Opinion

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La propagande. Jean-Eugène Buleau 1869. Musée d’Orsay.

Le Grand Robert de la langue française : Manière de penser, de juger sur un sujet qu’il s’agisse de l’attitude de l’esprit qui tient pour vrai une assertion, ou d’une assertion, d’un système d’assertions que l’esprit accepte ou rejette.
Point de vue, position intellectuelle, idée ou ensemble des idées que l’on a dans un domaine déterminé.
Jugement de valeur porté sur une personne, un acte, une qualité.
Type de pensée sociale qui consiste à prendre position, plus ou moins fermement sur des problèmes politiques, moreaux, philosophiques, religieux. Groupe de jugements élaborés par l’opinion.
Ensemble des attitudes d’esprit dominantes dans une société (à l’égard de problèmes généraux, collectifs et actuels) ensemble de ceux qui partagent ces attitudes.

Trésor de la langue française : Manière de penser sur un sujet ou un ensemble de sujets, jugement personnel que l’on porte sur une question, qui n’implique pas que ce jugement soit obligatoirement juste.

Dictionnaire Littré (en ligne) : Avis, sentiment de celui qui opine sur quelque affaire mise en délibération. L’opinion de la majorité, de la minorité d’une assemblée. Il a été de l’opinion d’un tel. Les opinions sont partagées

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : Toute pensée qui n’est pas un savoir. S’oppose pour cela, spécialement, aux sciences.

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : (Opinion) est un mot qui signifie une créance fondée sur un motif probable, ou un jugement de l’esprit douteux & incertain. L’opinion est mieux définie, le consentement que l’esprit donne aux propositions qui ne lui paroissent pas vraies au premier coup-d’œil, ou qui ne se déguise pas,  par une conséquence nécessaire de celles qui portent en elles la vérité.
On défini l’opinion dans l’école « Assensus intellectûs cum formidime  de opposito », c’est-à-dire un consentement que l’entendement donne à une chose avec une espèce de crainte que le contraire ne soit vrai.
Selon les logiciens, la démonstration produit la science ou la connaissance certaine, & les arguments probables produisent l’opinion. Toutes les fois que le consentement de l’esprit à une vérité qu’on lui propose est accompagné du doute, on l’appelle l’opinion. Platon fait de l’opinion un milieu entre la connaissance  & l’ignorance ; il dit qu’elle est plus claire & plus expresse que l’ignorance, mais plus obscure & moins satisfaisante que la science.

Synonymes : Avis. Appréciation. Conviction. Croyance. Manière de penser. Manière de voir. Idée. Jugement. Point de vue. Sentiment.

Contraires : Indifférence.

Par analogie : Appréciation. Bonne foi. Caméléon. Certitude. Controverse. Critique. Discuter. Dissentiment. Endoctrinement. Estimation. Girouette. Hypothèse. Idée. Idée reçue. Idéologie. Impression. Jugement de valeur, jugement de fait. Mésestime. Opiner. Opiniâtreté. Opinion publique. Opposition. Manière de voir. Paradoxe. Partialité. Pensée. Préjugé. Prévention. Principe. Propagande. Revirement. Sentiment. Soupçon. Témoigner. Versatilité. Volte-face.

Expressions: Avoir une haute opinion de soi. Être d’avis que. Être imbu de sa personne. Le qu’en dira t-on. Partager un avis. Prendre posoition. Principe de conviction. Se déclarer pour. Vox populi vox dei. Vue de l’esprit.

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« Tant que les choses ne sont que dans notre entendement, ce sont nos opinions ; ce sont des notions qui peuvent être vraies ou fausses, accordées ou contredites. Elles ne prennent de la consistance qu’en se liant aux Êtres ». (Diderot. De l’interprétation de la nature 1753)

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« Il n’y a pas d’opinion, mais des gens qui donnent leur avis ». (Miguel de Unamuno)

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« Conforte la pensée avec les mots qui l’exprime. Pénètre en esprit dans les effets et dans les causes »  (Marc Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VII. §        XXX)  

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« Souviens-toi que de changer d’avis et d’obéir à qui te redresse, c’est encore faire preuve de liberté » (Marc Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VIII. § XVI)

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« Chacun philosophe à sa mode, et porte dans la spéculation philosophique l’empreinte de ses autres études, le pli d’esprit que lui ont donné d’autres travaux. Le théologien, le légiste, le géomètre, le philologue se laissent encore reconnaître à leur manière de draper le manteau du philosophe ; et il serait fâcheux à plus d’un égard que cette variété fit place à une uniformité trop monotone… » (Essai sur les fondements de nos connaissances. A. Cournot)     

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« Le monstre multiforme qu’est l’opinion… ». (Synésios de Cyrène. Dion. XIV,3)

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«  Ce qui est contraire est utile, et c’est de ce qui est en lutte que naît la plus belle harmonie, tout se fait par la discorde »       (Héraclite)

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Ce qui intéresse en philosophie ce n’est pas seulement qu’on exprime son opinion, c’est qu’on dise pourquoi on pense ce que l’on pense. Ainsi en devant argumenter pour expliquer aux autres, on s’explique à soi-même, et là on peut découvrir des faiblesses dans son argumentation
La plupart des gens ne s’offusque nullement que des personnes n’aient pas la même opinion qu’eux. C’est ainsi que le dit Montaigne et que reprend plus tard Pascal : Un boiteux ne nous irrite pas…, (car il) reconnaît que nous allons droit », alors » qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons». Il en est parfois ainsi de cette forme d’intolérance de ceux qui croient en une religion, un dieu, et qui ne peuvent laisser en paix ceux qui ne croient, comme si cela pouvait mettre en danger les fondements même de leur croyance. (Luis)   

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    On n’étudie pas un philosophe pour savoir si on est d’accord ou pas d’accord avec ses propos, sinon, peut-être que Nietzsche ne serait plus lu. On peut découvrir avec lui une pensée avec la quelle on n’est pas d’accord du tout, et c’est là son utilité, car il nous faut construire par nous-mêmes notre propre argumentation qui irait à l’encontre. (Luis)  

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« Parmi les choses qu’on ne sait point, il y en a qu’on croit sur le témoignage d’autrui ; c’est ce qu’on appelle, la foi. Il y en a sur lesquelles on suspend so jugement, et avant et après l’examen ; c’est ce qu’on appelle, le doute ; et quand dans le doute on penche d’un côté plutôt que d’un autre, sans pourtant rien déterminer absolument, cela s’appelle, l’opinion » (Bossuet. Traité de la connaissance de Dieu)

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« ….il semble que nous n’avons d’autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et l’idée des opinions et usances des païs où nous sommes. Là est toujours la parfaicte religion, la parfaicte police, perfect et accomply usage de toutes chose » (Essais. Livre 1. § XXXV)

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 « Les opinions auxquelles se mêle la passion sont celles qui ne peuvent jamais être soutenues par de bonnes raisons ; en vérité, le degré de la passion mesure le manque de conviction rationnelle. Les opinions politiques et religieuses sont toujours teintées de passion. (Essais Sceptiques. Bertrand Russel. 1928. Introduction)

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Dans un téléfilm sur Henri VIII ce dernier s’adressant aux évêques disait « je veux que la diversité d’opinionprenne fin, et qu’enfin règne la liberté »

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« 0r mes opinions, je les trouve infiniment hardies et constantes à condamner mon insuffisance. De vray, c’est aussi un subject auquel j’exerce mon jugement autant qu’à nul autre. Le monde regarde toujours vis-à-vis ; moy, je replie ma veue au-dedans, je la plante, je l’amuse là. Chacun regarde devant soy ; my, je regarde dedans moy : je n’ay affaire qu’à moy, je me considere sans cesse, je me contrerolle, je me gouste. Les autres vont toujours ailleurs, s’ils y pensent bien, ils vont toujours avant » (Montaigne. Essais. Livre 2. !XVII)

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« Jamais deux hommes ne jugèrent pareillement de même chose, et est impossible de voir deux opinions semblables exactement, non seulement en divers hommes, mais en même homme à diverses heures »   (Montaigne. Essais. III, 13. 356)

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 « Ceux qui ne changent jamais d’avis ne changent jamais rien » (Wiston . Churchill)

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« Les oppositions systématiques et symétriques sont souvent des efforts délibéréspour échapper au mimétisme, et par conséquent sont mimétisme également. Soucieuses de s’opposer à l’erreur commune, elles finissent par ne plus être que l’image inversée. Elles sont donc tributaires de cela même à quoi elles voulaient échapper ».  (René Girard)

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 « …l’examen dialectique des tenants et aboutissants de la situation concrète permettent le dépassement des opinions.. ».  (Philippe Fontaine)

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« La foule ne sait que lyncher ou acclamer. Il faut donc continuellement défendre le peuple (et défendre les individus) contre la foule et spécialement aujourd’hui contre cette foule médiatique qu’on appelle l’opinion publique. C’est le gros animal vautré derrière la télé, et tout prêt à donner raison aux démagogues ou aux populistes » (André Comte-Sponville. L’amour la solitude)

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« Il faut des pensées qui dérangent » (Marcel Conche)

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« Il est facile de constater que lorsque « on » c’est-à-dire le « vulgum pecus » allemand était nazi, Heidegger était nazi, et lorsque les allemands ont renoncé au nazisme, Heidegger a renoncé au Nazisme. Ce qui ne justifie pas nos intellectuels » politiquement corrects » traitant Heidegger de criminel ! »  
« Car en effet ces derniers ressemblent plus à Heidegger qu’ils ne s’en doutent, car comme lui, ils représentent la soumission aux modes politiques enracinées en eux-mêmes » (René Girard)

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« Je crois que les intellectuels sont moins clairevoyants que la foule, car leur désir de se distinguer les poussent à se précipiter vers l’absurdité à la mode. Alors que l’individu moyen devine le plus souvent (mais pas toujours) que la mode déteste le bon sens » (René Girard)

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 « Chacun appelle barbare ce qui n’est pas de son usage » comme de vrai, il semble que nous n’avons d’autre mesure de la vérité et de la raison que l’exemple des idées, des opinions, et des usances des pays où nous sommes. Là, toujours est la parfaite religion, la parfaite police, l’usage parfait et accompli de toutes choses »  (Montaigne. Essais)

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« Ne vouloir faire société qu’avec ceux que l’on approuve en tout, c’est chimérique, et c’est le fanatisme même ». (Alain)

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Nous pensons émettre des jugements en toute liberté de choix, mais en grande partie ces jugements correspondent à des normes, des règles que nous avons déjà intériorisées, sciemment ou inconsciemment. Notre aptitude à juger, consiste alors à confronter nos observations appelant jugement à des normes valables en un lieu et en un temps. Nous tâchons de nous servir de notre raison pour nous forger une opinion. Pour cela dans le domaine social ou politique nous lisons des journaux dits, d’opinion. Mais la concentration de la presse, la faible pluralité d’opinion, fait que beaucoup se retrouvent avoir pour opinion, l’opinion, de ceux « qui font l’opinion »! Ce qui entraîne le désintérêt pour la chose publique, et là l’abstention, où le vote inconséquent, le vote« mouton de Panurge ». Il nous faut réapprendre à juger hors des diktats d’opinion ; juger par nous-mêmes, avec présent à l’esprit que nos jugements, nos positionnements sont toujours conséquent  sur les générations futures. (Luis)  

        

«  L’opinion, ce mobile dont vous connaissez toute la force pour le bien et pour le mal, n’est à l’origine que l’objet d’un petit nombre qui parlent après avoir pensé et qui forment sans cesse, en différents points de la société, des centres d’instruction, d’où des erreurs et de vérités raisonnées gagnent de proche en proche, jusqu’aux derniers confins de la société, où elles s’établissent comme des actes de foi » (Diderot Correspondance)

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On nous parle beaucoup des camps d’extermination, à juste raison, mais on ne donne jamais à connaître que les effets, sans chercher à analyser réellement les causes de l’avènement des barbares. On oublie de nous dire, ou l’on veut,  qu’on ignore que déjà, les hommes politiques de l’époque, la finance, les média avaient créé une oligarchie qui y trouvant d’abord leur intérêt avait laissé avaient laissé les nazis s’emparer du pouvoir. Il est sage de rappeler l’histoire, mais il est aussi de rappeler que ; tout comme l’ignorance dans laquelle on a laissé les électeurs allemands, c’est la lâcheté devant le diktat d’opinion qui a ouvert la voie à la barbarie. (Luis)    

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« L’opinion est une reine, mais une reine absolue ; il faut lui tenir tête quand on croit le devoir faire, mai en la respectant  et en prenant dans l’opinion même le point d’appui nécessaire pour l’attaquer » (Renan. Questions contemporaines)

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 « On est digne d’être digne d’être discutables, d’êtres discutés ». (Pierre Bourdieu)

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1° Donner son opinion en reprenant les poncifs, les idées et les avis matraqués par les média, donner une opinion que l’on ne s’est pas forgée, dénote de peu de caractère.
2° Ordonner sa pensée pour se forger son opinion peut quelquefois quel que soit la force de caractère, constituer un risque majeur, nous l’avons vu sous les monarchies, les dictatures, les totalitarismes. Ne pas donner son opinion, comme par exemple dans une assistance, peut être aussi le fait de la timidité, de réserve, voire de difficulté à trouver sur le champ, les mots pour exprimer au plus juste sa pensée. La prise de parole n’est pas toujours facile, cela ne doit pas être considéré comme un manque de caractère.
3° Ne pas donner son opinion, savoir refreiner son empressement à donner son avis, dominer son impétuosité, se taire, demande aussi du caractère, le plus dur pour moi c’est de garder, de taire mon opinion.
4° Si donner son opinion constitue une preuve de caractère, savoir écouter quelqu’un  dont l’opinion peut être différente ou contraire à la votre, constitue également une preuve de caractère. J’ai mes opinions que je me suis forgé au cours d’une vie, des opinions parfois bien arrêtées, pas des certitudes, pas des convictions définitives, ces dernières s’opposant trop radicalement au doute. Celui qui est incapable de douter est incapable de se forger une opinion.
5° Il arrive que l’on donne son opinion avec le désir de convaincre, et, avec l’avantage de l’élocution, des connaissances, nous revenons dans le sujet des rapports de force. Mais il arrive que donner son opinion, donner son avis à quelqu’un soit une marque d’intérêt envers cette personne, le contraire pouvant être la marque d’un caractère porté à l’indifférence.
6° L’expression de l’opinion par le vote, est chez les électeurs la marque d’un caractère responsable et attentionné à la vie de ses concitoyens. L’abstention, elle, dénote d’un manque d’intérêt, parfois manque de volonté, manque de caractère. (Luis)      

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« Je ne m’attends pas à ce qu’on ait tous le même avis. Mais j’aime mieux vous voir croire en quelque chose avec lequel je ne suis pas d’accord, que de tout d’accepter aveuglément ; et pour ça mieux vaut penser de façon rationnelle »  (Extrait du film, La légende de PI)

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 « Mes paroles montrent qu’il n’y a rien de véritable, mais que l’opinion de tous fait l’opinion de chacun »  (Les penseurs grecs avant Socrate. Fragment 7) Ou l’argument « ad populum » : si tout le monde pense ainsi, c’est ainsi que je pense, ou le mimétisme d’opinion, ce qui nous renvoie aux publications des sondages d’opinion.

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« Les hommes pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs, et dogmatiques dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d’un seul côté et qu’ils n’ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n’ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion, et suspend leur action » (Hume. Enquête sur l’entendement humain)

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« De toutes les discussions, celles qu’on a avec les hommes opiniâtrement attachés à leurs principes sont les plus ennuyeuses, si l’on excepte peut-être, celles avec les gens complètement dénués de sincérité qui, en réalité, ne croient pas aux opinions qu’ils défendent, mais s’engagent dans une controverse par affectation esprit de contradiction ou souci de montrer un esprit et une habileté supérieurs au reste des hommes ». (Hume. Des principes généraux de la morale. Section I)

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Dans son art de la maïeutique, Socrate intervient devant deux personnages qui émettent des opinions contradictoires. Il ne va intervenir que trois fois. (Le Lachès de Platon) : Pour défendre votre position :
1° Quels sont vos maîtres, quels sont vos références ?
2° Quelles sont les références qui appuient vos dires ?
3° Qu’est-ce qui au final détermine votre opinion ?
Dans ces trois développements viendront des points de faiblesse, des points de force, à l’appréciation de l’auditoire. L’éloquence ne peut alors primer sur le dire vrai.

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Chacun a sur toutes choses – sur le juste, le vrai et  le faux, le bien et le mal -, sa doxa, disons: sa petite idée, dont il est sûr a priori qu’elle coïncide avec ce qui doit être. Mon « Bien » à moi, c’est « le bien » ; la justice, c’est ma justice, etc., Fort, donc, de cette conviction viscérale de s’identifier avec la norme, chacun impose ses vues et par tous les moyens. Bref, voyant midi à sa porte, entend bien que ce soit midi pour tout le monde. La dictature de l’opinion vire ainsi à la dictature tout court. La raison du plus fort étant toujours la meilleure, en politique comme ailleurs »  (Les dieux et les mots. Lucien Jerphagnon)

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« De tous les temps les individus et les croyants de ce monde, ont cherché le vrai, l’explication de tout. En fait, tous, à quelques uns près, ils  se sont trouvés dans un monde qui leur offrait un modèle des idées toutes faites, ils ont prit une idée,  un peu comme d’autres prennent l’autobus. Ils l’on prise, acceptée, car, il n’y avait donc plus à chercher au-delà ; Au niveau de l’esprit beaucoup de gens naissent fatigués ». (Ortega y Gasset. Idéas y créencias) 

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« Que nous dira donc en cette nécessité la philosophie. Que nous suivons les lois de notre pays, c’est-à-dire cette mer flottante des opinionsd’un peuple ou d’un prince qui me peindront la justice d’autant de couleurs et la réformeront en autant de visages qu’il y aura en eux de changements, de passion ? Je ne puis avoir le jugement si flexible. » (Montaigne. Essai II. § 12)

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« Le mensonge et la crédulité s’accouplent et engendrent, l’opinion ». (Paul Valéry)

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« Rien ne paraît plus surprenant à ceux qui contemplent les choses humaines d’un œil philosophique, que de voir la facilité avec laquelle le grand nombre est gouverné par le petit, et l’humble soumission avec laquelle les hommes sacrifient leurs sentiments et leurs penchants à ceux de leurs chefs. Quelle est la cause de cette merveille? Ce n’est pas la force; les sujets sont toujours les plus forts. Ce ne peut donc être que l’opinion.
C’est sur l’opinion que tout gouvernement est fondé, le plus despotique et le plus militaire, aussi bien que le plus populaire et le plus libre. Le sultan d’Égypte, ou l’empereur de Rome, peut conduire ses sujets inoffensifs comme des bêtes brutes, à l’encontre de leurs sentiments et de leurs inclinations, mais il doit du moins avoir mené ses mamelouks comme des hommes, par leur opinion.» (David Hume, Essai sur les premiers principes de gouvernement, 1572)

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«En usant des transports en commun ou des services d’information (des journaux par exemple), chacun est semblable à tout autre. Cette situation d’indifférence et d’indistinction permet au « on » de développer sa dictature caractéristique. Nous nous amusons, nous nous distrayons, comme on s’amuse; nous lisons, nous voyons, nous jugeons de la littérature et de l’art, comme on voit et comme on juge; et même nous nous écartons des grandes foules comme on s’en écarte; nous trouvons scandaleux ce que l’on trouve scandaleux. Le on qui n’est personne de déterminé et qui est tout le monde bien qu’il ne soit pas la somme de tous, prescrit à la réalité quotidienne son mode d’être(Heidegger, L’être et le temps)

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  • Diotime : …..n’as-tu pas le sentiment que, entre science et ignorance, il y a un intermédiaire ?
  • Socrate : Lequel ?
  • Diotime : Avoir une opinion droite, sans être à même d’en rendre raison. Ne sais-tu pas, poursuivit-elle, que ce n’est là ni savoir – car comment une activité, dont on n’arrive pas à rendre raison, saurait-elle être une connaissance sûre ? Ni ignorance, car ce qui atteint la réalité ne saurait être ignorance. L’opinion droite est bien quelque chose de ce genre, quelque chose d’intermédiaire entre le savoir et l’ignorance. (Platon. Le banquet)

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«  L’opinion, ce mobile dont vous connaissez tous la force pour le bien et pour le mal, n’est à son origine que l’effet d’un petit nombre d’hommes qui parlent après avoir pensé, et qui forment sans cesse, en différents points de la société, des centres d’instruction d’où les erreurs et les vérités raisonnées gagnent de proche en proche, jusqu’aux derniers confins de la cité où elles s’établissent comme des articles de foi »  (Diderot. Correspondance)

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« Les hommes pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs et dogmatiques dans leur opinions ; comme ils voient les objets d’un seul côté et qu’ils n’ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans des principes vers lesquels ils penchent, et ils n’ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, bloque leur passion, et suspend leur action » (David Huma. Enquête sur l’entendement humain. 1748)

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Voltaire, philosophe engagé, tête de file des Zola, Hugo, Sartre, dit qu’il faut informer, faire savoir les injustices. « Si quelque chose », dit-il « peut arrêter chez les hommes le fanatisme, c’est la publicité ». Il donnera publicité à l’affaire Callas et à d’autres cas, il est un premier lanceur d’alerte de l’opinion publique, laquelle naît avec Voltaire. Il parle de « voie publique.., cette voie de toutes les honnêtes gens réunis qui réfléchissent »  (Luis)  

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«  J’aime beaucoup  l’expression, se forger une opinion, parce que c’est un travail de forgeron… Vous sortez le cerveau de la tête, vous le posez sur l’enclume, et ce cerveau qui a déjà des idées, des intuitions, des préjugés, vous allez le matraquer à coups de marteau en lui balançant des arguments qui pourraient faire changer votre façon de penser. Une fois que vous avez fait ce travail de matraquage, vous regardez ce que votre cerveau pense. Et s’il est sérieux, les choses que vous lui avez dites, doivent avoir modifier votre façon de penser » (Etienne klein. Conférence à la Sorbonne. Le goût du vrai)

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«  Les esprits ordinaires, fût-ce dans les plus petites circonstances, nous laissent bien voir à quel pointils se défient de leurs propres jugement; c’est que justement ils en connaissent, par expérience, l’inefficacité. A cette faculté se substitue chez eux les préjugé, l’opinion toute faite ; de cette façon ils demeurent indéfiniment en tutelle, et il n’en pas un sur plusieurs centaines à quiil soit donné de s’en affranchir. D’ailleurs, ils ne se l’avouent point ; fût-ce même dans leur for intérieur, ils se donnent l’apparence de porter des jugements ; mais en cela ils ne font jamais que de singer l’opinion des autres, dont ils reçoivent toujours l’influence secrète. Le premier venu aurait honte de se promener avec un habit, un chapeau, ou un manteau d’emprunt ; malgré tout on se contente d’avoir des opinions d’emprunt ; on les amasse avidement là où l’on peut les attraper, puis on les donne fièrement pour des idées personnelles. D’autres les empruntent à leur tour  et recommence indéfiniment le manège… ». (Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation)

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