner la tête. La caverne est illuminée par un feu à l’intérieur et le long de son ouverture est construit un petit muret.
A l’extérieur de la caverne sont les réalités, c’est-à-dire les humains, les animaux, les plantes, les choses, tout ce qui existe, et également le soleil qui éclaire ces réalités.
Comme nous sommes tous prisonniers dans la caverne et que nous ne pouvons pas tourner la tête, nous ne voyons que les ombres des ces réalités projetées sur la paroi de la caverne, et nous ne les voyons que du point de vue où nous sommes, c’est la raison pour laquelle nous nous disputons à l’intérieur de la caverne.
Pourquoi ? Parce que nous pensons que nos opinions sur les réalités sont des vérités, alors que ces opinions sont fonction de notre point de vue, de notre place dans la caverne.
Donc, dit Platon, si nous voulons connaître les réalités, telles qu’elles sont, il nous faut nous détacher du point de vue particulier. Connaître la réalité ne peut se faire qu’à la condition de nous libérer de nos diverses opinions, de nos préjugés, de pensées reçues, de pensées toutes faites. Connaître la réalité ne se fait que : soit de manière scientifique (du temps de Platon on parlait des mathématiques) soit de manière philosophique, et il a nous a montré ce qu’est la manière philosophique de penser.
Qu’est-ce que philosopher ? Philosopher c’est dialoguer les uns avec les autres, en questionnant les idées particulières que nous avons sur chaque chose ; comme : qu’est-ce que l’amour ? Chacun expose son opinion, et par le dialogue nous pouvons arriver à une vérité, c’est-à-dire une idée qui soit bonne pour tous, et non pas simplement qui soit l’opinion d’un seul. Ou comme : qu’est-ce que la mort ? Qu’est-ce que la vertu ? ou, encore qu’est-ce qu’être courageux, qu’est-ce qu’être plus juste ? Puisque c’est la question posée dans « La République », eh bien ! être juste c’est effectivement dépasser les opinions particulières, partiales ou partisanes que nous pouvons avoir sur la réalité, et se demander ce qu’il faut faire dans la cité, ou ce qu’il faut faire pour soi-même, en fonction d’une idée, qui est l’idée du bien.
Qu’est-ce que l’idée de bien ? eh bien, c’est l’idée tout simplement de ce qui est bon pour tous, de ce qui est bon absolument, et non pas de ce qui est pour certains.
  Autrement dit, on peut si l’on est idéaliste, c’est-à-dire si l’on pense pour trouver des idées vraies pour tous, bonnes pour tous, on peut effectivement connaître la réalité et répondre à toutes les questions que l’on se pose. 
Qu’est-ce qu’il est juste de faire par rapport aux migrants qui viennent par milliers et par millions et Europe ? Qu’est-ce qu’il est juste de faire pour ralentir le réchauffement climatique sur cette Terre que nous habitons ? C’est en ces termes et avec l’état d’esprit de chercher des idées universelles  des idées qui valent pour tous, et qui de ce fait sont vraies que Platon nous enseigne à penser, et non pas à respecter les préjugés ou les opinions particulières que nous avons, ou les slogans que nous répétons.
Donc l’idéalisme a pour postulat que les vérités et les valeurs, sont fonction de l’esprit qui les recherche, et soit les retrouve, soit les construit par un travail de la pensée, à condition de le vouloir, et indépendamment des conditions d’existence dans lesquelles il se trouve.
En ce sens j’adhère à l’idéalisme qui postule l’égalité des êtres humains
En matière d’intelligence et de capacité  de réflexion.
J’adhère aussi au projet de trouver des valeurs et des vérités, des valeurs universelles.
Néanmoins parce qu’il faut aussi comprendre les réalités que nous vivons, je me raccroche à la deuxième thèse sur Feuerbach de Marx, matérialiste.
Cette deuxième thèse est la suivante: « Jusqu’ici les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est le transformer » ;
Autrement dit, contre l’idéalisme qui domine toute la philosophie occidentale, les philosophies sont des systèmes d’idées pour interpréter le monde, le matérialisme réfléchi pour le connaître.
C’est en ce sens que je me raccroche au matérialisme
Et je voudrais énoncer les quatre principes du matérialisme de Marx
1er principe : Ce ne sont pas les idées qui déterminent l’existence. Ce sont les conditions matérielles d’existence qui déterminent les idées. Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, ce sont les conditions de vie qui déterminent la conscience.
2ème principe : L’Histoire de toute société jusqu’à nos jours et celle de la lutte des classes (Manifeste du Parti communiste 1948)
Nous sommes passés du mode de production esclavagiste qui oppose les maîtres qui ont droit de vie et de mort sur leurs esclaves, au mode de production féodal qui oppose les seigneurs qui possèdent les terres aux serfs attachés à la terre du seigneur et qu’ils cultivent… Et enfin, au mode de production capitaliste, qui oppose les bourgeois propriétaires cde moyens de production, et les prolétaires  qui vendent librement leur force de travail.
3ème Toute société est fonction de son mode de production et son infrastructure économique qui détermine toutes les idées, le droit, la religion, la philosophie, la morale.
4ème Les humains font l’Histoire, mais  dans des conditions déterminées.
Donc, ces principes auxquels je réduis l’œuvre de Marx, me semblent opératoires  pour comprendre les événements qui adviennent, ce qui arrive réellement.
Bien sûr, c’est difficile, parce qu’il faut avec ces principes aller chercher  les analyses chez des psychologues, économistes, historiens, sociologues.., pour connaître las causes et les conditions  des événements ; par exemple : comment connaître le développement actuel de l’état de guerre imposé par les djihadistes ? Mais si cela est plus difficile qu’être idéaliste, néanmoins je pense que cela est opératoire et nécessaire.
Et puis cela se fait avec la boussole du « Faisons l’Histoire », ce qui implique que nous puissions tous porter un jugement sur ce qui arrive, bien que ce qui arrive soit déterminé par des causes et des conditions qu’il nous faut chercher à comprendre. Mais nous pouvons tous porter un jugement sur ce qui arrive et vouloir trouver les moyens de l’orienter autrement.
Donc, en ce sens je ma raccroche au matérialisme…..  (Edith Deléage-Perstunski. Professeure de philosophie)

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