Scepticisme

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Pyrrhon impassible dans la tempête.

Le Grand Robert de la Langue Française : Doctrine des pyrrhoniens, des sceptiques grecs, selon lesquels l’esprit humain ne peut atteindre aucune vérité générale, et qui pratique en toute chose la suspension de jugement.

Refis d’admettre une chose sans examen critique

Trésor de la langue française : Doctrine des pyrrhoniens selon lesquels l’homme ne pouvant atteindre la connaissance de la vérité, il est nécessaire de pratiquer en toute chose la « suspension du jugement » et d’ériger le doute en système

Vocabulaire technique et philosophique Lalande : C) Tournure d’esprit non par le doute proprement dit, mais par l’incrédulité et par une tendance à se défier des maximes morales dont les hommes font profession.

Encyclopédie de la philosophie. Poche : Terme du grec skepsis (recherche critique – examen – doute) par lequel on désigne en général l’attitude qui nie toute possibilité de connaître la vérité, tout en reconnaissant une valeur à l’expérience et à la vie.

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : Le contraire du dogmatisme, au sens technique du terme. Être sceptique c’est penser que toute pensée est douteuse – que nous n’avons accès à aucune certitude absolue.

Synonymes : Doute.

Contraires : Certitude. Crédulité. Croyance. Dogmatisme.

Par analogie : Ataraxie. Cause. Cercle vicieux. Diallèle. Discordance. Doctrine. Effet. Epoché. Examen. Hésitation. Hypothèse. Incrédule. Indécis. Indifférent. Irrésolu. Jugement. Pyrrhonisme. Skepsis. Timoré. Trope. Zététique.

Avec le temps le sens évolue, ainsi (nous dit Diderot dans l’Encyclopédie) le mot scepticisme découle d’un verbe grec que est : je considère, j’examine, je délibère.

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« Or, l’histoire du scepticisme s’étend sur une période qui n’est pas supérieure à cinq siècle  (Pyrrhon et le scepticisme grec. § 1.Léon Robin. PUF. 1944)

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«  Pyrrhon avait accompagné Alexandre le Grand en Asie, où il avait vu que les Indiens jugeaient tout autrement que les Grecs et de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, du bien et du mal. » (Marcel Conche. Epicure en Corrèze. P, 110. Stock. 2014)

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« Mais disait Arcésilas, il n’y a pas de représentation qui soit vraie de telle sorte qu’elle ne puisse être confondue avec une fausse : autrement dit, vraie de telle sorte que, si elle était fausse, elle ne fut pas toute pareille à l’autre ; il n’y en pas qui possède une caractéristique propre et distinctive, permettant d’éviter cette confusion,… » (Pyrrhon et le scepticisme grec. § 2. Page 52. Léon Robin. PUF. 1944)

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« Le scepticisme ne convient pas à tout le monde, il suppose un certain examen profond et désintéressé : celui qui doute parce qu’il ne connaît pas les raisons de la crédibilité n’est qu’un ignorant. Le vrai sceptique a compté et pesé les raisons. Mais ce n’est pas une petite affaire que de penser des raisonnements. Qui de nous en connaît raisonnablement la valeur ? Qu’on apporte cent preuves de la même vérité, aucun ne manquera de partisans. Chaque esprit a son télescope [….] Sont-ce mes lunettes qui pèchent ou les vôtres ? Si donc, il est si difficile de peser les raisons, et il n’est point de question qui n’en ait ni pour ni contre, et presque toujours à égale mesure, pourquoi tranchons-nous si vite ? D’où nous vient ce ton si décidé ? N’avons-nous pas éprouvé cent que la suffisance dogmatique révolte. « On me fait haïr les choses vraisemblables » dit l’auteur des essais, » quand on me les plante pour infaillibles » (Diderot)

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« Ce qu’on a jamais mis en question n’a point été prouvé. Ce qui n’a point été examiné sans prévention n’a jamais été examiné. Le scepticisme est donc le premier pas vers la vérité. Il doit être général car il en est la pierre de touche. Si, pour s’assurer de l’existence de Dieu, le philosophe commence par en douter, y a t-il quelque propositions qui puisse se soustraire à cette épreuve » (Diderot)
« Les esprits bouillants, les imaginations ardentes ne s’accommodent pas de l’insolence du sceptique. Ils aiment mieux hasarder un choix que d’en faire aucun ; se tromper que de vivre incertain, soient qu’ils se méfient de leurs bras, soit qu’ils craignent la profondeur des eaux, on les voit toujours suspendus à des branches dont ils sentent toute la faiblesse, et auxquelles ils aiment mieux demeurer accrochés que de s’abandonner au torrent. Ils assurent tout, bien qu’ils n’aient rien soigneusement examiné : ils ne doutent de rien, parce qu’ils n’en ont ni la patience, ni le courage… » (Diderot)

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Les cinq arguments : Les cinq tropes d’Agrippa

Ces cinq arguments découlent des 12 tropes (ou douze argumentions) de Sextus Empiricus, déjà raccourcies par Agrippa..
Voici d’après Sextus et Diogène les cinq raison de suspendre le jugement proposé par les sceptiques récents, ou comme dit Diogène, par « les partisans d’agrippa » ou, en d’autres termes par Agrippa lui-même.
1ère trope : La discordance : « Il y a, sur l’objet de la représentation un dissentiment impossible à trancher, non pas seulement entre les jugements de la vie courante, mais entre les doctrines des philosophes ; à cause de cette perpétuelle discordance nous sommes impuissants à nous déterminer dans un sens ou dans l’autre, à donner, à ceci notre préférence, tandis que nous condamnons cela. Ainsi nous en viendront finalement à suspendre notre jugement »
2ème trope : la régression à l’infini: « Ce que nous mettons en avant comme une preuve du bien-fondé de l’opinion à laquelle nous nous sommes arrêtés, a besoin lui-même d’une autre preuve, qui à son tour, exige une autre preuve. A nous voir obliger de remonter ainsi sans fin de preuve en preuve, nous nous apercevons qu’il n’y a point de principe dernier sur lequel se fonde notre opinion, nous suspendons notre jugement »
3ème trope : La relation : « Ce qui est question nous le représentons empiriquement comme tel ou tel dans sa relation, d’une part avec le sujet qui juge, d’autre part avec les relations concomitantes de notre représentation actuelle ; mais quelque chose est-ce en soi dans la réalité absolue de sa nature ? On ne peut le savoir : nouveau motif de suspension de jugement »
4ème trope : La position de base : (Hypothésis). « Le Dogmatiste, pour éviter la régression à l’infini, prendra pour point de départ de sa démonstration, quelques propositions qu’il ne cherchera pas à démontrer, mais de laquelle il demandera qu’elle soit admise purement et simplement, bref accordée sans démonstration, tandis qu’une autre demandera que ce soit la supposition contraire. C’est donc toujours une inévitable pétition de principe », (qui appelle à suspendre son jugement)
5ème trope : La diallèle :(Ou cercle vicieux) « La preuve, obligatoirement destinée à établir ce qui est l’objet de la recherche, a besoin de s’appuyer suer cet objet lui-même »

1° Discordance. Donc suspension : Opposition entre opinions et thèses. « La neige est blanche et l’eau est bleue  tendre son jugement car on ne saurait connaître la couleur de l’eau.
2° Régression à l’infini. Une preuve renvoie à une autre preuve, une cause à une autre cause, donc la recherche à l’infini (L’œuf et la poule).
3° Relation.C’est la formule du « tout est relatif », mais qui signifie en fait que les choses n’existent que par leurs relations : (La gauche, la droite)
4° Hypothèse. Afin de ne pas renvoyer la cause à l’infini, il faut poser une hypothèse plausible, ce que fera Descartes avec le discours de la méthode.
5° Cercle vicieux. Lorsque l’on veut fonder une preuve à partir d’une idée de base, toute argumentation déployée risque de faire que chercher à prouver l’assertion première, c’est aussi le principe du syllogisme.

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« Ainsi nous défions-nous justement de nous-mêmes, et ne regardons comme des vérités acquises que celles qui ont été contrôlées, acceptées par un grand nombre de juges compétents, placés dans des circonstances diverses. A toutes les époques de la philosophie, les sceptiques se sont prévalus de cette règle du bon sens pour nier la possibilité de discerner le vrai du faux, tandis que d’autres philosophes en concluaient que nos connaissances, sans être jamais rigoureusement certaines, peuvent acquérir des probabilités de plus en plus voisines de la certitude, et tandis que d’autres regardaient l’assentiment unanime de la certitude » (Essai sur les fondements de nos connaissances. A. Cournot. 1851. Pages 107)

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Axe N° 1 : 0rigine – Ecole grecque, le pyrrhonisme et l’argumentation

Pyrrhon est donné comme fondateur de l’école des sceptiques. Il vit de 360 à 275 avant notre ère. Son début activité philosophe à Athènes est situé vers 320. Il aura des disciples célèbres dont : Philon d’Athènes et Timon de Pilon. Tout comme Socrate, Pyrrhon n’a rien écrit, ce seront ses élèves qui feront connaître son enseignement. On sait qu’il a participé aux expéditions guerrières d’Alexandre le grand, et c’est en Inde qu’il a rencontré les gymnosophistes*, et des brahmanes, tout autant de « sages » qui influenceront la philosophie grecque. Ses élèves transmettront le sens principal de sa philosophie, dite de « la suspension de jugement » ou « épochè » en constituant des arguments classifiés, et nommés « tropes ». Pyrrhon est élève de plusieurs philosophes dont Socrate. Le courant sceptique sera intégré à l’Académie d’Athènesl.
Parlant de Pyrrhon Victor Brochard nous dit « C’est par dégoût, par fatigue de la dispute, dont il aura reconnu la stérilité.., qu’il arriva au doute […] La philosophie de Pyrrhon ne dérive d’aucune philosophie antérieure, c’est le spectacle des discordes des différents courants philosophique de l’époque qui va le détacher de toute croyance… (Les sceptiques. Victor Brochard. 1887)

* Gymnosophistes : étymologiquement : sages nus. Philosophes indiens menant une vie très austère et allant toujours nus. On les montre parfois comme les ancêtres des yogis.

2° Le prolongement du scepticisme chez les philosophes modernes
Le pyrrhonisme d’origine que l’on nomme aussi alors, agnostique, va perdurer avec la philosophie qu’on appelle « moderne », où l’on retrouvera  des philosophes qui emprunteront beaucoup à ce mouvement moins radical des sceptiques : Montaigne, Hume, Gassendi, Bayle Russel, Nietzsche, Schopenhauer Marcel Conche et tant d’autres…
Le scepticisme c’est parfois l’incertitude face aux certitudes. « Il faut savoir douter de nos certitudes » nous dit Montaigne : « La vérité et le mensonge ont leurs visages conformes, le port, le goût et les allures pareilles: nous les regardons de même œil. Je trouve que nous ne sommes pas seulement lâches à nous défendre de la piperie, mais que nous cherchons et convions à nous y enferrer. Nous aimons à nous embrouiller en la vanité, comme conforme à notre être » Montaigne «  est intimement persuadé que le sujet singulier est incapable de dépasser la singularité de ses impressions et de ses imaginations, pour atteindre une connaissance valant universellement… ». « A tout discours » nous dit-il «  s’oppose un discours de force égale ». (Luis)

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« Puisque somme toute, nous ne sommes pas sceptiques, nous pourrions faire un pas de plus et nous avouer sans fard les uns aux autres les motifs de nos divers croyances. J’avouerai franchement les miens ; je ne puis m’empêcher de penser qu’au fond elles sont d’espèces esthétique et non logique. J’ai l’impression que l’univers entièrement expliqué me suffoque par son infaillible et impeccable régularité qui pénètre partout. Sa nécessité sans possibilité, ses rapports sans sujet me donnent l’impression d’avoir signé un contrat sans réserver mes droits, ou plutôt de devoir vivre dans une grande pension au bord de la mer sans avoir ma chambre à coucher où je pourrais me reposer de la société et de l’endroit… » (Essais Sceptiques. Bertrand Russel. 1928. § V.P. 75/76 – Editions Reider. 1943)

3° Les sens donnés aux termes sceptique et scepticisme :

Dans notre langage ce mot sceptique a pris de nouvelles significations, parfois pour en faire un terme péjoratif, il y a alors abus des mots, et des idées volontairement confondues : ce sera, les synonymes : indécis- irrésolu- incrédule- hésitant- timoré – indifférent …. Les dogmatiques, pour qui le scepticisme fut toujours l’insupportable « morsure du doute », ses adversaires, vont le mettre à bien des sauces, comme, par exemple: l’associer au « relativisme », l’associer au « nihilisme » ou encore l’associer à « l’athéisme », jusqu’à parler de négationnisme!

Le scepticisme sera beaucoup moqué, surtout le scepticisme ancien radical, le scepticisme académique, celui qui refuse qu’on puisse accéder à une connaissance, soit un dogmatisme qui voudrait lutter contre tout autre dogmatisme. On trouve aussi des propos peu aimable envers le scepticisme, comme : « Les pyrrhoniens ont cette manie de toujours mettre » paraître» à la place d’ «être ». (Hegel. Ou, « Les sceptiques sont les nomades de la pensée, des sans domiciles fixe de l’entendement ». (Kant), « Qu’est-ce qu’un sceptique ? C’est un philosophe qui a douté de tout ce qu’il croit… » (Diderot) ou, plus moderne, c’est une philosophie normande : « p’t’ête ben qu’oui ! P’t’ête ben qu’non ! »

En revanche pour les successeurs du scepticisme académique, les sceptiques qu’on nomme pyrrhoniens, le doute n’inclus pas qu’une réalité, qu’une connaissance réelle puisse exister, le doute est moyen d’accéder à cette connaissance, douter n’est pas renoncer à la vérité, la vérité reste un but à atteindre. Les choses mêmes inexpliquées, ne sont pas jugées comme égales, indifférentes. Le scepticisme, qui est « le doute », «  le sel de l’esprit » est une base essentielle de la philosophie. En philosophie on peut dire « je doute, donc je suis », ou, dire que, le scepticisme est une certaine réflexion entre : l’ « être » et le « paraître »

Epictète, ancien esclave, et philosophe stoïcien romain dit que s’il avait un maître pyrrhonien : « Il lui servirait une assiette pleine de sel et de vinaigre ». C’est là un moyen de vouloir ridiculiser une pensée philosophique non récusable. Le sceptique ne doute pas que le sel soit du sel. C’est une fois de plus confondre avec intention un comportement face aux idées, et un comportement face aux choses. Le sel n’est pas un phénomène, c’est une matière. Ceux qui accusent le scepticisme de relativisme, portent l’accusation non pas sur le fait que les sceptiques ne se sentent pas en mesure de se prononcer sur une idée, mais parce qu’il refuse d’accepter leur propre critère, leur opinion..

Le relativisme c’est : « tout est pareil, tous dans le même sac, il n’y a pas de différence… »

Vous croyez, argumentait le philosophe Carnéade (rapporte Cicéron) à la divination, vous admettez donc que certaines représentations qui pourtant ne correspondent à aucun réalité actuelle, puisqu’elles concernent songes, oracles, auspices, nous viennent de la divinité. Comment et pourquoi, celle-ci, qui peut faire que nous ayons foi à des représentations lesquelles, ne provenant de rien d’actuel sont en réalité fausses, ne pourraient-elles pas, aussi bien, faire que nous en ayons qui approcheraient de très près celles qui sont vraies, sans être pourtant adéquates… A partir de là si des croyances s’établissent sur des certitudes non sujettes à preuve, pourquoi d’autres concepts seraient-ils infaillibles, et permettraient de passer, sans le moindre doute de l’intuition, ( le probable) à la déduction. Cette approche est celle des sceptiques : ne pouvant être sûrs de phénomènes, de représentations, qui sont influencées, soit par les affects, soit par une culture, un milieu social, une éducation laïque ou religieuse, nous ne pouvons recevoir comme vrai aucune de ces représentations et donc, suspendre notre jugement.
Et Cicéron confirme cette approche : «. ..il n’y a pas de plus magnifique déploiement de notre activité que de lutter contre nos représentations, de tenir tête à nos préjugés, de retenir nos sentiments sur cette pente glissante, et je donne raison à Clitomaque, lorsqu’il écrit que Carnéade à fait un travail herculéen en arrachant de nos âmes ce monstre sauvage et cruel qu’est l’assentiment, c’est-à-dire, la disposition à concevoir des opinions à la légère »
« Je ne cois que ce que je vois » et encore, car ce que je vois est sensation, donc soumis à diverses interprétations.
Cet aphorisme irait assez bien aux sceptiques, je ne crois que ce que l’on peut me démontrer sans le moindre doute ; ce qui ne veut pas dire qu’ils refusent de croire. Les agnostiques ne sont-ils pas en ce sens proches des sceptiques : ne pouvant connaître assez pour croire, je ne me prononce pas. C’est le ni pour, ni contre.
En ce sens où le sceptiques, les pyrrhoniens se refusent à dire « cela est » ou « cela n’est pas », ils ne nient pas que la vérité puisse exister, ils ne s’enferment pas la voie qu’ils combattent : le dogmatisme, en créant à leur tour un dogmatisme négatif. De ce fait ils ne sont pas assimilables à ceux qu’ont nommera plus tard les nihilistes. (Luis)

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C’est avec Ptolémée de Cyrène, 200 ans avant notre ère, que va se créer un courant de médecins qui rejoignent les idées des sceptiques. On parlera de « l’Ecole » de la médecine empirique. C’est-à-dire que contrairement aux médecins « méthodiques », le médecin empirique va prendre en compte tous les signes, les symptômes, en fonction du climat, du mode de vie, de la saison, de l’âge, les circonstances… Si l’examen de tous les signes ou d’un certain nombre de signes sont concordant, c’est-à-dire ayant déjà l’objet d’observations avec des concordances, alors ses signes deviennent des symptômes qui vont entraîner un diagnostique.

Léon Robin dans son ouvrage, Pyrrhon et le scepticisme grec, poursuit sur ce sujet : L’empirisme médical représente en effet, un moment considérable dans l’évolution du scepticisme antique, et, on peut dire dans l’histoire de la pensée humaine ; il constitue l’effort le plus heureux qui ait été fait par les Anciens pour dégager de la philosophie, c’est-à-dire d’une métaphysique plus ou moins déguisée, la notion propre de la science…s’ils ont été sceptiques, ce fut pour se libérer du joug de l’autorité et soumettre celle-ci au contrôle de l’expérience ; ce fut pour être chercheurs impartiaux, investigateurs modestes et patients, et non point mus par l’ambition de déceler ce qui ne se voit, ni se touche; de conjecturer arbitrairement quelque cause universelle des phénomènes . (Luis)

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« La pensée humaine comporte servitude et grandeur : le scepticisme a voulu surtout mettre en lumière la servitude, du fait qu’il a insisté sur notre crédulité, sur notre inconsistance sur notre penchant à nous bercer d’illusions spéculatives, sur la facilité avec laquelle nous nous payons de mots et de mythologie abstraite » (Pyrrhon et le scepticisme grec. Léon Robin. Conclusion page 235. PUF. 1944)

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Pascal avait des approches sceptiques : « La coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues ; elle incline l’automate, qui entraîne l’esprit sans qu’il y pense…il faut avoir recours à elle une fois que l’esprit a vu où est la vérité, afin de nous abreuver et nous teindre de cette créance qui nous échappe à toute heure ; car d’en avoir toujours les preuves présentes, c’est trop d’affaire » (Pyrrhon et le scepticisme grec. Léon Robin. Page 238. PUF. 1944)

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«  C’est surtout en morale que les sceptiques ont eu beau jeu d’opposer les opinions, les maximes, les pratiques d’un peuple, d’une secte, d’une caste, d’une époque, aux opinions en vogue chez d’autres nations ou à des âges différents de l’humanité… »Un méridien décide de la vérité…Le droit a ses époques…Plaisante justice qu’une montagne ou une rivière borne…Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà…) (Voltaire), ...il ne s’agit que de vérités spéculatives… » (Essai sur les fondements de nos connaissances. A. Cournot. 1851. Page 260)

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«  La philosophie sera totale si elle est affirmative à l’égard d’une exigence initiale et constante chez Schelling, qui est le refus d’exclure. Il y a là un refus de choisir, un refus de se laisser enfermer dans l’obligation du choix… Tout réel n que d’une unité absolue, et sa détermination que du conflit d’une dualité d’une tient sa réalité. Garder simultanément ces deux vérités, c’est là l’exigence qui, satisfaite, constituera pour Schelling la philosophie comme totale ». (Schelling et la réalité finie. Judith E. Schlanger. Introduction. PUF. 1996)

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Les scholastiques, dont Saint Augustin vont reprendre et utiliser le scepticisme, disant en substance que tout est hors de notre connaissance, de notre entendement… « L’infinité des causes prouve qu’il existe une cause suprême. Ma raison ne pouvant me faire connaître avec une entière évidence et une entière certitude quelle est l’origine du monde… Après que j’ai reçu la foi, tous ces doutes s’évanouissent ». Huet Evêque d’Avranches 1772. Lequel ne dédaigne pas d’utiliser l’argument du cercle vicieux.

Bien que s’inscrivant dans la philosophie des sceptiques, « Que sais-je ?», Montigne, contrairement à ces derniers ne conseille pas la suspension de jugement dans ce qui se trouve au-delà de nos connaissances immédiates.

Ce n’est pas en tirant d’une hypothèse des conclusions pareillement hypothétiques que l’on amènera à soi la Vérité…, on en reste au contraire aux paroles creuses et à l’impression subjective.., autrement dit ; ceux qui ont introduit dans leur raisonnement ce qu’ils avaient l’intention de prouver, n’on aucune peine à l’en déduire. Toutes les raisons qui ne font pas sens, même cumulées ne donnent pas plus de sens. Un château construit d’hypothèses, de Vérités relatives, est le château des hypothèses, qu’une seule soit invalidée et l’ensemble s’écroule. (Luis)

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«  Quand à la règle de vie, il n’y en a qu’une, qui est de se conformer aux usages et aux lois, sans se dérober aux exigences de la nature » (Énésidéme, philosophe sceptique 80-10 av. notre ère))

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« Les grands esprits sont des sceptiques…la force, les libertés puisées dans la vigueur et la sève débordante de l’esprit se signalent par le scepticisme (…) Les convictions sont des prisons » (Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra)

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Pour Schopenhauer dans « Le monde comme volonté et comme représentation » nous explique qu’on ne peut changer ce monde. Il se positionne en sceptique , celui qui observe un monde absurde, ce monde dans sa tristesse, mais qui s’attache surtout à ne pas y participer, ne pas s’engager , ni fréquenter ses contemporains de façon à ne pas être engagé dans l’histoire de ce monde

Pour Kant le Scepticisme se détruit de lui-même, les Sceptiques sont les nomades de la pensée, des sans domiciles fixes de l’entendement.

Pour Hume, le Sceptique est un malade, il est extravagant (Traité de la nature humaine) (Luis)

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« Dans le sillage des sceptiques grecs, Montaigne préconise de suspendre le jugement, d’éviter ou d’affirmer quoi que ce soit. Le but n’est pas de rester dans une forme complète d’incertitude, mais d’accepter une certaine irrésolution, une faiblesse de nos jugements. Quelque soit la position que l’on prend, l’avis que l’on soutient à un moment donné, on risque toujours d’adopter l’avis contraire à l’heure suivante, ou, en tout ca l’année d’après » Introduction à Montaigne. Roger-Pol Droit. Le Monde de la philosophie. Flammarion)

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« Aucune de nos croyance n’est tout à fait vraie. Toutes ont au moins une ombre d’imprécision et d’erreur. On connaît bien les méthodes qui accroissent le degré de la vérité de nos croyances ; elles consistent à écouter tous les partis, à essayer d’établir tous les faits dignes d’être relevés, et à contrôler nos penchants individuels par la discussion avec des personnes qui ont des penchants opposés, et à cultiver l’habitude de rejeter toute hypothèse qui s’est montrée inadéquate » (Essais Sceptiques. Bertrand Russel. 1928. § XII.P. 212 – Editions Reider. 1943)

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«  … Il n’est pas désirable d’admettre une proposition quand il n’y a aucune raison de supposer qu’elle est vraie. Je dois reconnaître bien entendu, que si une telle opinion devenait commune, elle transformerait complètement notre vie sociale et notre système politique ! Et comme tous les deux sont actuellement sans défauts, ma doctrine ne pourrait pas tenir contre eux ! je me rend compte aussi – et c’est plus sérieux – qu’elles tendraient à diminuer les revenus des voyantes, des bookmakers, des évêques, de tous ceux qui tirent leur subsistance des espoirs irrationnels de gens n’ayant rien fait pour mériter le bonheur dans ce monde ou dans l’autre » (Essais sceptiques. Bertrand Russel. 1928. Introduction p.7.Editions Rieder, 1943)

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« Le scepticisme dont je suis partisan se ramène à ceci seulement : 1° que lorsque les spécialiste sont d’accord, aucun avis ne peut être considéré comme certain ; 2° que lorsqu’ils ne sont pas d’accord, aucun avis ne peut être comme certain par le non-spécialiste ; et, 3° que lorsqu’ils estiment tous qu’il n’y a aucune raison suffisante pour un avis certain, l’homme ordinaire ferait bien de suspendre son jugement. Ces propositions peuvent semblées modérées ». (Essais sceptiques. Bertrand Russel.1928. Introduction P 9. Editions Rieder. 1943)

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« Un très grand pourcentage de gens […] croient réellement que les maux qui les accablent seraient guéris par si un certain parti politique était au pouvoir. C’est la raison du « balancement de pendule ». Un homme vote pour un parti et reste misérable ; il en conclut que c’est l’autre qui amènerait le règne du millénaire. Quand enfin tous les partis l’ont déçu, il est un vieillard au seuil de sa mort ; ses fils ont maintenant la foi de la jeunesse, et le jeu de bascule continue ». (Essais Sceptiques. Bertrand Russel. 1928. § XI.P. 179 – Editions Reider. 1943)

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« Les trois fondateurs du pragmatisme diffèrent beaucoup entre eux : nous pouvons distinguer Jammes, Schiller, et Dewey. Ce qui est à la base de cette philosophie c’est un certain genre de scepticisme » (Essais sceptiques. Bertrand Russel.1928. Introduction P 9. Editions Rieder. 1943).

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Bayle dans le dictionnaire historique et critique, avait présenté les Sceptiques, disciples de Pyrrhon, comme étant « zététiques » c’est-à-dire examinateurs, inquisiteurs, suspendant, doutant. Tout cela montre qu’ils supposaient qu’ils était possible de trouver la vérité, et qu’ils ne décidaient pas qu’elle était incompréhensible » Luis)

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« à quoy faire la cognoissace des choses, si nous en perdons le repos et la tranquilité, où nous serions sans cela, et si elle nous rend de pire condition que le pourceau de Pyrrhon ?L’intelligence qui nous a été donnée pour le plus grand bien, l’employerons-nous à nostre ruine, combattans le destin de la nature, et l’universel ordre des choses…. » (Essais. Livre I. § 4)

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« Pyrrhon celui qui bastit de l’ignorance une si plaisante science, essaya, comme tous las autres vrayement philosophes, de respondre sa vie à sa doctrine. Et par ce qu’il maintenoit la foiblesse du jugement humain estre si extreme que si nous ne pouvons prendre party ou inclination, et le vouloir suspendre perpetuellement balancé, regardant et accueillant toutes choses comme indifférentes… » (Essais. Livre 2. § XXIX)

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« Je mets à part quelques sceptiques, types mêmes de l’honnêteté dans l’histoire de la philosophie » (Nietzsche. L’antéchrist page 54)

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« Les grands esprits font les sceptiques…., La force, la liberté, puisées dans la vigueur de la sève débordante de l’esprit se signalent par le scepticisme…Les convictions sont des prisons….Le besoin de foi, de quelque absolu dans l’affirmation ou la négation, est un besoin de la faiblesse. L’homme de la croyance, le croyant de toute sorte, est nécessairement un homme dépendant » (Nietzsche. L’antéchrist. Page 54)

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«  Si les choses sont opposées et si les mots ont la même force, ce qui en résulte c’est l’impossibilité d’atteindre une vérité » (Diogène. La vie de Pyrrhon)

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Scepticisme politique. « Un très grand pourcentage de gens […] croient réellement que les maux qui les accablent seraient guéris si un certain parti politique était au pouvoir. C’est la raison du « balancement de pendule ». Un homme vote pour un parti et reste misérable ; il en conclut que c’est l’autre qui amènerait le règne du millénaire. Quand enfin tous les partis l’ont déçu, il est un vieillard au seuil de sa mort ; ses fils ont maintenant la foi de la jeunesse, et le jeu de bascule continue». (Essais Sceptiques. Bertrand Russel. 1928. § XI.P. 179 – Editions Reider. 1943)

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« Peut-on accorder une quelconque valeur à nos opinions, quand rien ne garanti leur véracité, à nos sensations quand celles-ci ne sont que subjectives. Face aux illusions des sens et aux diversités des croyances qui provoque le trouble en l’homme. Pyrrhon conclut nécessairement à l’Epochè, la suspension de tout jugement, qui amène la paix intérieure, l’Ataraxie. Puisque tout est déterminé, et qu’à tout argument s’oppose un égal argument, seul le doute est autorisé ». (Aude Lancelin. Nouvel Obs. Juillet 2004)

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« Bien que le pragmatisme ne contienne pas la vérité philosophique ultime, il a certains mérites importants. Premièrement il se rend compte que la vérité que nous pouvons atteindre est une vérité purement humaine, faillible et changeante comme tout ce qui est humain. Ce qui est en dehors du cycle des évènements humains n’est pas du domaine de la vérité, mais de celui du fait. La vérité est une propriété des croyances et les croyances sont des faits psychiques. De plus leur rapport avec les faits n’ont pas cette simplicité schématique que revêt la logique. C’est le deuxième mérite du pragmatisme que d’avoir insisté sur ce point. Les croyances sont vagues et complexes et ne s’appliquent pas à un fait précis… » (Essais sceptiques. Bertrand Russel.1928. §5. P 82. Editions Rieder. 1943)

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« Le scepticisme, qui, lorsqu’il, constitue l’exacte contrepartie du dogmatisme.., Le modérantisme, qui se situe à mi chemin, qui pense trouver dans la vraisemblance subjective la pierre philosophale et s’imagine pallier le manque de raison suffisante en entassant de multiples raisons isolées (dont aucune n’est probante par elle-même) n’a rien d’une philosophie, et il en est de ce remède comme des gouttes contre la peste, à valoir tout et ne valoir pour rien » (Kant)

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« Si nous portons notre enquête au-delà des apparences sensibles…La plupart de nos réponses seront pleines d’incertitudes et de scepticisme ». « Dans le sillage des sceptiques grecs, Montaigne préconise de suspendre le jugement, d’éviter ou d’affirmer quoi que ce soit. Le but n’est pas de rester dans une forme complète d’incertitude, mais d’accepter une certaine irrésolution, une faiblesse de nos jugements. Quelque soit la position que l’on prend, l’avis que l’on soutient à un moment donné, on risque toujours d’adopter l’avis contraire à l’heure suivante, ou, en tout cas l’année d’après » Introduction à Montaigne. Roger-Pol Droit. Le Monde de la philosophie. Flammarion)

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« Le sceptique est un autre ennemi de la religion, qui provoque naturellement l’indignation de tous les théologiens et de tous les graves philosophes ; il est pourtant certain que jamais personne n’a rencontré une créature aussi absurde…Il y a une espèce de scepticisme antérieure à toute et à toute philosophie, que Descartes et d’autres prônent un préservatif souverain contre l’erreur et la précipitation de jugement…Donc le doute cartésien si une créature humaine pouvait jamais y atteindre (et manifestement c’est impossible) serait entièrement incurable…Il faut toutefois avouer que cette espèce de scepticisme, quand elle est plus modérée, peut se comprendre en un sens très raisonnable et qu’elle une préparation nécessaire à l’étude de la philosophie, en ce qu’elle conserve à nos jugements l’impartialité convenable… » (Hume. Enquête sur l’entendement humain)

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« La spéculation philosophique du XVIIIème siècle est entièrement dominée par le problème de la perception. En un sens Hume est l’héritier à la fois du pyrrhonisme et du cartésianisme : » Si nous portons notre enquête au-delà des apparences sensibles des objets, la plupart de nos conclusions seront, je le crains, pleines de scepticisme et d’incertitude……Rien ne s’accorde plus avec cette philosophie qu’un scepticisme limité à un certain degré et un bel aveu d’ignorance dans des sujets qui dépassent toute capacité humaine » (Hume. Traité de la nature humaine)

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«Aujourd’hui, le pyrrhonisme est devenu une philosophie presque exclusivement pratiquée sous le nom de positivisme….

Aucune époque ne ressent aussi vivement que la nôtre le caractère historiquement relatif des mœurs, des institutions, des langages et des civilisations. Cela ne signifie pas que nous soyons désespérés, convaincus du non-savoir du savoir, mais que nous savons qu’il n’est pas de savoir sans l’homme, ni de connaissance empirique en dehors des hommes qui la construisent…. »

«  C’est surtout en morale que les sceptiques ont eu beau jeu d’opposer les opinions, les maximes, les pratiques d’un peuple, d’une secte, d’une caste, d’une époque, aux opinions en vogue chez d’autres nations ou à des âges différents de l’humanité… » Un méridien décide de la vérité…Le droit a ses époques…Plaisante justice qu’une montagne ou qu’une rivière borne…Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà…) (Voltaire), ...il ne s’agit que de vérités spéculatives… » (Essai sur les fondements de nos connaissances. A. Cournot. 1851. Page 260)

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« Pyrrhon le premier de cette secte, lui a donné son nom, Pyrrhonisme. Il était d’Elée.., L’incertitude des questions les plus débattues.., les leçons de Démocrite, sa grande érudition… » (Œuvres de Barnave. Page 127.Volume 4) Par M. Beranger. 1843. BNF.

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« Cependant cette secte dura peu, la curiosité s’y opposait, on veut savoir, l’incertitudeafflige et l’on croit volontiers ce qu’on désire; d’ailleurs les sceptiques poussaient le doute jusque dans les maximes instituées et accréditées pour le bonheur de la société. Cette doctrine les rendit odieux, et l’amour de l’estime éloigna les penseurs de cette secte. Quel que soient les causes de cette interruption, la philosophie sceptique disparut moins de deux cents ans après sa naissance, et ne revit le jour qu’à Rome au temps de Cicéron. Elle y eut des sectateurs, peu nombreux, peu brillants, peu accrédités, jusqu’au troisième ou quatrième siècle où un nouvel intervalle le fit oublier son existence. C’est au XVIème siècle qu’un Portugais nommé Sanchez lui rendit la vie, et depuis elle a brillé dans les ouvrages de Lamotte, de Huet, de Montaigne et surtout du célèbre Bayle. (Œuvres de Barnave. Page 128.Volume 4, Ppar M. Béranger. 1843. BNF)

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« Les hommes pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs, et dogmatiques dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d’un seul côté et qu’ils n’ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n’ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion, et suspend leur action » (Hume. Enquête sur l’entendement humain)

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Cicéron : «. ..il n’y a pas de plus magnifique déploiement de notre activité que de lutter contre nos représentations, de tenir tête à nos préjugés, de retenir nos sentiments sur cette pente glissante, et je donne raison à Clitomaque, lorsqu’il écrit que Carnéade à fait un travail herculéen en arrachant de nos âmes ce monstre sauvage et cruel qu’est l’assentiment, c’est-à-dire, la disposition à concevoir des opinions à la légère 

« Le terme de scepticisme a fini par désigner aujourd’hui, dans la langue commune, une attitude négative de la pensée. Le sceptique passe volontiers non seulement pour un esprit hésitant ou timoré, ne se prononçant sur rien, mais pour celui qui, quoiqu’il arrive ou quoi que l’on puisse dire, se réfugie dan le dénigrement. Aussi croit-on encore que le scepticisme est le refus et de la dénégation agressive. En réalité par son étymologie même (skepsis signifiant en grec « examen ») le scepticisme s’interdirait plutôt toute position tranchée, à commencer même par celle qui consisterait à affirmer, bien avant Pyrrhon … que nous ne savons qu’une seule chose, c’est que nous ne savons rien. Les sceptiques se qualifient eux-mêmes de Zététiques, c’est-à-dire de chercheurs qui pratiquent « la suspension de jugement »…, philosophes de l’embarras, de la perplexité et de l’assurance non trouvée. …..

Comme souvent dans l’histoire de la pensée antique, on se trouve devant des traditions fixées tardivement, l’auteur, qui retranscrit l’opinion d’anciens ou de prédécesseurs, recompose la thèse qu’il leur prête. Connaître dans sa pureté une thèse ancienne, fragmentaire et retranscrite après coup, est une tâche à laquelle il faut renoncer…..

Les Académiques sont la source de ceux qui, comme Sénèque, saint Augustin, Hume, Kant, ou Hegel présentent du scepticisme ancien l’image du nihilisme radical. En revanche, si l’on adopte le point de vue d’Eusèbe, de Sextus Empiricus ou de Diogène Laërce, le scepticisme est au contraire une philosophie dont le critère repose sur la vie, l’expérience et le phénomène, à la seule exclusion des spéculations dogmatiques…

L’importance conférée par le scepticisme au concept de phénomène se mesure à la parole de Timon : « Le phénomène l’emporte sur tout, partout où il se trouve. …Le phénomène n’est pas à proprement parler philosophique, mais bien plutôt, physique.

….Les sensations sont relatives au sujet qui les éprouve…, l’homme peut-être, selon les circonstances être différemment affecté par le même objet.

loin de ruiner toute la science, le doute est solidaire d’un état donné à la science

Le premier philosophe à avoir repris aux Grecs et à avoir en quelque sorte vécu de nouveau l’expérience du doute est saint Augustin. Une grande part de son œuvre est consacrée à une mise en lumière des raisons qu’on pourrait avoir de mettre les connaissances humaines en doute.. » (Article, Encyclopédia Universalis. Dictionnaire de la philosophie)

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«  Je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui s’y étaient pu glisser auparavant. Non pas que j’imitasse en cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter, et affectent d’être toujours irrésolus ». (Descartes. Discours de la méthode)

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« La leçon est simple, rien n’est juste, rien n’est faux, tout réside dans l’interrogation, le vacillement de la conscience confrontée à ce monde ». (Jean Toussaint Dessanti)

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« Le scepticisme ne convient pas à tout le monde. Il suppose un examen profond et désintéressé : celui qui doute parce qu’il ne connaît pas les raisons de crédibilité, n’est qu’un ignorant. Le véritable sceptique a pesé et compté les raisons ». (Diderot)

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« Qu’est-ce qu’un sceptique ? C’est un philosophe qui a douté de tout ce qu’il croit, et qui croit que c’est un usage légitime de sa raison et de ses sens lui a démontré vrai. Voulez-vous quelque chose de plus précis ? Rendez sincère le pyrrhonien, et vous aurez le sceptique » (Diderot)

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Débat : « Les sceptique, le scepticisme » 23 mars  2011. Le scepticisme de Montaigne à Hume, et les prolongements contemporains du scepticisme. 1ère partie.

Le scepticisme est une attitude philosophique qui marque toujours (je crois) un tournant de civilisation. Si j’ai choisi de parler des sceptiques modernes, c’est justement pour souligner ce point de vue qui semble extrêmement important, car nous sommes (me semble t-il) aujourd’hui dans ce tournant de civilisation. Certains disent que nous sommes à la fin d’un certain monde. Les historiens de la philosophie, lorsqu’on les interroge sur ce que veut dire moderne, soulignent le fait que la modernité est caractérisée par la rupture avec la tradition, mais une rupture qui ne fait pas forcement polémique. Par exemple, concernant, « l’arrachement » dont les hommes ont été capables à la suite de Galilée, Condorcet écrit à leur propos: « L’esprit humain ne fut pas libre, mais il sut qu’il était formé pour l’être ». Autrement dit, la modernité consiste dans la décision de prendre en charge son destin. L’homme moderne a été caractérisé comme Prométhée. Et c’est dans ce contexte de la modernité que se mettent en place différentes formes de scepticisme qui reprend ce que nous enseigne le scepticisme grec. Et aujourd’hui, il me semble que dans la mesure où nous sommes à un tournant de civilisation, et si nous pensons qu’effectivement nous sommes encore capables de prendre en charge, d’orienter notre destinée, et bien ! Il me semble alors qu’il faut avoir une attitude sceptique, comme l’on eu les modernes.

Je voudrais mettre en évidence trois formes de scepticisme moderne : d’abord le scepticisme d’humilité. Savoir être humble, c’est Montaigne qui nous l’enseigne. Il insiste sur le fait « qu’il faut savoir douter de nos certitudes », « La vérité et le mensonge ont leur visage conforme, le port, le goût, et les allures pareilles, nous les regardons du même œil » (Essai). Pourquoi Montaigne disait-il cela ? Eh bien, parce qu’il pensait que le sujet humain est incapable de dépasser la singularité de ses impressions et de ses imaginations, que le sujet humain est incapable d’atteindre des connaissances universelles, et parce qu’il pensait comme les stoïciens que l’être humain n’est qu’un élément d’un tout, et que donc qu’il ne peut penser le tout, d’où son fameux : « Que sais-je » qui exprime à la fois l’inaptitude humaine au savoir, parce que nous ne connaissons que nos sensations et que nous ne savons même pas si elles ressemblent aux sensations des autres hommes. Alors ! Disait Montaigne, il faut être sceptique à l’encontre de toutes les certitudes doctrinales, à l’encontre de tous les faiseurs de système. Mais ce scepticisme n’est pas démobilisation, bien au contraire, dans les Essais il écrit : « Ce sont ici mes humeurs et mes opinions, je donne pour ce qui est en ma créance, et non pour ce qui est à croire », et du coup, comme je sais que ce sont mes humeurs et mes opinions, j’invite chacun à juger de ce qu’il voit, de ce qu’il sent. Mon scepticisme anti dogmatique est un scepticisme qui est l’invitation à ce que chacun se mette à penser, à ce que chacun refuse  la sagesse orgueilleuse du dogmatisme. Donc, ce scepticisme affirme à confirmer avec ses semblables, puisqu’on est voué aux opinions il faut débattre et argumenter. C’est parfois aussi comme Montaigne et La Boétie, nouer amitié au cours de ces débats.

Donc le scepticisme moderne, est philosophiquement fondé sur l’idée que nous avons de sensations et que nous ne pouvons pas nous hausser à la vérité universelle. Ce scepticisme se fonde philosophiquement sur l’idée que nous ne sommes qu’un élément du tout. Ce scepticisme théorique encourage, invite au respect de l’autre, au respect de la diversité des opinions, autrement dit, il me semble que ce scepticisme qui est aussi attitude d’humilité par rapport au savoir aujourd’hui nous est important. Alors finalement la progression des sciences et des techniques, la progression des scepticismes scientifiques orientée par le vouloir faire technique, nous rend sceptique quant à la validité de cette progression. C’est humilité par rapport au savoir qui doit s’accompagner du respect de la diversité des opinions par rapport à la diversité des œuvres et des coutumes. (Edith Deléage-Persunski)

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Débat : « Les sceptique, le scepticisme » 23 mars  2011 : Le doute sceptique ; démarche positive ou négative. (1ère partie) : Le matériel rhétorique dont disposent les philosophes pourrait nous emmener vers des horizons divers, des conclusions diverses, ce qui fait que nous resterions toujours sceptiques.

Toutefois, je vais essayer de soutenir que le doute sceptique est une démarche positive ?

a) Le scepticisme semble être un combat entre sensible et intelligible. « La connaissance sensible est déclarée comme trompeuse et insuffisante […] les sens nous font voir partout la multiplicité et le changement » Victor Brochard. Les sceptiques. 1887

Le scepticisme est une forme de subversion. Le sceptique est celui ne se laisse pas convaincre par une Vérité spéculative, celui qui refuse de penser comme on doit penser, celui-là est un mauvais exemple pour la société. Celui qui refuse de croire dérange, car il peut semer le doute, et même semer le doute chez celui qui est ferme dans ses certitudes. Je préfère le scepticisme à l’indifférence, ou à la rébellion de façade, à l’indignation de façade, ce qui est assez à la mode.

Le scepticisme mènerait à l’inaction. Je ne le pense pas. Je peux agir en politique sans même être sûr que le mouvement auquel j’adhère détient à cent pour cent les bonnes réponses. Ne fréquenter et n’agir qu’avec des gens avec qui on est d’accord en toutes choses, à cent pour cent, c’est de l’absolutisme de groupe.

Pour le sceptique la vérité existe. « Seule des interprétations » sont fausses disent ceux qui souvent on déjà une vérité acquise. A ce postulat la réponse d’un sceptique serait : Quelles sont les interprétations, qui peuvent assurer de connaître la bonne interprétation ? Dans le doute, pour le sceptique, tout ce qui est interprétation est récusable.

b) Le sceptique accepte l’infini et le néant, il doute seulement qu’on puisse les définir, qu’on puisse les attribuer à quoi ce soit que notre imagination ait conçu, il accepte que la compréhension ait ses limites. Qu’une cause parmi les causes possibles soit cause première, reste pour le sceptique l’argument circulaire, le cercle vicieux ou diallèle des anciens. Son scepticisme, par contre, le rend accessible à toute explication qui pourrait être prouvée par l’expérience. Ce qui pourrait se résumer par : celui qui ne croit pas est celui qui refuse que le néant et l’infini échappe à toute cause saisissable. Il en ressort que celui qui croit le moins devient celui qui croit le plus. Tout comme nous l’avons vu en étudiant les Sophistes et l’Epicurisme, des mots désignant des courants de pensée vont être détournés de leur sens original. Ces courants de pensée vont se trouver très longtemps incompatibles avec le dogme dominant. Ainsi, comme pour les Stoïciens, les Sophistes, et les Epicuriens il le leur sera attribué, avec force relais de copistes, d’écrivains, un sens péjoratif, comme paradoxalement le terme de « secte ». On trouve encore des définitions où le mot sceptique a pour synonyme : athée. Un non-sens total puisque l’athée ne doute pas ou alors il est agnostique. (Suite en seconde intervention) (Luis)

*

Sceptique

Ma foi, que voulez vous, je suis sceptique
Thèse, antithèse, synthèse, c’est mon credo
Le doute est mon moustique antiseptique
Il m’empêche de trop faire dodo

Thèse, antithèse, synthèse, c’est mon credo
Mon Dieu s’appelle épistémologique
Il m’empêche de trop faire dodo
Je confesse si je suis dogmatique

Mon Dieu s’appelle épistémologique
Et si je suis serein grosso modo
Je confesse si je suis dogmatique
J’ai suspendu mon jugement, rideau !

Et si je suis serein grosso modo
C’est que j’ai la logique pour viatique
J’ai suspendu mon jugement, rideau !
L’Heuristique est dans l’arrière-boutique

C’est que j’ai la logique pour viatique
Je réfute et critique ab absurdo
L’Heuristique est dans l’arrière-boutique
J’y pèse les probables dos à dos

Je réfute et critique ab absurdo
Et dans cette indifférence euphorique
J’y pèse les probables dos à dos
Je baigne en vacuité ataraxique

Et dans cette indifférence euphorique
Les perceptions sont mon eldorado
Je baigne en vacuité ataraxique
Je cherche encore et toujours crescendo

Les perceptions sont mon eldorado
Mais mon instrument est un peu rustique
Je cherche encore et toujours crescendo
Ma foi, que voulez vous, je suis sceptique

Florence Desvergnes

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Débat : « Les sceptique, le scepticisme » 23 mars  2011

Le scepticisme de Montaigne à Hume, et les prolongements contemporains du scepticisme.

2ème partie.

Aujourd’hui ce scepticisme dont Montaigne est porteur en cette période de temps modernes est un scepticisme qui a du sens pour nous. Il nous faut être sceptiques par rapport aux certitudes scientifiques orientées par le « faire » ou « savoir faire » technique, et être sceptiques par rapports aux diverses formes dogmatiques qui entraîné à l’échelle du monde un ébranlement et pour tous un désarroi. Voilà pourquoi je pense qu’il faut se reporter à ce scepticisme dont Montaigne nous indique la voie. Il y une deuxième forme de scepticisme moderne, c’est celui de Pascal. Ce scepticisme est un scepticisme désespéré. Pascal dans « Les pensées » exprime cette attitude : « Je ne sais ni qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que ce monde, ni que moi-même. Je suis dans une ignorance terrible de toute chose, je ne sais ce que c’est que mon corps, que mon âme, cette partie de moi qui pense, et qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et qui ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferme, je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue sans que je sache pourquoi je suis placé plutôt en ce lieu qu’en un autre. Ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’ait assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé. Je vois que des infinités de toute part qui m’enferment comme un atome qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais, c’est que je dois bientôt mourir, mais ce que j’ignore le plus c’est cette mort même que je ne saurais éviter, tel est la misère de l’homme ». Mais devant cette misère de l’homme, ce non savoir par rapport à toute chose, par rapport à soi-même, il s’agit dit Pascal, de parier. De parier que le monde a un sens, que Dieu existe. Dire que Dieu existe, c’est tout simplement dire que ce monde a un sens, que le monde a du sens ; parier pour le sens, c’est parier pour Dieu. Autrement dit, en cette période de modernité il y a une forme de scepticisme face aux faiseurs de système des théologiens de l’Eglise. Les certitudes des faiseurs de système philosophique, scientifique, nous ne pouvons qu’en douter. Et pourtant ces faiseurs de système font que le monde dans lequel je suis a du sens. De Montaigne à Pascal le scepticisme demande à l’homme d’être humble et même de penser, de réfléchir pour que le monde et soi-même ayons du sens pour prendre en charge notre propre destin.

Enfin il a une troisième forme de scepticisme, c’est le scepticisme conquérant de Descartes. Dans son « Discours de la méthode » il pense que « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », « Tous les hommes sont égaux en intelligence, tous les hommes sont égaux en capacité », mais, ajoute t-il : « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, l’essentiel est de l’appliquer bien ». Autrement dit, il faut avoir de la méthode, des règles pour bien conduire sa raison et chercher la vérité. Donc il y a une formez de scepticisme qui permet d’atteindre des vérités. Il s’agit de douter de tout ce qui n’est pas clair et distinct, de tout ce qui n’est pas évident pour tous.

Première partie du discours : je peux douter de toutes les opinions, de toutes les idées, de toutes les croyances acquises, de tous les systèmes déjà établis.

Deuxième partie je peux douter de ma propre existence, mais alors quand je doute de ma propre existence, surgit l’idée que tant que je doute, je pense, car douter c’est penser, donc « je suis » ! Mais que suis-je ? Et bien une chose qui pense, voilà une vérité !

Troisième partie : Je peux douter de toutes mes pensées, mais il en est une, la pensée de Dieu, dont je ne peux pas douter. Parce que si Dieu n’existe pas, comment dit-il, puis-je en avoir l’idée ? Dieu c’est quoi ? C’est la perfection, c’est l’idée de la perfection. Interrogez qui que ce soit et quelque soit le dieu auquel il croit, il vous dira que c’est l’idée de perfection, et dans toutes les langues possibles. Donc cette idée ne peut pas venir de moi, puisque je suis imparfait, ne peut pas non plus venir du monde extérieur, alors, d’où vient-elle ? Et bien, de la perfection elle-même, donc Dieu existe. Ainsi donc le doute radical, le scepticisme radical qui doute de tout y compris de sa propre existence conduit à des vérités. Ainsi donc, dans les temps modernes, à la Renaissance, au XVIIème siècle et encore au XVIIIème siècle les philosophes considèrent pour des raisons d’ordre historique qu’il faudrait étudier, que l’homme devient, ou doit devenir maître de sa destinée. L’homme doit pouvoir se considérer comme libre pour orienter sa vie, c’est le sens que proposent ces différentes formes de scepticisme qui toutes, et dans tous les cas pour le trois que j’ai indiqué, conduisent soit : au pari qu’il y a du sens, soit à l’idée qu’il faut ensemble discuter pour connaître un peu quel est le sens, soit trouver le sens. Il me semble qu’aujourd’hui en cette période difficile que nous sommes en train de vivre, du point de vue de la civilisation qui est la nôtre et que nous avons hérité, il me semble qu’il faut pratiquer le scepticisme. (Edith Deléage-Perstunski. Professeure de philosophie)

*

Rabelais et Molière. Le philosophe sceptique

Toute époque adopte les termes ainsi que le veut l’acception de l’époque. Ce terme de sceptique fut longtemps synonyme de personne irrésolue, incapable de trancher part hésitation, en quelque sorte l’âne de Buridan fait homme. C’est ainsi que Rabelais dans Pantagruel et Molière dans « Le mariage forcé » vont utiliser ce même personnage (le philosophe sceptique). Dans les deux cas un homme veut se marier, hésite et consulte un philosophe : Chez Rabelais le philosophe Trouillogan est consulté.

Or ça, de par Dieu, me dois-je marier ? demanda Panurge.
— Trouillogan : Il y a de l’apparence.
— Panurge : Et si je ne me marie point ?
— Trouillogan : Je n’y vois inconvénient aucun.
— Panurge: Vous n’y en voyez point ?
— Trouillogan : Nul, ou la vue me déçoit.
— Panurge : J’en trouve plus de cinq cents.
— Trouillogan : Comptez-les.
— Panurge: Je dis improprement parlant, et prenant nombre certain pour incertain, c’est-à-dire beaucoup… Je ne peux me passer de femme, de par tous les diables… Donc me marierai-je?
— Trouillogan : Par aventure.
— Panurge : M’en trouverai je bien ?
— Trouillogan : Selon la rencontre.
— Panurge : Si je rencontre bien, comme j’espère, serai-je heureux ?
— Trouillogan : Assez.
— Panurge: Et si je rencontre mal ?
— Trouillogan: Je m’en excuse.
— Panurge : Mais conseillez-moi, de grâce. Que dois-je faire ?
— Trouillogan : Ce que vous voudrez.
— Panurge : Tarabin tarabas.

Panurge s’impatiente, mais il ne cesse d’interroger.
— Panurge : Me marierai-je ? Si je ne me marie point, je ne serai jamais trompé.
— Trouillogan : J’y pensais.
— Panurge : Et, si je suis marié, je serai trompé ?
— Trouillogan : On le dirait.
— Panurge : Si ma femme est sage et chaste, je ne serai jamais trompé ?
— Trouillogan : Vous me semblez parler correctement.
— Panurge : Sera-t-elle sage et chaste ? Reste seulement ce point.
— Trouillogan : J’en doute.
— Panurge : Vous ne l’avez jamais vue ?
— Trouillogan : Que je sache.
— Panurge : Pourquoi donc doutez-vous d’une personne que vous ne connaissez pas ?
— Trouillogan: Pour cause.
— Panurge : Et si vous la connaissiez ?
— Trouillogan : J’en douterais encore plus.
A ce coup, Panurge se met très en colère. Il appelle son page :
— Panurge : Page, mon mignon, prends mon bonnet et va dans la basse cour jurer une petite demi-heure pour moi. Je jurerai pour toi quand tu voudras.

Molière, grand Rabelaisien, a mis cette scène dans son Mariage Forcé.

Le philosophe sceptique s’appelle alors, Marphurius
— Sganarelle : J’ai envie de me marier.
— Marphurius : Je n’en sais rien.
— Sganarelle : A la fin, Fatigué de ce discours Sganarelle donne du bâton au philosophe qui se plaint
— Marphurius : Mais vous me battez
— Sganarelle : Non ! Vous devez-dire : « il me semble que vous me battez ! »

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Débat : « Les sceptique, le scepticisme » 23 mars  2011 : Le doute sceptique ; démarche positive ou négative. (1ère partie) :
Le matériel rhétorique dont  disposent les philosophes pourrait nous emmener vers des horizons divers, des conclusions diverses, ce qui fait que nous resterions toujours sceptiques.
Toutefois, je vais essayer de soutenir que le doute sceptique est une démarche positive ?
  a) Le scepticisme semble être un combat entre sensible et intelligible. « La connaissance sensible est déclarée comme trompeuse et insuffisante […]  les sens nous font voir partout la multiplicité et le changement » Victor Brochard. Les sceptiques. 1887
Le scepticisme est une forme de subversion. Le sceptique est celui  ne se laisse pas convaincre par une Vérité spéculative, celui qui refuse de penser comme on doit penser, celui-là est un mauvais exemple pour la société. Celui qui refuse de croire dérange, car il peut semer le doute, et même semer le doute chez celui qui est ferme dans ses certitudes. Je préfère le scepticisme à l’indifférence, ou à la rébellion de façade, à l’indignation de façade, ce qui est assez à la mode.
Le scepticisme mènerait à l’inaction. Je ne le pense pas. Je peux agir en politique sans même être sûr que le mouvement auquel j’adhère détient à cent pour cent les bonnes réponses. Ne fréquenter et n’agir qu’avec des gens avec qui on est d’accord en toutes choses, à cent pour cent, c’est de l’absolutisme de groupe.
Pour le sceptique la vérité existe. « Seule des interprétations » sont fausses disent ceux qui souvent on déjà une vérité acquise. A ce postulat la réponse d’un sceptique serait : Quelles sont les interprétations, qui peuvent assurer de connaître la bonne interprétation ?  Dans le doute, pour le sceptique, tout ce qui est  interprétation est récusable.
b) Le sceptique accepte l’infini et le néant, il doute seulement qu’on puisse les définir, qu’on puisse les attribuer à quoi ce soit que notre imagination ait conçu, il accepte que la compréhension ait ses limites. Qu’une cause parmi les causes possibles soit cause première, reste pour le sceptique l’argument circulaire, le cercle vicieux ou diallèle des anciens. Son scepticisme, par contre,  le rend accessible à toute explication qui pourrait être prouvée par l’expérience. Ce qui pourrait se résumer par : celui qui ne croit pas est celui qui refuse que le néant et l’infini échappe à toute cause saisissable. Il en ressort que celui qui croit le moins devient celui qui croit le plus. Tout comme nous l’avons vu en étudiant les Sophistes et l’Epicurisme, des mots désignant des courants de pensée vont être détournés de leur sens original. Ces courants de pensée vont se trouver très longtemps incompatibles avec le dogme dominant. Ainsi, comme pour les Stoïciens, les Sophistes, et les Epicuriens il le  leur sera attribué, avec force relais de copistes, d’écrivains, un sens péjoratif, comme paradoxalement le terme de  « secte ». On trouve encore des définitions où le mot sceptique a pour synonyme : athée. Un non-sens total puisque l’athée ne doute pas ou alors il est agnostique.  (Suite en seconde intervention)                                                                                                              
Débat : « Les sceptique, le scepticisme » 23 mars  2011.
(2ème partie)
c) « Je ne cois que ce que je vois »  et encore ce que je vois est sujet à maintes interprétations
Cet aphorisme irait assez bien aux sceptiques, « je ne crois que ce que l’on peut me démontrer sans le moindre doute »; ce qui ne veut pas dire qu’ils refusent de croire. Les agnostiques ne sont-ils pas en ce sens proches des sceptiques : ne pouvant connaître assez pour croire, je ne me prononce pas.
En ce sens où le sceptique, les pyrrhoniens se refusent à dire « cela est » ou « cela n’est pas », ils ne nient pas que la vérité puisse exister, ils  ne s’enferment pas la voie qu’ils combattent : le dogmatisme, en créant à leur tour un dogmatisme négatif, ou tomber dans le relativisme ou tout est égal, où tout se vaut. De ce fait ils ne sont pas assimilables ni au relativistes, ni  à ceux qu’ont nommera plus tard les nihilistes.
Il y a une démarche que ne peux pas faire le sceptique,  c’est passer de l’intuition, donc du probable, à une déduction. Des perceptions, des phénomènes, « des représentations peuvent être influencés, soit par des affects, une culture, un milieu social, une éducation laïque ou religieuse » « Nos perceptions » nous dit le philosophe Marcel Conche « sont des rejetons engendrés par les sens et le ressenti ». Le phénomène est, nous le percevons différemment, nous le ressentons différemment, c’est aussi dit- on : le relativisme des sensations.
d)Le  scepticisme est toujours un phénomène d’actualité. Il prévaut dans la société scientifique, il s’oppose au déterminisme. Il est politiquement d’actualité. Depuis des siècles les hommes ont tenté diverses formes de gouvernement. Nous venons d’expérimenter deux modèles presque opposés : l’un a montré son inefficacité, l’autre est vivement critiqué.., voilà aussi un domaine où les certitudes sont nocives. C’est parce que nous sommes capables de douter  que nous trouverons (peut-être) une autre voie.
Ce n’est pas en tirant d’une hypothèse des conclusions pareillement hypothétiques que l’on amènera à soi la Vérité…, on en reste au contraire aux paroles creuses et à l’impression subjective.., autrement dit ; ceux qui ont introduit  dans leur raisonnement ce qu’ils avaient l’intention de prouver, n’on aucune peine à l’en déduire. Toutes les raisons qui ne font pas sens, même cumulées ne donnent pas plus de sens. Un château construit d’hypothèses, de Vérités relatives, reste un  château des hypothèses, qu’une seule soit invalidée et l’ensemble s’écroule.                                                                                                                         
Débat : « Les sceptique, le scepticisme » 23 mars  2011.
3ème partie
e) Si le scepticisme est le doute systématique, alors oui le scepticisme est négatif, le sceptique devient un maniaque. Mais si on lui démontre le « comment », son doute commence à s’estomper quant au « pourquoi ».  Le scepticisme est comme une offre, une option pour lutter contre les raideurs de conscience. Dans le catalogue des philosophies, le scepticisme n’est qu’une option, qui peut être de plus circonstancielle ; nul n’est obligé d’y adhérer. Un monde incertain, est pour quelques uns, insupportable, un monde sans l’idée d’un tout qui l’organise, d’un but, cela peut créer des angoisses existentielles, le doute infecte l’âme. Le sceptique accepte ; il accepte que ce monde soit non déterminé, qu’il soit sans cesse en devenir, que rien ne soit immuable, donc que le champ soit ouvert à tous les possibles ; c’est ce  qui en fait un optimiste.
Alors que l’on a pris depuis des siècles Socrate comme modèle de philosophe, on reproche aux sceptiques ce dont on honore Socrate. L’oracle désignait Socrate comme l’homme le plus intelligent de son pays, car « il savait qu’il ne savait pas », cela l’empêchant de se prononcer sur toute chose, tout comme les sceptiques. Le scepticisme traité comme mépris de toute chose relève d’un raisonnement abrupte, et intolérant. De fait le scepticisme non absolu nous amène à la modestie. Autrement dit, « je suis sceptique » peut être une réponse sincère, c’est avouer que « je ne sais pas », « je ne suis pas en mesure de juger », « je n’ai pas les éléments pour me prononcer », ou « ce n’est pas de ma compétence », et peut-être adopter la méthode  de scepticisme de Socrate en posant la question aux autres. Tout savoir : c’est une autre chanson ! « Je sais, je sais » disait cette chanson « Je sais qu’on ne sait jamais »
Comme pour les autres grands courants de philosophie, qui vont suivent dans cette époque, le scepticisme nous nous invite à trouver une certaine sérénité, une quiétude de l’esprit.
Pour les Epicuriens, Ne nous tracassons pas ni aux sujets des dieux qui s’ils existent ont d’autres souci que nous, et que nous ne devons pas redouter la mort…
Pour les Stoïciens c’est : ne pas  se soucier quant aux choses sur lesquelles on ne pas agir.
Pour les sceptiques : ne nous créons pas de problèmes existentiels  sur des choses, des idées que nous ne pouvons connaître avec certitude »  (Y)

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« Le sceptique est un autre ennemi de la religion, qui provoque naturellement l’indignation de tous les théologiens et de tous les graves philosophes ; il est pourtant certain que personne n’a jamais rencontré une créature aussi absurde, que personne n’a jamais conversé avec un homme qui n’avait aucune opinion, ni aucun principe sur aucun sujet, soit d’action, soit de spéculation. Ce qui soulève une question très naturelle : qu’entend-on nous par sceptique ?Et jusqu’à quel point est-il possible de pousser des principes  philosophiques de doute et d’incertitude ?…. Il faut toutefois avouer que cette espèce de sceptique, quand elle est plus modérée, peut se comprendre en un sens très raisonnable et quelle est une préparation nécessaire à l’étude la philosophie en ce qu’elle conserve à nos jugements l’impartialité convenable et que sèvre notre esprit de tous les préjugés dont l’éducation et la précipitation on pu nous imprégner… » (David Hume. Enquête sur l’entendement humain. 1748)

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