Utopie

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L’ïle d’utopia de Thomas More;

Le Grand Robert de la Langue Française : Pays imaginaire, où un gouvernement  idéal règne sur un peuple heureux.

Idéal, vue politique ou sociale qui ne tient as compte de la réalité.

Encyclopédie de la philosophie. PUF : Du grec ou « non », et topos, ce terme signifie littéralement « non-lieu », autrement dit lieu qui n’existe pas. Il fut créé par Thomas More pour son œuvre homonyme (1516) …

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : ce qui n’existe nulle part, en aucun lieu. Un idéal si l’on veut, mais programmé, mais organisé, mais planifié…

Synonymes : Chimère. Illusions Mirage. Mythe. Rêve. Rêverie.

Contraires : Dystopie .Réalisme. Conformisme. Conservatisme.

Par analogie : Ailleurs. Billevesées. Espoir. Désirs. Faisable. Futur. Hypothèse. Idéal. Idéologie. Imagination. Ingénuité. Inovation. Irréalisme. Voile de Maya. Niaiserie. Possibles. Rêverie.

Expressions: Âge d’or. Cité radieuse. Le meilleur des mondes. Lettre au père noël. Monde bisounours.

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Du Grec « OU » (non), et de « TOPOS », (lieu). Soit littéralement « non-lieu », nulle part, ou, lieu qui n’existe pas. Thomas Moore avec son œuvre « Insula Utopia », est à l’origine de ce mot. Dans l’utilisation courante, le mot est le pus souvent utilisé avec la connotation péjoratives : idées nobles mais dépassées, irréalisables. 

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« Tous les réalistes ennemis de l’utopie, prétextant s’en vouloir tenir qu’à ce qui est faisable, finissent par ne défendre que ce qui se fait »  (Jean-Jacques Rousseau. Préface à Emile)

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« Mais j’admire encore davantage que, la société étant ce qu’elle est, certains se soient évertués à en concevoir une autre, toute différente. D’où peut bien provenir tant de naïveté, ou tant de folie? » Cioran)

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« Une utopie qui se borne à décrire un rêve impossible est plus néfaste qu’utile ; le fossé entre le réel vécu dans l’instant et le souhaitable imaginé pour plus tard apparaît définitivement infranchissable. Tous les abandons sont alors justifiés, tous les projets se heurtent à la lâcheté des « A quoi bon   (Albert Jacquard)

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Les utopies sont des graines semées en un temps, certaines ne donneront rien, comme balayées le vent du temps qui passe, d’autres resteront en terre, et un jour peut-être, un siècle ou des siècles après, elles vont germer faire naître et renaître  des idées qui ne seront, plus alors des utopie, tel des idées qui furent utopiques en un  temps, comme :

Que les travailleurs ne travaillent pas plus de quarante heures.

Que ouvriers employés aient droit à des congés payés

Que chaque français ait une protection maladie

Que chaque employé travailleur ait droit à un retraite par un système mutualisé.

Que les femmes voteraient

Qu’elles choisiraient de mettre au monde ou pas

Qu’elles puissent être : docteure, avocate, juge, ministre,etc

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« Chaque époque s’emploie à divaguer sur l’âge d’or. Qu’on mette un terme à ces divagations : une stagnation totale s’ensuivrait. Nous n’agissons que sous la fascination de l’impossible : autant dire qu’une société incapable d’enfanter une utopie et de s’y vouer est menacée de sclérose et de ruine. La sagesse, que rien ne fascine, recommande le bonheur donné, existant ; l’homme le refuse, et ce refus seul en fait un animal historique, j’entends un amateur de bonheur imaginé » (Cioran)   

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« Il faut oser donner à l’initiative l’idéal qui l’oriente et le stimule «   (Henri Pena Ruiz)

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Cioran évoquant dans « Histoire et utopie » l’échec du Communisme :

« Ici comme là-bas, nous en somme tous à un point mort, également déchus de cette naïveté où s’élaborent les divagations du futur. A la longue la vie sans utopie  serait irrespirable, pour la multitude du moins : sous peine de se pétrifier, il faut au monde un délire neuf. En attendant, notre situation, à nous autres ici ne laisse pas d’être curieuse.  Imaginez une société, surpeuplée de doutes, où, à l’exception de quelques égarés, personnes n’adhère entièrement à quoi que ce soit, où, indemnes de superstitions et de certitudes, tous se réclament de la liberté et nul ne respecte la forme de gouvernement qui la défend et l’incarne. Des idéaux sans contenus »         (Cioran. Histoire et utopie)

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« La critique à posteriori d’une utopie, se fonde le plus souvent sur une nouvelle utopie, qui demain, après demain, risque de se révéler pour ce qu’elle était ». (J.C. Guillebaud)

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    Rappelons-nous la situation de Hayek en 1947, le sort n’était pas pour lui, ce texte de 1949 qu’il écrivit pourrait même servir de modèle à ses adversaires, nous servir de modèle « Nous devons être en mesure de proposer un nouveau programme libéral qui fasse appel à l’imagination. Nous devons à nouveau faire de la construction d’une société libre, une aventure intellectuelle, un acte de courage. Ce dont nous manquons c’est d’une utopie libéral »

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Ceux qui refusent le principe d’utopie parlent souvent d’utopie régressive, alors que l’utopie propose quelque chose au-delà de ce qui existe.

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« Mieux vaut changer ses désirs » disait Descartes, « que de vouloir changer l’ordre du monde ». Une négation totale de l’utopie. Les Marxistes plus clairvoyants en cela, à défaut de changer le monde, voulaient changer la société, même cela finira en distopie;

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 « Tous les réalistes ennemis de l’utopie, prétextant s’en vouloir tenir qu’à ce qui est faisable, finissent par ne défendre que ce qui se fait »         (J. J. Rousseau. Préface à Emile).

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« Le monde occidental est devenu un champs de ruine des utopies et des idéologies » (?)

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 « ..et bien sûr, si tous les désirs se voyaient satisfaits aussitôt qu’ils s’éveillent ? A quoi les hommes passeraient leur temps ? Imaginez cette race transportée dans une utopie où tout adviendrait spontanément, et où les dindes voleraient toutes rôties, où les amants se retrouveraient sans plus attendre et sauraient rester ensemble sans trop de difficulté ? En un tel lieu, certains hommes mourraient d’ennui, ou se pendraient, d’autres lutteraient et s’entretueraient, et ainsi ils créeraient plus de souffrance que la nature leur cause, ainsi qu’il va aujourd’hui » (Arthur Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation)

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« L’utopie est une inaccessible étoile, le point au loin, à l’infini qui donne la trajectoire » (Henri Pena Ruiz)

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Dans la critique de la raison pure, Kant nous parle de « la colombe qui vole vers les cieux », qui vole toujours plus vite, toujours plus haut, pensant que lorsqu’elle aura atteint le vide, hors de l’atmosphère, il n’y aura plus de limite à la vitesse de son vol. mais dans l’air, sans sa densité, la colombe ne vole pas. Il en va parfois ainsi des utopies, elles peuvent exister, constituer un idéal, un but, mais elles ne peuvent supprimer la réalité présente » (Luis)

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 « Etre réaliste, c’est tenir compte de la réalité telle qu’elle est. Etre conformiste, c’est s’en contenter. L’aspiration au changement est réputée irréaliste ou utopique par ceux qu’elle dérange : le qualificatif polémique prétend impossible ce qui n’est pas souhaité. Le conformisme réduit la réalité à sa configuration momentanée, qu’il feint de croire indépassable ». (Le roman du monde. Henri Pena Ruiz)

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Utopies

L’air sera exempt de tout poison qui ne viendra pas des peurs et des passions humaines ;

les gens ne seront pas conduits par l’automobile, ni programmés par l’ordinateur,

Ni achetés par le supermarché, ni regardés par la télé.

Les gens travailleront pour vivre, au lieu de vivre pour travailler.

On introduira dans le code pénal le délit de stupidité, que commettent ceux qui vivent pour posséder ou pour gagner, au lieu de vivre tout simplement pour vivre, comme un oiseau qui chante sans savoir qu’il chante, et comme un enfant qui joue sans savoir qu’il joue.

On emprisonnera plus les jeunes qui refusent de faire leur service militaire

Mais ceux qui veulent le faire.

Les économistes n’appelleront plus, niveau de vie, le niveau de consommation.

Les politiciens ne croiront pas que les pauvres sont enchantés de promesses.

Le monde ne sera plus en guerre contre les pauvres, et l’industrie  de l’armement n’aura plus d’autre solution que de se déclarer en faillite.

La nourriture ne sera pas une marchandise, ni la communication un commerce, parce que la nourriture et la communication sont des droits humains.

Nul ne mourra de faim, car nul ne mourra d’indigestion.

L’éducation ne sera pas le privilège de ceux qui peuvent payer.

La police ne sera pas la malédiction de ceux qui ne peuvent pas l’acheter.

Une femme noire sera présidente du Brésil et une autre femme noire, sera présidente des Etats-Unis ; une Indienne gouvernera le Pérou, et une autre le Guatemala.

Notre sainte mère l’Eglise, corrigera les erreurs des tables de Moïse, et le sixième commandement ordonnera de fêter le corps.

L’Eglise dictera aussi un autre commandement que Dieu avait oublié

 «  Tu aimeras la nature dont tu fais partie ».

Les déserts du monde, et les déserts de l’âme seront reboisés.

Les désespérés et les égarés seront retrouvés, car se sont ceux qui se désespèrent à force d’espérer et qui s’égarent à force de se chercher.

La perfection restera l’ennuyeux privilège des Dieux,

 mais dans ce monde fou et foutu, chaque nuit sera vécue comme si elle était la dernière, et chaque jour comme s’il était le premier.

(Profession de foi clairvoyante et malicieuse de l’Uruguayen Eduardo Galeano, lors du discours pour le 50 ème anniversaire du Monde diplomatique. 8 mai 2004)

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« Je suis donc convaincu que les ressources ne peuvent être réparties également et justement… que si l’on ne supprime la propriété. Aussi longtemps qu’elle subsistera, l’humanité portera le lourd fardeau portera un lourd et inévitable fardeau de misère et de souci…., mais la supprimer complètement est impossible je vous l’affirme » (L’utopie. Thomas More)

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« Concevoir une vraie utopie, brosser avec conviction, le tableau de la société idéale, il faut une certaine dose d’ingénuité, voire de niaiserie, qui, trop apparente, fini par exaspérer le lecteur. Les seules utopies lisibles sont les fausses, celles écrites par jeu, par amusement… » (Histoire et utopie. Cioran. Folio essais. 1960)

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« Le monde ne peut pas vivre sans utopie, et il en inventera de nouvelles » (Où sont passés les intellectuels. Enzo Traverso)

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: « Les utopies comme bien plus réalistes qu’on le croyait autrefois ; Et nous nous  trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ?

Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique, moins parfaite et plus libre. Dans les décennies suivantes, les illusions de « nouvelles terres  »ont pris de plus en plus l’allure d’un nouvel enfer » En épigraphe de l’ouvrage d’Aldous Huxley, on trouve ce texte de Nicolas Berdiaeff 

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« L’imaginaire utopique ne supporte tout simplement pas l’incertitude. Il nous propose une vie où chaque jour ressemble à celui qui l’a précédé et le suivra : une vie rassurante mais sans épaisseur. (Et l’auteur de citer ce teste de Jean Servier, dans l’histoire de l’utopie)

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« Toutes les erreurs, toutes les souffrances, toutes les cruautés de la vie sont écartées par la vision de la cité radieuse comme par les promesses de la science. Toutes deux sont un antihasard, une planification de l’avenir »

Nous ne sommes pas faits pour un monde où demain ressemblera toujours à aujourd’hui, même si certains ont voulu en faire une définition du paradis. Cet imaginaire de l’utopie répond à nos impératifs: la réduction de l’incertitude et le besoin de routine. Cependant en concevant un monde  qui pourrait y répondre, il n’y a d’autre choix que de fouler aux pied un impératif symétrique : l’exploration du possible, le désir de surprise, et l’appétit pour l’imprévu »  (Gérald Bronner. Apocalypse cognitive. 2021)

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« L’utopie ce n’est pas l’irréalisable, c’est l’irréalisé »  (Théodore Monod)

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«  Souhaitez-vous donc une vie délivrées de ses songes et de ses utopies, Une vie entièrement vouée aux morales utiles ?

Souhaitez-vous que nous abandonnions,  tout ce qui a tenu les femmes et les hommes debout, le goût du rêve, le goût du risque et de la soif des choses nouvelles quel que soit le nom qu’on leur donne ?

Avez-vous oublié que l’utopie est un des meilleurs adjuvants de la vie ? [….] Avez-vous oublié  qu’elle constitue une impulsion inouïe pour la pensée, qu’elle pousse dans le dos jusqu’à des terres inviolées ou laissées en jachère, en attendant qu’elle donne forme à d’inconcevables hypothèses ?

Ignorez-vous que les plus belles découvertes sont nées de ces explorations de l’impossible auxquelles se sont livrés quelques donquichottesques esprits ?

Et que les utopies les plus folles sont vouées à se réaliser un jour ou l’autre ? Toue l’Histoire, cher Monsieur, nous l’apprend ». (Lettre à Cervantès) (Lydie Salvayre. Rêver debout. Seuil 2021)

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«  …l’utopie est concomitante à l’acte même de penser. Depuis que l’homme est capable de penser le monde, il a toujours rêvé d’une ailleurs, d’un monde peut-être improbable, mais qui n’en reste pas moins possible. Il serait donc dommage de se limiter à une vision réductrice  de l’utopie, ce que nous impose malheureusement langage courant. Quand on parle d’utopie c’est soit pour évoquer les systèmes totalitaires qui ont broyé l’homme sous prétexte de lendemains qui chantent, soit pour désigner le domaine de l’irréalisable. […] L’utopie peut donc transformer le monde suivant les directions que nous voulons lui donner. Mais elle est aussi un formidable laboratoire d’innovations. L’utopie provient d’une impulsion créatrice essentielle. Elle est ce décalage permanant, vitale, entre le champ de mon expérience immédiate et le champ de u possible. L’utopie comme laboratoire, loin d’être ce système clos sur lui-même ; est un espace indispensable  de recherche et d’expérimentation » (Karine Safa.  Pourquoi la Renaissance peut sauver le monde. Editions Plon. 2022)

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« Le philosophe allemand Karl Mannhiem la défini (l’utopie) comme « ce qui permet d’explorer les possibles latéraux ». Voilà de quoi sortir d’une conception trop étroite de l’utopie qui consiste à la voir dans sa confrontation avec le réel, dans une tension entre le possible et l’impossible.  N’est-ce pas lui assigner un bit unique et forcément réducteur ? Alors que l’utopie, encore une fois est destinée à ouvrir des champs et proposer des solutions alternatives aux impasses induites par les excès de notre postmodernité.. » (Karine Safa.  Pourquoi la Renaissance peut sauver le monde. Editions Plon. 2022)

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Nous appelons utopie ce que nous estimons comme irréalisable, « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » (Marc Twain)

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