Préjugés
Le Grand Robert de la langue française : Opinion formée au sujet d’un événement futur.
Ce qui a été jugé auparavant dans un cas analogue et qui peut servir de précédent.
Indice qui permet de se faire une opinion provisoire au sujet de quelqu’un ou quelque chose en attendant un examen plus approfondi.
Trésor de la langue Française : Opinion à priori favorable ou défavorable qu’on se fait sur quelqu’un ou quelque chose en fonction de critères personnels ou d’apparences.
Opinion hâtive et préconçue souvent imposée par le milieu, l’époque, l’éducation, ou due à la généralisation d’une expérience personnelle ou d’un cas particulier.
Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : Ce qui est jugé avant. Avant quoi ? Avant d’y avoir réfléchi vraiment comme il faut.
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : Faux jugement que l’ame porte sur la nature des choses, après un exercice insuffisant des facultés intellectuelles ; ce fruit malheureux de l’ignorance prévient l’esprit, l’aveugle & le captive……
Dictionnaire Larousse en ligne : Jugement sur quelqu’un, quelque chose, qui est formé à l’avance selon certains critères personnels et qui oriente en bien ou en mal les dispositions d’esprit à l’égard de cette personne, de cette chose ;
Synonymes : A priori. Clichés. Croyance. Opinion préconçue. Présomption.
Contraires : Analyse. Réflexion.
Par analogie : Amalgame. Argument circulaire. Archétype. Caricature. Œillères. Erreur. Esprit de corps. Entêtement. Etiquette. Expérience. Généralisation. Habitude. Idée arrêtée. Idée préconçue. Ignorance. Impression. Infatuation. Instinct. Interdit. Jugement péremptoire. Lieu commun. Nuance. Obstination. Opinion toute faite. Ornière. Partialité. Parti pris. Prêt à penser. Poncif. Prévention. Raccourci. Se buter. Stéréotype. Traditions.
*
(Suite article. Préjugé. Encyclopédie de Diderot & d’Alembert)
« Il y a des préjugés universels, & pour ainsi dire héréditaires à l’humanité, telle est cette prévention pour des raisons affirmatives. Un homme voit un fait de nature, il l’attribue à telle cause, parce qu’il aime mieux se tromper que de douter; l’expérience a beau démentir ses conjectures, la première prévaut. C’est cette maladie de l’entendement qui favorise la superstition & et mille erreurs populaires…..
Il y a des préjugés particuliers, ou de tempérament, qui varient dans l’homme, selon le changement de la constitution des humeurs, la force de l’habitude, & les révolutions de l’age. Si un homme renfermé depuis sa naissance jusqu’à la maturité de l’âge. Dans une caverne souterraine, passe tout-à-coup au grand jour, quelle foule d’impressions singulières exiteroit en lui cette multitude d’objets qui viendront assaillir toutes les avenues de son ame ! cet emblème que Platon a imaginé cache un vérité bien remarquable. En effet, l’esprit de l’homme est comme emprisonné dans les sens, & tandis que les yeux se repaissent du spectacle de la nature, il se forme mille préjugés dans l’imagination qui brisent quelque fois leurs chaînes, & tiennent à leur tour la raison dans l’esclavage.
Il y a des préjugés publics ou de convention, qui sont comme l’apothéose de l’erreur; tel le préjugé des usages toujours anciens, de la mode toujours nouvelle, & du langage. …..
Les sources des préjugés sont encore dans les passions ; l’entendement ne voit rien d’un oeil ses & indifférent, tant l’intérêt lui en impose. Ce qui nous plaît est toujours vrai, juste, utile solide, & raisonnable. Ce qui est difficile est regardé comme inutile pour ménager la vanité, ou comme impossible pour flatter la paresse. L’impatience craint les lenteurs de l’examen ; l’ambition ne peut se contenter d’une expérience modérée, ni d’un succès médiocre ; l’orgueil dédaigne les délais de l’expérience, & veut franchir d’un saut l’intervalle qui sépare les vérités moyennes des vérités sommaires ; le respect humain fait éviter la discussion de certaines questions problématiques….
Chacun bâtit dans son cerveau un petit univers dont il est le centre, autour duquel roulent toutes les opinions qui se croisent, s’éclipsent, s’éloignent, & se rapprochent au gré du grand mobile qui est l’amour propre.
*
« Chacun préférant croire plutôt que de juger, on ne porte jamais de jugement sur la vie, on est toujours dans la croyance ; et l’erreur est transmise de main en main …Nous périssons par l’exemple des autres. Nous guérirons pour peu que nous nous séparions de la foule » (Sénèque)
*
« Les hommes pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs, et dogmatiques dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d’un seul côté et qu’ils n’ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n’ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion, et suspend leur action » (Hume. Enquête sur l’entendement humain)
*
Débat : « Comment en fini avec les préjugés ? » 26. 02. 2020
Introduction : En finir avec les préjugés est un « vœu pieux », tout le monde ne sera pas gentil et raisonné, mais pour autant cela ne doit nous faire baisser les bras quant à la possibilité d’améliorer nos comportements, d’éclairer quand nous le pouvons, les esprits, de faire tomber les idées toutes faites qui souvent nuisent à la bonne entente entre tous.
Les termes par analogie de mot préjugé, nous renseignent également ; ils sont : A priori. Caricatures.. Clichés. Croyance. Idée préconçue. Lieu commun. Parti pris. Œillère. Prévention. Stéréotype. Opinion toute faite. Poncif.
Je reprends dans les diverses définitions, le préjugé en tant qu’opinion provisoire. Nous avons tous été enfants, nous avons tous commencé à penser avant de pouvoir commencer à raisonner, c’est le départ du préjugé. Lorsque nous venons au monde, nous sommes suivant l’expression « une page blanche ». Tant que nous avons pas eu l’occasion de rencontrer une situation particulière, d’en faire la définition, « un examen approfondi » de pouvoir porter jugement, nous faisons nôtre les idées du groupe.
Ceci posera ensuite, avec l’adolescence, la question de la capacité à juger, « oser penser par soi même » (Horace, puis repris par Kant) ou, chez des esprits plus paresseux, ceux qui très tôt s’en tienne au « doux oreiller des certitudes », de laisser faire l’imprégnation des jugements du groupe, de l’environnent immédiat. Ce sont là regarder, juger, avec des « idées reçues »
Mais il se peut que certains préjugés ne soient nullement induits, mais propres à un tempérament, un caractère.
Parfois, ou, souvent, nos préjugés n’ont pas de réel fondement, ils sont croyance. « Chacun préférant croire plutôt que de juger, (Ecrit Sénèque) on ne porte jamais de jugement sur la vie, on est toujours dans la croyance ; et l’erreur est transmise de main en main …Nous périssons par l’exemple des autres…… ». Ce fut depuis toujours un but de la philosophie; Socrate, nous dit-on, qui demandaient à ces interlocuteurs, pourquoi ils croyaient ce qu’ils croyaient, qu’est-ce qui leur en donnait l’assurance ?
Ce fut également la démarche du discours de la méthode de Descartes : « Ne recevoir aucune chose comme vérité acquise »
Ou encore du philosophe Cournot qui nous dit : « Il faut, si nous voulons être sincères envers nous, commencer par démontrer ce que nous affirmons »
Je pense que se comporter comme petit soldat de la « philosophie » c’est, même, s’il existe parfois des préjugés positifs ; c’est interroger sur : « ces connaissances que l’on possède sans savoir pourquoi » (Expression de Kant), c’est, dénoncer, mettre toujours en évidence les préjugés négatifs qui empoisonnent la vie, préjugés qui créent des distances, des antagonismes. Des préjugés qui excluent, voire qui exclut celui-là même qui se laisse conduire par ses préjugés. (Luis)
*
« Notre héritage n’et précédé d’aucun testament » écrit René Char. Le préjugé efface l’héritage derrière le testament, derrière une obligation d penser souvent inconsciente d’elle-même. Notre perception est tissée de préjugés : on voit ce que l’on s’attend à voir et non ce que l’on a sous les yeux. L’animal n’a pas de préjugés, seulement des réflexes pavloviens ; c’est parce que nous ne sommes pas enfermés dans l’immédiateté, que nous jugeons toujours avant, que nous préjugeons.
La table rase est une méthode qui tente d’échapper à l’emprise d’idées préconçues. Mais n’est-elle pas elle-même l’otage d’un préjugé plus tenace encore que ceux dont on prétend se débarrasser ? Ne préjuge t-on pas justement de ses forces ? Cette prégnance fait que certaines idées nous tiennent autant que nous y tenons. Assemblages d’opinion sédimentées, tradition d’un rapport du monde qui fait éclore notre « vision des choses , expression vague à souhait montrant que la vie quotidienne n’est pas une expérience de laboratoire, le préjugé plus que l’incertitude est l’étoffe de l’action ; l’image d’une expérience nue, vierge de tout à priori, est purement théorique » (Article, Préjugé, Dictionnaire Larousse en ligne)
*
Tous les arts : littérature, poésie, cinéma, théâtre, nous montrent, dénoncent, et nous mettent en gardes contre nos préjugés.
On peut à ce sujet citer les fables de La Fontaine, le théâtre de Molière, ou Zadig, et Candide de Voltaire, Jacques le fataliste de Diderot, et aussi, Les lettres persanes de Montesquieu, tous ces textes qui vont permettre de dénoncer même indirectement les préjugés d’une époque.
Des films ont souvent dénoncé les préjugés, et voire peut-être, réussi à fait tomber nombre de préjugés. Je pense à « Dupont la joie », et tous les préjugés racistes, ce film qui dénonçait un racisme qui se veut bénin, un racisme, dit « ordinaire » qui fait pourtant tant de mal.
On ne peut pas ne pas citer « J’accuse » ce récent film de Polanski, lequel bien qu’il délivre un message de la plus grande utilité pour lutter aujourd’hui contre un préjugé raciste, est victime d’amalgames venant de personnes aux idées courtes
Un autre film me semble vouloir faire tomber un certain nombre de préjugés, c’est le film : « «Green book » ou chacun des deux acteurs principaux, vont dénoncer et faire tomber peu à peu, les préjugés d’un américain blanc, et les préjugés d’un américain noir.
Et puis il y a « Rabbi Jacob » (on se rappelle) « Comment Salomon, vous êtes juif ? » et puis bien sûr », il y a « Devine qui vient dîner ce soir ?» ;
Enfin sur ce sujet, il a un incontournable, (récent) c’est : « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ». Les clichés, les préjugés qu’on y entend, sont :
« Les juifs sont très doués pour les affaires » –
« Les chinois sourient toujours, on ne sait jamais ce qu’ils pensent »…..
« Les Corses sont paresseux …
« Le Suisses n’ont pas d’avis…
Malgré toutes les dénonciations des préjugés, ceux-là ne disparaissent pas, ils semblent même être immuables. Ils le sont, parce l’éducation reçue est toujours celle d’un groupe qui se considère comme supérieur, voire plus évolué, voire étant détenteur des vraies valeurs, des communautés qui véhiculent des préjugés avec leurs coutumes.
Et avant tout examen nos avons des connaissances reçues qui nous permettent souvent d’agir de réagir, ce qui est illustré par le propos du personnage Bouvard (Dans Bouvard et Pécuchet) ; « Est-ce qu’on peut tout connaître avant de se faire une opinion ? »
eut-être que le jour où l’on confiera l’enseignement à des programmes nettoyés de tous ces préjugés, de races, de religion, de classe sociale ; un enseignement qui interviendra dès la plus tendre enfance, peut-être alors que les préjugés reculeront sérieusement, puisqu’il faut toujours faire le pari des Lumières qui nous assure que l’homme est perfectible. (Luis)
*
Le roman de Flaubert Bouvard et Pécuchet, est celui qui est considéré une ouvrage qui dénonce les préjugés. Bien sûr que les deux personnages énoncent nombre de poncifs. Mais si l’on analyse bien le roman, ce sont deux naïfs avides de connaissance, ils sont en recherche de sens, leur démarche est philosophique. Au final, ils prennent conscience de leur démarche inutile, ils décident de faire un ouvrages de tous les préjugés entendus dans une bourgeoisie de province auxquelles ont-ils vont ajouter toutes les bêtises qu’ils ont pu dire.
Et, si Bouvard et Pécuchet sont restés les parangons des préjugés, c’est là une erreur. Tout au long de leur aventure ils cherchent une ou des vérités solides pour avoir enfin, un jugement sûr.
Et c’est là, où se dépasse le préjugé, lorsqu’on prend conscience d’une erreur de jugement, et que dès lors on est prêt à plus de circonspection en tout jugement. Nos deux compères cherchent une ou des certitudes, et l’on sait que les certitudes sont, à leur tout, source de préjugés. (On tourne en ne rond) (Luis)
*
« L’intérêt a engendré les prêtres, les prêtres ont engendré les préjugés, les préjugés ont engendré les guerres, et les guerres dureront tant qu’il y aura des préjugés, les préjugés tant qu’il y aura des prêtres… » (Diderot)
*
« Si l’on voulait au contraire prendre les préjugés par la mesure du vrai, ou en faire la borne que la vérité en s’exprimant ne doit pas dépasser, il serait plus honnête de fermer tout à fait les facultés et les académies de philosophie » (Schopenhauer. Le fondement de la morale)