Peuple

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La liberté guidant le peuple. Eugène Delacroix. 1830. Musée du Louvre

Le Grand Robert de la langue Française : Ensemble d’humains vivant en société, habitant un territoire défini (habitant) ayant en commun un certain nombre de coutumes, d’origine.
Corps de la nation ensemble des personnes soumises aux mêmes lois.

Trésor de la Langue Française : Ensemble des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d’origine, présentent une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d’institutions communes.
Au pluriel) Ensemble des communautés humaines constituant la population du globe.
Ensemble de personnes qui, n’habitant pas un même territoire mais ayant une même origine ethnique ou une même religion, ont le sentiment d’appartenir à une même communauté.
Peuple peut désigner soit la totalité de la nation, soit la partie de la nation qui est dominée économiquement et politiquement.

Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey : .. est issu par évolution phonétique du latin populus, qui désigne l’ensemble des habitants d’un État constitué ou d’une ville. Populus s’opposait à la fois à senatus le sénat) et à plebs (La plèbe) …

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : Nom collectif difficile à définir, parce qu’on s’en forme des idées différentes dans divers lieux, dans les divers tems, & selon la nature des gouvernemens….
Autrefois en France, le peuple étoit regardé comme la partie la plus utile, la plus précieuse, & par conséquent la plus respectable de la nation. Alors on croyoit que le peuple pouvoit occuper une place dans les états-généraux ; & les parlemens du royaume ne faisoit qu’une raison de celle du peuple & de la leur. Les idées ont changé, & même la classe des hommes faits pour composer le peuple, se retrécit tous les jours davantage. Autrefois, le peuple étoit l’état général de la nation, simplement opposé à celui des grands & des nobles. Il renfermoit les laboureurs, les ouvriers, les artisans les Négocians, les Financiers, les gens de Lettres, & et les gens des lois.
Les gens de lois, dit-il se sont tirés de la classe du peuple, en s’ennoblissant sans le secours de l’épée : les gens de Lettres à l’exemple d’Horace, ont regardé le peuple comme profane. Il ne serait pas honnête d’appeller peuple ceux qui cultivent les beaux Arts, ni même de laisser dans la classe du peuple cette espèce d’artisans, disons mieux artistes maniérés qui travaillent le luxe… des mains qui ne ressemblent point aux mains du peuple.
Gardons-nous aussi de mêler les Négocians avec le peuple, depuis qu’on peut acquérir la noblesse par la Commerce, les Financiers ont pris un vol si élevé, qu’ils se trouvent à côté des grands du royaume ; Ils se sont faufilés, confondus avec les nobles qu’ils pensionnent , qu’ils soutiennent  
Il ne reste donc dans ma masse du peuple que les ouvriers & les laboureurs  …..
Concluons qu’Henry IV avoit raison de désirer que sont peuple fût dans l’aisance, & d’assurer qu’il travailloit à procurer à tout laboureur les moyens d’avoir l’oie grasse dans son pot. Faites passer beaucoup d’argent dans les mains du peuple, il en reflue nécessairement dans le trésor public une quantité proportionnée que personne ne regrettera : mais lui arracher de force l’argent que son labeur & son industrie ont procuré, c’est priver l’état de son embonpoint & de ses ressources.  (Article de Louis de Jaucourt. 1765)

Synonymes : Démos. Nation. Popilation.

Contraires : Aristocratie. Bourgeois. Clergé. Élite. Oligarchie. Noblesse.

Par analogie : Ci-devant. Citoyen. Classes dirigeantes. Classes laborieuses. Classes ouvrières. Collectif. Commissaire du peuple. Commun.  Démocratie. Démographie. Etat. États-généraux.  Ethnie. Ethnographie. Foule. Gens. Habitants. Horde. Masse. Multitude. Nationaux. Nomades. Ouailles. Parlement. Patrie. Pays. Piétaille. Peuplade. Plèbe. Populace. Populaire. Populisme. Populo. Prolétariat. Public. Révolution. Roture. Serf. Souveraineté. Sujet. Tiers-État. Tribu. Vulgaire. Vulgum pecus.

Expressions : Le bas peuple. La lie du peuple. Le menu peuple. Le petit père du peuple. Le peti peuble. Le peule de la forêt. Se foutre du peuple. Un bal populaire.

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« On accède à la monarchie ou par la faveur du peuple ou celle des grands…… Lorsque les grands voient qu’ils ne peuvent résister au peuple, ils commencent à donner réputation à l’un d’eux, et ils le font prince pour pouvoir à son ombre, assouvir leurs appétits ». (Machiavel. Le Prince. § 9)

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Le peuple est comme le personnage mythologique Argus, vous pouvez toujours essayer de l’endormir, sur ses yeux au nombre de cent, la moitié  de ceux-ci restent toujours ouverts, quoi que, en lui racontant une belle histoire, Mercure l’avait endormi….  (Luis)

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« En vérité si le chauvinisme est un piège, le refus répandu chez les intellectuels, de reconnaître qu’il existe quelque chose comme un esprit des peuples n’est pas moins une forme d’aveuglément. Le tout est de garder a bonne distance… ». (Alexandre Lacroix. Rédacteur en chef de Philosophie magazine)

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On a parfois utilisé pour des peuples comme le peuple Kurde l’expression de « peuple abstrait » (Expression utilisé, entre autres,  par Henri Troyat pour désigner la colonie de russes blancs émigrés au début du siècle dernier). Cette expression nous dit bien qu’un peuple devient réel que lorsqu’il vit sur un territoire, son territoire, ce qui la notion de peuple à la notion géographique. (Luis)      

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Aristophane : Les cavaliers

  • Eh bien…, je ne vois comment je serai capable de gouverner le peuple.
  • Rien de plus bête. Ne cesse pas  de faire ce que tu fais. Tu n’a qu’à tripatouiller les affaires, les boudiner toutes ensemble, et quant au peuple pour te le concilier, il suffit que tu lui fasses une agréable petite cuisine de mots. Pour le reste, tu as tout ce qu’il faut pour le mener, à savoir : une voix de canaille, une origine misérable, des manières de vagabond. Je te dis que tu as tout pour faire de la politique…Allons, mets une couronne, et bois en l’honneur du dieu des abrutis…..

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Le peuple c’est un groupe, une société qui a, ou qui cherche à définir un destin commun. S’il cesse de vouloir un destin commun, alors, il y a aura toujours, une volonté qui va occuper ce vide, se sera un mouvement sectaire et totalitaire, comme on l’a connu en Europe avec les fascismes, ce sera l’homme providentiel qui se fera dictateur, ce sera un mouvement religieux intégriste.                              
L’amour du peuple, c’est entendons-nous trop souvent, le populisme, mais qu’est-ce que la haine du peuple. Lors de la Commune de Paris après la terrible répression des Versaillais, Flaubert dans une lettre à Georges Sand, écrit ! «  Je trouve, qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune, et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de paris, la chaîne au cou, en simple forçats »
Le peuple c’est nous, je suis une infime part de ce nous. Alors, en quoi est-ce que je sens que j’appartiens à ce peuple ? L’animal politique suivant l’expression d’Aristote a ce besoin d’appartenance : parce que, d’une part cela correspond à besoin d’être partie prenante du groupe, parce que cela le sécurise, parce que cela va lui apporter le contenu d’une valeur, parmi les valeurs qui viennent occuper l’espace spirituel qui est en nous.
En ce sens la notion de peuple est une valeur spirituelle.
Elle l’est à ce point, que les personnes qui se trouvent forcées à l’exil, auront longtemps la nostalgie, et de leur pays, et de l’environnement social, de tout un art de vivre qui était propre à leur peuple ; c’est ainsi que se crée, que se sont crées des communautés d’exilés. (Luis)   

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« Un merveilleux allié que le peuple, on se sert de lui et après on ne lui doit plus rien ».    (Personnage de Tolomei, dans « Les Rois maudits » œuvre de Maurice Druon)

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Vouloir fondre des peuples avec leurs richesses culturelles, en un seul peuple, en une confédération Gloubi-boulba, il y a des refus très forts qui déclenchent le mauvais côté de l’identitarisme. C’est ce que nous apportent certaines volontés d’une Europe fédérale, voire d’une identité européenne. Alors que les peuples sont toujours en recherche de leurs racines, vouloir leur ôter leur particularité, est ressenti comme un viol de leur identité.  (Luis)  

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« Il y a aussi le peuple, qui fait si grossièrement fi de l’humanisme […] Le peuple, à qui fut accordé par les radicaux le privilège exorbitant d’avoir par tête de pipe autant de droits civils et politiques qu’un Rezeau, le peuple, non pas populus mais plebs, ce magma grouillant d’existences obscures et désagréablement suantes… Le peuple (à prononcer du bout des lèvres, comme, « peu » ou même, comme « peuh !) » (Hervé Bazin. Le nœud de vipères)

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Un peuple tient debout, il s’engage vers son futur, participe à la démocratie, s’il a un idéal, ou s’il a encore un idéal.
Alors écarter tout idéal c’est presque vouloir le dissoudre, sauf qu’on ne peut jamais anéantir l’idée de peuple, un peuple parfois se réveille alors qu’on ne s’y attendait pas ; exemple à quinze jours de mai 68 nul n’envisageait un tel mouvement.
Le 13 juin 1789 lors des Etats généraux le roi Louis XVI fait un discours applaudi par la noblesse, puis quitte l’assemblée.., alors qu’on veut les en faire sortir par la force Mirabeau prend la parole : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes » Plus que jamais la Révolution est en marche.
Les ci-devant, deviennent citoyen,  les Français deviennent un peuple, un peuple souverain.
Leuple toujours fini par reprendre le pouvoir. « Quand la lutte s’engage entre le peuple et le Bastille, c’est toujours la Bastille qui finit par avoir tort »  (Charles de Gaulle) ;
Et enfin, le mot peuple n’est pas un concept figé, il est évolutif. Notre société qui s’enrichit de « nouveaux français »  est souvent honorée par eux. Dans son film « Qu’Allah bénisse la France » Abd al Malik, dit : « Vive la France arc-en-ciel et unique, et débarrassée de toutes ses peurs ». A la suite des tueries du 13 novembre 2015, parmi les témoignages, on peut relevé sur le site de Magyd Cherfi, le chanteur du groupe Zebda : « Il y a des jours comme ça où on aime la France, où on a envie de chanter la Marseillaise…, je promet devant le fronton des mairies d’aimer la France pour le pire et le meilleur, de la protéger, de la chérir, jusqu’à mon dernier souffle…» il dit (en substance) prendre conscience que c’est important la France » (Luis)

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«  …un peuple est une histoire et pas seulement un contrat » (Henri Pena-Ruiz. Qu’est-ce que la laïcité)

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 Ce n’est pas d’aujourd’hui que les élites se méfient, voire, ont peur du peuple ; c’est pourquoi par exemple, elles répugnent à l’usage du référendum, le dernier référendum en France en 2005 a vu le peuple se prononcer à l’inverse de ses dirigeants pourtant grandement épaulés par les médias. « Les faiseurs d’opinion n’aiment pas les opinions du peuple » (Benoît Schneckenburger) C’est peut-être à de telles situations qu’on voit qu’il y a encore un peuple, parfois il sait dire non. (Luis)  

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S’il n’y a pas de peuple, s’il n’y pas d’Etat, alors les libertés individuelles s’imposent face aux libertés collectives.
Je pense qu’une réponse simple à la question, qu’est-ce qu’un peuple ? Comment se manifeste t-il en tant que tel ? Je prendrai en exemple pour y répondre : les marches républicaines le 11 janvier 2015, suite aux tueries de Charlie hebdo et du magasin Hyper Casher. On a parlé de la France debout, on a parlé de marée de « marée humaine » ; 37 millions de personnes se sont mobilisées, dont 1, 5 millions à Paris, pour défendre leurs valeurs.
Le 13 novembre de cette même année 2015 le peuple de France s’est senti profondément meurtri dans sa chair. Nous avons tous mesuré, et parfois participé à cette émotion collective et aux hommages qui leur ont été rendus. Et nous avons vu les peuples du monde entier s’associer à la peine du peuple français.
Ce fut en d’autres temps le million de personnes accompagnant les funérailles de Victor Hugo
C’est dans les épreuves que nous voyons que contrairement à bien des propos relativistes, que la notion de peuple, d’être un peuple, n’est pas une coquille vide.  (Luis)   

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« Et le peuple ? Dira t-on. Le penseur ou l’historien qui emploie ce mot sans ironie se disqualifie. Le « peuple » on sait trop bien à quoi il est destiné : subir les évènements, et les fantaisies des gouvernements à des desseins qui l’infirment et l’accablent. Toute expérience si avantage fut-elle, se déroule à ses dépends, se dirige contre lui, il porte les stigmates de l’esclavage… »  (Cioran.)

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 Dans un article sur Libération au lendemain des élections régionales, le 11 décembre, le romancier Olivier Adam, écrit : « Le peuple old school est déboussolé ? Les « petits blancs » ont peur de voir remis en cause leur mode de vie ? Pauvres chéris. Pauvre petite France aigrie, mesquine et ratatinée, si malheureuse qu’elle s’autorise à se jeter sans complexe dans les bras du FN. Je lui préfère la France new school. Métissée, populaire, ouverte, mélangée, combative, progressiste » Derrière une pensée qui se voudrait humaine et progressiste, il y a une posture  relativiste et insultante
Lorsqu’une certaine presse comme Libération se moque du peuple « old school », elle traite le peuple français de vieux peuple, aigri, mesquin, ratatiné.
La propagation de tel propos outranciers me semble être une volonté de  détruire l’idée de peuple, et fait le lit de l’extrême droite qui sait exploiter ce qui est ressenti comme des vexations » (Luis)                                                                                                                                                                      

     Il y a des peuples qui n’ont pas de territoire, ce fut longtemps le cas du peuple juif, « le peuple errant », quoique ! il y a longtemps  eu un territoire immatériel, « la terre promise ».
 Il semble qu’il y a ait une autre constante, c’est que tout peuple s’est créé sur un mythe fondateur, sur un terreau. Bien qu’il semble difficile de définir le mythe fondateur de nouveaux Etats, tel celui des habitants des Etats-Unis : du May Flowers, aux pionnier se ruant vers l’or, et massacrant au passage les indigènes, à l’esclavagisme du sud, quels symboles ?  (Luis)    

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Nous n’échappons à la polysémie du mot, ni a ses parents par analogie : je pense à l’Etat, le pays, la patrie, et la Nation, (attention là, il y a des mots piégés) ni a ses dérivés: tels : le petit peuple, la plèbe, la bas peuple (ou la France d’en bas), le populo, la populace, et suprêmes anathèmes masquant la peur du peuple « populisme » et « souverainisme »
 Alors diront certains : est-on peuple par les urnes ? ou est-on par la révolte ? Victor Hugo qui avait peut-être pressenti mai 68, écrivait : « « Le plus excellent symbole du peuple c’est le pavé. On lui marche dessus, jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête ». (Luis)  

« Il y a dans ce peuple une incurable propension à la facilité et à l’insouciance. Il accepte ses maîtres, mais il ne mes respecte pas. On croit qu’on l’atteint, qu’on le jugule, on s’aperçoit qu’il est plus occupé à jouer aux boules ou à caresser des filles qu’à fixer la ligne de son destin. Je haïssais les aristocrate et avec leur façon de sourire de tout, mais je demande maintenant s’ils n’avaient pas tout simplement cristallisé  et grossi en eux l’insouciance de tout ce peuple…. » (Pauvre Bitos, ou le dîner de têtes. Acte deux ; Jean Anouilh)*    

                         

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