Passion

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Phèdre rongée par la passion pour Hippolyte. Alexandre Cabanel. 1880. Musée Fabre. Montpellier.

Le Grand Robert de la langue française : Etat ou phénomène affectif, agitation « de l’âme selon les divers objets qui se présente à ses sens » (Furetière)
Amour puissant, exclusif et obsédant.

Vocabulaire technique et philosophique, Lalande : Tendance d’une certaine durée accompagnée d’états affectifs et intellectuels, d’images en particulier, et assez puissante pour dominer la vie de l’esprit, cette puissance pouvant se manifester soit par l’intensité  de ses effets, soit par la stabilité et la permanence de son action

Trésor de la langue française : Tendance d’origine affective caractérisée par son intensité et par l’intérêt exclusif et impérieux porté à un seul objet entraînant la diminution ou la perte du sens moral, de l’esprit critique et pouvant provoquer une rupture de l’équilibre psychique

Encyclopédie de la philosophie. Livre de poche. Terme issu du grec pathos et du latin Passio qui signifie, souffrance, supplice. (Voir article : Passion

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :« Les penchans, les inclinations, les désirs & les aversions, poussés à un certain degré de vivacité, joints à une sensation confuse de plaisir ou de douleur, occasionnés ou accompagnés de quelque mouvement irrégulier du sang & des esprits animaux, c’est ce que nous nommons, la passion. Elles vont jusqu’à ôter tout usage de la liberté, état où l’ame est en quelque maniere rendue passive ; de la notion de passions [. ..] Les passions sont les maladies de l’ame.[….]
En un mot, la passion nous fait abuser de tout. Les idées les plus distinctes deviennent confuses et obscures, elles s’évanouissent entierement pour faire place à d’autres purement accessoires,….

Synonymes : Adulation. Adoration. Affection. Ardeur. Cœur. Courage. Flamme. Fièvre.

Contraires : Apathie. Ataraxie. Calme. Détachement. Indifférence. Lucidité. Sagesse. Sang froid.

Par analogie : Admiration. Ambition. Amour. Ardeur. Avarice. Béguin. Désir. Emballement. Emotion. Engouement. Enthousiasme. Exaltation. Faiblesse. Débauche. .Fanatisme. Feu. Flamme. Frénésie. Furie. Idolâtrie. Inconscient. Ivresse. Jalousie. Joie. Luxure. Moeurs .Passade.  Passio. Passionaria. Passion triste. Possession.  Pulsion. Rage. Raison. Romantisme. Séduction. Sensualité. Sentiment. Sexe. TSouffrance. ranses. Tristesse. Vice. Volupté.

Expressions: Crime passionel. Coup de foudre. Démon de la chair. Rafoler de

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Le philosophe Alain faisant un cours sur la passion, citait trois passions, l’amour, l’ambition, l’avarice, puis en boutade il ajoutait : 20 ans, quarante ans, 60 ans, nous rappelant par là que chaque âge a ses passions.

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 « On déclame sans fin contre les passions : on leur impute toutes les peines de l’homme, et l’on oublie qu’elles sont aussi la source de tous les plaisirs. Cependant il n’y a que les passions et les grandes passions qui puissent élever l’âme aux grandes choses. Sans elles, plus de sublime, soit dans les mœurs, soit dans les ouvrages ; les beaux arts retournent en enfance, et la vertu devient minutieuse… »  (Diderot)

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« Voilà pourquoi ton principe directeur est une citadelle de l’intelligence libérée des passions ». (Marc Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VIII. § XLVIII)

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« Pour que la vie des hommes ne fût pas tout à fait triste et maussade Jupiter leur a donné beaucoup plus de passion que de raison. En outre, cette raison, il l’a reléguée dans un coin étroit de sa tête, abandonnant aux passions le corps tout entier »  (Erasme. Eloge de la folie. § XVI)

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« Ce qui distingue le fou du sage, c’est que le premier est guidé par les passions, le second par la raison ; aussi les Stoïciens écartent-ils de celui-ci toutes les passions, tenues pour des maladies. Sénèque, doublement stoïcien… défend au sage toute espèce de passion. Ce faisant il supprime l’homme même ; il fabrique un démiurge, un nouveau dieu, qui n’existe nulle part et qui n’existera jamais ; disons mieux, il modèle une statue de marbre, privée d’intelligence et de tout sentiment humain ». (Erasme. Eloge de la folie. § XXX)

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« D’ailleurs, à quoi bon nier les droits de la passion ? La passion ne demande pas sa part de la société, elle la lui vole avec fureur du désir et le calme de l’innocence. Rien ne l’arrête : elle a le sentiment de son inévitable fatalité. Comment pourrait-on l’effrayer ? Elle fait ses délices de l’angoisse et de l’inquiétude. Les religions mêmes n’ont rien pu contre elle ; elles lui ont seulement offert une volupté de plus : la volupté des remords. Elle est à elle seule, sa gloire, son bonheur, et son châtiment. Elle se moque bien des livres qui l’exaltent ou la réprime » (Anatole France. La vie littéraire, 1ère série. Article: Georges Sand et l’idéalisme dans l’art)

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 « Rien de grand ne s’est accompli dans ce monde sans passion ». (Hegel)

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Les passions qui sont aux sources de nos vies, sont aussi sources de création artistiques d D’Euripide à a Racine, à Corneille, nous y voyons, nous vibrons avec des personnages, tel  Phèdre, par exemple :

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler
Je sentis tout mon corps et transir et brûler;
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit, tourments inévitables.
(Racine Phèdre)

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 « La passion est toute l’humanité, sans elle la religion, l’histoire, le roman, seraient inutiles »  (Balzac .Avant propos (La comédie humaine)

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« Par delà le bien et le mal, l’individu manifeste pleinement dans sa passion, sa volonté de puissance » (Nietzsche)

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Le bonheur est un accord avec soi-même, donc refreiner tout sentiment tant soi peu passionnel est un refus d’aller vers le bonheur, c’est la passion triste.

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« C’est le comble de la folie que de proposer la ruine des passions. Le beau projet que celui d’un dévot qui se tourmente comme un forcené pour ne rien désirer, ne rien aimer, ne rien sentir, et qui finirait par devenir un vrai monstre, s’il réussissait ! » (Pensées philosophiques. V. Diderot)

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« Je veux savoir ce qu’on ressent quand on se passionne pour quelque chose » dit le personnage de Meryl Streep dans le film « Adaptation » de Spike Jonze.
Cette réplique nous montre bien, comment une personne qui n’est jamais passionnée par quoi que ce soit s’interroge . Ayant vu des personnes comme transcendées par une passion, elle s’interroge sur cette expérience existentielle.

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Nos choix de vie ne découlent pas tous de la raison. Quand on part dans une aventure amoureuse, il y a peu de place pour la raison, il y a un bon pourcentage de risques pour l’aventure soit éphémère. Puis il y a la rencontre, l’aventure passionnelle, qui  sans raison aucune que l’espoir, dira  que l’avenir est dans cette liaison amoureuse. C’est l’espérance téméraire, une impulsion de vie irrépressible.  La passion est pulsion de vie, pulsion qu’on aura peut-être eu raison de suivre, car  cela pourra commencer le début de toute une vie à deux. (Luis)   

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La passion ronge et dévore ses victimes consentantes » (Francis Wolf)

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La princesses de Clèves s’adressant au duc de Nemours. (P, 153. Edit. Librio)
« J’avoue que les passions (répondit-elle) peuvent me conduire ; mais elles ne sauraient m’aveugler. Rien ne peut m’empêcher de connaître que vous êtes né avec toutes les dispositions pour la galanterie et toutes les qualités qui sont propres à y donner des succès heureux. Vous avez eu déjà plusieurs passions vous en aurez encore ; je ne ferai plus votre bonheur ; je vous verrai pour une autre comme vous auriez été pour moi. J’en aurai une douleur mortelle et je ne serai pas même assurée de n’avoir point le malheur de la jalousie. Je vous en trop dit pour cacher  que vous me l’avez fait connaître et que je souffris de si cruelles peines….. »
Alors que dans ce milieu de la cour d’Henri II on ne saurait montrer ses sentiments, l’hypocrisie y étant presque qualité, la princesse de Clèves si protégée de la passion dans ces principes essentiels de la vertu, ose avouer sa passion. Cette déclaration est pour elle un reniement de tous ces principes, pour cela elle se retira du monde.
Les premières lignes de l’œuvre classique « la princesse de Clèves » parlent d’une passion qui dure déjà depuis 20 ans : «  La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri le second. Ce prince était galant, bien fait et amoureux ; quoique sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y a plus de vingt ans, elle n’en était pas moins violente, et il n’en donnait pas des témoignages moins éclatants »
Alors que cet ouvrage commence par la l’image d’une passion  qui ne s’éteint pas, le roman sera axé sur le fait qu’un amour passion ne saurait avoir qu’une fin malheureuse. Il en reste toute une belle écriture, avec une grande pudeur, sur l’amour passion.

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« Des femmes passionnées qui souffrent, qui étreignent qui aiment avec leur chair, autant que par leur âme »  (Guy de Maupassant)

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« Les passions font les orateurs des grandes assemblées »  (Rivarol)

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« J’ai toujours préféré la folie des passions, à la sagesse de l’indifférence ». (Anatole France)

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La passion est (était) pour la justice une circonstance atténuante, elle considérait différemment le crime, qui était alors dit « passionnel ».

La passion propulse l’individu hors de lui, hors de son ordinaire, de ce qu’il croyait être ses limites, elle transcende notre imagination, notre créativité, notre sensibilité, « C’est le moteur essentiel des grandes entreprises humaines »  nous dira Diderot

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« Les passions libèrent les richesses de l’inconscient »  (Henri Pena Ruiz)

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La passion de l’amour est un vent soudain, un vent soudain qui va gonfler toutes les voiles et rompre toutes les amarres, et nous entraîner au large, vers cette aventure, avec tous les bonheurs possibles, avec tous les risques, ceux de la raisons du cœur ne veut connaître. (Luis)

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« Celui qui n’a point senti la faiblesse et la violence de leurs passions, n’est point encore sage, car il ne se connaît point encore et ne sait point se défier de soi » (Fénelon)

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« Sénèque défend au sage toute espèce de passion. Mais ce faisant il supprime l’homme lui-même ; il fabrique un démiurge, un nouveau dieu, qui n’existe nulle part et jamais n’existera ; disons mieux, il modèle une statue de marbre, privée d’intelligence et de tout sentiment humain ».(Erasme. Eloge de la folie. § 30)        

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«  Médée sait qu’arrivent les Argonautes et, magicienne, elle détient le savoir de l’avenir. Elle voit que son amour pour Jason va la pousser au crime, qu’elle trahira sa famille pour lui donner la « Toison d’or » ; et une longue suite de meurtres va s’enchaîner attirant la malheur et l’exil sut tous et sur elle-même, jusqu’à l’assassinat de ses propres enfants. Elle le sait, et la raison lui conseille de ne pas céder à cette passion. Grâce à ce savoir elle pourrait échapper aux maux qui l’attendent. Mais ce savoir ne lui sert de rien. Elle le dit lucidement : « malgré moi, je succombe sous le poids d’une force nouvelle. La passion me conseille une chose, la raison une autre. Je vois le meilleur et je l’approuve, et c’est le pire que j’accomplis »  (Pierre-François Moreau. A quoi sert le savoir)

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« -Pauline : Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments
mais quelque autorité que sur eux elle ait prise,
Elle n’y règne pas, elle tyrannise,
Et quoique le dehors soit sans émotion,
le dedans n’est que trouble, et que sédition »
(Corneille. Polyeucte)

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« La passion est toute l’humanité ; sans elle la religion, l’histoire, le roman, l’art, serait inutile »  (Balzac)

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Le sens premier du coup de foudre est lié aux sentiments, c’est le « Flechazo » (Coup de flèche) en Espagnol, ou, « To fall in love », (tomber en Amour), en Anglais»  

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    Les philosophes grecs ont traité la passion, avec les passions, les englobant dans les émotions. Platon met en garde contre la passion et particulièrement contre la passion envers la Femme. C’est lui qui préconise « une Femme pour l’esthétique, un melon pour le délice, un jeune garçon pour le plaisir », Platon nous laissera « L’amour platonique » ! Épicure lui, recommande les passions non destructrices, surtout celle envers la Femme qu’il appelle, « Le plaisir d’Aphrodite ». Précurseurs en matière de développement personnel les Stoïciens nous disent: « C’est parce vous ne maîtrisez ni vos émotions, ni vos passions, que vous ne pouvez dominer votre vie ». Le sage, dit le stoïcien Diogène Laërce, « est sans passion, il ne se laisse pas entraîner…, tous les sages sont sévères » ; pour lui la passion est, «  maladie de l’âme ». Néanmoins nous voyons la passion dans la mythologie, de la passion dans les tragédies d’Euripide, de la passion dans la poésie épique d’Homère avec l’Iliade et l’Odyssée. Puis au moyen âge la philosophie scholastique des Pères de l’Eglise maintient les passions dans le domaine des maladies de l’âme. Le bouleversement culturel de la Renaissance, l’influence des philosophes Libertins, vont commencer à faire évoluer le concept.  Les dernières grandes critiques de la passion, et des passions, viendront de Kant, pour qui : « les passions sont les gangrènes de la raison pure », que : «  L’homme qui cède à la passion est un prisonnier qui soupire sous ses chaînes », pour lui, une fois que le plaisir a été satisfait par la possession, la jouissance, la passion pour la personne désirée cesse…La passion ne dure que tant qu’il y a résistance. Pour Pascal la passion est « dépossession de soi ». Descartes sera moins catégorique, et nous dit « que des passions dépend tout le mal, et d’elles dépend tout le bien ». Avec la Révolution, c’est un toute autre approche qui se dessine ; Pour Voltaire, « La passion est le moteur principal de la marche du progrès », c’est ce qui produit le social, c’est le passionnel de l’altruisme. Pour Rousseau, « La passion est la condition du devenir de l’homme, la condition pour naître à son humanité », et enfin Diderot nous dira, « On déclame sans cesse contre les passions, on leur impute toutes les peines de l’homme, et l’on oublie qu’elles sont  aussi la source de tous les plaisirs. Il n’y a que les passions, les grandes passions qui puissent élever aux grandes choses, sans elles plus de sublime, soit dans les mœurs, soit dans les ouvrages », « les passions sobres » dira t-il, « font les hommes communs ». Aujourd’hui l’approche que nous avons de la passion est grandement due à l’héritage du Romantisme, omniprésent dans notre culture. La conception que nous avons de la passion est peut être essentiellement liée à notre tempérament latin. D’autres populations, comme les Asiatiques, semblent être moins sensibles à la passion. Puis les relation via des sites de rencontres donnent prépondérence à la raison, si on coche bien toutes cases, on est compatibles (horreur de ce mot), et là exit Cupidon, exit la soudaine passion (Luis)

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« Les passionnés sont des petits enfants qui n’ont pas encore accepté d’être sevrés. Sortir de la passion c’est libérer le petit enfant qui pleure en nous ».  (André Comte Sponville)

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  En regard de l’étymologie la passion serait à  redouter puisque son origine latine est « Passio », souffrir, subir, ce qui nous donnera «   la Passion  du christ ». Mais d’autres acceptions du mot peuvent  nous rendent la passion plus attrayante. Le mythe de la passion de Platon est : «  Un char attelé d’une jument peu fringante, (une rossinante), et d’un cheval ailé, (Pégase). Pour le cocher qu’est l’homme comment choisir l’allure de cet attelage », raison et passion », et ne pas céder à « La tyrannie des désirs, la tyrannie des passions ». Pour lancer le débat, quelques questions : Doit-on céder à la passion ? Vivre, sa, ou ses passions ? Doit-on rejeter la passion ? La craindre, la combattre ? Doit-on accepter l’idée que seule la passion est créatrice ? Peut-on être passionné et philosophe ? Et enfin : Vivre sans passion, est-ce vivre ? (Luis)  

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Dans notre culture nous véhiculons de nombreux symboles de la passion, ce sont les images du « Romantisme »…Parmi les symboles de la passion nous trouvons le Flamenco, avec ses trois phases : Désir, séduction, possession,…un autre  symbole de la passion de l’altruisme, cette réalisation de soi dans le bonheur des autres, a le visage, le nom d’une femme, Dolorès Ibaturri, « La pasionaria », de la guerre d’Espagne.  (Luis)

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« Un homme sans passion est donc un instrument dont on a coupé les cordes ou qui n’en eut jamais »  (Diderot) 

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– Talleyrand : Et vous, Trente qu moins, de quoi pouvez-vous demander a clémence, au tribunal suprême,

Fouché : Je suis passionné Monseigneur, la passion, quelle excuse, quel argument […] la mienne est dévorante, je suis à son service tout entier

Talleyrand : « Son nom Fouché ? son nom ?

– Fouché : «  Le renseignement Monseigneur ! Tut savoir sur l’individu, le démasquer, le déchiffrer, l’ouvrir…. »  (Répliques du film, Le dîner, d’Edouard Molinaro)

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