Perféctibilité

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Jean-Jacques Rousseau, par Quentin de la Tour. 1753.
Musée Antoine Lecuyer. Saint Quentin

Le Grand Robert de la Langue Française : (Perfectible): Que est susceptible dêtre amélioré, rendu meilleur, plus parfait.

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : Ce n’est pas le pouvoir de devenir parfait , mais celui de se perfectionner. Seul, l’imparfait est donc perfectible, mais il l’est qu’à la condition de pouvoir changer et se changer ;

Synonymes : Amélioration. Amendadable. Corrigible. Méliorisme. Progrès. Réformable.

Contraires : Imperfection. Régression.

Par analogie : Achèvement. Couronnement. Défaut. Dénaturé. Évolution. « Lumières ». Maturité. Médiocrité. Optimisme. Parachèvement. Perfectionnement. Performant. Qualités. Volonté.

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« Ne cherchons point la chimère de la perfection, mais le mieux possible suivant la nature de l’homme, et la constitution de la société » (J.J. Rousseau. Lettre à d’Alembert)

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Si on admet que l’homme n’est décidément pas perfectible, alors l’histoire est appelée à se répéter sans cesse. On peut finir par douter de la perfectibilité de l’homme. « Malthus s’oppose à la théorie de la perfectibilité de l’homme. Entre autre il estime que les mesures en faveur des pauvres se retournent bien vite par conséquent contre eux, dans la mesure où elles augmentent justement l’augmentation de la population. Comme une autre solution, Malthus propose l’éducation de l’abstention volontaire de la procréation »  (Encyclopédie de la  philosophie. Pochothèuqe)

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« La perfection n’est pas humaine » (Victor Hugo)

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« Il (L’homme) est perfectible : et de là on a conclu qu’il s’est perverti. Mais pourquoi n’en pas conclure qu’il s’est perfectionné jusqu’au point où la nature a marqué les limites de sa perfection »  (Voltaire. Essai sur les mœurs, Introduction)

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« Intermédiaire entre l’esprit et la matière, entre le temps et l’éternité, l’homme n’a pas de nature propre pour pouvoir toutes les acquérir. L’homme sera ce qu’il voudra devenir, ce qu’il fera de lui-même » (Pic de la Mirandole)

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« La perfectibilité de l’homme est réellement indéfinie [….] le progrès de cette perfectibilité, désormais indépendants de toutes puissance qui voudrait les arrêter, n’ont d’autres termes que la durée du globe où la nature les a jeter » (Condorcet. Esquisse d’un tableau historique des progrès  de l’esprit humain)

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Dans la controverse de Valladolid. Un des protagonistes, Sépulvedra, ne croit pas à la perfectibilité de l’homme et l’exprime ainsi :
«-  les peuples ne se perfectionnent qu’en apparence, qu’en surfacez, et la nature humaine reste toujours la même. Croire qu’elle est destinée à s’améliorer est une illusion, toujours renaissante. […..] Autour de moi je vois le monde tel qu’il est.
Et moi ? Comment  est-ce que je le vois ? Demande Las Casas.
Comme vous le rêveriez qu’il fut. »

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«  Devenir humain est une tâche plus compliquée que ne pouvait l’imaginer homo sapiens » (Nicolas Hulot)

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« L’optimisme serai une erreur, si l’homme n’était point perfectible, s’il ne lui était donné d’améliorer par la science l’ordre établi »  (Renan. L’avenir de la science)

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« Il y a une autre qualité très spécifique  qui distingue l’homme de l’animal, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, ; c’est la qualité de se perfectionner, faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement  toutes les autres et réside  parmi nous nous tant dans l’espèce  que dans l’individu ; au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans sera ce qu’elle était la première année de ces mille ans »  (Jean-Jacques Rousseau. Discours sur l’origine de l’inégalité)

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Turgot à qui est attribué l’usage pour la première fois l’usage du mot perfectibilité, fait déjà le constat qui reste celui d’aujourd’hui « les sociétés des hommes qui sont (je cite) ; «  tour à tour retardés et accélérés dans leur progrès, ils passent de climats en climats. L’intérêt, l’ambition, la vaine gloire, changent perpétuellement la scène du monde, inondant la terre de sang, et au milieu de ravages, les mœurs s’adoucissent, l’esprit humain s’éclaire  […] et le genre humain marche toujours, quoiqu’à pas lents, vers une perfection plus grande » Discours sur les progrès successifs de l’esprit humain)

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« Un seul système me semble expliquer l’énigme de notre existence individuelle et sociale, un seule paraît donner un but à nos travaux, à nous soutenir dans nos incertitudes, à nous relever dans nos découragements. Ce système est celui de la perfectibilité de l’espèce humaine » (Lettre de Benjamin Constant à Madame Récamier)

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« …. Dans ce contexte général, Jean-Jacques Rousseau fait exception. En dissociant le progrès scientifique et technique du progrès moral et en voyant même dans le raffinement des sciences et des arts la cause principale de la décadence des mœurs, il tanche avec l’optimisme général qui anime les hommes des Lumières. Cependant il reconnaît une pertinence particulière à une notion voisine de celle de progrès,  puisqu’il invente ou forge le concept de « perfectibilité », un mot qu’il emprunte à Turgot, et qui renvoie à l’infinie capacité de l’amélioration ou d’altération de l’homme… » (Extrait de l’article/Perfectibilité , Encyclopédie de la philosohie Pochothèque)

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« Comme l’a dit Bergson, la vie est « une évolution créatrice ». Evolution dans le sens d’un progrès, non continu certes, mais, à travers des régressions passagères, réel cependant. Il est incontestable que, depuis son apparition sur la planète, l’humanité – telle une mer montante – a progressé. Deux, trois vagues reculement parfois, mais une quatrième avance, et  celle-là seule compte. Et de même que la marée qui monte obéit à une irrésistible force attractive, de même l’humanité subit la puissante attraction de l’Esprit. De l’esprit, autrement dit, de la    connaissance et de l’adaptation de plus en plus parfaite, par la religion, la Philosophie, la Science, l’Art et la Morale. Adaptation de plus en plus harmonieuse à la justice et à la bonté…. » Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation)

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Esquisse d’une liste des acquis historiques moraux et sociaux (rentrant dans une évolution de la perfectibilité de l’homme)
– Naissance de la Démocratie à Athènes (Périclès)
– Règles de moralisation de la vie sociale par la religion
– Naissance du courant Humaniste
– Siècle des Lumières
– Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
– Abolition de l’esclavage
– Troisème République. Emancipation des pouvoirs absolus
– Reconnaissance de la Laïcité comme valeur républicaine
– Séparation des Eglises et de l’Etat
– Droit de vote des femmes
– Création de la sécurité sociale
– Fin de la période coloniale
– Fin de la ségrégation raciale aux USA
– Fin de l’Apartheid
– Abolition de la peine de mort
– Loi Veil, (IVG)
– Création d’un délit pour propos racistes ou sexistes
– Actions pour amener à plus d’égalité hommes/femmes
– 70 ans de paix consécutive en Europe occidentale

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Introduction au débat : L’homme est-il perfectible ?
Deux phrases de Rousseau viennent en exergue pour ce sujet de débat
1°« L’homme naturel possède d’abord, sa perfectibilité, faculté qui,  à l’aide des  circonstances, développe successivement les autres… »
2°« L’homme a une qualité spécifique qui le distingue de l’animal, c’est sa faculté de se perfectionner »
Mais au-delà de ces deux citations, contrairement aux philosophes des Lumières de son époque, dont particulièrement Diderot, Rousseau émet des doutes quant à la perfectibilité de l’homme de son époque. Il faut pour lui que l’homme redevienne l’Homme naturel, soit l’homme débarrassé des scories de sa culture, pour repartir de l’état de pur. Idée que l’on retrouve dans son propos : (je cite) : » : « Plus nous accumulons de nouvelles connaissances, plus nous nous ôtons les moyens d’acquérir la plus importante de toutes ». En informatique on utiliserait l’expression reboosteer, soit vider l’ordinateur de tout ou partie de ses programmes pour le relancer à propre.
Pour illustrer ce propos Rousseau évoque la statue de Glaucos fils de Poséidon, restée des siècles dans la mer. Le visage se trouve envahi de divers sédiments, de sorte que pour retrouver le visage initial, visage vrai il faut le débarrasser de ces sédiments. De même de l’homme, pour retrouver enfin sa vraie nature
«L’homme sera ce qu’il voudra devenir, ce qu’il fera de lui-même » (Pic de la Mirandole15ème siècle) et  ce dernier nous dit que notre faiblesse est une force, force en ce sens, ou contrairement à l’animal
L’Homme n’est pas, il devient
L’animal est, il ne devient pas
Les hommes pour Pic de la Mirandole sont toujours en construction, ils tirent leur capacité de perfectibilité de cette faiblesse ; ceci pour se construire socialement, par la culture, et aller vers son humanisme.
Mais que de trébuchements dans  l’aventure humaine, dans l’histoire des Hommes ; il n’y a pas de continuité, il y a comme des « trous d’air ».  Il y aurait des phases d’évolutions puis des phases d’involution.
«  Devenir humain est une tâche plus compliquée que ne pouvait l’imaginer homo sapiens » (Nicolas Hulot)
Alors ! Cro-Magnon était-il plus humain qu’Hitler ?
On sait que le siècle dernier a connu le plus grand génocide de l’Histoire des hommes, mais nous avons aussi la Saint Barthélemy, les tueries des Conquistadores, la Terreur, 14/18 etc, « Et toujours cependant » écrit le poète Jules Laforgue «  monte dans la nuit noire, le concert désolé des appels de l’Histoire »
La nature de l’homme serait-elle un état dont il est prisonnier ? Un  programme en panne ?
Diderot appartenant à ce siècle des Lumières, cette époque des progrès de la connaissance, va grandement œuvrer avec L’Encyclopédie, pour cette ouverture vers une perfectibilité, vers cet horizon, mais il reste conscient, et réaliste, il écrira :
« Il est mille fois plu facile, j’en suis persuadé, pour un peuple éclairé, de retourner à la barbarie,  que pour un peuple barbare d’avancer d’un seul coup vers la civilisation »
Il met sa confiance dans l’éducation du peuple, et il pense que l’Encyclopédie y contribuera. On retient cette phrase de lui à l’article justement « Encyclopédie » ; «  Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits, et j’espère  que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques, les intolérants n’y gagneront pas. Nous auront servi l’Humanité»
Kant même en accord avec Diderot, reste (dirions-nous) lui aussi sur la réserve (je le cite) : « … l’expérience des temps anciens et modernes, doit embarrasser tout individu qui réfléchi,  et rende douteux le progrès de notre espèce »
Donc, ce  serait quoi la perfectibilité,  un monde parfait.
Un monde parfait, parfait sur le plan matériel, parfait sur le plan moral, parfait sur le plan  humaniste ?
Nous avons en mémoire des tentatives pour améliorer la société, tentatives pour aller vers une race pure, pour un modèle sociale qui se voulait être : « demain, le genre humain », ou plus près de nous la dictature de la pureté ?
Donc, nous allons sûrement faire un état de lieux, depuis Cro-Magnon à nos jours
Et vous allez nous dire, pourquoi vous pensez, ou ne pensez pas, que l’homme soit perfectible.

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Des philosophes tel: Diderot, le Baron d’Holbach, Helvétius, developpent cette idée de perfectibilité, en nous disant qu’elle se trouvent dans le lien entre les hommes, ils parlent alors,de  » réseaux de sociabilité » une expression et une idée forte que nous pouvons aujord’hui mettre en face d’un échec de lien vers une perfectibilité via les « réseaux sociaux » (y)

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