Réussir

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Parabole de l’homme riche. Rembrandt. 1627. Gemäeldegalerie. Berlin.

Le Grand Robert de la langue française : Avoir un résultat bon, mauvais, une issue heureuse ou malheureuse. Obtenir ce qu’on cherchait

Synonymes : Aboutir. Arriver. Gagner. Parvenir. Triompher.

Contraires : Avorter. Capoter. Echouer. Foirer.  Louper. Manquer. Rater.

Par analogie : Accomplir. Achever. Bien jouer. Businessman. But. Développement personnel. Ego. Fierté. Honneurs. Looser. Luxe. Mégalomanie. Narcissisme. Notoriété. Objectif. Paraître. Réaliser. . Succès. Vie bonne. Winer;

Expressions: Avoir la main heureuse. Avoir une position sociale. Faire fortune. Mener grand train. Occuper une position sociale. Tenir le haut du pavé.

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Les philosophes n’abordent ce sujet de « réussir » (réussir sa vie, et non pas réussir une tarte aux pommes) qu’en nous parlant de la vie bonne, sujet sur lequel depuis la philosophie grecque il y a matière à parler, à discourir. Réussir sa vie, n’est pas forcément un constat matériel, il est philosophiquement, bien remplir sa vie, avoir fait bonne usage d’une vie donnée. La vie bonne est un autre concept.  (luis)   

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«  Un moyen sûr de faire fortune, c’est d’être continuellement occupé à cet objet, et ne pas être scrupuleux sur le choix des routes qui peuvent y conduire… » (Encyclopédie ; dans l’article « Luxe » écrit par d’Alembert)

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Extrait du débat : « Que veut dire réussir ? » 12. 01 2005. Dans un stage de développement personnel pour cadres d’entreprise, on  confie à chacun un hamster dont ils ont à s’occuper durant tout le stage. Le but du stage étant de se détacher de tout ce qui peut écarter du but que l’on s’est fixé, se donner les moyens pour réussir. C’est pécher par manque de sagesse que de s’attacher aux êtres et aux choses disent les Stoïciens. L’éthique du stage est proche de l’idée des philosophes « utilitaristes » pour qui « tout ce qui est utile est moralement justifiable », ou « si le fait accuse, le résultat excuse (Machiavel) » … A la fin du stage, on leur demande de tuer le hamster qui n’a plus d’utilité pour la suite, tous acceptent, sauf un, qui menace les organisateurs de poursuites judiciaires pour maltraitance…Est-on prêt à tuer le hamster ? » (Luis)

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« Juger de notre vie réussie n’est-il pas faire la part belle à notre malheureux ego ? A une volonté libre qui ne joue pourtant  dans la pièce, qu’un petit rôle de composition ». (Luc Ferry)

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Pour ce que je n’ai pas réussi, c’est le destin. Pour ce que j’ai réussi, c’est mon libre choix, mon libre arbitre qui a décidé ! Nombreux sont ceux qui auraient plus tendance à juger de leur réussite dans le regard des autres ; conséquence d’une société du paraître, qui va parfois développer le côté un peu « mégalo » qui amène à se mettre en scène, avec un besoin de se faire admirer. . C’est demander de se faire le miroir de Narcisse. Réussir est d’abord réussir sa vie pour soi, un but pour soi, un but en soi.
Pour ceux qui sont persuadés que nous sommes, dès la naissance, prédéterminés, la question de la vie réussie ne se pose pas.   » No man is a failure who has friends » Dédicace de l’ange au personnage du film « La vie est belle » de Frank Kapra. Film américain de 1946  «  Un homme n’est pas un raté s’il a des amis »  (Luis)

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Le blues du businessman.

J’sis pas heureux, mais j’en ai l’air,
J’ai perdu le sens de l’humour
Depuis qu’jai le sens des affaires.
Au fond je n’ai qu’un seul regret,
J’fais pas c’que j’aurais voulu faire.
Paroles de Luc Plamondon. Musique de Michel Berger

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 « A la fin de sa vie, un homme doit prendre sa vie en bloc, comme on l’a dit de la Révolution française ».  (Paul Ricœur)

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Pour se poser la question de savoir si une vie est réussie, encore faut-il considérer que la vie a un sens sinon, réussie ou non n’importe peu ; ai-je simplement accompli le parcours tel la souris dans le labyrinthe 
Par ailleurs on peut opposer à cette définition nihiliste, qu’elle ne peut être envisagée comme réussie que on a su lui donner un sens
Et c’est peut-être déjà un des critères de jugement : quel sens ai-je donner à ma vie.  
On doit considérer qu’une vie réussie n’est pas faites que des réussites dans sa vie, car mêmes mes échecs m’ont construit, et cela m’a même permis parfois de dépasser ce que je croyais être mes limites de compétences.
Les challenges qu’on gagne contre soi-même sont parmi les plus belles réussites. (Luis)

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Réussir c’est gâcher un plein pot de peinture
Sur l’asphalte bleuté des méandres alpestres
Les bras levés au ciel dans un élan céleste
Tu rêves à du jaune pour finir l’aventure
Réussir c’est voler un peu du temps qui passe
Réussir c’est changer des boulets en ressorts
rebondir encor’ malgré les coups du sort
Redéployer ses ailes malgré le vent qui lasse
Réussir c’est toucher à l’absolu du beau
Et goûter aux couleurs de la diversité
Pour émouvoir un peu en toute humilité
Un groupe de bipèdes évadés de leur zoo.
Réussir c’est aimer en toute inconscience
Et malgré les censeurs, malgré les bien-pensants
Ceux qui ne veulent que ton bien évidement
Tu ne dois écouter que sa propre conscience.
Florence Desvergnes

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« Je n’ai jamais aimé ceux qui réussissent. Non pas parce qu’ils réussissent, mais parce qu’ils deviennent le jouet de leur succès, d’un Moi aveuglé. Le Moi à tout prix est la fin de l’homme » (Eric Faye. Nagasaki. J’ai lu. 2010)

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Cette question de vie réussie atteint un but très philosophique, l’introspection, la connaissance de soi…Les philosophes nous ont dit  qu’il fallait vivre tous les instants de la vie, ne pas différer de vivre, « seul le présent existe » dit Epicure, « dans le passé tu n’es plus, sur le futur tu ne peux pas compter » alors soyons au monde, soyons les acteurs de notre vie, ainsi que nous dit Ronsard « vivez si m’en croyez, n’attendez à demain cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie »  (Luis)  

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…une culture qui mettait du « maalech » au pinacle.
« Maalech » en arabe, signifie « c’est pas grave », « tant pis », « peu importe »…C’est un mot qui résume toute une façon de penser, la conviction que les aléas de l’existence doivent toujours être remis en perspective et ne sont pas dignes de provoquer de la frustration. Moi qui ai traîné mes guêtres dans pas mal de pays arabes, j’en suis venu à penser que la source principale d’incompréhension entre l’Occident  et les sociétés musulmanes réside dans l’impossibilité d’appréhender le sens du « maalech » pour quiconque n’est pas immergé dans la culture islamique. En Occident, nous passons notre temps à jauger notre vie en termes de succès et d’échecs, nous attendons des « résultats », tandis que dans le monde islamique le passage sur terre n’est qu’une étape de la route menant au paradis éternel… » (Douglas Kennedy. Combien. Belfond 2012)

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Introduction au débat :         « Qu’est-ce que réussir sa vie ? »             26. 05. 2016  
Nous ne manquons pas de recette du comment réussir da vie ? Manger cinq fruits et légumes chaque jour, se lever tôt le matin, bien prendre son temps pour chaque activité (donner le temps au temps), pratiquer régulièrement  le yoga, passer du temps en méditation, ne pas hésiter à se faire coacher pour vivre mieux dans son corps, dans sa tête, trouver (et acheter) les moyens proposés pour le développement personnel; répondre aux  tests proposés par des magazines, pour apprendre à gérer sa vie : « Êtes-vous prêts à faire passer votre vie au niveau supérieur ? Rejoignez la communauté Réussite personnelle. Ce sera plus amusant que vous pensez/ ou recevoir chez vous de la publicité pour des manuels de réussite sociale ou existentielle, comme : « Rendre le bonheur possible », ou, comment  régler ses problèmes et être heureux en travaillant sur soi »
Telles sont, entre autres, les recommandations de notre société pour réussir dans la vie, voire réussir notre vie. Parce qu’à mon sens, il faut distinguer les deux injonctions: réussir dans la vie ayant une dimension sociale, réussir sa vie ayant une dimension existentielle, personnelle. (Luis)

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 Dans le « Philosophie de vie »n° 6 de mars 2016, il y a un dossier sur le thème être positif, est-ce bon pour tous? Avec des articles de psychologues et psychiatres contemporains  et des titres d’ouvrages relatifs au développement personnel, et aussi des extraits d’ouvrages philosophiques anciens, modernes et contemporains sur le thème : « la vie a-t-elle un sens ? ».
Ils sont nombreux aujourd’hui en France, les magazines, les revues, les livres pour nous aider à réussir notre vie.
Par ailleurs, dans la série télévisée « Les Français » écrite et produite par le journaliste Laurent Delahousse, tous les interviewés : la capitaine de police, l’infirmière, l’éleveur de vaches laitières, le SDF dans la rue depuis neuf mois, la chef d’entreprise, le rugbyman, soulignent que le désir de reconnaissance est leur moteur et que  la reconnaissance de leur personnalité et de leurs capacités  leur donne l’estime de soi et suffit à leur bonheur.  L’estime de soi et la reconnaissance par l’autre serait les preuves de la réussite d’une vie.
Mais d’abord de quoi s’agit-il quand on parle de réussite ? Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de l’éducation, dans son ouvrage « Qu’est ce qu’une vie réussie? », souligne que notre modernité est marquée par la recherche du succès, quel que soit le domaine de référence envisagé. Sports, arts, sciences, politique, entreprise, amours, tout est mesuré à l’aune de la réussite ou de l’échec: in/out, en hausse /en baisse, en forme/en panne, winner  /looser….Et pourtant l’idée de réussite est très contestable. Et il pose la question que je reprends à mon compte : n’est elle pas inadéquate lorsqu’il s’agit de juger d’une existence dans son ensemble? N’est il pas erroné de vouloir penser la vie sous une catégorie qui convient mieux à un examen de passage, qu’à l’élaboration d’un art  de vivre ? Et il ajoute, que laisser croire que nous pourrions réussir notre vie comme on réussit une mayonnaise ou un soufflé  ne prend pas en compte tout ce qui, dans notre existence, ne dépend en rien de nous mais revient aux hasards de la naissance et à la pure contingence des événements, et aussi au rôle de la volonté dans nos actions. Ce qui m’intéresse dans son ouvrage, est non pas une énième analyse de la condition humaine, mais la prise en compte de notre situation présente qui fait que la question de la vie réussie se pose aujourd’hui en des termes aussi problématiques qu’inédits.
Et d’abord il faut distinguer : « vie bonne » et « vie réussie ». Pendant des siècles, et depuis la naissance de la philosophie dans l’Antiquité grecque, poser la question de la « vie bonne », c’était d’abord  s’engager à rechercher un principe transcendant, une entité supérieure à l’humanité qui lui permit d’apprécier la valeur d’une existence singulière. Pour évaluer l’échec ou la réussite d’une vie humaine, pour savoir si elle avait valu la peine d’être vécue, ou si elle était ou non « sauvée » il fallait un critère supra humain au nom duquel le jugement pouvait être porté sur la vie menée ici-bas. C’est ainsi qu’au fil des temps, de grandes visions du monde ont dominé l’humanité ; celle d’un ordre cosmique harmonieux au sein duquel chaque être particulier devait trouver sa juste place, ou d’un dieu bienveillant dont l’amour orienterait de part en part la vie des humains. Ces convictions reliaient les êtres entre eux et les rattachaient aussi à des valeurs bien supérieures à leurs yeux, à la performance pure      
Cette foi en un idéal auquel on peut, le cas échéant, sacrifier sa vie est présente aussi bien chez ceux qui revendiquent de transformer la société comme l’écrivait Marx,  dans son oeuvre de jeunesse les « Manuscrits », et changer la vie comme le voulait Rimbaud. Transformer la société et changer la vie comme le clamaient les utopistes debout de 1968 et des années 1970.
Ce qui caractérise le mieux l’époque contemporaine, du moins dans les démocraties occidentales, c’est la conviction, joyeuse, ou, nostalgique selon les cas, que la réussite ou l’échec d’une vie ne saurait plus désormais s’évaluer à l’aune d’une transcendance. Conséquence majeure, comme l’a annoncé Nietzsche dans « Le gai savoir »  c’est à l’intérieur de la vie concrète, sans sortir de la sphère de l’humanité réelle, ni la fuir vers quelque principe supérieur, que nous décrétons une existence plus ou moins « réussie » et enviable, plus ou moins riche et intense, ou, au contraire médiocre et appauvrie
Nous avons traité, à la dernière séance du café-philo, des différentes situations de richesse matérielle et spirituelle. Ce qui nous habite aujourd’hui c’est, puisqu’il n’y a plus de transcendance, pourquoi alors ne pas cultiver la performance pour la performance, le succès pour le succès, la vie réussie plutôt que bonne, ici et maintenant, plutôt que dans un désormais hypothétique au-delà ? Et Luc Ferry propose une classification des types de réussite
« 1.Réussir, une affaire personnelle avec l’esprit de conquête ? 2. Réussir, s’engager et s’investir dans notre relation aux autres? 3. Réussir, s’en tenir à la sphère privée, et à l’amour pour les siens (amitié, famille) 4Réussir, se perfectionner et se dépasser pour soi et non pour les autres »
C’est aussi ce que développe le livre « Contact Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver ? ». De Matthew B. Crawford, en exposant des exemples d’expérience vécue qui sont des écoles de sagesse et d’épanouissement: tel la virtuosité des cuisiniers, des joueurs de hockey sur glace, des pilotes de course ou,  des facteurs d’orgue.
Notre époque contemporaine est aussi marquée par les expériences collectives de totalitarisme qui imposent la vie bonne.  Les régimes fascistes, et le régime stalinien,  caractérisent le 20ème   siècle comme l’analyse Hannah  Arendt qui a inventé ce terme totalitarisme (en 1951) pour désigner les systèmes politiques qui fonctionnent à l’idéologie et à la terreur. Et aujourd’hui encore, au 21ème siècle, nous savons combien ces systèmes politiques fanatiques sont mortifères, avec  les totalitarismes coréen, et islamistes Alors se développe la recherche d’une vie bonne pour soi et, après moi le déluge.
Notre civilisation européenne, libérale, nous enjoint de vivre, non pas en cultivant  le souci de soi des philosophies grecques d’Epicure ou de Marc Aurèle le stoïcien, ou des sagesses de Confucius, de Lao Tseu ou de Siddhârta (le bouddha), ni non plus le salut de l’âme des chrétiens, mais bien le culte du moi (selon les termes de Michel Foucault dans « Les mots et les choses ».Nousvivons le triomphe de Narcisse, celui qui s’aime plus que tout autre, celui qui a  le culte du moi. Nous sommes dans une civilisation individualiste, désenchantée (sans Principe transcendant), et où la relation érotique  de consommation  et de consumation de toutes choses,  est une relation mortifère, et, pour la planète, et, pour l’humanité. Mais dans cette civilisation, nous sommes habitués à penser en termes d’instrumentalisation de tous les vivants, y compris le vivant humain. Et aussi nous sommes dans une société technophile pour laquelle ce qui compte, ce qui a de la valeur, c’est le rendement, l’efficacité, la performance Plus exactement encore le premier objectif est celui de l’intensification des moyens comme tels. Ainsi par exemple, l’économie libérale mondialisée fonctionne sur un principe de concurrence qui interdit qu’on s’arrête pour envisager les finalités de l’augmentation incessante des forces productives. Il faut développer pour développer, progresser ou périr, sans qu’on sache si le développement, c’est à dire l’accroissement de puissance instrumentale et de réussites techniques procure au total davantage de bonheur.
La conscience écologiste devenue de plus en plus présente, en doute maintenant
Un enfant meurt toutes les cinq secondes dans le monde, et des êtres humains meurent toutes les deux heures aux portes de l’Europe. Pour eux la question est de réussir à vivre. Et en même temps, 40% de cerveaux de l’humanité sont connectés à Internet et 75% des terriens ont un téléphone portable. Il y a aussi cette révolution numérique qui fait que l’on tend à n’être plus voisin ou collègue de travail mais « ami » avec Facebook. Avoir de plus en plus d’amis Facebook est-ce réussir sa vie ?
Un article dans le n° spécial de Sciences humaines (Juin 2015) nous dit que : « Dans « La Condition humaine de l’homme moderne », Hannah Arendt distingue deux genres de vie : la vita activa et la vita contemplative. Ce sont deux orientations de l’existence. La vie contemplative correspond à une quête de bonheur fondée sur le renoncement aux vanités que sont la richesse et la course au succès. Pour la vie contemplative, le vrai sens de l’existence se trouve dans ce que l’on nomme aujourd’hui « le lâcher prise », le fait de profiter de l’instant présent. Le bouddhisme avec ses quatre vérités en offre la forme la plus poussée : la vie est souffrance, la souffrance est issue du désir; supprimons le désir, on arrêtera de souffrir.
La vie active (Vida activa) est un modèle d’existence diamétralement opposé qui repose sur l’affirmation du désir et de l’action. Selon ce modèle de vie, le but de l’existence n’est pas la contemplation passive ; vivre, c’est agir et s’accomplir. Une force vitale est en nous qui demande à s’exprimer. Elle nous pousse à agir, à se réaliser et à réaliser des choses. De ce pont de vue, toute action, toute entreprise humaine suppose à la fois de la souffrance et du plaisir, l’une n’allant pas sans l’autre. L’art de vivre relève alors du manuel du combat.
A mon avis, il ne faut pas choisir entre les deux modes de vie : vie active et vie au repos, action et contemplation, c’est au fond ce qui rythme nos existences.
L’activité du jour succède à la nuit de repos, chaque semaine se conclut par un week end, le travail et les loisirs s’enchaînent. Vie active, à plein régime, course au succès, culte de la performance ? ça suffit ! Les surhommes, (et les super women  surtout) sont aujourd’hui fatigués. Les cadres à bout de course. Les autres aussi, comme l’a bien étudié le sociologue Ehrenberg dans on ouvrage
« La fatigue d’être soi ; dépression et société ». Le culte de la performance et de l’excellence ne fait plus recette : il conduit au burn out, au stress.
Les philosophies de l’art de vivre, fondées sur le lâcher prise, sur l’instant présent rencontrent du succès parce qu’elles sont en résonnance avec une aspiration forte de notre époque. Face à un mode vie stressant (course au diplôme, rythme de travail, actualité anxiogène, surconsommation d’images et d’informations), nous souhaitons pouvoir décrocher.
A l’inverse, les vacances ne sauraient durer éternellement. Le renoncement total à ses grands projets, le retrait de la vie sociale, le refus d’exister pour ne prendre aucun risque ? Pas question ! La vie contemplative a ses propres limites, les moines contemplatifs sombraient dans la dépression, ce qu’on appelait autrefois l’acédie, l’absence d’énergie de l’âme.
L’inactivité à long terme est mortellement ennuyeuse, destructrice et sans charme. La vraie saveur du repos ne s’apprécie  qu’après une période d’intense activité. La société de consommation et de communication nous soumet tous à des stimulations incessantes à consommer, à s’informer, à se distraire. Et l’individu, pris dans les mailles de son propre désir, éprouve le besoin de se dégager de cette emprise et de mieux maîtriser son existence. D’où, une certaine adéquation entre les messages de simplicité volontaire qui ont le vent en poupe, et les sagesses antiques qui invitent à modérer ses désirs et à résister aux passions…. »
Réaliser « ce qui dépend de moi », pour reprendre l’expression du stoïcien Epictète  c’est donc aussi se défaire de ces multiples stimulations, distractions, sollicitations ou injonctions qui me tiraillent dans tous les sen,s et m’empêchent de suivre les buts que je me suis fixés. Si je m’en suis fixés… Réussir sa vie c’est se fixer des buts, avoir des projets, c’est faire le pari, comme l’enseigne Sartre, que la vie a, dans des conditions qui certes me déterminent, le sens que je veux lui donner pour non seulement vivre mais exister. C’est  finalement ne pas avoir peur de la vie. Et c’est privilégier l’être sur l’avoir selon l’expression de Jankélévitch. C’est ce qui a été écrit sur une banderole le 1er  mai dernier : « Vous avez les milliards, nous sommes des millions », tel a été le cri, déterminé à réussir, des « Nuit debout » qui ont convergé avec les syndicats et vingt organisations de jeunesse pour réussir des projets de bonne vie
C’est ce qu’osent faire« Les nouveaux défricheurs », selon le titre du livre d’Eric Dupin qui liste ceux qui expérimentent un monde nouveau, et qui se sont détachés du modèle productiviste et consumériste qui nous étouffe. Ils expérimentent et innovent dans des domaines fort divers « Certains, souvent en rupture franche avec la société, vivent dans des yourtes ou dans des  » habitats légers « . D’autres, à l’opposé, sont des  » alter entrepreneurs  » qui se fraient un chemin exigeant, socialement et écologiquement, dans l’économie de marché. Et le champ des expérimentations est vaste : agriculture paysanne et circuits de proximité, éco villages et habitats partagés, renouveau coopératif et solidarité inventive sur l’emploi, avec les sans domicile fixe, les sans papiers et les demandeurs d’asile, éducation populaire et écoles alternatives ».  Des projets pour réussir à bien vivre ensemble, et donc à réussir chacun à bien vivre en même temps. J’ajoute, quand on est jeune, on est super individualiste a fortiori dans notre société. On a le sentiment confus, que, réussir sa vie, c’est se réussir soi même.
Je pense de plus en plus, avec l’âge, que réussir sa vie, réussir soi-même, c’est : réussir à épanouir la vie de ceux qu’on aime.  (Edith Deléage-Perstunski. Professeure de philosophe)

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« Vivre de telle façon qu’il te faille désirer revivre, c’est là ton devoir » (Nietzsche)

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(Extrait du débat : «  Qu’est que réussir sa vie ? »  26.05.2016)
A partir de toute la subjectivité contenue dans « réussir  sa vie», je ne peux pas juger de la vie réussie pour les autres. Je ne connais pas quelles étaient leurs aspirations profondes, leurs espoirs, je ne sais pas quels furent peut-être leurs renoncements, quels furent leurs choix par nécessité. Alors, si je dois répondre à la question, je ne peux considérer qu’à partir de moi-même, et ceci sans narcissisme, puisque, à l’instar de Montaigne, je suis la personne que je connais le mieux.
Finalement, celui à qui je pense que je doit répondre, rendre compte, c’est à l’adolescent que j’étais, lequel me dirai : « – qu’as tu fait de cette vie qui s’offrait à nous ? Je lui dirais que: soit !  je n’ai pas fait fortune, soit !  je n’ai rien fait de grandiose.  Mais si je n’ai pas tout réussi  je ne me suis pas laissé porter par les événements. J’ai tenté  de faire une vie intéressante, j’ai tenté qu’elle soit confortable financièrement, et j’ai aussi essayé de partager bien des choses avec les autres, j’ai tenté le plus possible de mettre mes actes en accord avec mes paroles….. Je pense que mon jugement envers moi-même serait surtout négatif si je n’avais rien tenté. Et ce sens, je citerais l’exemple du tireur à l’arc de Cicéron qui met en œuvre toute  son énergie pour atteindre la cible. Qu’il atteigne le cœur de la cible, ou non, n’est pas le plus important, le plus important est d’avoir mis en oeuvre son énergie, sa volonté…. Alors, « réussir sa vie » c’est avoir agit en ce sens, et de là c’est aussi, être en paix avec soi.
Et je  reviens sur nos critères d’appréciation. J’ai un parent qui a programmé sa vie. A 24 ans j’aurai tel diplôme, à 28 ans je me marierai, à 32 ans j’achèterai un appartement, etc. Il a tout fait dans cet ordre. A ce jour il a « réussi sa vie ». C’est la souris dans le labyrinthe. (Je précise qu’il est programmateur) Et je pense que si aujourd’hui on peut dire j’ai réussi ma vie, un élément extérieur peut toujours tout bouleverser, Montaigne sagement nous disait ; « …qu’il ne faut juger de notre heure…qu’au dernier moment de la vie » (Luis)

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Chanson, « Vida »

Et entre le baptême et l’enterrement
Chacun se fait un chemin,
Et avec ses décisions, un destin.
Nous sommes qu’une donne de plus
D’un jeu initié par d’autres
Et chacun va la risquer
Selon la main qu’il a héritée
La vie est une porte
Où l’on ne te fait pas payer pour entrer
Et ton âme est le ticket qu’après avoir vécu
On t’arrache comme prix
Et chaque pas est une trace
Et chaque trace est une histoire.
Et chaque hier est une étoile
Dans le ciel de la mémoire.

Et les marées du temps qui passe
apportent et emportent nos contradictions
Entre régression et adieux
Cicatrisent nos erreurs
Personne ne choisi sa famille
Ou  à sa race lorsqu’il naît
Ni être bon, mauvais, gracieux ou vilain
Innocent ou coupable
De la naissance jusqu’à la mort
Toute la vie est une question

(Paroles de Julio Iglesias)

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« Echouer, c’est ne jamais avoir tenté dans sa vie, ne ps avoir oser, ne pas avoir eu le courage d’affronter un échec » (Luis)

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