Souvenirs

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Le grand Robert de la langue française : Ce qui revient ou peut revenir à l’esprit, spontanément ou pas, des expériences passées : image que garde et fournit la mémoire…,  ce qui reste comme en témoignage du passé

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. (1751/1772) : Le ressouvenir & la reminiscence expriment une attention fortuite à des idées que l’esprit avoit entierement oubliées & perdues de vûe : ces idées n’avoient  qu’une impression légère, qui avoit été étouffée ou totalement effacée par de plus fortes ou de plus récentes ; elles se représentent d’elles –mêmes, ou du-moins sans aucun concours de notre part ; c’est un événement ou l’ame est purement passive….

On a le ressouvenir ou la réminiscence des choses quand on peut ; cela tient à des causes indépendantes de notre volonté. Mais ressouvenir ramene tout-à-la-fois les idées effacées & la conviction de leur préexistence ; l’esprit les reconnoît ; au lieu que la réminiscence ne réveille que des idées anciennes sans aucune réflexion sur cette préexistence ; l’esprit croit les connoître pour la premiere fois…..

Dictionnaire Larousse : Survivance dans la mémoire, d’une sensation, d’une impression, d’une idée, d’évènements passés.

Synonymes : Evocation.Réminiscence. Ressouvenance. Se rappeler. Souvenance.

Contraire : Amnésie.Oubli.

Par analogie : Alzheimer.Anniversaire.Célébration. Evénement.Expérience. Idée. Image. Odeur. Mémoire. Pensée. Trace mnésique. Vestige.

Expression : Transmettez mon bon souvenir.

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Débat :                    « Peut-on balayer les souvenirs ? »                           17 09 2022

Une fois n’est pas coutume je commencerai avec une chanson, ou du moins les paroles d’une chanson.

Avec mes souvenirs, j’ai allumé le feu, Mes chagrins, mes plaisirs, je n’ai plus besoin d’eux Balayés les amours, avec leurs trémolos, balayés pour toujours, je repars à zéro

Il est évident que les souvenirs qu’on aimerait pouvoir balayer, ce sont les mauvais, et encore, on va en reparler

  Toutefois les paroles de la chanson : «  c’est payé, balayé, oublié, je me fous du passé » ces paroles nous posent question, car c’est alors faire tables rase, table rase de tous nos  souvenirs, bons et mauvais, comme une déconstruction de soi, démolition de ce substrat de notre personnalité.  

  Ma vie, notre vie à tous,  est un immense puzzle de souvenirs. Ces souvenirs, sont des marqueurs, des sédiments successifs. Ils sont comme des balises qui jalonnent, qui bornent et  relient tous les moments,  tous les évènements de notre vie ; ils font l’individu que nous sommes, nous sommes l‘étoffe de no souvenirs.

   Nos souvenirs sont la part la plus importante de notre individuation, je suis moi et mes souvenirs. J’ai un Lego de souvenirs, avec ce Lego j’ai construit une histoire ; mon histoire.

 Chaque souvenir, laisse sa trace mnésique, et  reste à tout jamais en nous, consciemment ou inconsciemment, car « Nul ne peut arracher une page de l’histoire de sa vie » (Georges Sand). Ils sont là, tous présents, comme tapis en nous, ils rôdent ; parfois ils resurgissent au hasard, ou, il se peut qu’ils resurgissent si je les rappelle, si je retrouve le fil conducteur qui me mène jusqu’à eux, car il arrive  que j’aie  « la mémoire qui flanche, que je ne souvienne plus très bien » 

 Ce fil peut être une association d’idée, un mot dans une conversation,

    Ce peut être, une odeur, une chanson, qui fait renaître un bout de passé, ce qu’on nomme aussi réminiscence, soit, toute chose pouvant ramener un souvenir à la surface. « Et tout d’un coup » écrit Proust, «  le souvenir m’est apparu.  Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin… ».  C’est la réminiscence laquelle, j’ajouterais, est une sensation, une émotion, avec son lien plus ou moins affectif, une émotion qui revient du passé.

« Avec le temps »  disait une intervenante dans ce même débat, « avec le temps –  j’ai une armoire de souvenirs pleine à craquer, avec le temps, j’ai un container de madeleines de Proust »

     Nous avons tous nos madeleines de Proust. C’est un peu pour moi, comme une odeur de  tartes aux fruits,   et tout à coup « il revient à ma mémoire » : il revient à ma mémoire, ses femmes qui préparaient les grands repas les journées de battage, de vendanges à la ferme quand j’étais encore un enfant, c’était pour moi des moments de joie, de jubilation. Les souvenirs, dit-on, se gravent plus fortement dans notre mémoire lorsqu’ils sont associés à une émotion, nos souvenirs seraient les empreintes de nos émotions, tel les empreintes dans la cire comme l’imaginai Platon, des empreintes nos émotions stockées.

    Voudrait-on balayer ses souvenirs, qu’on ne le pourrait pas, car malgré nous, le disque dur enregistre. Même si nous les avons oubliés, le rêve, chaque nuit, vient défragmenter tous ces souvenirs, et parfois, alors qu’on ne s’y attendait pas, les restituer.

Nous ne pouvons pas ranger nos souvenirs comme des paires de chaussettes ; les circonstances et le subconscient font un travail qui nous échappe, et pour nous  préserver, même le subconscient, pratique des coupes  comme nous le dit, entre autres, le philosophe  Bergson dans Matière et mémoire ;

   Imaginons un instant, que nous ayons souvenir de chaque instant de notre vie,  que nous puissions rappeler les souvenirs,  avec toutes les sensations qui leur sont liés.

   En me souvenant d’un mal de dents, j’aurais les douleurs que j’ai ressenties alors.  Bien sûr, je revivrais les instants merveilleux, avec toutes les émotions. Mais vivre avec une telle mémoire, des évènements, des réactions affectives, cela serait-il vivable ?

«  Si votre vie » écrit la philosophe Marianne Chaillan, dans son ouvrage Où donc est le bonheur ? « Si notre vie avait été fidèlement racontée dans une biographie, parcourriez-vous ce livre sans sauter aucun chapitre ? – [….] Si vous possédiez un tel album, réunissant tous les moments que vous avez vécus, en tourneriez-vous toutes les pages sans frémir ? » 

   Fort heureusement,-l’oubli, l’oubli remplit son rôle- et nous protège : «  L’oubli » nous dit Nietzsche, « est une vertu qui permet d’effacer les évènements L’oubli va permettre de réinitialiser le processus de quête de bonheur ».

   Alors,  pour survivre nous avons ce balai  qu’est l’oubli, lequel, nous permet de repartir, même, même, si ce n’est pas « repartir à zéro », comme dans la chanson d’Edith  Piaf.

    En revanche, certaines personnes ne veulent perdre en route aucun souvenir: et elles se complaisent dans le passé», c’est la nostalgie : c’est l’envoûtement des souvenirs. Dans un débat sur ce thème une intervenante disait : « sur la  cheminée de ma grand-mèreil y avait toutes les photos de ses oncles, tantes, parents..,  elle vivait avec eux,  dans le souvenir, elle vivait dans un monde révolu, passé,  c’était comme « avoir arrêter l’horloge », on n’habite pas que dans ses souvenirs.

  Ceci est imagé dans la Bible, par le mythe de la femme de Loth. Celle-ci, contrairement à l’avertissement des anges visiteurs, se retourne vers la ville de Sodome qui est en flammes, et là,  elle se trouve tout à coup, transformée en statue de sel.  La parabole nous dit qu’il n’est pas bon de vouloir trop vivre dans les souvenirs, dans le passé,  et qu’il faut laisser faire ce « balai »,  l’oubli,  pour ne pas, comme la femme de Loth, se trouver pétrifié.  Pétrifié dans un passé,  lequel ne nous permet plus, de  pouvoir affronter le présent, de pouvoir (pour reprendre l’expression de Nietzsche : «  réinitialiser ce processus de quête du bonheur »

Ce débat s’ouvre sur les trois concepts que sont : La mémoire (se souvenir),  Le souvenir, (se rappeler),  et l’oubli. (Luis)

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(Je me rappelle, je me souviens)  Une distinction apparaît très vite dans ce débat ce sont les notions de : souvenir et de mémoire. La mémoire c’est connaître ; Je connais les tables de multiplication, je connais le nom de tous les rois de France. Alors que le souvenir il survient. Même si les deux font appel au passé, à la mémoire, « je me rappelle »  est différent de  « je me souviens »

Un ami disait avoir vécu un tremblement de terre au Chili, il ne se rappelle plus très bien la date, mais il se souvient très bien de la peur des enfants, puis des blessés, etc, donc l’affectif imprime plus fortement.(Luis)

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L’inconscient a son balai, il efface. Il efface pour nous protéger, les psy parlent de souvenirs écrans, de souvenirs invalidants, de souvenirs toxiques, de censure par l’instance freudienne, du « moi », de souvenirs qui seraient trop dérangeants.

Le subconscient balaie, ou plutôt cache certains souvenirs, les psychanalystes connaissent bien ce phénomène de censure.  « Souvenir attention danger ! » dit la chanson de Serge Lama

Le subconscient a son programme, nous dirions aujourd’hui avec le langage informatique qu’il a son « antivirus » et que le souvenir toxique, traumatisant, tel un « malveillant » est  mis en « quarantaine », pour ne pas perturber notre programme.

   La censure est une notion reprise par Freud, lequel explique que des agents psychiques établissent comme une barrière qui empêche certains souvenirs de revenir à la conscience ; ils sont profondément enfouis, et une des instances de notre conscience, le « moi » le refoule, car il est issu d’un traumatisme qui inconsciemment continue à nous perturber, et il peut être cause d’une névrose. Alors si il a lieu, la thérapie sera de le faire revenir du passé, l’affronter, avec l’aide du thérapeute, pour pouvoir entamer une résilience, une guérison. Ce serait alors le retrouver pour le balayer, et enfin, « mettre à la corbeille » (luis)

 Tous nos souvenirs seraient suspects dont ceux de notre enfance. Nous redessinons l’image du souvenir, nous en faisons une nouvelle narration ; « le souvenir est capricieux, la légende l’emporte facilement » écrit Nicolas Mathieu dans son dernier ouvrage, « Connemara ».  Une théorie dit qu’à chaque fois que nous les rappelons, le subconscient apporte une infime modification, pour l’enjoliver. « Les souvenirs d’enfance, nous les recréons plus tard » (Carlos Saura. Art. El Païs)

 Le « je » sublime si c’est un souvenir agréable, et ce processus, après maintes remémorations amène à une modification du souvenir qui s’éloigne de la réalité. Ainsi on reconstruirait son histoire.  (Luis)

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(Expérience collective)  Quelqu’un me parlait d’une expérience faite en famille. Sur un même événement vécu, chacun devait le décrire en quelques lignes. Tout le monde n’avait pas le même souvenir, voire même, une narration très différente. Ceci pour nous rappeler la subjectivité qui intervient dans le « faire ressurgir ».  Nous déconstruisons et reconstruisons nos souvenirs. De fait il y a sélection dans la forme de reconstruction du souvenir en fonction de nos différentes personnes. J’ai le sentiment que nous embellissons les bons souvenirs, et que les mauvis souvenirs nous reviennent à l’état brut.  (Luis)

Les souvenirs qui nous rendent tristes. Des souvenirs sont liés à des personnes qui ne sont plus, des personnes pour qui notre amour, nos sentiments restent à tout jamais, effacer ces souvenirs serait effacer de notre cœur ces personnes, ce serait si je peux utiliser cette expression les faire mourir à tout jamais, car  » tout ce qui fut sera, pourvu qu’on s’en souvienne » dit le poète. (Luis)

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 Nous avons évoqué le fait que le souvenirs étaient un substrat de notre identité, et si un jour « on balayait les souvenirs », on se balaierait nous-mêmes, parce que si, comme nous le disait Shakespeare : « Nous sommes de  l’étoffe dont nos rêves  sont faits», nous pouvons dire aussi, que nous sommes faits de l’étoffe de nos souvenirs. (Luis)

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Les Souvenirs

Les souvenirs sont entrés par la porte

Comme au hasard

Adoucis par les ans comme une escorte

Qu’on avait cru semer dans le blizzard

Et je crois bien qu’ils cherchaient le pardon

Ou l’amnésie

Tu as rêvé, tu n’étais qu’un lardon

La douleur s’estompe avec l’amnistie

Je prononce l’anesthésie de vos angles

La déchirure

Prospère, bien cachée sous le triangle

Bourreau, victime, sauveur, en parjure

Les souvenirs je les ai recueillis

Comme un secret

J’ai enfoui les remords dans les taillis

De la belle aux bois dormants, sans regrets

J’ai habillé de nouvelles couleurs

Le désespoir

Maquillé d’un arc en ciel de douceur

Un futur grandiose pour encore y croire

Alors les souvenirs se sont rangés

Très sagement

Serrés comme des ressorts bien remontés

Dans la boite à rythme des sentiments

(Florence Desvergnes)

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Le voyageur de la vie a déposé ses bagages.

Si comme lui vous avez envie de vous lancer dans l’aventure, vous devrez vous alléger. Ne voyagez pas en touriste de l’existence, qui de peur de s’envoler, se leste à tout bout de champ de souvenirs frelatés, d’impérieuses nécessités, de priorités inventés, tout ça ne fera pas joli sur votre buffet, d’ailleurs que feriez-vous d’un buffet ? Vous pouvez très bien danser sans lui !

Vous ne garderez que les souvenirs qui sont plus légers que l’air, tout ce qui pèse vous le brûlerez, impitoyablement ! La cendre s’envole et n’a besoin que d’un souffle de vent pour aller plus loin, toujours plus loin ! Et s’il reste quelques scories, surtout ne les enfouissez pas dans les trous de votre mémoire, déposez les sur le bord du chemin, en petits tas, comme un autel dédié au sacrifice des remords inutiles.

Pour les souvenirs qui vous suivent, pas à pas, et dont vous ne pouvez pas vous débarrasser, ceux qui se dérobent quand vous tentez de les saisir, soufflez leur dessus en visant la faille de leur intégrité. Gonflés à l’air chaud, ils vous porteront.

Essuyez soigneusement les larmes des souvenirs tristes, elles pourraient geler au contact d’une réalité trop froide. N’hésitez pas à les déguiser, à les travestir, ils vous feront une véritable escorte de carnaval, bruyante et animée, elle tiendra à distance les démons des doutes et des hésitations. (Florence Desvergnes)

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« Lorsque qu’on est jeune on a plus de mémoire, lorsqu’on est vieux on a plus de souvenirs », et dans mon armoire pleine de souvenirs, avant les dégâts du temps,  avant, que de mes souvenirs, le temps, ne fasse, comme « le vent du nord » avec « les feuilles mortes » – avant que les souvenirs ne s’envolent – avant « qu’ils ne se ramassent à la pelle » – avant qu’ils ne s’éparpillent « dans la nuit froide de l’oubli », il me faut surtout  avec l’âge, revenir sur les sentiers de ma mémoire, et alors fixer certains souvenirs pour les transmettre.

    Dans ce sens, j’ai fait un livre de famille qui est surtout lié à la vie de ceux qui m’ont précédé, avec des photos parfois, avec de vieux extraits d’actes de naissance, de mariage….. C’est témoigner d’une époque, c’est raconter « ce temps d’avant », c’est faire revivre pour les générations futures, les protagonistes qui sont aussi leur histoire, leur identité. C’est fixer « du temps à l’état pur », et ce sera  plus tard « du temps retrouvé » (Luis)

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