Violence

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Judith décapitant Holopherme. Le Caravage. 1599. Galleria nazionale de Arte Antica. Rome.

Le Grand Robert de la Langue Française : Force brutale pour faire soumettre quelqu’un.

Disposition naturelle  à l’expression  des sentiments 

Trésor de la langue française : Force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu’un ou pour obtenir quelque chose.

– Contrainte illicite exercée sur quelqu’un pour obtenir quelque chose avec son consentement. – Fait d’agir sans le consentement de la personne intéressée

– Usage de la force dans la contestation sociale, dans la répression des conflits.

– Acte(s) d’agression commis volontairement à l’encontre d’autrui, sur son corps ou sur ses biens

Dictionnaire philosophe d’André Comte-Sponville : C’est l’usage immodéré de la force. Elle est parfois nécessaire (la modération n’est pas toujours possible), jamais bonne. Toujours regrettable, pas toujours condamnable. Son contraire est la douceur…

Synonymes : Agitation. Agressivité. Animosité. Attentat. Brusquerie. Brutalité.  Colère. Crime. Cruauté. Déchaînement. Démence. Dureté. Emportement. Fureur. Furie. Guerre. Impétuosité. Irascibilité. Prendre de force. Rage. Rapt. Révolte. Rudesse. Sévir. Véhémence. Violer. Voies de fait.

Contraires : Apaisement. Calme. Douceur. Non violence. Pacifisme. Paix.

Par analogie : Coups.Cruauté. Battre. Blessure. Brusquerie. Exaspération. Frapper.Fureur. Maltraitance. Méchanceté. Non-violent. Querelle. Sévices. Virulence.

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Dans une ville d’Andalousie (en 2003) un Iman, (Iman de Fuengirola) préconisait de battre les femmes qui n’obéissaient pas au mari. Il y a eu de nombreuses manifestations dans le pays et cet Iman a été déplacé. Il est certain que l’esprit obtus qui lit les textes et les traduit littéralement, peut trouver une bonne excuse à sa violence. La Tâ’a, obéissance au mari, est considéré par l’Islam comme un devoir religieux. Celles de qui vous craignez l’insoumission, faites leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les » (Coran. Sourate IV, Verser 34)

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« Les formes majeures de violence que sont le chômage de masse, la généralisation de la précarité des statuts, l’aggravation et l’exploitation des inégalités, la discrimination raciale et ethnique, la criminalité en col blanc. Mais aussi les violences policières, ainsi que la focalisation sur la seule délinquance de la rue, liée à l’aggravation de la misère sociale ». (Erwan Lecoeur. « Néo populisme à la Française ; trente ans de front national. Edit. La Découverte 2003)

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La violence est intrinsèque à l’individu, même si l’on s’en défend, même si nous sommes capables de la maîtriser, de la canaliser. Elle existe déjà chez l’enfant. Dans un livre « Si tout n’a pas péri avec mon innocence »  d’Emmanuelle Bayamack-Tam, celle-ci évoque cette : « …ces petits loups pour l’homme, qui perpètrent leurs crimes depuis la nuit des temps, bien à l’abri derrière leur lois de la jungle »

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– Las Casas :« La violence détruit l’innocence, et change les brebis en loups » La controverse de Valladolid. Jean-Claude Carrière)

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Vers 1930 Gandhi s’investit dans la lutte contre l’occupant anglais. Comment lutter contre le pays qui est alors la première puissance commerciale, première puissance militaire, sur terre, comme sur mer. Contre cette super puissance Gandhi oppose « la non violence ». Il va être emprisonné, il va jeûner. Et il va apprendre à tisser lui-même le coton, et il demandera aux Indiens d’en faire de même. Ainsi il va détruire le monopole des Anglais sur le coton; lesquels étaient les acheteurs exclusifs d’un coton qui était ensuite tissé en Angleterre pour être avec exclusivité vendu en Inde. (Luis)   

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« La vraie violence, c’est d’obliger les gens à vivre comme ils ne voudraient jamais vivre, s’ils avaient le choix ».  (Interview Métaleurop, paroles ouvrières. Frédéric. H. Fajardie)

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« L’exposition répétée à la violence, rend le public anxieux, méfiant, exagérant le risque d’agression. Plus les enfants regardent les émissions violentes, plus la violence leur paraît acceptable, et plus ils en retirent de plaisir. Ils ont du mal à démêler le vrai du faux » (Georges Grebner. Université de Pennsylvanie)

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– Las Casas – « Ces peuples ne nous faisaient pas la guerre ! Ils venaient à nous tout souriants, le visage gai, curieux de nous connaître, chargés de fruits et de présents ! Ils ne savent même pas ce que c’est la guerre ! Et nous leur avons apporté la mort ! Au nom du Christ ! » (La Controverse de Valladolid. Jean-Claude Carrière)

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« Le moins qu’on puisse dire pour le moment est, en tout cas, que la part de violence et d’injustice n’est pas en train de diminuer avec la mondialisation de l’économie. Le règne de l’argent et du profit est devenu si obscène, il y a une telle quantité d’injustice, d’inégalité et de misère qu’elle fini par être considéré  comme normal, à quoi il faut ajouter une quantité presque aussi grande de tartufferie… » (Jacques Bouveresse)

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La violence peut être verbale, laquelle violence verbale attise parfois la plus grande violence. Nous avons tous en mémoire ces images d’Adolf Hitler et de vociférations, mais elle peut venir d’individus moins connus pour leur cruauté. Un de exemples est Ronsard, qui lors des répressions comme les réformés, autrement dit, les protestants, partisan proche du fanatisme de la Ligue (les catholiques) écrit ces lignes, « Mignonne, allons voir, si la rose…. » ; derrière le poète,  un assassin en verbe ? (voici un extrait de cette diatribe 🙂                                                                                        

« Il faut tuer le corps de l’adversaire,

Sans se laisser par tronçons rechercher

Il faut, mon Duc*, la despouille attacher,

Toute sanglante au dessus-de la porte

Du Temple saint{…..]

Et rien ne sert de combattre à demy :

Il faut du tout vaincre son ennemy [….]

(Couper) les chefs au Serpent Hugnotique »

(*Duc de Guise, chef de la Ligue)

 (Ronsard Œuvres complètes. Pléiade, t, II, p .628. De l’incertitude de notre jugement)

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« Ferdinand Buisson dans l’ouvrage, « Sébastien Castellion, Chap. III De l’humanisme et de la réforme » parle des « reposoirs ». Il l’emploie à propos des processions expiatoires du 29 janvier 1535…Sur le passage du roi, à un signal, six bûchers furent allumés à Paris. Ce fut la première fois qu’on brûla les hérétiques, (protestants) tout vifs, en les faisant, en outre, à l’aide de chaînes de fer, monter et descendre au-dessus des flammes » (Extrait de Montaigne et son temps. Géralde Nakam. Page 69. Tel Gallimard)

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« …- Dieu a défendu la violence : il l’abomine.

  • Et l’Enfer ? Cois-tu qu’on n’y fait pas violence aux damnés ?   (Théâtre ; réplique. Le diable et le bon Dieu. Jean-Paul Sartre)

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« Il n’y a pas de moyens plus violents de cœrcition contre les travailleurs que le chômage et la peur qu’il engendre » (Henri Krasucki)  

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Le progrès de l’humanité, la perfectibilité de l’individu  est maximum de liberté dans un maximum de non violence, un maximum de sécurit. La sécurité des personnes et des bien est à inscrite à l’article Deux des droits de l’homme. Nous sommes en plein paradoxe quand nous réclamons plus de liberté et tout à la fois plus de sécurité.

Au moyen âge : 300  à 500 personnes étaient tuées dans Paris chaque nuit. Nul ne sortait s’il n’était escorté d’hommes en armes. Nos sociétés occidentales sont de plus en plus sures, par exemple 1 homicide par an pour 100000 habitants au Danemark, 6,5 pour 100000 aux USA, et 60 pour 100.000 en Colombie, et là nouveau paradoxe, en France où le nombre d’homicides est un des plus bas du  monde avec 0,7 pour 100000, les Français se sentent plus agressés par la violence que les Colombiens. Nous voulons la sécurité, mais nous sommes réticents à la surveillance par caméra, nombre de personnes s’élèvent contre biométrie. Au final les moyens pour lutter contre la violence sont ressentis eux-mêmes comme une violence.

      Nous ne ressentons pas la violence de la même façon si nous avons 60 ans ou si nous avons quinze ans. Cela reviendrait à dire que la jeunesse s’accommode mieux d’une certaine violence, mais pas les personnes âgées.

     Je ressens comme violence tout ce qui attaque, tout ce qui va à l’encontre des principes auxquels je tiens : c’est la solidarité, par exemple solidarité devant la maladie, « on l’on cotise en fonction de ses revenus et l’on est soigné en fonction de la maladie ». Je suis agressé par la ségrégation à l’emploi ; quand on est black ou beur c’est mission impossible,  (voire le film de Yasmina Benguigui : Le plafond de verre).

       Je suis agressé, je ressens comme violence envers mes proches, les bateaux qui échouent du côté de Gibraltar (Les pateras), avec des jeunes africains morts pendant le trajet. Je suis agressé, quand je vois, quand j’entends que des familles avec des enfants vont coucher dans la rue. Je suis d’autant plus agressé qu’en même temps, je vois des reportages, des infos qui présentent un étalage ostentatoire de richesse, de luxe presque indécent dans ce contexte. Je suis agressé dans mes convictions quand je vois le recul social, la régression des acquis qui furent des luttes de nos parents. Je suis agressé quand je vois toute cette misère qui perdure, quand j’entends que chaque jour, des milliers d’enfants continuent à mourir de mal nutrition. Je suis agressé dans cette société de l’apparence qui tend en regard des progrès techniques à se déshumaniser.

      J’ai beau être suivant l’adage populaire, «philosophe » ! Je ne peux me résigner à la philosophie des trois petits singes. Pour moi : j’entends, je vois, donc je dois dire ! (Luis)    

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En 2002 un rapport  remis au gouvernement dénonce les violences au cinéma, à la télévision, dans les jeux vidéo (rapport Kriegel). Deux points de vue :

Y a-t-il rôle formateur, prise de conscience  –  Ou, la violence gratuite, l’apologie de la violence seraient propres créer de l’agressivité, à barbariser la jeunesse ?

Nous protégeons le plus possible les enfants de la réalité du monde afin de les garder le plus longtemps dans l’innocence, laquelle est indispensable pour que l’individu passe par sa phase insouciante de l’enfance. Mais que nous le voulions ou non, il va découvrir par lui-même le monde comme il est, les adultes comme ils sont. Les laisser faire tout ce chemin seul n’est-il pas dangereux ? Cela risque de faire tomber brutalement toutes les illusions, et rejeter l’innocence et la pureté à tout jamais. Peut-on lâcher dans la société des enfants qui seraient encore dans un conte de fée ? Avec un peu de chance il fera lui-même le parcours, l’expérience des autres, il apprendra à les connaître avec leur qualité, leurs défauts, et son amour du genre humain pourra peut-être reprendre le dessus, et qu’alors averti il retrouvera une part d’innocence.

Ou, perdons-nous l’innocence, revenons-nous à la barbarie et transmettons-nous cette barbarie aux enfants. On s’interroge devant les malheurs dus à des jeux d’enfants de 7 à 10 ans dans les cours de récréation : c’est jeu du «  petit pont massacreur ». Les enfants se jettent un ballon, celui qui ne rattrape pas a perdu. Le groupe peut alors le battre, le rouer de coups : un enfant est mort, un second le foie éclaté, était  dans le coma !…….

Pouvons-nous valider l’idée de Rousseau pour qui « l’Être humain est bon dès sa naissance » ? Idée à laquelle nous n’oserions pas opposer celle d’Alphonse Allais pour qui : « Il y a des jours où l’absence d’ogres se fait cruellement sentir »   (Luis)       

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« Le comportement humain est en grande partie déterminé par les expériences qu’on a vécu et les expériences que l’on a adoptées. Les hommes sont égaux entre par nature : les différences sont dues à l’éducation et au milieu. Ce sont la corruptionde la société et l’ignorance qui provoque le vice et les comportements immoraux, il faut donc pour les combattre réformer la société et le milieu puis dans un second temps, transformer et uniformiser l’éducation des individus. Puisque le penchant au vice n’est jamais inné, mais toujours acquis, l’éducation peut,  être l’instrument capable de former des individus sociaux et vertueux ».  (Claude Adrien Helvétius. 1715.1771)

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Intervention au débat : « L’éducation à la non-violence est-elle garante de la paix? » 20 janvier 2010

(Extrait) L’auteure met dans la bouche des « vieilles » (Roman « Les vieilles ») des réflexions que nous entendons chaque jour , même chez des personnes plus jeunes : à savoir que le flot discontinu d’informations, d’un scoop qui chasse l’autre, des guerres vécues en directs, cela finit par avoir sur certaines personnes un effet de banalisation des drames. (Page 64/65)  « Sur l’écran des Chinois castagnent des Tibétains. A toute vitesse un char chinois roule sur des blessés…tout est souillé de sang. Puis des Américains castagnent des Irakiens…si on veut la paix, il faut préparer la guerre.

Paulette se tourne vers madame Rousse

  • Mais c’est horrible ce qu’on entend !
  • -Vous savez, c’est tous les jours comme ça, on n’y fait plus attention.
  • Mais si vous n’y faites plus attention, pourquoi vous regardez ?
  • Ça tient compagnie ! ça fait une présence ! Et puis on voit où va le monde..
  • Il va droit dans le mur le monde…
  • Et alors ? Ce ne sera pas pour nous ! Nous, on a fini notre vie, quasiment on a eu le meilleur. Après nous le déluge ! moi, je m’en fiche de ce qu’on va laisser à nos enfants et nos petits enfants…Qu’ils se débrouillent !
  • Mais c’est horrible ce que vous dîtes !

Ma chère Paulette vous êtes d’un naïf. Vous croyez vraiment que parmi tous ceux qui vous entourent il y  en a un seul pour se préoccuper de l’avenir de la planète ? Nous les vieux, nous allons mourir et c’est notre seule hantise. Alors, comment voulez-vous que nous ayons l’esprit à penser comment ce sera après nous ! Après nous, vrai, on s’en fout comme de l’an quarante » (Ce texte revient plusieurs fois)

Alors, est-ce égoïsme ? pragmatisme ? Indifférence ? Comment juger. Peut-être que des personnes qui ne sont plus actifs devant le laxisme de ceux qui en capacité d’agir pour ce monde, finissent par cette forme de cynisme.

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Viloence ordinaire! En décembre 2005 à Etampes, une enseignante est agressée par un élève qui lui donne sept coups de couteau qui auraient pût être mortels. Les blessures physiques se cicatrisent au fil du temps mais les séquelles psychologiques sont durables. Depuis la rentrée de septembre 2005, elle alertait ses supérieurs des agressions verbales dont elle était victime…. Par six fois elle a informé : direction de l’établissement, rapport au proviseur, conseil de classe, Inspection d’Académie ; aucune réaction. « L’école doit demeurer un endroit protégé de toute forme d’expression de violence ». Ces dernières semaines, une autre enseignante a été frappée, à Vitry-sur-Seine, par un jeune qui n’était pas scolarisé dans ce lycée et qui refusait de sortir. Chaque  jour, dans une école, une nouvelle agression.

Les Inspecteurs généraux de l’Education nationale indiquent dans leurs conclusions que le lycée Louis Blériot à Etampes, ne connaît pas de « difficulté caractérisée ». Les signaux d’alerte des professeurs seraient-ils ignorés ? Ceux-ci sont indignés et pour cause ! Le mal serait-il une fatalité inhérente de nos enfants, doit-on baisser les bras, dire que l’on n’y peut rien, ou alors faut-il après avoir pris le temps d’analyser  le mal et ses causes, prendre des mesures qui garantissent plus la sécurité des enseignants ? Dans le cas où ce dossier serait classé sans suite, nous serions face, d’une part : à un acte de lâcheté de la part  d’une société, d’individus que n’assument pas leurs responsabilités, qui oublient « qu’il appartient toujours à une génération d’éduquer la génération suivante » (Kant),  et d’autre part, devant une « non-assistance à personne en danger ».

 Nous avons vu la droite instrumentaliser la violence, comme lors des élections présidentielles en 2002, puis, certains à gauche  pousser des cris d’orfraie dès que l’on évoque le contrôle des mineurs dans les rues après minuit, ou un meilleur encadrement de la violence à la télé, dans les films, dans les jeux vidéos. La violence est montrée, mais les causes et les raisons qui la génèrent, la sèment, l’alimentent sont  rarement abordées ; c’est le cas de la violence économique ou de la violence de l’image à but mercantile. En détruisant les valeurs morales qui forment notre individuation, on détruit les aptitudes au jugement critique des individus, on banalise la violence, on favorise le retour au barbarisme.

C’est en tolérant de nombreux aspects de la violence qu’elle est banalisée. En la nommant parfois, pudiquement ou hypocritement, « incivilité », les pulsions de violence de la jeunesse se développent ;   cela donnera   le 16 octobre 2020 l’assassinat de Samuel Paty.  (Luis) 

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« …..Pour toutes ses raisons, personne ne peut nier ce que signifie l’assassinat d’Abel par Caïn : l’introduction de la violence dans le monde… » (Eduardo Mendoza. Las barbas del profeta. Editor Planeta. 2022)

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