Solitude

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Paul Srusier. Solitude. 1891. Musée des Beaux Arts de Rennes

Le Grand Robert de la Langue Française : Situation d’une personne qui est seule, de façon momentanée ou durable – qui vit habituellement seule, ou presque seule, qui a peu de contact avec les autres

Trésor de la langue française : Situation de quelqu’un qui se trouve sans compagnie, séparé, momentanément ou durablement, de ses semblables.

Période, moment pendant lequel une personne est seule.

– Fait d’éprouver, d’accomplir quelque chose seul

Dictionnaire Littré (en ligne)  État d’une personne qui est seule.

– État d’une personne retirée du commerce du monde.

– Isolement de gens qui n’ont point de semblables à eux.

– Isolement moral, privation d’affection.

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : Ce n’est pas la même chose que l’isolement. Être isolé, c’est être coupé des autres, sans relations, sans amis, sans amours. État anormal ; pour l’homme, et presque toujours douloureux et mortifère….

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : Etat opposé à celui de la société. Cet état est celui où l’on conçoit que se trouveroit l’homme s’il vivoit absolument seul abandonné à lui-même, & destitué de tout commerce avec ses semblables. Un tel homme seroit sans doute bien misérable, & ce trouveroit  sans cesse exposé par sa foiblesse & son ignorance à périr de faim, de froid…

Synonymes : Eloignement. Isolement.

Contraires : Affection. Amitiés. Compagnie. Contacts. Entourage. Proches. Relations.Affection

Amitié

Par analogie : Abandon. Amours. Anachorète.  Autre. Cocooning. Cocon.  Enfermement. Ermite. Entourage. Mianthrope. Ombre. Présence. Recluse. Repli. Retraite. Semblables. Société. Solitaire. Tour d’ivoire.

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« Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu. Et l’on se sent glacé dans le lit du hasard ; et l’on se sent peut-être, tout seulpeut-être, mais peinard » (Avec le temps. Léo Ferret)

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« Quiconque veut réellement devenir philosophe, devra une fois dans sa vie, se replier sur soi-même, au-dedans de soi, tenter de renverser toutes les sciences admises jusqu’ici, et tenter de les reconstruire » (Husserl. Méditations cartésiennes)

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« Dans la solitude soyez un monde à vous-mêmes » (Horaces. Épitres 1. XIV, 15)

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Interviewée dans une émission sur Fr3 en 2013 la chanteuse Françoise Hardy déclare : «  J’ai compris que la solitude est synonyme de liberté totale »

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Extrait du débat :     « La solitude : un cocon, ou une prison ? »        26 mai 2010

Introduction : : Les hérissons dont nous parlait Schopenhauer se rapprochaient lorsqu’ils avaient froid, ainsi nous nous rapprochons quand nous avons besoin de compagnie ; mais les hérissons parfois devaient s’éloigner, car trop  près les uns des autres, ils étaient incommodés, ils subissaient les piquants de leurs congénères. Est-ce que nous ne serions pas un peu tels les hérissons : Tantôt besoin de sentir la présence des autres ? Tantôt besoin de nous libérer de cette présence qui nous gêne, qui nous importune ?

« Nous ne sommes », nous répètent les philosophes, « que dans notre rapport avec les autres », et pourtant, qui est satisfait d’être tassé, compressé dans le métro, dans le train, ou autre situation de promiscuité désagréable ? Tour à tour nous cherchons un endroit calme, puis nous allons ensuite chercher un endroit où il y ait de l’ambiance !

Comment puis-je maîtriser cet aspect du partage du temps avec les autres ? Le misanthrope finit par vivre seul : « Enfin seul! » « … Et l’on se sent tout seul peut-être, mais peinard » (Avec le temps. Léo Ferré). Mais est-ce que cette solitude que s’impose le misanthrope, ces barrières qu’il dresse autour de lui, vont faire, qu’à terme sa chère solitude, cette tour d’ivoire, cette citadelle du moi, son beau cocon, devienne la prison qu’il s’est construite ?

Dans un des romans d’Amélie Nothomb, Mercure, le personnage arrive sur une île, l’île, ce symbole par excellence de la solitude: morceau, comme détaché du continent, comme détaché du rythme de vie du monde. La jeune femme du roman se pose cette question : « Habiter une telle solitude est-elle une liberté, ou une prison sans espoir ?».

Sans un peu de solitude depuis-je construire mon altérité ? Trop immergé avec les autres ne vais-je pas être qu’un reflet des autres ? Au final, puis-je faire de ma solitude un cocon et réaliser ce que nous préconisait Horace : « Dans la solitude, soyez un monde à vous-même » ?Le sujet principal de ce débat sera peut-être : autour de  la solitude voulue et de la solitude subie. Quelle  est notre responsabilité en regard de la solitude de l’autre, quelle est sa propre responsabilité? Autrement dit : comment puis-je agir ? En quoi et pourquoi suis-je concerné par la solitude de l’autre, des autres ? (Luis)  

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Le fleuve humain.

Je descends dans la rue

Pour le bain

Dans ce fleuve humain

Où plus d’un se noient

Chaque jour

(Extrait de : L’énigme du retour. Dany Laferrière. Grasset. 2009)

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 « La solitude existe-t-elle ? » Comme tous les gens que nous connaissons sont insulaires et pathétiquement seuls ! Et quand ils se rencontrent dans la rue, ils n’osent dire ce qu’ils pensent l’un de l’autre. C’est à bon droit, en vérité, que nous reprochons aux hommes du monde leurs politesses superficielles et trompeuses ! 
« Telle est la tragique nécessité que l’expérience rigoureuse découvre sous notre vie domestique et nos rapports de voisinage, nécessité qui, comme avec des fouets, pousse irrésistiblement chaque âme adulte au désert, et fait de nos tendres contrats quelque chose de sentimental et de momentané. Nous devons conclure que les fins de la pensée étaient péremptoires, puisqu’elles ont dû être assurées à un prix si ruineux. Elles sont plus profondes qu’on ne peut le dire, et relèvent de l’immense et de l’éternel. Elles descendent à cette profondeur d’où la société même surgit et où elle disparaît – où la question est : Qui a la priorité, l’homme ou les hommes ? – où l’individu est absorbé en sa source ».
    « De temps à autre, un homme de nature rare peut vivre seul, et doit le faire ; mais enfermez la majorité des hommes, et vous les désagrégerez ».
« Mais les gens doivent être pris à très petites doses. Si la solitude est orgueilleuse, la société est vulgaire […..] Toutefois ne soyons pas victimes des mots. Société et solitude, ce sont là des termes décevants. Ce qui importe, ce n’est pas le fait de voir plus ou moins de gens, mais la promptitude de la sympathie
 »   (Ralph Valdo Emerson. Société et solitude. A. Colin. 1911)

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Petite annonce.

Cherche une fille soleil pour chauffer ma banlieue

Une fille provencée pour mes escalators.

Cherche une main tendue dans la foule qui dort,

Ecrivez !

Cherche une fille fleur aux prés de saint Germain.

Une fille bateau pour partir sur la Seine.

Si vous voyez la mer au fond du RER,

Ecrivez !

J’ai laissé le soleil à l’autre bout du jour.

Je n’ai plus que la nuit pour trouver mon amour.

Cherche une amie peut-être au bout de ma campagne

Avec des yeux de ciel et des cheveux de feuilles.

Mais le ciel est plombé et l’été est ailleurs,

Ecrivez !

Ecrivez-moi des mots impossibles à dire.

Des mots d’eau qui ruissellent et des mots de forêt.

Cherche une fille en fleur dans la fille qui pleure,

Ecrivez !

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 « Triste certitude, le froid et l’absence, cet odieux silence, blanche certitude, tu ne viendras pas ce soir pour cueillir mon désespoir » (Tombe la neige. Adamo)

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 « Mais la nécessité de la solitude est plus profonde que nous l’avons dit ; elle est organique. J’ai vu plus d’un philosophe dont le monde n’est pas assez large que pour une personne. (Même) s’il affecte d’être un compagnon agréable…..L’impulsion de chacun est de s’écarter des autres, comme celle des arbres de tendre au libre espace. Quand chacun n’en fait qu’à sa tête, il n’est pas étonnant que les cercles sociaux soient restreints ». (Ralph Waldo Emerson. Solitude et société. A. Colin. 1911)

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 « Quelquefois si drôle sur un coin d’épaule, si drôle au regard qui frôle. Quelquefois si seule, parfois elles le veulent »  (Femmes. Julien Clerc)

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La philosophie est-elle la distance indispensable, le cocon où le philosophe produira le fil des savoirs. Ce sera par exemple Montaigne délaissant toute fonction, s’isolant dans sa tour pendant plusieurs années pour écrire « Les essais », pour faire l’écriture de soi, ou c’est encore Gustave Henri Thoreau qui s’isole dans sa cabane près de Concorde aux Etats –Unis. Le philosophe doit-il s’écarter du monde pour réfléchir   » je suis d’abord effrayé et confondu de cette solitude désespérée où je me trouve placé dans ma philosophie et j’imagine que je suis un monstre étrange et extraordinaire qui, pour son incapacité à se mêler et à s’unir à la société, a été exclu de tout commerce humain et laissé complètement abandonné et sans consolation  » (Hume, Traité de la nature humaine) (Luis)

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Nous pouvons voir plus particulièrement la solitude dans les campagnes où c’est parfois le facteur qui fait le lien avec le monde extérieur, jusqu’à ce que l’on supprime ce dernier maillon.

Plus ce monde vieillit plus les gens vivent  dans les villes. Seraient-ils plus heureux de vivre avec tout cet environnement, cette présence multiple, ou seraient-ils plus heureux parce cette multitude est anonyme au point qu’il n’y a pratiquement  personne qu’ils soient obligés de saluer. Le cocon serait-il alors de vivre seul dans la foule ?

La pauvreté isole. Avoir des moyens, une personne pourra sortir, aller au théâtre, au restaurant, fréquenter des endroits où il y a du monde, mais sans trop. Avec de l’argent certaines personnes vont même se payer des amitiés de complaisance. Cela peut leur suffire amplement. Ils trouveront ce que certains cherchent dans l’amitié, une autre personne avec qui parler de soi.(Luis)           

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Mon meilleur ami, film avec Daniel Auteuil :

  • « Je suis allé aux obsèques d’un ami, on étaient que sept »
  • On ne sera pas plus à ton enterrement, parce que tu n’a pas d’amis »
  • Mais ! J’ai 15 rendez-vous par jour, pas un moment de libre pendant trois semaines, et il y vous tous
  • Le meilleur ami, ce n’est pas toute une bande, tu n’a pas d’ami, ou tu m’en cite un…

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La solitude, terrible mot : même pas quelqu’un avec qui en parler. (Luis)

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Ma solitude.

Pour avoir si souvent dormi avec, ma solitude

Je m’en suis fait presque une amie, une douce habitude,

Elle ne me quitte pas d’un pas, fidèle comme une ombre.

Elle m’a suivi, ça et là, aux quatre coins du monde.

Non, je ne suis jamais seul, avec, ma solitude.

Quand elle est au creux de mon lit, elle prend toute la place,

Et nous passons de longues nuits, tous les deux face à face.

Je ne sais pas jusqu’où ira, cette complicité

Faudra t-il que j’y prenne goût, ou que je réagisse.

Non, je ne suis jamais seul, avec ma solitude.

Par elle j’ai autant appris, que j’ai versé de larmes.

Si parfois je la répudie, jamais elle ne désarme

Et si je préfère l’amour d’une autre courtisane

Elle sera à mon dernier jour, ma dernière compagne.

Non je ne suis jamais seul, avec ma solitude

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« Mais les gens doivent être pris à très petites doses. Si la solitude est orgueilleuse, la société est vulgaire »  (Ralph Waldo Emerson. Solitude et société. A. Colin)

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La solitude est-elle liée à la difficulté de négocier avec les autres, s’accommoder avec l’autre, même si  « l’enfer est-ce les autres ? »

Comme on aime bien qu’on nous aime, par égoïsme, pour ne pas retrouver seul, on fait des efforts sur soi-même pour être agréable aux autres.

L’homme est un animal social, tous comme les primates nous faisons société par nécessité, par empathie…

Il a été longtemps en usage dans certaines sociétés de faire une retraite. Retraite qui n’est forcement de caractère religieux (1). Cela peut correspondre à une nécessité de se retrouve en face de soi-même pendant plusieurs jours, ne communiquer avec personne, une nécessité d’aller à la rencontre de soi. Ceux qui sont passés par ces périodes de retraite ne ressortent pas exactement les mêmes à l’issue d’une retraite.

  Dans des sociétés ésotériques, avant l’intronisation d’un membre, celui-ci est isolé dans une cellule totalement vide avec une seule bougie sur une table et une tête de mort. (Luis)

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 « De temps à autre, un homme de nature rare peut vivre seul, et doit le faire ; mais enfermez la majorité des hommes, et vous les désagrégez » (Ralph Waldo Emerson. Solitude et société. A. Colin. 1821)

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« Les êtres humains sont sociables par nature, comme d’ailleurs tous les primates, sans aucune exception. Parmi les deux cents espèces de singes, il n’y en pas une seule qui vive de façon absolument solitaire. Il existe bien sûr des gens plus sociables que d’autres, mais celui qui est totalement asocial a manifestement un trouble de comportement. Il est possible qu’il soit devenu amer à la suite de frustrations ou de déceptions. Dès lors, il ne se comporte plus comme un homme « normal ». Les gens « normaux » vont à la rencontre des autres parce qu’ils y trouvent de l’intérêt. Ils le font parce que cet intérêt pour d’autres personnes leur fait à eux-mêmes du bien. Car la vie d’un individu qui reste prisonnier de son petit monde conduit nécessairement à des atrophies psychiques. Beaucoup de gens qui vivent seuls souffrent pour ainsi dire de claustrophobie dans leur propre existence. Ils organisent leur petit univers de façon très étriquée, ils deviennent raides et inflexibles, et ont du mal à supporter une quelconque influence du monde extérieur. Comme il leur manque la possibilité de comparer leurs impressions, ils se trompent souvent quand ils se jugent ou jugent les autres. » (Richard David Precht. Qui suis-je et combien, Voyage en philosophie. Belfond 2010)

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La solitude est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits. La solitude trouble les cerveaux qu’elle n’illumine pas »  (Victor Hugo)

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La solitude arrive parfois avec l’âge. Nous avons pleins d’amis, plein de copains quand nous avons 18 ans. Puis passent les années et les amis se font plus rares. La solitude s’installe-t-elle doucement autour de nous sans que nous puissions y faire quelque chose ? Ou sommes-nous responsables de cette solitude ? Vivre avec les autres n’est pas sans risque ! Nous avons tous entendu parler de ces personnes qui ont fait une croisière ensemble et qui ne se sont plus jamais parlé de leur vie ensuite. Des personnes vivent refermées sur elles-mêmes par crainte des aléas de la vie, créent le cocon de solitude. Ces personnes par contre connaissent tout de la vie de gens qui ne leur sont rien, ils connaissent toute de la vie des « peoples ». C’est la chanson de Jean-Jacques Goldman qui nous parle de cette solitude : « … Elle vit sa vie par procuration / Devant son poste de télévision, /  Elle apprend par la presse à scandale / La vie des autres qui s’étale. / … ».  La solitude a bien des dimensions : les prisonniers sont parfois terriblement seuls dans des prisons surpeuplées ; ils se sentent isolés. Moins sérieusement,  les amoureux, dit-on, sont seuls au monde ! Quelle belle solitude ! Et lorsqu’il y a une tempête sur la Manche, les Anglais disent que le continent est isolé ; nous voilà enfermés dehors ! (Luis)

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« Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie »  (Paul Valery)

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