Authenticité
Le Grand Robert de la langue française d’Alain Rey : Qualité (d’une personne, d’un événement) authentique. (Sincérité, naturel, vérité)
Dictionnaire philosophique. d’André Comte-Sponville : La vérité sur soi, et de soi à soi. C’est le contraire de la mauvaise foi. Un synonyme, donc, de ma bonne. Plutôt son nom moderne et quelque peu prétentieux. Les deux notions ne se recouvrent pas totalement. Être de bonne foi, c’est aimer la vérité, plus que soi.
Trésor de la langue française : (Concerne une manifestation de l’être) valeur profonde dans laquelle un être s’engage et exprime sa personnalité.
Synonymes : Naturel. Sincérité. Véracité. Vérité.
Contraires :Dissimulation. Fausseté. Hypocrisie. Inauthenticité.
Par analogie : Alceste. Apparence. Avéré. Be yourself. Bonne foi. Conformisme. Déguisement. Différent. Etabli. Escroc. Exact. Faux. Franchise. Imitation. Justesse. Marginaliser. Mensonge. Narcissisme. Pureté. Réel. Simulation. Sincétité. Tartufe. Vertu.
Expressions : Avoir l’air. Donner le change. Faux semblant. Se donner l’air.
*
« Une interrogation affreuse pour la première fois de sa vie, se soulevait en lui – en lui qui n’avait jamais rencontré jusqu’alors qu’approbations et sourires, – un doute sur la sincérité de ces sourires, sur la valeur de cette approbation, sur la valeur de ses ouvrages, sur la réalité de sa pensée, sur l’authenticité de sa vie » (André Gide. Les caves du Vatican)
*
« La preuve d’un homme, ce sont ses actes. La valeur de ses paroles, l’authenticité de ses penses ne se révèlent irréfutablement que dans la confirmation qu’il leur apporte » (Emmanuel Mourier. Traité du caractère)
*
« Être authentique pour beaucoup de nos contemporains c’est plutôt aimer la vérité, qu’on est. « By yourself », dit-on outre-Atlantique. La psychologie remplace la morale ; le développement personnel tient lieu de religion. Je suis lâche, égoïste, brutal ? Sans doute, mais reconnaissez moi au moins ce mérite de l’être authentiquement. Je suis ce que je suis, ce n’est pas ma faute à moi si je ne peux pas être quelqu’un d’autre ? L’authenticité est une vertu confortable ; c’est ce qui me fait douter qu’elle en soit une. C’est une bonne foi narcissique, ou un narcissisme de bonne foi ». (André Comte-Sponville. Dictionnaire de philosophie)
*
Débat : Comment être authentique en société ? 28 11 2022
Introduction : Je défendrai d’abord l’idée qu’il faut être authentique en société.
1° Celui qui est naturel, qui ne se fait pas une personnalité autre, donne confiance, et nous savons que la confiance des autres nous donne confiance en nous. Être authentique en toute circonstance, c’est déjà croire en soi.
2° Celui qui est faux, qui se forge une personnalité qui n’est lui ou elle, s’enferme dans un personnage, qu’il ou elle doit ensuite assumer.
3° Je me dois de ne pas me déguiser car je souhaite rencontrer des gens qui ne se déguisent pas.
4° Comme je suis pour les autres, ou un autre, à mon tour un élément de « la société », j’ai plaisir à rencontrer des personnes vraies avec leurs différences, leurs particularités, leur approche différente de choses.
5° La société, enfin disons, les autres, ceux que l’on fréquente, peut-être qu’ils nous donnent en miroir une image de nous : « Quant à ceux (nous dit Aristote dans l’Ethique à Nicomaque)
Qui aspirent être honorés par les gens honnêtes, et bien au courant de leur situation, ils visent à confirmer l’opinion intime qu’ils ont d’eux-mêmes »
Et il ajoute « Ils se réjouissent donc de constater qu’ils sont hommes de bien sur la foi du jugement de ceux qui le déclarent »
Et enfin, et cela viendra dans le débat, il est des milieux, des univers sociaux, milieu des affaires, où les gens affichent un personnage de vie publique, je pense par exemple à ce que furent les cours royales, et d’autres milieux dans la société actuelle
C’est ainsi que Rousseau, dans « Discours sur les sciences et les arts », peut-être en réaction devant les mœurs bourgeoises, de son époque, écrira ces lignes : « Sans cesse […..], la bienséance ordonne : sans cesse on suit les usages, jamais son propre génie. On n’ose plus paraître ce que l’on est; et dans cette contrainte perpétuelle [….] on ne saura donc jamais bien à qui on a affaire [….]…» (Luis)
*
Débat : « Je me demande 1° qu’est-ce qu’être authentique ? 2° et, qu’est-ce qu’une société dans ce cas ? Être authentique avec soi? oui ! à moins d’être dans un faux self. Mais dans une petite société d’amis, ce n’est pas la même chose que d’être dans un débat public, par exemple. Dans un débat public, on est amené à jouer un personnage public, on est dans un rôle social, rôle attendu de la part des autres. Être authentique dépend alors de la situation.
On ne pas être tout le temps soi, ni vrai, ni naturel. » (Danielle Pommier Vautrin)
*
« C’est toujours en paraissant ce que l’on est qu’on devient tôt ou tard ce que l’on est » (Rousseau)
*
« Être ou ne pas être authentique ai-je entendu, ça dépend de la société dans laquelle on se trouve, et j’ajouterais ça dépend de soi et du projet qu’on peut avoir vis-à-vis de la société.
Je suis encline à penser de cette façon, et je me pose la question : comment, moi, je peux être authentique en société ?
Et, seconde question, qui, peut être authentique en société ? Ce mot « authentique » est « un composé de « auto » et de « heuter » « qui réalise » (terme indo européen » (Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey), et j’ai regardé du côté des synonymes, cela va de : vrai, véritable, conforme à la réalité, sincère, naturel, conforme à moi-même… Alors, une personne authentique, c’est une personne conforme à sa nature, à son vrai moi.
Et bien oui : mais le vrai moi, c’est quoi ?
Donc, je me suis rappelé que Sartre dans « L Être et le néant » dit que ce qui caractérise l’Être humain, c’est sa capacité d’exister, c’est-à-dire, de sortir de soi, de se projeter vers quelque chose, vers un horizon idéal.
Donc le vrai moi, le moi naturel, le moi essentiel, le moi authentique, c’est, ce que je veux être. Et, ajoute Sartre, en situation, d’où sa conception de la liberté ; l’homme est libre, mais, en situation.
Donc, pour être authentique, pour avoir un projet, non pas pour être conforme à ce que je suis, mais, pour être conforme à ce que je veux être, et bien : soit on refuse, soit on compose avec la situation.
Alors, Sartre prend exemple sur le garçon de café. Il dit, le garçon de café joue un rôle. Pourquoi ? Parce qu’il veut continuer à être employé, continuer à avoir des pourboires..
Aujourd’hui pour moi, avec la crise sanitaire, la crise politique, la crise sociale, et avec la catastrophe climatique, et bien, il y a beaucoup de difficulté à avoir un projet, pour exister, pour être authentique » (Edith Deléage Perstunski)
*
« C’est un’humeur couarde et servile de s’aller desguiser et cacher sous un masque, et n’oser se faire veoir tel qu’on est » (Montaigne. Essais. L. II. § XVII)
*
« Pour Rousseau, l’homme naît, naturellement bon, il est ensuite perverti par la société. Tel son « homme pur » il se montrera souvent naturel, et sera marginalisé.
Justement les premières diatribes contre la fausse apparence, le soi déguisé en société, l’inauthenticité, se trouve chez Rousseau qui fustige la fausse identité, qui pour lui est non seulement mentir à la société, mais surtout se mentir à soi-même.
Rousseau veut un peu comme l’Alceste de Molière, toujours la franchise, qu’on soit sincère, en concordance avec soi-même, que l’on s’attache, nous dira Nietzsche, à devenir ce que nous sommes, autrement dit : être en phase avec nous.
Être authentique en société cela peut être, affirmer sa différence, par exemple refuser le mode de vie donné comme modèle, et s’en aller vivre ailleurs, autrement, se libérer de certaines règles de cette société, et, vivre pour être soi. Vouloir absolument épouser les règles d’une société qui ne nous va pas, est comme aliénation.
Nous retrouvons dans les mouvements contestataires ces identités différentes ; je refuse ce modèle dans lequel je ne suis pas moi.
L’ authenticité des êtres serait-elle, incompatible avec certains de nos rapports sociaux ? L’instinct grégaire qui nous pousse à se rassembler et s’imiter, serait-il en opposition avec l’affichage de son être authentique ?
Je vois des milieux professionnels où tout le monde s’habille pareil, d’autres milieux où par imprégnation tout le monde pense pareil, aurions-nous affaire à des identités éponges ? » (Luis)
*
Pour Alceste, être authentique est ne laisser place à aucune hypocrisie, parler en toute franchise, sans se soucier de ce qui pourrait blesser ou pas.
Alceste : « Je veux qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur,
On lâche aucun mot qui ne vienne du cœur »
(Acte 1, scène 1. Vers 35/36)
……
– Alceste
Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre,
Le fond du cœur, dans nos discours, se montre ;
Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
Ne se masquent jamais, sous de vains compliments »
– Philinte : Il est bien des endroits, ou la pleine franchise
Deviendrait ridicule, et serait peu permise ;
Et, parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,
Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.
Serait-il à propos, et de la bienséance,
De dire à mille gens tout ce que d’eux on pense ?
Et quand on a quelqu’un qu’on hait, ou qui déplait,
Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ? »
(Acte 1, scène 1, vers 63 à 80)
*
« Soyez vous même, les autres sont déjà pris » (Oscar Wilde)
*
« Un individu peut être authentique, plusieurs fois. Il y a des périodes de la vie, avec leurs changements qui font qu’on peut être authentique et différemment plusieurs fois. Il y a certains engagements où l’on est tellement investi, qu’on fini par être sous emprise, et qu’on peut finir par avoir un discours dogmatique.
Il faut faire attention à ce que le projet ne dépasse pas l’individu ; que le projet ne prenne pas la place du « moi » et que le discours ne se trouve plus réellement personnel, alors qu’on croit être quand même à ce moment authentique.
J’ai eu plusieurs engagements, j’ai été plusieurs fois authentique, ce qui a fait des « moi » successifs. Je ne renie pas ces « moi » antérieurs, je pensais ce que je disais ». (Danielle Pommier Vautrin)
*
Dans « De la nécessité » (Essais, III, IX) Montaigne nous rappelle que : « ...vivre par la relation à autruy, nous faict beaucoup plus de mal que de bien. Nous nous défraudons (trompons, frustrons) de nos propres utilitez pour former les apparences à l’opinion commune »
*
« On m’appelle Agrado. Agrado, parce que j’ai passé ma vie en sorte que celle des autres soit la plus agréable possible…agréable, je suis un modèle d’authenticité. Regardez-moi ce corps…Tout a été fait sur mesure. Les yeux en forme d’amande : 80.000. Le nez ; 200.000. Jetés par la fenêtre, parce que l’année suivante, on m’a encore cassé la figure, et vous voyez le résultat…. Je continue…, les nichons : j’en ai pris deux, parce que je ne suis pas un monstre, 140.00 la paire ; mais je peux vous dire que je les bien amortis.. ! Injections de silicone, où ça, vous allez me dire, hé bien, dans les lèvres, le front, les pommettes, les hanches et les fesses.. Et vu que le litre coûte 100.000 environ.., enfin je vous laisse faire le total, parce que je commence à me perdre dans les calculs… réduction de la mâchoire : 75.000. Epilation permanente au laser, et oui, la femme aussi descend du singe, au moins autant que l’homme, si ce n’est plus : 60.000 par session. Bien sûr, ça dépend de votre pilosité, normalement il faut compter entre deux et sessions, mais si vous êtes du genre femme à barbe, il faudra prévoir un peu plus.. Bref, vous l’avez compris, l’authenticité a un coup. Et sut ce sujet-là mesdames, nous ne pouvons pas nous permettre d’être radines…Parce qu’une femme ne devient authentique, que lorsqu’elle ressemble enfin à l’image qu’elle a rêvée d’elle-même ». (Sketch du travesti dans le film d’Almodovar, Tout sur ma mère)