Peur

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Le cri. Edward Munch. 1893. National Museum of Arts. Oslo.

Le Grand Robert de la langue Française : Phénomène psychologique  à caractère affectif marqué, qui accompagne la prise de conscience justifiée ou non d’un danger, d’une menace pour la vie ou la sensibilité du sujet, et qui peut prendre la forme soit d’une émotion-choc, soit d’un sentiment pénible d’insécurité, de désarroi à l’égard d’événement actuels ou prévus.

Trésor de la langue française : État affectif plus ou moins durable, pouvant débuter par un choc émotif, fait d’appréhension (pouvant aller jusqu’à l’angoisse) et de trouble (pouvant se manifester physiquement par la pâleur, le tremblement, la paralysie, une activité désordonnée notamment), qui accompagne la prise de conscience ou la représentation d’une menace ou d’un danger réel ou imaginaire.
Réaction, comportement face à un danger, à une menace comparable à la réaction ou au comportement de l’homme apeuré.

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : L’émotion qui naît en nous à la perception, ou même à l’imagination, d’un danger.

Synonymes : Affre. Affolement. Alerte. Crainte. Effroi. Epouvante. Frayeur. Frousse. Panique. Phobie. Terreur.

Contraires : Audace. Auto conservtion. Calme. Courage. Bravade. Bravoure.  Risque tout. Sérénité. Témérité. Tête brûlée. Tranquillité.

Par analogie : Agora phobie. Alarme. Angoisse . Apeurer. Appréhension. Aversion. Blêmir. Bloblote. Cauchemar. Couardise. Croquemitaine. Danger. Différence. Emotion. Etranger. Fantasme. Fantôme. Flipper. Frayeur. Frisson. Hantise. Horreur. Horrifié. Inconnu. Imagination. Inhibition. Inquiétude. Loup garou. Matamore. Médusé; Menace. Ogre. Ombrage. Pâlir. Pantophobie. Pétoche. Pétrifié. Peureux. Pleutre. Poltron. Poule mouillée. Pusillanimité. Répulsion. Stress. Spectre. Sueurs froides. Sursauter. Trac. Tressaillir. Trouille. Timidité. Timoré. Tressaillir. Xénophobie.

Expressions : Avoir la chair de poule.  Avoir le sang glacé. Avoir les cheveux qui se dressent sur la tête.  Avoir les chocottes. (Populaire). Avoir les foies. (Populaire). Avoir les jambes coupées. Avoir les jetons (Populaire). Avoir peur de son ombre. Avoir une peur bleue. Devenir blême. En être quitte pour la peur. Être glacé d’effroi. Être plus mort que vif. Être sur le qui vive. Faire dans sa culotte (Populaire). La peur au ventre. La peur n’évite pas le danger. Les avoir à zéro . (populaire). Même pas peur, na! . Mourir sde peur. Pâlir de peur

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« La philosophie est depuis l’origine une tentative d’aider à être homme, à se débarrasser des peurs qui empêchent de bien vivre ».     (Luc Ferry)

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 « Si nous pouvons tirer quelques déductions des mythes ayant pris corps chez tous les peuples, la curiosité  orientée vers un monde de mystère, le respect, l’étonnement envers un monde aux scènes impressionnantes, n’ont pu manquer de contribuer autant que la peur, à la tendance de l’homme le disposant à peupler le monde de divinités » (Les sources de la morale occidentale. (Georgia Harkness. Payot. 1954)

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« La crainte intervient certainement dans ce qui conduit l’homme à chercher un soutien extérieur à lui-même, et l’homme primitif trouve à s’effrayer de beaucoup de choses ; tribus ennemies, animaux dangereux…, calamités de toute sorte d’un milieu physique inconquis. La peur n’est cependant pas la seule source de religion à considérer. Si nous pouvons tirer quelques déductions des mythes ayant pris corps dans tous les peuples, l’étonnement envers un monde aux scènes impressionnantes, n’ont pu manquer de contribuer autant que la peur, à la tendance de l’homme le disposant à peupler le monde divinités. Ces dieux, ces esprits accomplissaient toutes choses que l’homme ne pouvait accomplir avec des moyens ordinaires.., de là, la conviction, au moins obscurément conçue, de ce que les mystères de la nature requièrent une explication supra-humaine. La religion a ainsi pris naissance, de la crainte, de la curiosité, de la terreur, mais aussi d’une nécessité morale.
Un esprit ignorant n’aurait pas été à même  de bien distinguer entre les ordres édictés par le groupe social et les ordres édictés par les puissances invisibles : on en vint à énoncer des ordonnance humaines à l’enseigne du : « Ainsi dit le seigneur ! » (Les sources de la morale occidentale. Georgia Harkness. Payot. 1954)

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« Quand on a peur il faut regarder sa peur en face et lui donner un nom, sinon elle vous écrase et vous emporte comme une vague scélérate » (Les yeux jaunes des crocodiles. Katherine Pancol)

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 « Je suis une boule de peur, j’ai peur de tout…, j’ai peur de pas y arriver, j’ai peur de finir sous les ponts, j’ai peur d’être expulsée, j’ai peur de plus jamais aimer, j’ai peur de perdre mon boulot.. ; j’ai peur de vieillir, j’ai peur de grossir, j’ai peur du cancer du sein, j’ai peur du lendemain… »   (Les yeux jaunes des crocodiles. Katherine Pancol)

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 Quand on a peur de tout, il y a toujours une peur à l’origine de toutes les autres. Il faut pouvoir identifier cette première peur. (Luis)  

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César : – « Les poltrons meurent plusieurs fois avant de mourir. Le vaillant ne tâte qu’une fois de la mort. Il me semble étrange que les hommes puissent avoir peur de la mort, sachant que la mort est une fin nécessaire, venant quand elle doit venir »  (Jules César. Shakespeare. Acte II, Scène II)

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« Les héros ont leurs accès de crainte, les poltrons des instants de bravoure, et les femmes vertueuses leurs instants de faiblesse ». (Stendal. Journal)

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Les gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête. Une des explications avancée sur cette expression, est que, les Gaulois comme beaucoup de peuples pensaient que le ciel était habité par des divinités, des dieux, et que s’ils fâchaient ces dieux ils allaient descendre sur la terre pour les punir.
Le film documentaire, « Tous ne mourraient pas mais tous étaient malades » évoque la peur comme outils de management, où le courage se transforme en courage d’évincer l’autre,  qui serait fait-on croire le seul moyen de survie, de garder « son » emploi. C’est le courage de faire le sale boulot, autre facette d’une peur qu’on ne veut, qu’on ne peut affronter. Dans nos sociétés occidentales les grandes peurs c’étaient les guerres ; aujourd’hui c’est la guerre économique avec son implacable logique ; c’est la peur du chômage, de la perte de son statut social, la peur du regard de sa femme, de ses enfants…, la peur de ne plus pouvoir assurer les dépenses de la famille, avec les risques et les conséquences des jugements négatifs qu’on peut alors porter sur soi, et ceci ne concerne pas uniquement les ouvriers ou les employés. Cela peut concerner des cadres, des petits patrons qui travaillent en sous-traitance, des dirigeants d’entreprise victimes eux aussi de financiers sans cupule. A toutes les époques, la peur s’adapte, elle prend chaque des formes nouvelles. (Luis) 

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Préparation d’un débat avec les enfants sur ce sujet de la peur :
C’est quoi la peur ?
C’est quand tu crains quelque chose qui va te faire du mal ?
Quelque chose que tu ne connais-pas ?
Si tu vas nager trop loin en mer : de quoi as-tu peur ?
Si tu te penches trop au balcon :     de quoi, et pourquoi as-tu peur ?
Si tu manges trop, as-tu peur ?  :
Si tu traverses la rue sans regarder, as-tu peur ?
Si tu as un zéro en mathématique, as-tu peur,
Un mot de la maîtresse pour les parents, ça te fais peur ?
Est-ce qu’on n’a pas peur d’avoir peur,
Est-ce qu’il faut avoir peur ?
A quoi ça sert la peur ?
Est-ce que tu aimes bien d’avoir peur ? Comme dans certains film ?
Qu’est-ce qui arrive si on a peur de rien ?
Qu’est-ce qui arrive si on a peur de tout ?
Est-ce qu’il faut avoir peur de l’orage ? et se cacher sous son lit ? ou sous un arbre ?
Quand « on est grand », on est fier, on ne montre pas sa peur, « même pas peur ! na ! » (Luis)   

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« La peur nous montre qui on est vraiment »  (Réplique. Film Le bar. Alexis de la Iglesias)

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Le lièvre et les grenouilles

Un lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte à moins que l’on ne songe ?)
Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait;
Cet animal est triste et la crainte le ronge
Les gens de naturel peureux
Sont, disait-il bien malheureux
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite
Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers.
Voilà comment je vis, cette crainte maudite
M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque cervelle.
Et la peur se corrige t-elle ?
Je crois même qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi.
Ainsi raisonnait notre lièvre

Et cependant faisant le guet.
Il était douteux, inquiet;
Un souffle, une ombre, un rien lui donnait la fièvre
Le mélancolique animal
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit ; ce lui fut un signal
Pour s’enfuir devers sa tanière.
S’il alla passer sur le bord d’un étang
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes

Oh ! dit-il j’en vais faire autant
Qu’on m’en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l’alarme au camps !
Et d’où me vient cette vaillance ?
Comment ? des animaux qui tremblent devant moi !
Il n’est je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.
Jean de La Fontaine.

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Lorsque j’étais enfant j’avais peur des oies et surtout du jars dans la ferme de mes grands parents. Cette méchante bête nous coursait pour nous pincer les mollets.
Un jour, où  je portais des bottes, le jars vint vers moi toujours hostile. Sachant qu’il ne pouvait pincer que du caoutchouc, je lui ai face, j’ai marché vers lui. La peur avait  changé de camp, il avait  reculé !
J’ai retenu la leçon. J’y ai souvent repensé dans certaines situations. Faire face, surmonter sa peur, ne pas se laisser intimider, cela nous valorise à notre propre yeux, nous donne un peu plus, de cet estime de soi, dont beaucoup de nous avons tant besoin.    (Luis)

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« La peur est une émotion essentielle à la survie de l’humanité, […] C’est une émotion qui a son siège dans une région du cerveau nommée « complexe amygdalien », qui engendre la réponse comportementale de l’organisme par la sécrétion d’adrénaline. Avant la réaction psychologique, l’information transite par le thalamus, puis par les structures corticales supérieures et par l’hippocampe… (Gérald Bronner. Apocalypse cognitive)

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« Nous avons plus de peurs que de maux, et nous souffrons plus en idée qu’en réalité » (Sénèque. Lettre V)
Mais quand j’ai soudain peur je ne prends pas le temps d’une telle analyse, ou, c’est trop tard, le lion m’a mangé.
Elle s’empare de nous souvent part surprise, mais si nous ne pouvons pas supprimer cette émotion, nous pouvons l’apprivoiser, la dominer. Par exemple, si j’ai le vertige, il se peut que quelques exercices, des expériences in situ m’aideront à me débarrasser de cette peur.
La peur est pour une part une émotion acquise, et serait d’autre part émotion innée, ; Ainsi suivant ce texte tiré due l’essai de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive : « Sur l’île Kangourou, dans l’océan Indien au large de l’Australie, vit une espèce de wallaby bénie des dieux. Depuis une centaine d’année elle n’a pas eu à redouter l’attaque d’aucun prédateur. Les petits wallabys n’ont donc jamais entendu parler de la moindre  créature  intéressée à les dévorer. Pourtant lorsqu’on les met en présence d’un animal qui, dans un autre contexte écologique, aurait été un prédateur, quand bien même cet animal est empaillé (un renard par exemple) le wallaby de l’île de Kangourou, se fige… Il sent le danger. En revanche, un lapin empaillé, ou n’importe quelle autre créature qu’il n’a jamais non vu, non plus, et que ne pourrait être un des ses prédateurs, cela le laisse de glace. … C’est donc une connaissance (Trace mnésique, trace émotionnelle) profondément enfouie dans son être biologique »  »

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Introduction au débat : A quoi sert la peur
1°La peur est tour à tour, raison et déraison, rationnelle et irrationnelle. La peur est d’abord instinctive, car elle est une manifestation première, un réflexe qui échappe tout d’abord à l’intellect.  Instinctivement, lorsque nous sommes en danger, avant que l’information soit arrivée au cortex, analysée, la chimie du corps, le physiologique  se met en route. En fait, devant le danger qui nécessite la fuite, le cœur envoie immédiatement le sang vers les muscles inférieurs pour améliorer la course, ou vers les membres pour préparer à la lutte. Dans les parties supérieures du corps dont le visage, les veines ne reçoivent plus de sang, d’où cet effet, « il a pâli », « il est devenu blême ». Il y a choc émotif, l’esprit  émotionnel est plus rapide que l’esprit rationnel. Autrement dit, l’intellect, la raison  n’y sont pour rien. C’est la volonté, le vouloir vivre qui conserve sa suprématie.
C’est peut-être l’animalité qui sauve l’humain. C’est peut-être grâce à cet instinct que les premiers individus se sont préservés en milieu hostile, qu’ils ont développé le genre humain ; c’est grâce à cette aptitude à avoir peur que nous existons. Mais, dans certains cas, nous savons qu’elle peut aussi nous paralyser : « Tantôt elle nous donne des ailes aux talons, […]; tantôt elle nous cloue les pieds et les entrave », dit Montaigne (Essais, chapitre XVIII). La peur est tellement une réaction physique que les expressions populaires en reviennent souvent au physique, entre autres : avoir les foies, les avoir à zéro, serrer les fesses, faire dans son froc, avoir le trouillomètre à zéro, avoir la peur au ventre, …
Plus sérieusement, si nous pouvons louer la peur, souvent elle est l’objet de moqueries, de railleries, de jugements sévères. Par notre tempérament, nous sommes plus ou moins courageux, plus ou moins pusillanimes, lâches, ou tout simplement peureux. En face de la peur, qui a une mauvaise presse, une mauvaise connotation, nous mettons, nous opposons le courage ! Ah, le courage, l’autre côté de la médaille !
Les cimetières sont pleins de gens qui n’avaient peur de rien. Autrement dit, si je suis conscient, j’ai peur d’être distrait en conduisant, j’ai peur des autres voitures, j’ai peur du radar, et ainsi la peur devient une alliée utile, et là c’est raison que d’avoir peur« une peurjustifiée est une excellente police d’assurance, bien sûr. Elle a sauvé et amélioré de nombreuses vies »  (A. Damasio. Spinoza avait raison) (luis)

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 « Ce n’est pas que j’ai vraiment peur de mourir, mais je préfère ne pas être là quand ça arrivera » (Woody Allen).

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Nous avons tour à tour, voire parfois simultanément : peur pour notre emploi, peur pour notre écosystème, peur dans notre quartier, peur dans des relations amoureuses, peur de grossir, peur de vieillir, peur pour notre pouvoir d’achat, peur pour nos retraites. Certaines peurs peuvent aussi devenir un moyen de pression, des diktats, ou du business. Les philosophes ont peu, voire même pas du tout,  parlé de la peur, c’est que ce n’est pas là un sentiment noble, et pourtant nul n’est exempt d’avoir peur. Dans une société où les rapports de forces sont souvent présents, il ne faut surtout pas montrer sa peur, se serait montrer sa faiblesse, et de là se mettre en danger, car ce monde n’est pas toujours animé des meilleurs intentions et il a parfois besoin de victimes, pour que ceux qui affichent ne pas avoir peur puissent conjurer ainsi leurs peurs. La peur est dans notre part animale, c’est une réaction animale, mais l’animal n’a peur qu’en face d’un danger, alors que nous nous projetons des peurs : c’est aussi le prix de notre humanité, parce que nous avons l’imagination, encore cette « folle du logis » qui échafaude des situations ; nous nous  faisons nous-mêmes peur par de fausses peurs, jusqu’à avoir peur d’avoir peur ou jusqu’à développer des peurs et tomber dans le traumatisme des peurs : la paranoïa. Les peurs de l’intellect sont souvent de fausses peurs, à moins que nous aimions avoir peur. Souvent, ces peurs imaginées nous gâchent la vie ; celui qui pense trop à la mort, qui n’a pas médité les sages conseils d’Epicure, aura vécu cent morts avant de mourir ou avant d’en mourir.
De tout temps, la peur a été un moyen de soumettre. Soumettre les enfants, soumettre des peuples, moyen d’assujettissement ou de manipulation des plus naïfs. Les hommes ont souvent été gouvernés par la peur : sous des rois, des tyrans, des empereurs, des dictateurs, jusqu’à des régimes théocratiques, comme en Iran aujourd’hui, et, il y a peu, un régime autoritaire, librement choisi par un peuple, devenait un régime de peur : le nazisme. Toutes ces peurs, il a fallu les affronter, les vaincre ; ce fût le sang des Révolutions pour que les peuples ne vivent plus sous le régime de la peur. L’homme du XXIème siècle est évolué en ce sens où il domine mieux ses peurs, qu’elles soient d’ordre physique ou métaphysique, en ayant démasqué et rejeté bien de fausses raisons d’avoir peur. Souvent les parents transmettent leurs peurs à leurs enfants. La maman qui avait peur de l’orage peut transmettre cette peur à ses enfants. (Luis) 

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 Débat :             « La peur, pourquoi? En vue de quoi?  A quoi ? »         23 avril 2021
D’après le Dictionnaire historique de la langue française ( Alain Rey) le sens 1° ( issu du latin pavor) est « être frappé ». Le mot peur désigne une émotion plus ou moins intense (frayeur ; effroi) liée à un danger dont on est plus ou moins conscient. C’est la peur de … ( la peur du loup pour la chèvre de Monsieur Seguin (Alphonse Daudet) ; la peur du noir chez le bébé, la peur de l’abandon pour Le petit Poucet     ( Charles Perrault) : la peur de la solitude( les fans des réseaux sociaux) ; la peur des violences ( les dominés) ; la peur de vieillir…( les has been) ; la peur de mourir  les philosophes anciens, modernes, contemporains .. occidentaux et orientaux).

Dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie (Lalande) le mot peur n’y est pas. Ce n’est pas un concept philosophique .D’après le Dictionnaire d’éthique et de morale (Monique Canto Sperber) le mot peur renvoie aux philosophies morales (systèmes de valeurs morales). L’histoire des morales est avant tout une histoire de la peur. C’est ce que Nietzsche (Le philosophe généalogiste) expose dans Par delà le Bien et le Mal.  La peur, le ressentiment, la volonté de vengeance, et la cruauté sont les ressorts de toute interprétation morale des faits (c’est bien, c’est mal) dans toutes les cultures. (Généalogie de la morale). Car les êtres humains ont une plus ou moins grande « volonté de puissance ». Les forts veulent ce qui est Bon pour exister pour eux (la danse, la joie, la guerre). Les faibles imposent des valeurs dites universelles (c’est Bien , c’est Mal) pour se protéger. Selon le Vocabulaire de la Psychanalyse (Laplanche , Pontalis) le terme freudien d’angoisse (Angst) désigne et la détresse psychique pulsionnelle ( automatique) ( le stress) et une angoisse devant un danger réel (la menace de mort ou une violence ..) Inhibition, symptôme et angoisse.1926. Et le mot phobie est un terme de psycho pathologie : d’origine grecque et aussi russe : le phobique est celui qui fuit par panique. La phobie est une aversion instinctive qui retourne la peur en hostilité irraisonnée, en haine . La peur des pigeons , des rats, des poux, des insectes, se retourne en aversion , dégoût .Qui peut aller jusqu’au désir de tuer . La peur de l’autre devient haine de l’autre : hétérophobie ( cf Memmi qui a analysé la xénophobie (peur et haine de l’étranger), Poliakov qui a analysé comment la peur des juifs (ceux qui sont autres que moi ( le chrétien d’abord) et qui pourtant me ressemblent) les transforme en boucs émissaires de mes difficultés et me les fait haïr, (voire jusqu’à les tuer). Aujourd’hui les historiens des génocides, des esclavages soulignent ce qui se joue dans les préjugés racistes, antisémites, homophobes : la peur de l’autre qui est un moi comme moi en même temps différent de moi peut être utilisée pour nier l’autre jusqu’à désirer le mettre à mort.
A la question à quoi sert la peur ? Il y a, me semble t-il , deux réponses ou deux points de vue différents pour la traiter .
D’une part dire (parce qu’on l’a vécu et / ou appris ) que la peur est mauvaise conseillère : d’autre part que la peur alerte ( est un signal) sur un danger réel. La peur ( e perdre son emploi, que son amant ou mari vous quitte, que son enfant soit malade voire disparaisse , des blessures liées à des violences réelles  ou/ et symboliques, …, de la non reconnaissance du travail fait, d’une privation organisée de sa liberté de penser et d’agir) peut entraîner la soumission ou« servilité volontaire « ( La Boétie), lâcheté , mensonge, ressentiment, désir de vengeance ( les passions tristes selon Spinoza Ethique ; l ‘amertume et le dégoût de vivre en tous cas l’absence de courage (Cynthia Fleury Ci git l’amer). Ou / et le refuge dans les certitudes figées , dogmatiques et l’accepation voire le désir de l’emprise d’un gourou, d’un chef , d’une communauté sectaire, d’un parti paternel ..Et en découlent des comportements de « la banalité du mal »( Hannah Arendt( 1963) : accepter sans réfléchir d’obeir à des injonctions mortifères pour les « ennemis », les indésirables, les parasites, les hors la loi, les anormaux, les handicapés, les rebelles, les « pas de chez nous », les sauvages, les autres .
Mais la peur peut aussi servir à alerter d’un danger. La mère qui a peur pour son ou un enfant qui traverse la rue sans regarder ce qui s’y passe, le parent qui a peur des « mauvaises rencontres » et des dominations perverses (Sade, ) ou hypocrites ( Tartuffe) ou simplement prédatrices (le couple des Tavernier par rapport à Cosette et Fantine …alerte , comme le propose Descartes : toujours penser « sans prévention » (sans répéter les préjugés et les habitudes acquises) et sans « précipitation » (en prenant le temps de réfléchir) .
Aujourd’hui des chercheurs en sciences sociales et en sciences biologiques alertent en faisant peur sur les dangers des écrans et des réseaux sociaux (avec leurs apports bénéfiques pour la vie affective et sociale) (Apocalypse Cognitive Gérald Bronner 2021). Et des historiens alertent sur les dangers liés à « la cancel culture « et à la woke culture qui font la table rase du passé, de l’histoire collective pour rendre la parole aux « âmes blessées de la vie »  (Boris Cyrulnik).
Alors ? Pour moi la peur peut servir à réfléchir aux confusions sémantiques pour les dissiper (islam= islamiste ; juif= sioniste = israélien ; passe sanitaire = dictature ; consentement = soumission; désir d’enfant = droit à l’enfant ; tolérance = bienveillance ; laïcité = liberté de cultes publics.
Et sans faire l’éloge du chevalier Bayard sans peur et sans reproche je dirai qu’il est bon d’avoir peur de la vie pour la faire exister selon mes projets (en vue de fins à se réaliser, pour se révolter toujours contre l’absurde (Camus). (Edith Deléage Perstunski. Professeure de philosophie)

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